Séance en hémicycle du 27 janvier 2011 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • communale
  • concentration
  • journaliste
  • l’indépendance
  • l’ordonnance
  • média
  • polynésie
  • publication

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

J’informe le Sénat que la question n° 1125 de M. Roland Ries est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 1er février et du rôle, à la demande de son auteur.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste, de la proposition de loi visant à actualiser l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs, présentée par M. Richard Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 1, texte de la commission n° 221, rapport n° 220).

Je vous rappelle que, en application de l’article 9 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, M. le président du Sénat a saisi le 8 décembre 2010 le haut-commissaire de la République en Polynésie française en vue de la consultation de l’assemblée de la Polynésie française sur cette proposition de loi.

Par lettre en date du 24 janvier 2011, M. le haut-commissaire de la République a communiqué au Sénat l’avis favorable de l’assemblée de la Polynésie française.

Cet avis a été transmis à la commission des lois.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Richard Tuheiava, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tout d’abord, puisqu’il en est encore temps, permettez-moi de profiter de cet instant pour vous présenter solennellement, en ce début d’année, mes vœux les meilleurs pour 2011, année dédiée aux « outre-mer français », année au cours de laquelle la Haute Assemblée se renouvellera pour moitié, année d’une nouvelle réforme électorale pour la Polynésie française et année qui verra également la mise en application du statut de la fonction publique communale en Polynésie française ; c’est un débat sur ce dernier sujet qui nous réunira une brève partie de la matinée.

Mon collègue député-maire polynésien Bruno Sandras et moi-même, sous la houlette du syndicat pour la promotion des communes de la Polynésie française, représenté dans les tribunes par Pascal Doisne, que je salue, le tout en concertation étroite avec les autorités d’État en Polynésie française et le ministère chargé de l’outre-mer, avions saisi respectivement l’Assemblée nationale et la Haute Assemblée d’une proposition de loi consensuelle, urgente et unanimement reconnue visant à actualiser le cadre législatif du statut de la fonction publique communale en Polynésie.

Consensus, urgence et unanimité : c’est dans ce contexte et cet état d’esprit que le texte que nous avons à examiner aujourd’hui a vocation à se placer.

L’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs, ratifiée par le Parlement en 2007, avait permis de poursuivre le processus de modernisation du régime des communes polynésiennes au travers de l’uniformisation des différents statuts d’agents communaux, qui relevait alors tous du droit privé, en créant la fonction publique communale en Polynésie.

Pensée en 1994 dans le cadre de la loi du 5 février 1994 d’orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, puis créée par l’ordonnance du 4 janvier 2005, qui ne sera ratifiée par le Parlement qu’en février 2007, cette fonction publique concerne à ce jour 4 547 agents communaux.

L’objectif de cette réforme était de doter les communes polynésiennes d’un personnel fonctionnaire stable, bien formé, bénéficiant de garanties statutaires et susceptible d’assumer efficacement les nouvelles compétences qui allaient progressivement être dévolues aux communes.

Ce personnel ferait ainsi l’objet d’une gestion mutualisée et pourrait également s’ouvrir à des perspectives de carrière uniformisées renforcées par une mobilité rendue possible entre communes ou vers la fonction publique de l’administration territoriale polynésienne.

Ainsi, en donnant aux maires polynésiens les moyens juridiques et techniques d’une gestion rationnelle et efficace de leurs ressources humaines, on permettait à ces derniers – et ils y seront amenés – de restructurer l’administration de leurs communes et, par conséquent, d’améliorer la qualité des services publics de proximité.

Jusqu’en 2005, les agents communaux de Polynésie française étaient recrutés directement par les communes et leurs régimes étaient différents : ils relevaient tantôt de la convention collective des agents non fonctionnaires de l’administration – la fameuse convention collective des ANFA – lorsque la commune y avait adhéré, tantôt de statuts communaux individuels de droit privé, tantôt purement et simplement du code du travail polynésien.

Tout l’enjeu de la fonction publique communale consistait donc – et consiste encore – à harmoniser les règles applicables à l’ensemble des personnels communaux.

Depuis 2005, la réforme communale a fait l’objet d’une longue concertation entre l’État, les élus communaux et intercommunaux et les représentants des organisations syndicales.

Elle a abouti aux accords de la fonction publique communale signés le 5 juillet 2006 entre l’État, représenté par le haut-commissaire de la République en Polynésie française, les maires, représentés par le syndicat pour la promotion des communes de la Polynésie française, et les organisations syndicales locales. Elle a également conduit à la signature d’un protocole d’accord sur les grilles salariales le 29 octobre 2007.

Une seconde concertation locale a été menée en 2008 et en 2009 en lien avec le ministère chargé de l’outre-mer pour finaliser la rédaction des décrets.

Les échanges se sont poursuivis autour de l’élaboration des arrêtés qui doivent être pris par le haut-commissaire de la République en Polynésie française une fois le ou les décrets d’application publiés.

