Comme M. le ministre, j’ai exprimé mes réticences sur le dispositif proposé, car le cadre actuel est tout à fait satisfaisant, monsieur Assouline !
Je tiens d’ailleurs à féliciter Jean-Pierre Leleux de la qualité de son rapport, qui fait le point sur les dispositions législatives et conventionnelles visant à protéger les journalistes des pressions extérieures. Outre le droit qui entoure les médias de protections, des accords négociés entre direction et personnel de rédaction existent aujourd’hui. Des sociétés de journalistes ont ainsi été créées : elles sont nées de la pratique et sont donc spécifiques à chaque entreprise ; elles sont un lieu de dialogue et de concertation. L’expérience nous montre donc que les accords négociés au cas par cas fonctionnent.
Le texte qui nous est soumis prévoit au contraire d’imposer autoritairement une structure représentant l’équipe de rédaction auprès de la direction. Alors qu’il prétend garantir l’indépendance de l’information et des médias, il pourrait précisément la restreindre en imposant un modèle unique, au lieu de laisser chaque média choisir la gouvernance la plus adaptée à son histoire, à son actionnariat ou à son positionnement éditorial.
Je voudrais dire à présent quelques mots sur les obligations de transparence fixées par les articles 2 et 3 de la proposition de loi qui prévoient une information des lecteurs de tout titre de presse sur l’identité des actionnaires détenant plus de 10 % du capital, sur tout changement de statut de la société éditrice, de ses dirigeants et de ses actionnaires.
Or l’article 5 de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse oblige déjà les entreprises de presse à indiquer le nom de leur représentant légal et de leurs trois principaux associés, et à porter à la connaissance des lecteurs le nom du directeur de la publication. Le public est donc informé et imposer plus de précisions me semble inutile. La transparence financière des entreprises de presse est garantie en France et les règles anticoncentration sont efficaces.
Je citerai les conclusions du rapport de la commission Lancelot en 2005 qui « n’a pas vu dans l’état actuel de la concentration dans le domaine des médias une menace directe pour le pluralisme et la diversité ». En effet, ce rapport relève que la liberté de choix pour le consommateur a globalement progressé depuis une dizaine d’années.
Certes, plusieurs groupes se détachent, que ce soit dans le secteur de la presse écrite ou de l’audiovisuel. Mais il ne faut pas occulter la réalité économique mondiale : n’oublions pas que les médias français ont du mal à s’imposer face à de grands groupes étrangers. Il faut sans doute penser les médias en termes politiques, mais il faut également les penser en termes d’économie d’entreprise, de taille critique, de rentabilité.
Cher David Assouline, ne vous laissez pas aller à la caricature ; revenez au bon sens des sénateurs ; ne vous comportez pas comme un militant ! En tout état de cause, aujourd’hui, je ne peux adhérer à vos propositions, qui vont à l’encontre même des objectifs que vous vous fixez. Nous devons bien évidemment rester vigilants quant à l’indépendance des médias et je pense que ce débat nous a donné l’occasion de le rappeler. Pour ce qui concerne la présente proposition de loi, les membres du groupe UMP suivront l’avis de la commission et voteront contre.