Monsieur le ministre, je ne tomberai pas dans le catastrophisme de certains dont on se demande bien ce qu'ils ont pu faire pendant les cinq années de vaches grasses dont ils ont bénéficié voilà fort peu de temps.
Aussi, vous ne serez pas étonné que mon intervention n'ait pas pour but de vous réclamer plus de crédits ou de moyens. En effet, avant d'allouer ceux-ci, il y a lieu, me semble-t-il, de réfléchir à leur usage. Dans un certain nombre de cas, notre système universitaire souffre non pas d'un manque de financement ou de personnel, mais d'un usage insuffisamment performant, voire d'un mésusage. Aussi, à cette heure, je souhaite simplement attirer votre attention sur quelques points particuliers.
La première question concerne l'enseignement supérieur privé, qui est le parent très pauvre du budget de l'enseignement supérieur. Même si l'on peut constater avec satisfaction que, pour 2005, les subventions relatives à l'enseignement supérieur privé augmentent de 10 %, cela s'applique à un volume budgétaire modeste au regard du service rendu à la collectivité. On est encore loin de ce qu'exige la simple équité à l'égard des étudiants concernés et de leurs familles, et de ce qui est nécessaire au bon fonctionnement des établissements.
Les grandes écoles privées sont très loin de bénéficier des moyens de leurs homologues publiques. La situation est encore plus difficile pour les universités catholiques. Celles-ci ont subi, ces dernières années, des contraintes fortes, notamment l'application des 35 heures, ce qui a créé des charges insupportables qu'elles n'ont pu répercuter totalement sur les droits d'inscription, déjà élevés, qu'elles exigent des étudiants. Si elles n'étaient pas soutenues de façon volontariste par certaines collectivités locales, cette situation aurait mis en jeu leur existence même. C''est particulièrement le cas à Angers où, sans le soutien accordé depuis de longues années par le conseil général, l'université catholique aurait eu bien du mal à continuer d'exister. J'ajouterai d'ailleurs que d'autres collectivités n'ont pas la même attitude à l'égard de certains établissements privés dont elles souhaitent purement et simplement la disparition pour des raisons idéologiques. Aussi, je souhaite savoir ce que le ministère envisage pour une mise à niveau crédible, dans les années futures, de l'aide de l'Etat à ces établissements.
Ma deuxième question a trait au rôle des collectivités locales dans le financement de l'enseignement supérieur. Leur place est de plus en plus importante dans les investissements. Or, la plupart du temps, elles n'ont nulle obligation en la matière, puisqu'il s'agit, pour elles, de politiques facultatives.
Aussi faudra-t-il bien un jour en tirer les conséquences. Les collectivités ne peuvent pas continuer à suppléer indéfiniment l'Etat. La question, me semble-t-il, est donc de savoir s'il est envisageable de simplifier la donne, en laissant à l'Etat la maîtrise totale du système, pour qu'il assure en tout cas les droits et devoirs, en matière financière notamment, ou s'il faut songer, dans les années à venir, à décentraliser les investissements universitaires, en les confiant par exemple aux régions.
Ma troisième question est relative aux modes de fonctionnement du système universitaire. Ceux-ci ont encore, dans certains domaines, un aspect « soviétiforme », un rendement fortement décroissant et déresponsabilisant.
Il est sans doute nécessaire de procéder à une évaluation approfondie pour mesurer le degré de performance du système. Trois secteurs méritent d'être étudiés.
Premier secteur, les finances : comme le soulignait notre excellent rapporteur de la commission des finances Philippe Adnot, s'il y a eu des progrès dans la gestion, il y a encore, dans ce domaine, d'importantes marges d'amélioration.
Deuxième secteur, la gestion des ressources humaines : le système universitaire est fort loin d'être, dans le secteur, un modèle, particulièrement pour les enseignants, qu'il s'agisse des modes de recrutement, d'affectation ou des mutations inter établissements. En effet, tout cela fonctionne dans une grande opacité, et il n'est pas certain que les principes de la République soient bien respectés.
Enfin, troisième et dernier secteur, le niveau des universités : en effet, malgré des progrès, la question de l'adaptation des formations aux mutations de la société et de l'économie subsiste.
Beaucoup trop d'étudiants quittent le système sans bagage, et pas seulement pour des raisons sociales. En revanche, d'autres s'engagent dans des formations qui sont des trappes à chômage ; le nombre de surdiplômés RMIistes n'est pas négligeable. Certaines formations sont peut-être utiles pour maintenir l'emploi d'enseignants ou pour la culture générale, mais ne sont absolument pas efficientes pour l'insertion dans la vie active.
Aussi, je souhaite savoir si vous envisagez de revoir le système d'orientation universitaire et si vous ne pensez pas nécessaire d'instituer une sélection générale, qui se fait d'ailleurs officiellement dans certaines filières, notamment médicales, et clandestinement dans d'autres, sélection générale qui serait le meilleur gage d'une réelle démocratisation.
Ma dernière question concerne les IUFM, qui appartiennent aussi à l'enseignement supérieur.
L'un de vos objectifs est de rétablir l'autorité des enseignants, objectif auquel je souscris totalement. Cependant cette autorité ne se décrète pas, elle se mérite.
Pour cela, il faut que les enseignants soient correctement formés. Or, dans ce domaine, on est très loin du compte. Dans beaucoup de cas, le niveau scientifique ne paraît pas suffisamment garanti, notamment face aux exigences des programmes de lycée.
Plus préoccupant est le principe même des IUFM. Est-il raisonnable de vouloir faire passer dans le même moule tous les enseignants, de la maternelle aux classes post-baccalauréat ?
Non seulement les IUFM n'ont pas fait la preuve de leur efficacité, mais je crains qu'ils ne soient des instruments à mal former, voire à déformer. Entre une pédagogie hors de son contexte et une psychologie passe-partout, ils contribuent plus à dérouter les futurs enseignants qu'à les armer pour leur métier.
La majorité des enseignants qui ont eu à subir cette formation fantasmagorique soulignent que cela ne les a pas préparés à affronter les situations qu'ils rencontrent dans leurs classes. Un nombre non négligeable d'entre eux parle de formation infantilisante, de phraséologie oiseuse, d'endoctrinement pernicieux, et je ne fais que citer quelques appréciations.
Ne pensez-vous pas alors qu'il est temps de mettre fin à ce gaspillage, de supprimer purement et simplement les IUFM, et d'y substituer une formation pratique, en situation réelle, sous la conduite d'enseignants tuteurs expérimentés ?
Voilà quelques-unes des questions que je souhaitais aborder lors de ce débat, monsieur le ministre. Tout cela n'empêche bien sûr pas que votre budget emporte mon assentiment.