À l’occasion de ces différents travaux sont apparues des difficultés d’application liées non seulement au délai de mise en œuvre, mais également et surtout à la rédaction même de l’ordonnance de 2005, qui nécessitait plusieurs précisions, voire recadrages.

Les élus communaux polynésiens se sont donc réunis en groupe d’étude ad hoc et ont formulé les modifications à apporter à l’ordonnance de 2005 en ayant le souci de répondre à la contrainte de l’équilibre entre, d’une part, les grands principes de la fonction publique et, d’autre part, le nécessaire pragmatisme lié à un environnement local et géographique très différent de celui de la métropole.

En effet, depuis la publication de l’ordonnance de 2005, le droit national de la fonction publique territoriale dont s’inspire le statut de la fonction publique communale a évolué.

Tout d’abord, la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique et celle du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale ont favorisé la formation professionnelle et l’expérience professionnelle des agents.

Ensuite, la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a facilité la mobilité des fonctionnaires à l’intérieur de et entre chacune des trois fonctions publiques.

Enfin, la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique s’est attachée à moderniser le dialogue social.

Il apparaissait nécessaire d’étendre l’essentiel de ces évolutions aux futurs agents communaux de Polynésie française.

La présente proposition de loi, dotée de dix-huit articles après son examen en commission, vise donc à actualiser le statut de la fonction publique communale en tenant compte, d’une part, des évolutions du droit de la fonction publique que je viens de citer et, d’autre part, des spécificités institutionnelles, budgétaires et géographiques des communes polynésiennes.

Dans cette perspective, l’actualisation proposée prévoit des exceptions au droit de la fonction publique territoriale.

Or, depuis la publication de l’ordonnance de 2005, dont la ratification n’est intervenue qu’en février 2007, les textes réglementaires idoines n’ont pas encore été publiés et les cadres d’emplois n’ont donc pas pu être mis en place.

Cette situation a eu des conséquences localement sur la licéité ou la légalité des contrats de travail à durée indéterminée pourvus par l’ensemble des quarante-huit communes polynésiennes depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 4 janvier 2005 alors même que le décret d’application faisait encore défaut.

L’une des principales finalités de la présente proposition de loi est donc justement de permettre de combler le vide juridique ainsi laissé afin de sauvegarder les emplois permanents pourvus par les contrats de travail à durée indéterminée conclus dans le contexte de 2005, et ce jusqu’à la publication future du ou des décrets d’application prévus.

Mme la ministre a pu elle-même constater, lors de son récent déplacement en Polynésie française, que le principe d’une telle actualisation bénéficiait d’un large consensus auprès des élus locaux.

Permettez-moi de saluer du haut de cette tribune l’étroite synergie qui s’est concrétisée entre mon collègue le député-maire polynésien Bruno Sandras et moi-même : bien qu’appartenant à deux familles politiques différentes, nous avons choisi une approche conjointe, consensuelle et responsable afin qu’une réponse législative soit apportée au plus tôt aux besoins de nos tavana, c’est-à-dire nos maires polynésiens, aujourd’hui dans l’expectative.

Je salue également le travail rigoureux, détaillé et efficace réalisé par M. le rapporteur Jean-Pierre Vial dans le cadre de l’examen de ce texte résolument technique et de haute précision au sein de la commission des lois. Cette dernière a bien compris et donc renforcé l’objectif de la proposition de loi et a apporté quelques modifications notables, notamment en rapprochant l’accès aux cadres d’emplois du droit commun de la fonction publique, en limitant les disparités dans le déroulement de la carrière et en ajustant les dispositions transitoires.

Toutefois, même s’il peut paraître de prime abord incohérent pour l’auteur d’une proposition de loi de modifier celle-ci, et bien que le texte de la commission soit déjà tout à fait rigoureux, j’ai déposé quelques amendements de cadrage ou de précision que je défendrai tout à l’heure.

En effet, par un concours de circonstances, l’assemblée de la Polynésie française, saisie en urgence par le Sénat de cette proposition de loi, a rendu son avis le lendemain du jour où la commission se réunissait pour examiner les amendements déposés en son sein, à savoir le 12 janvier dernier.

L’avis était bien entendu favorable. Il contenait toutefois deux réserves expresses et importantes qu’il ne m’appartenait bien entendu pas de méconnaître, s’agissant de l’expression de la représentation démocratique polynésienne.

Je voudrais en effet, par la posture politique dérogatoire – néanmoins symbolique – que j’adopte devant la Haute Assemblée, exprimer mon respect dû à la représentation démocratique de la collectivité d’outre-mer polynésienne et m’en faire – c’est en effet le rôle de chacun de nous, mes chers collègues – humblement le nécessaire porte-voix devant la représentation nationale.

C’est démocratiquement que l’assemblée de la Polynésie française a rendu son avis le 13 janvier dernier, et c’est démocratiquement qu’aujourd’hui la Haute Assemblée pourra se pencher sur le présent texte et trancher in fine, au travers de trois amendements sur les quatre que je vous soumettrai dans quelques instants.

