Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 novembre 2004 à 21h30
Cohésion sociale — Article 29

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Mesure phare du projet de loi, le contrat d'avenir, initialement intitulé « contrat d'activité », a suscité d'emblée de nombreuses interrogations.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, la tonalité assez critique du rapport du Conseil économique et social sur le volet « emploi », plus particulièrement sur cet article 29. Même si vous persistez à dire que les réserves exprimées témoignaient de malentendus, vous savez que les rapporteurs, comme l'ensemble des groupes, ont touché juste en ciblant leurs remarques sur la priorité absolue accordée par le texte au retour à l'activité et, plus largement, par le plan de cohésion sociale, alors que la première priorité doit être donnée au retour à l'emploi, qui ne peut qu'être lié à une croissance plus soutenue.

Monsieur le ministre, pour tenter de désamorcer les critiques, vous avez changé la dénomination du contrat et pris l'engagement écrit de mettre en place un comité de vigilance afin que soit « respecté et appliqué l'ensemble des mesures orientées vers le retour au plein emploi ».

Quelles que soient les bonnes intentions, ou les assurances qui n'en sont pas, ces contrats, au régime très attractif pour les employeurs du secteur non marchand, devraient s'appliquer rapidement, alors que le suivi d'exécution, lui, reste hypothétique ; ils demeurent inscrits dans une logique « occupationnelle ».

En outre, les griefs que nous faisions hier à l'encontre des contrats d'insertion et du revenu minimum d'activité sont parfaitement transposables. En contrepartie des minima sociaux qu'ils percevront, les allocataires seraient redevables d'une activité, de travaux à la collectivité. Cette pratique, connue des pays anglo-saxons sous le vocable de workfare, est transposée en France. Au passage, vous rompez l'équilibre entre le droit au revenu et l'implication effective dans une démarche d'insertion.

Si, monsieur le ministre, votre volonté était vraiment de permettre aux titulaires de minima sociaux de s'autonomiser, d'échapper à toute forme d'exclusion, vous auriez choisi d'autres voies d'intégration dans les processus économiques et sociaux.

Or la convention de contrat d'avenir, elle-même, ne prévoit pas de mesures impératives d'accompagnement, pas plus qu'elle ne s'appuie sur les souhaits, les motivations de la personne, alors qu'elle est censée définir son projet professionnel.

L'Etat se désengage totalement de la gestion des contrats d'avenir au profit des communes, sous couvert de réponse de proximité - air connu ! -, tout en sachant que ces dernières ne disposeront pas des moyens humains, matériels et financiers pour suivre les personnes, pour remplir leur mission.

M. le rapporteur pense pouvoir régler ce problème en confiant le pilotage des contrats d'avenir aux départements. Il s'illusionne et laisse entière la question de l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire.

Enfin, toutes les caractéristiques du contrat - CDD à temps partiel, formation non rémunérée, rémunération au rabais - comme l'absence de contrainte en ce qui concerne la sortie du dispositif nous conduisent à penser qu'aujourd'hui encore le contrat d'avenir est une voie de garage.

A rebours des membres de la majorité sénatoriale, nous considérons que le dispositif envisagé ne présente ni toutes les garanties de protection nécessaires pour des salariés particulièrement fragiles, ni les éléments de souplesse permettant de s'adapter à la diversité des situations des personnes auxquelles il s'adresse.

C'est pourquoi nous en proposons la suppression, ce qui ne nous empêchera pas de défendre ensuite, éventuellement, des amendements de repli.

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