Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Lagauche a largement présenté la position du groupe socialiste sur ce projet de budget.
J'aborderai donc ici un problème qui ne concerne pas uniquement le budget de l'enseignement supérieur et qui doit vraiment être pris en compte par l'Etat. Il a été à la une des médias en cette rentrée plus qu'en toute autre : il s'agit de la vie étudiante, qui est le parent pauvre de la vie universitaire française.
La tradition universitaire française, à l'inverse de ce qui se passe dans d'autres pays, a toujours considéré qu'il s'agissait là d'une question secondaire. On insistait sur la qualité de l'enseignement et de la recherche et on pensait que leur rayonnement suffisait à montrer l'excellence du système. Or, aujourd'hui, nous constatons que l'environnement social et culturel, les conditions de la vie quotidienne des étudiants nuisent à l'image de notre système dans le monde et constituent un facteur primordial dans l'échec, notamment au cours des deux premières années.
En 1968, on ne comptait que 400 000 étudiants, pour la plupart issus de milieux relativement aisés et vivant dans leur cocon, dans des grandes villes, et inscrits dans des universités prestigieuses qui avaient leur propre vie, leur propre système de protection de la vie des étudiants.
De 1985 à 1995, le nombre d'étudiants est passé de un million à deux millions. Certains, ici, ont parlé de démocratisation ; c'est en fait une massification. En effet, la démocratisation n'est pas encore au rendez-vous. La démocratisation, c'est certes la massification, mais c'est aussi la qualité ; c'est permettre au plus grand nombre d'entrer dans le système universitaire et d'y réussir. Or les étudiants qui appartiennent à des couches sociales plus larges, plus ouvertes, réussissent plus difficilement. Si, à l'entrée de l'université, 60 % des étudiants sont des fils d'ouvriers ou d'employés, ce qui n'était pas le cas auparavant, le pourcentage chute brutalement dans le troisième cycle. Quand on regarde les chiffres de la condition étudiante, on comprend pourquoi il en est ainsi : en effet, aujourd'hui, 50 % des étudiants sont obligés d'être salariés, non pas pour effectuer des travaux susceptibles de compléter leurs études et d'enrichir leur formation, mais pour faire des petits boulots, par exemple chez McDonald's, fatigants et décervelants, ce qui ne permet pas d'être dans un environnement adéquat pour poursuivre des études.
Ce qui a éclaté à la rentrée, c'est la question du logement : on a parlé de misère étudiante. Dans ce domaine, le retard est dramatique. On a permis à de plus en plus d'étudiants d'entrer à l'université, mais la plupart d'entre eux ne peuvent accéder au logement social. En France, 150 000 chambres leurs sont proposées. A Paris, pour 300 000 étudiants, pour 30 000 boursiers, on ne dénombre que 2 000 logements sociaux pour étudiants ! C'est là où la situation est la plus dramatique.
A la rentrée, des étudiants dormant dans la gare du Nord ont été interviewés par des chaînes de télévision. Début septembre, certains étudiants dormaient sous les ponts. D'autres fréquentent des foyers pour jeunes SDF. Paris doit être une terre d'accueil pour la plupart des étrangers qui souhaitent venir étudier dans notre pays. Or, lorsque ces derniers arrivent à Paris, ils voient cette situation, que peu de capitales européennes connaissent.
L'environnement social, qu'il s'agisse de l'accès aux bibliothèques, de la restauration, de l'accès au logement, des bourses, contribue à la réussite des études. Or ce sont les étudiants les plus défavorisés qui subissent de plein fouet les manques en ces domaines. Pour lutter contre l'échec dans le premier cycle, il faut apporter une réponse à cet égard.
S'agissant de l'aide sociale, l'augmentation de 1, 5 % du montant des bourses prévue par votre budget est inférieure à l'inflation, alors que les frais d'inscription ont, quant à eux, augmenté de 4 %.
Il faut réussir la démocratisation. Le Gouvernement doit donner une grande visibilité à la question de la vie étudiante. Le rapport Anciaux ayant été validé par le Gouvernement, le plan de construction de logements sur dix ans doit faire sentir ses effets dès la première année. En effet, à quoi sert-il de dire à ceux qui sont aujourd'hui à l'université que la situation sera un peu meilleure dans dix ans ? Ils ne seront alors plus étudiants ! Je sais que c'est difficile, mais il ne faut pas tout faire reposer sur l'effort des collectivités territoriales.
A Paris, nous avons décidé de construire en cinq ans 3 000 logements sociaux pour étudiants. Or, pour mettre ce programme en route, pour trouver les emprises nécessaires et pour monter les dossiers, notre principale difficulté a été d'obtenir des financements de l'Etat. En effet, le Gouvernement a déclassé le logement étudiant sur le plan administratif, et les prêts, dans une ville comme Paris où le prix du foncier est très élevé, ne sont pas faciles à obtenir.
Je tenais à insister sur ce point. En effet, monsieur le ministre, vos déclarations sont fortes, ce qui, pour moi, est déjà important ; je sens en effet de votre part une réelle prise de conscience. Néanmoins, je n'en vois pas la traduction budgétaire. Or il s'agit d'un enjeu majeur non seulement pour la réussite de nos étudiants, mais aussi pour l'image de l'université française dans le monde.
A cet égard, vous connaissez le rôle du bouche à oreille. On rêve de la France, on rêve de la Sorbonne. Or, quand un étudiant chinois ou marocain arrive, il est confronté à un véritable parcours du combattant pour obtenir des papiers et pour trouver un logement. En effet, pour obtenir un logement, il faut avoir un chèquier. Et pour ouvrir un compte en banque, on vous demande d'avoir une adresse et un logement ! Les difficultés sont telles que les étudiants déchantent très vite et se tournent vers d'autres capitales.
Nous devons donc faire un effort, et qu'il soit visible : il faut rapidement faire savoir dans le monde, par des faits concrets, des petites mesures, que nous voulons accueillir des étudiants étrangers et que nous nous donnons les moyens de les accueillir.
Monsieur le ministre, votre budget ne me semble pas à la hauteur, même s'il est difficile de connaître la réalité de l'effort. Les organisations syndicales étudiantes aimeraient avoir un véritable correspondant, un guichet unique au niveau de l'Etat. En effet, actuellement, quand on veut parler du logement, on va voir le ministre du logement, et quand on souhaite parler de la vie culturelle, on s'adresse au ministre de la culture. Or, la vie étudiante est un ensemble. Il faudrait, dans votre ministère, une réponse globale, un interlocuteur unique et des moyens lisibles et à la hauteur pour que nous puissions discuter.