Acte nous en sera donné au terme de ce débat. Il me tarde déjà d’entrer dans le vif du sujet, d’autant que je compte sur une position favorable du Gouvernement de même que sur un vote final unanime de la Haute Assemblée en faveur du texte de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous soumettre. Je vous en remercie par avance, mes chers collègues.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Richard Tuheiava sonne opportunément l’heure de mettre enfin en place la fonction publique communale de Polynésie française.

Les quarante-huit communes du territoire ont accédé en 2004 au statut de collectivités territoriales de la République régies par le principe de libre administration.

Ce statut sera parachevé par la disparition de la tutelle, au bénéfice du contrôle a posteriori des actes administratifs et budgétaires, au plus tard le 1er janvier 2012.

Dotées désormais de compétences propres, les communes polynésiennes doivent pouvoir disposer des services aptes à les mettre en œuvre.

Le statut des agents communaux institué à cette fin par une ordonnance du 4 janvier 2005 adapte aux spécificités locales les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 concernant les fonctionnaires territoriaux.

Il reste cependant lettre morte à ce jour, faute des textes d’application requis.

Entre-temps, le droit de la fonction publique a connu diverses évolutions successivement adoptées en 2007, en 2009 et en 2010.

Aujourd’hui donc, les 4 547 agents des quarante-huit communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics administratifs demeurent recrutés sur des contrats de droit privé et sont soumis à des règles très hétérogènes : application du code du travail polynésien, adhésion à la convention collective des agents non fonctionnaires communaux, statuts communaux.

Le statut défini en 2005 puis complété en 2007 oscille entre droit commun et particularismes.

En effet, si elle s’inspire naturellement du statut de la fonction publique territoriale, l’ordonnance n’a pas pu méconnaître la situation géographique des quarante-huit communes réparties sur 118 îles recouvrant 4 200 kilomètres carrés de terres émergées dispersées sur 4 millions de kilomètres carrés dans le Pacifique-Sud. Ainsi, Fangatau est sise sur deux atolls distants de quatre-vingt-dix kilomètres. Quant à la commune de Rapa, dans les Îles australes, elle n’est accessible que par bateau.

Ces quelques données expliquent le défi que représente la gestion des services publics locaux, qu’il s’agisse des déchets, de l’assainissement ou de l’eau potable, alors que la population des communes est disséminée aux quatre coins de ce territoire archipélagique.

Ces contraintes pèsent lourdement sur les collectivités polynésiennes. Elles exigent une mise en place rapide de la fonction publique communale qui, au surplus, offrira aux agents des parcours professionnels valorisants.

Depuis la publication de l’ordonnance, le droit général de la fonction publique a évolué, entraînant certaines obsolescences du statut communal.

Nombre de dispositions adoptées par le Parlement en 2007, en 2009 et en 2010 constituent de véritables innovations. Il s’agit notamment de la prise en compte de l’expérience professionnelle lors du recrutement et pour la promotion interne des agents, de l’encouragement à la mobilité des fonctionnaires à l’intérieur et entre fonctions publiques ainsi que de la réforme du mode d’évaluation des fonctionnaires.

Notre collègue Richard Tuheiava a souhaité étendre l’essentiel de ces évolutions aux futurs agents communaux de Polynésie française.

La commission des lois a adhéré à la logique de la proposition de loi : actualiser le statut des fonctionnaires communaux et même prolonger sa mise à jour en respectant l’originalité des communes polynésiennes, qui implique des exceptions au droit de la fonction publique territoriale.

La commission des lois a tout d’abord voulu rapprocher l’accès aux cadres d’emplois du droit commun de la fonction publique.

À cette fin, elle a voulu préserver la compétence réglementaire en matière de concours. Mais, comme l’a souhaité l’auteur de la proposition de loi, elle a encadré les pouvoirs du haut-commissaire pour en fixer les matières et programmes.

La commission a cependant substitué au pouvoir de proposition du centre de gestion et de formation la consultation du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de Polynésie française. Cette solution s’inspire de la procédure en cours dans le statut de 1984 : la fixation des programmes par décret après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

De même, la commission des lois a souhaité valoriser les parcours professionnels en rétablissant la promotion au choix comme voie de promotion interne, mais en la « bordant » par une condition de valeur et d’expérience professionnelles, sur le modèle de la professionnalisation introduite par la loi du 19 février 2007.

Sur la base de la loi du 26 janvier 1984, la commission a encadré les emplois fonctionnels en autorisant le recrutement direct sur des postes limitativement déterminés. Cette dérogation au principe du concours est prévue par la loi du 26 janvier 1984.

La commission a conservé l’assouplissement prévu par la proposition de loi pour permettre aux collectivités de recruter sur les chantiers communaux le personnel local qualifié. Ce recours élargi aux contractuels est justifié par l’absence d’entreprises locales dans certaines communes isolées. Celles-ci sont, en effet, les « principaux employeurs dans les îles peu peuplées qui ne bénéficient pas du développement du tourisme », comme le relevaient nos collègues Christian Cointat et Bernard Frimat à l’issue de leur mission sur le territoire en 2008. Pour assurer un minimum d’emplois à leur population, les collectivités sont ainsi conduites à recourir aux travaux en régie.

