Monsieur le ministre, je voudrais saisir l'occasion de ce débat budgétaire pour soulever les problèmes de la proximité et de la démocratisation de l'enseignement supérieur.
Certes, l'expression « démocratisation de l'enseignement supérieur » peut paraître un peu dépassée tant nous avons fait de progrès en ce domaine ! Nous ne sommes plus dans les années soixante durant lesquelles la France comptait seulement quelques centaines de milliers d'étudiants et peu de villes universitaires.
En effet, une première phase de démocratisation s'est accompagnée, dans les années soixante, de la création de nouvelles universités. Une nouvelle vague a marqué les années quatre-vingt ; il était temps, car les chiffres montraient que beaucoup de jeunes ne s'engageaient pas dans l'enseignement supérieur, alors qu'ils en avaient la capacité, parce que leur lieu d'habitation était trop éloigné d'une ville universitaire, et que les frais de logement et de transport étaient trop élevés pour qu'ils osent demander cet effort à leur famille. C'était incontestablement, pour eux et pour notre pays, une perte !
Néanmoins, dans ces années-là, les universités, qui étaient confrontées à une démographie dynamique, constataient que le poids des premiers cycles ne cessait d'augmenter. Elles ont alors compris qu'il valait mieux, parfois, déplacer quatre professeurs vers un site jusqu'alors dépourvu d'enseignant, plutôt que de faire venir quatre cents étudiants supplémentaires dans un premier cycle d'enseignement supérieur d'une université complètement submergée.
Malheureusement, aujourd'hui, la démographie n'est plus la même. Le taux d'accès à l'enseignement supérieur s'est amélioré ; les universités « mères », qui ne sont plus, désormais, menacées par ce flot d'étudiants de premier cycle et qui voient leurs effectifs plafonner, voire régresser, ont tendance à ramener à elles les enseignements de premiers cycles et leurs étudiants. Cela n'est pas sans poser des problèmes aux villes moyennes, qui s'étaient réjouies, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, de la multiplication de sites universitaires et qui, souvent, n'avaient pas hésité à faire des efforts considérables pour accueillir des antennes.
Entendons-nous bien : il n'est pas ici question de réclamer le développement excessif de sites ou de troisièmes cycles d'enseignement supérieur ni de militer pour de « mini universités » ! N'oublions jamais, en effet, que, dans l'enseignement supérieur, enseignement et recherche vont de pair : l'enseignement supérieur, surtout en troisième cycle, ne peut pas être de qualité s'il ne s'appuie pas sur la recherche.
Il ne faudrait pas que la nouvelle donne dans le domaine de la démographie nous fasse perdre certains des acquis des décennies précédentes, car, s'il est vrai que l'écart était souvent de un à trois ou quatre entre un jeune de milieu modeste habitant à proximité d'une université et qui n'hésitait pas à s'inscrire dans l'enseignement supérieur et un jeune dont le lieu d'habitation était plus éloigné de l'université, ce problème réapparaîtrait très vite si nous laissions disparaître certains des quelque 150 sites nouveaux qui se sont créés depuis une vingtaine d'années et qui rendent bien des services.
D'abord, et c'est fondamental, ces sites rendent service à des étudiants qui sont souvent d'origine modeste. Ensuite, ils rendent service aux villes qui ont fait l'effort de les accueillir, en contribuant à un enrichissement intellectuel. A ce titre, je tiens à dire que la Fédération des maires des villes moyennes est particulièrement attentive à ce problème.
Monsieur le ministre, nous souhaitons donc que le Gouvernement - il semble que ce soit maintenant dans ses intentions - manifeste clairement la volonté de définir le rôle de ces sites d'enseignement supérieur en ville moyenne, de ces antennes, d'en assurer la pérennité, et de faire en sorte qu'une sorte de contractualisation existe entre les universités, les collectivités qui ont eu le bonheur, ces dernières années, d'accueillir ces sites et l'Etat. Sans doute serait-il également nécessaire que les personnels et les crédits soient clairement délégués à ces nouvelles antennes universitaires, afin d'éviter la tentation d'un mouvement de « reconcentration », qui apparaît actuellement.
Je voudrais insister sur le fait que, dans les villes moyennes, une gamme relativement large de premier cycle d'enseignement supérieur est nécessaire, afin d'éviter que l'élève ne fasse le choix de la proximité, qui ne serait pas conforme à sa véritable vocation. Ce serait un piège qu'une large gamme de cursus jusqu'au niveau de la licence, avec la mise en place des LMD, permet de déjouer. Dans certains cas, si l'environnement socio-économique le justifie et si ce développement s'insère dans la stratégie de l'université, il est possible de mettre en place des filières d'enseignement jusqu'au deuxième cycle, voire jusqu'au troisième cycle.
Telles sont les remarques dont je tenais à vous faire part, monsieur le ministre, à l'occasion de l'examen de ce projet de budget. Il me semble en effet que, du bon maillage du territoire et de la bonne répartition des sites universitaires, dépend pour partie le maintien de l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur, qui, actuellement, nous paraît simplement un élément important de justice sociale.
Je pense également que la vitalité de nos villes dépend pour partie de ce bon maillage. A ce titre, monsieur le ministre, étant, vous aussi, l'élu d'une ville moyenne, vous êtes certainement conscient de cette situation. Nous comptons donc sur vous !