Pour le reste, la commission a choisi d’harmoniser le régime des contractuels avec les dernières avancées législatives. Aussi a-t-elle autorisé le recrutement d’un non-titulaire pour remplacer un fonctionnaire qui travaille à temps partiel ou qui effectue un service civil et aligné les conditions requises pour pourvoir des emplois permanents d’encadrement.

La commission a limité les disparités dans le déroulement de la carrière.

Pour ce faire, elle a simplifié la procédure d’évaluation des fonctionnaires en prévoyant, à l’instar des trois lois statutaires de 1984 et de 1986, l’expérimentation de l’entretien annuel d’évaluation au titre des cinq années suivant la publication de chaque statut particulier.

Elle a « normalisé » la fin des détachements sur le régime du droit commun.

Elle a révisé le principe de parité des régimes indemnitaires.

Tenant compte de la préoccupation de l’auteur de la proposition de loi, elle a maintenu l’encadrement des indemnités fixées par les collectivités au profit de leurs agents, mais elle a substitué la référence du régime perçu par les agents de l’État à celle des fonctionnaires de la collectivité d’outre-mer.

La commission a fixé par la loi les dérogations au droit de grève.

Elle a retenu le principe de mise en place d’un service minimum dans les communes isolées en raison des contraintes exceptionnelles auxquelles celles-ci sont confrontées, ne serait-ce que pour assurer le ravitaillement de la population.

En effet, les limites apportées au principe fondamental de la grève sont enserrées tout à la fois par les particularismes géographiques des collectivités et par la nature des services qui les fondent.

En revanche, la commission a considéré qu’il revenait au législateur d’assumer sa compétence sans s’en remettre au pouvoir réglementaire. C’est pourquoi elle a prévu que le service minimum concernerait les seuls fonctionnaires dont le concours est indispensable à la préservation des besoins essentiels de la population.

Enfin, la commission a ajusté le dispositif d’intégration dans les futurs cadres d’emplois des agents actuellement en poste dans les communes.

Je rappelle que l’ordonnance du 4 janvier 2005 prévoit leur intégration en deux étapes : tout d’abord par transformation de leur contrat de droit privé en un contrat à durée indéterminée de droit public, puis par l’intégration dans les cadres d’emplois après inscription sur une liste d’aptitude établie par l’autorité de nomination.

Les agents bénéficieront d’un droit d’option pour intégrer ou non la fonction publique communale durant un délai d’un an à compter de l’ouverture des postes correspondants.

Pour prétendre à leur intégration, les agents doivent avoir été en fonction à la date de publication de l’ordonnance et remplir une condition de service.

Au vu des six années qui se sont écoulées depuis la publication de l’ordonnance, la commission des lois est allée plus loin que l’auteur de la proposition de loi, laquelle prévoit le report au 1er janvier 2011 de la date de prise en compte des agents concernés.

D’après les renseignements recueillis par votre rapporteur, ce recul de la date limite d’intégration concernerait déjà près d’un tiers des effectifs globaux. En effet, entre la publication de l’ordonnance et aujourd’hui, les collectivités ont recruté plus de 1 320 agents qu’il serait injuste de priver du droit d’intégrer, sous condition, la nouvelle fonction publique communale.

C’est pourquoi la commission a estimé nécessaire de réexaminer la date de « glaciation » du périmètre des personnels aptes à accéder aux cadres d’emplois. Elle l’a reportée à la date de publication du décret d’application de l’ordonnance, publication qui – je le souhaite vivement, madame la ministre – ne devrait plus tarder.

Partageant le souci de l’auteur de la proposition de loi d’harmoniser l’établissement des listes d’aptitude des agents ayant vocation à intégrer un des nouveaux cadres d’emplois, la commission des lois en a cependant modifié l’architecture : elle a maintenu la compétence de l’autorité de nomination telle que fixée par l’ordonnance, en l’encadrant par la consultation d’une commission spéciale placée auprès du centre de gestion et de formation et composée paritairement de représentants des collectivités et des personnels.

Enfin, la commission a clarifié le régime financier de l’intégration en le simplifiant par le versement d’une indemnité différentielle unique qui compenserait tout à la fois la disparité des rémunérations et la différence résultant de ses compléments.

Avant de conclure, je forme le vœu ardent que la fonction publique communale puisse être mise en place dans les meilleurs délais afin que ces collectivités disposent rapidement des outils aptes à structurer la gestion locale.

La professionnalisation des administrations communales pourrait à notre sens profiter d’échanges d’expérience entre communes métropolitaines et polynésiennes. Les enseignements tirés de tels échanges contribueraient en effet certainement à la consolidation d’un corps d’agents qualifiés.

Pour les collectivités qui souhaiteraient y participer, ces échanges devraient être facilités par l’effet de la proposition de loi puisque celle-ci, dans le même mouvement que celui qui a guidé le Parlement en 2009, renforce le principe de la mobilité entre fonctions publiques.

Puisse la création de cette fonction publique propre permettre aux collectivités de « s’autonomiser » et de se développer dans l’exercice des compétences que leur a confiées le législateur organique afin de favoriser le développement économique de leurs territoires !

Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat le texte ainsi établi.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi déposée au Sénat par M. Richard Tuheiava et devant l’Assemblée nationale par le député Bruno Sandras a deux objectifs.

Le premier est un objectif social : la proposition de loi vise en effet à apporter une solution juridiquement acceptable pour les agents recrutés depuis 2005 en contrat à durée déterminée et se trouvant aujourd’hui dans une situation instable du fait d’une rédaction incomplète de l’ordonnance du 4 janvier 2005.

Le second est ensuite un objectif juridique d’amélioration de cette ordonnance de 2005. Il s’agit, en effet, de doter la Polynésie française d’un véritable statut de la fonction publique communale.

Le Gouvernement, qui a pris en considération les apports rédactionnels apportés par la commission des lois, est favorable à ces propositions qui participent à l’effort de modernisation des services publics de la Polynésie française ; mais, avant d’en venir à la réforme elle-même, permettez-moi d’en rappeler le contexte.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi statutaire de 2004, l’État a lancé un processus de modernisation du régime communal en Polynésie française, modernisation que la proposition de loi qui vous est soumise vient compléter.

Diverses mesures sont intervenues en quelques années.

C’est ainsi que le code général des collectivités territoriales a été étendu aux communes de Polynésie, les dotant d’outils juridiques adaptés pour exercer leurs nouvelles compétences.

La réforme de la fonction publique communale a été amorcée par la publication de l’ordonnance du 4 janvier 2005. Elle dote d’un statut général de fonctionnaire les 4 727 agents des quarante-huit communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.

Après une longue période de concertation entre le haut-commissaire de la République, les maires, représentés par le syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française, et les organisations syndicales, les textes d’application de cette ordonnance vont être publiés dans les prochaines semaines.

Il s’agit d’abord d’un décret en Conseil d’État qui définit les droits et obligations des fonctionnaires, les modalités d’accès à la fonction publique et les carrières.

Il s’agit ensuite de deux décrets simples, l’un sur les agents non titulaires, l’autre qui précise plusieurs points comme l’interdiction d’exercice d’une activité privée, l’organisation et le fonctionnement des organismes consultatifs, ou encore les modalités d’établissement des listes d’aptitude.

Enfin, des arrêtés du haut-commissaire doivent permettre la mise en place des outils de fonctionnement de cette fonction publique et des statuts particuliers des cadres d’emplois.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est présentée vise à actualiser plusieurs dispositions de l’ordonnance du 4 janvier 2005 qui ont malheureusement mal vieilli.

Deux raisons justifient aujourd’hui cette démarche.

D’une part, les règles applicables à la fonction publique d’État ou à la fonction publique territoriale ont sensiblement évolué depuis 2005.

D’autre part, l’absence d’encadrement depuis 2005 a conduit chaque commune à recruter des agents communaux sous des régimes différents.

Après examen, le Gouvernement est prêt à accepter l’ensemble des propositions émanant tant du sénateur Richard Tuheiava que de la commission des lois.

Son objectif ultime est en effet de permettre aux communes de recruter des agents bien formés, bénéficiant de garanties statutaires et faisant l’objet d’une gestion mutualisée.

Je suis d’ailleurs convaincue que la mise en place d’un statut spécifique pour le personnel communal est une nécessité, compte tenu du nouveau rôle que les communes sont conduites à exercer.

En mettant en œuvre cette réforme, les collectivités concernées seront conduites à repenser l’organisation de leurs services, ce qui leur permettra d’améliorer la qualité des services publics de proximité.

Les maires se donneront ainsi les moyens d’une gestion rationnelle et efficace des personnels ; le recrutement des agents sur concours ou diplôme, les formations obligatoires ou la mobilité, pour citer ces seuls exemples, participeront à l’amélioration des compétences professionnelles au sein des communes.

En outre, ce statut constitue une avancée incontestable sur le plan social dans la mesure où il garantit enfin des droits aux fonctionnaires, comme la permanence de leur emploi, l’égalité de traitement ou le principe de carrière, qui sont les contreparties de certaines obligations.

Enfin, dans le contexte économique difficile que connaît aujourd’hui la Polynésie française, la mise en place effective de la fonction publique communale devrait entraîner des économies d’échelle.

S’agissant d’abord de la gestion des agents, celle-ci sera collective et assurée par un futur centre de gestion et de formation, qui permettra de rationaliser les charges actuellement supportées par les communes.

La réforme poursuit ensuite, à long terme, des objectifs de professionnalisation des agents communaux et d’amélioration de la gestion des ressources humaines, ce qui, j’en suis sûre, permettra de réaliser dans chaque commune des gains d’efficacité certains.

Enfin, la création de la fonction publique communale s’accompagnera d’une profonde réorganisation des services des collectivités, qui ne manquera pas d’avoir un effet positif sur les finances des communes.

La proposition de loi de notre collègue Richard Tuheiava comporte un autre aspect essentiel, qui est d’ordre social.

Les agents occupant un emploi permanent dans les collectivités ou établissements auxquels l’ordonnance du 4 janvier 2005 a vocation à s’appliquer sont réputés titulaires d’un contrat à durée indéterminée de droit public, dès lors qu’ils remplissent un certain nombre de conditions, relatives notamment à la durée de service, à la date de publication de l’ordonnance.

Or certains agents échappent à ce dispositif : il s’agit principalement de ceux qui ont été recrutés sur un contrat à durée déterminée, par les communes ou leurs établissements publics, après la publication de l’ordonnance du 4 janvier 2005. L’ordonnance prévoit en effet, pour ces contrats, une durée maximale de deux ans, renouvelable une fois. En d’autres termes, certains de ces agents sont aujourd’hui en fin de contrat et, faute de dispositif réglementaire organisant leur éventuelle intégration dans la fonction publique communale polynésienne, ils se retrouvent sans réelle perspective.

Cette situation risque de priver les communes de la compétence acquise par ces agents depuis 2005. Elle entraîne une rupture de l’égalité de traitement avec les agents recrutés avant 2005, qui sont présumés bénéficier d’un contrat à durée indéterminée.

La proposition qui vous est faite de substituer, à la date de la publication de l’ordonnance du 4 janvier 2005, la date de la publication de son décret d’application, qui devrait intervenir très prochainement, répond donc à un objectif de justice et d’apaisement social auquel le Gouvernement ne peut manquer d’être favorable.

Pour conclure, je voudrais insister sur l’engagement du Gouvernement qui consiste, depuis 2004, à donner aux communes de Polynésie les moyens juridiques d’exercer les compétences prévues par la loi organique du 21 février 2004.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise a pour objectif louable, en partenariat avec les élus locaux, les organisations syndicales locales et l’État, d’actualiser l’ordonnance du 4 janvier 2005, afin de permettre la création d’une fonction publique communale obéissant aux principes républicains, sans que soient perdus de vue les spécificités et les besoins locaux.

L’un des grands principes de la République est la libre administration des communes ; celles-ci doivent être dotées de compétences propres et disposer des services capables de les mettre en œuvre.

La mise en place de la fonction publique communale en Polynésie française représente une grande avancée vers l’application effective de ce principe auquel nous sommes tant attachés et qui symbolise l’indépendance des collectivités territoriales par rapport au pouvoir central.

Si nous sommes bien évidemment en accord sur le principe, nous retrouvons toutefois les divergences qui nous opposent déjà s’agissant de la fonction publique en métropole.

Il en va ainsi de l’application du service minimum dans les communes polynésiennes, ou encore du choix fait par la commission d’introduire une expérimentation de l’entretien annuel d’évaluation pour apprécier le travail accompli par l’agent public.

Sur ce point, il s’agit moins d’une opposition que d’inquiétudes : la crainte que l’on ne se dirige vers une démarche de management par la performance, qui soumettrait les agents à l’atteinte d’objectifs individuels ; également la crainte concernant les recours offerts aux agents en désaccord avec l’administration au sujet du résultat de cet entretien.

Ces inquiétudes justifient-elles que nous ne votions pas cette proposition de loi ? Non. Répondre par l’affirmative reviendrait à manquer une occasion de mettre enfin en application le principe au sujet duquel nous nous accordons, et dont la mise en œuvre est tant attendue par les élus polynésiens : le principe de libre administration.

Or l’absence de mise en œuvre de ce principe se fait doublement sentir en Polynésie française. Comme l’ont montré nos collègues Christian Cointat et Bernard Frimat dans le rapport n° 130 relatif aux droits et libertés des communes de Polynésie française, l’une des spécificités polynésiennes est le manque d’indépendance des communes, tant par rapport à l’État, puisqu’elles sont soumises à sa tutelle administrative, que par rapport à la collectivité du pays, puisqu’elles sont soumises à sa tutelle financière.

La proposition de loi qui nous est soumise constitue donc une première étape importante, permettant de donner aux communes les moyens humains adaptés à leurs compétences.

Mais le processus devra être poursuivi. Il sera également nécessaire de redéfinir la répartition des ressources financières, dans un double souci de transparence et d’efficacité dans la mise en œuvre du service public.

La réforme communale, indispensable en Polynésie française, se fait urgente ; c’est pourquoi je voterai la proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite du débat qui se déroule ce matin, en dépit de son caractère intime.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

On constate année après année – Christian Cointat ne me démentira certainement pas – que les créneaux sont bien difficiles à trouver dans le calendrier législatif, en dépit de l’instauration, de manière ordinaire, de sessions extraordinaires.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La tentation est grande, de ce fait, de vouloir traiter les problèmes de l’outre-mer par ordonnance, en dehors du débat parlementaire. Mais cette méthode – vous en conviendrez, madame la ministre – n’est pas la meilleure possible pour les parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Si elle n’est pas la meilleure possible, c’est parce qu’elle ne permet pas une prise de conscience des problèmes de l’outre-mer qui, dans ces conditions, sont toujours traités de manière isolée et secondaire.

Légiférer par ordonnance nous entraîne souvent dans des aventures incertaines s’agissant de la date de publication des décrets d’application. Le débat qui se déroule aujourd’hui dans cet hémicycle en constitue une preuve supplémentaire. Mais je vous concède, madame la ministre, que vous n’en portez nullement la responsabilité.

Mme la ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Reste que, six ans après l’adoption de l’ordonnance du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et groupements de communes de Polynésie française, les décrets d’application n’ont toujours pas été publiés, même s’ils vont l’être de façon imminente.

Nous nous trouvons donc face à un paradoxe : chacun s’accorde à constater à la fois l’absence de règles régissant la fonction publique polynésienne et l’absence d’action visant à y remédier.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste a souhaité tirer parti d’un espace qui lui était réservé pour faire examiner la proposition de loi déposée, avec l’appui de l’ensemble de notre groupe, par notre collègue Richard Tuheiava.

Cette proposition de loi constitue l’aboutissement d’un travail solide, mené conjointement par les élus polynésiens et, en amont, le syndicat pour la promotion des communes de Polynésie. §Je me réjouis donc que ce texte soit aujourd’hui discuté, enrichi de l’apport technique très important de Richard Tuheiava, ainsi que du travail remarquable de Jean-Pierre Vial ; ce dernier a pris en charge ce dossier en quelques semaines, soit un délai nettement plus court que celui qui se révèle nécessaire à l’élaboration des décrets ! À tous les deux, je tiens à adresser mes remerciements.

Je forme aussi le vœu que cette proposition de loi, dont il n’est pas très hasardeux de penser qu’elle connaîtra un sort favorable, ne se perde pas dans les oubliettes de l’Assemblée nationale, et que, ayant été adoptée par la Haute Assemblée sans doute de façon unanime, elle puisse être examinée rapidement par les députés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Sur ce point, madame la ministre, vous avez plus de facilités que moi pour vous faire entendre du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale afin qu’un créneau soit trouvé…

Je veux aussi saisir l’occasion de saluer le travail de l’assemblée de Polynésie et de ses élus, car il me semble important que la représentation nationale reconnaisse sa qualité.

Nous sommes habitués, s’agissant de l’assemblée de Polynésie, à évoquer plus l’instabilité politique et les renversements des exécutifs que la qualité des travaux.

Je ne nie pas que cette instabilité existe. Nous avions d’ailleurs dit que la loi intitulée par l’un de vos prédécesseurs, M. Estrosi, avec un humour sans doute involontaire, « loi tendant à renforcer la stabilité des institutions en Polynésie française » assurerait en fait leur instabilité. Nous avions raison.

Nous aurons prochainement l’occasion d’examiner un texte ; espérons que nous parviendrons à un accord unanime permettant aux institutions de la Polynésie française de fonctionner aussi bien qu’il est possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mais aujourd’hui, puisque l’occasion se présente de saluer un travail, je le fais très volontiers.

J’en viens au fond de cette proposition de loi.

Je ne rappellerai pas le contenu du texte, car cela n’aurait guère d’intérêt – Richard Tuheiava et M. le rapporteur l’ont déjà fait excellemment –, mais je profiterai de l’occasion qui m’est accordée pour vous livrer quelques remarques, mes chers collègues. En effet, une fois les textes de loi publiés, nous n’avons pas si souvent l’occasion d’évoquer ces questions en séance.

En 2008, avec mon collègue et ami Christian Cointat, j’ai eu le privilège d’effectuer une mission sur les communes de Polynésie. Après réflexion, nous avons choisi d’intituler notre rapport Droits et libertés des communes de Polynésie française : de l’illusion à la réalité, pour bien marquer l’écart entre ce qui reste formel et ce qui est réel.

En effet, il ne suffit pas d’affirmer des droits et des libertés pour que ceux-ci s’incarnent. Que peuvent faire les communes sans un cadre législatif précis définissant les contours d’une fonction publique stable – tel est l’objet de ce texte – et dans une absence de fait de libre administration, pour certaines d’entre elles, en raison de leur dépendance parfois presque totale à l’égard des transferts financiers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le rapporteur le rappelait : la Polynésie française est constituée de quarante-huit communes présentant des réalités extrêmement hétérogènes sur le plan tant physique que géographique. Pour montrer l’étendue de ce territoire, on a coutume de superposer sa carte à celle de l’Europe : on se rend alors compte qu’il couvre une superficie comparable, la Polynésie s’étendant des Pyrénées jusqu’aux confins de la Turquie et à Stockholm. En outre, ses cinq archipels comprennent des atolls d’une taille véritablement microscopique.

C’est M. le rapporteur, me semble-t-il, qui rappelait que la commune de Fangatau est située sur deux atolls distants de 90 kilomètres : pour aller de l’un à l’autre le maire doit passer par Tahiti, à 2 000 kilomètres de là, ce qui constitue tout de même un mode de fonctionnement quelque peu complexe

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Dans notre rapport, nous constations que ces communes doivent affronter de tels obstacles, tant financiers qu’humains, pour faire face à leurs obligations qu’elles sont presque incapables de les assumer.

L’ordonnance du 5 octobre 2007 a fixé des délais précis pour la mise en œuvre des compétences communales, mais il faut les revoir, me semble-t-il. On ne peut exiger le respect strict de ces délais si l’on ne corrige pas les disparités de moyens entre les communes et si l’on ne renforce pas l’encadrement et la formation du personnel communal.

Pour ne citer que quelques exemples, l’ordonnance de 2007 a fixé au 31 décembre 2015 la date à laquelle les communes doivent faire face à leurs compétences en matière de distribution d’eau potable. Or, en 2008, nous avions constaté que, sur les quarante-huit communes que compte la Polynésie française, seules cinq étaient en mesure de distribuer une eau de qualité relativement satisfaisante, ce qui ne concerne que 10 % des habitants.

M. Christian Cointat acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

À Moorea, une superbe station d’ultrafiltration de l’eau est à l’arrêt depuis de longs mois en raison d’un défaut de conception et d’entretien.

Certaines communes ne disposent pas d’autres ressources que celles qui sont offertes par la collecte des eaux de pluie. Je me souviens d'ailleurs que le principal du collège de Rangiroa, dans les Tuamotu, était obligé de faire distribuer de l’eau minérale à ses élèves en raison de la contamination des citernes d’eau de pluie par les rejets d’une station d’épuration défectueuse.

M. Christian Cointat acquiesce à nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En ce qui concerne le traitement des déchets, la situation est encore plus dramatique ; je profite de cette tribune pour le dire, car nous n’avons pas souvent l’occasion d’aborder ici de tels problèmes.

La mise en œuvre de la compétence communale est fixée au 31 décembre 2011, c'est-à-dire à la fin de cette année. Or, en 2008, donc trois ans avant la date prévue, nous constations qu’il était extrêmement difficile pour les communes d’assumer seules la charge de la gestion des déchets, notamment pour les atolls des Tuamotu-Gambier, qui sont faiblement peuplés, éloignés les uns des autres et dont le relief ne permet pas de recourir à l’enfouissement. Certes, dans un bureau de l’Hexagone, bien calé dans son fauteuil, on peut imaginer de tels procédés, mais il n’en reste pas moins que les conditions physiques des Tuamotu-Gambier interdisent de les employer !

Nous avons d’ailleurs pu le constater en visitant les deux décharges à ciel ouvert de Rangiroa, qui créent des problèmes non seulement d’hygiène, mais aussi de conservation du littoral. Ce véritable joyau, aux capacités touristiques extraordinaires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

… notamment grâce à sa faune sous-marine, risque d’être détruit parce que l’on n’aura pas su gérer le problème des déchets.

Si l’on ajoute à cette difficulté la situation de tutelle financière liée à la dépendance totale aux transferts, on comprend l’extraordinaire défi qui est lancé à ces communes pour la pleine mise en œuvre de leurs compétences.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la commune de Rapa, située tout au sud des Îles australes, commune qui est particulièrement isolée – elle est aussi éloignée de l’île la plus proche que Marseille l’est de Naples – et accessible seulement par bateau. Or, il n'existe pas d’entreprise susceptible d’assurer ce transport. Que l’on autorise les travaux en régie et l’utilisation du personnel local sur les chantiers communaux, comme le prévoit cette proposition de loi, me semble donc être de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Aujourd’hui, les communes n’ont qu’une faible marge de décision sur les recettes. Il faudra bien un jour les doter de véritables moyens financiers, mais il s'agit là d’un autre débat.

Au regard de ces réalités extrêmement complexes, que j’ai voulu vous faire partager, mes chers collègues – ainsi qu’à ceux qui liront nos propos au Journal officiel, car les sénateurs ici présents connaissent en général ces problèmes –, la mise en œuvre de cette proposition de loi est très attendue par les acteurs concernés, car il s'agit ici de proposer un cadre nouveau.

Dans certaines parties de la Polynésie, l’enjeu n’est pas mince, puisque certaines communes ne disposent pas de capacités de développement touristique et sont les principaux, voire les uniques employeurs de leur territoire.

Le succès de la réforme communale implique aussi un dialogue entre tous les acteurs concernés. Je soulignais en introduction qu’il est courant de parler de la Polynésie pour son instabilité politique. Je sais, pour les avoir rencontrés, que bien des élus polynésiens sont éprouvés par ces années d’instabilité et qu’ils souhaitent un dialogue constructif et convergent.

Notre discussion d’aujourd’hui est une occasion inédite de soutenir cet espoir collectif de réussite. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera la proposition de loi telle qu’elle ressort des travaux de la commission des lois, qui l’a adoptée de manière unanime.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec les autres membres du groupe du RDSE, je tiens à saluer l’initiative de notre collègue Richard Tuheiava, dont la proposition de loi – tous les orateurs l’ont souligné ce matin – est le fruit d’un remarquable travail de concertation entre les organisations syndicales, les collectivités territoriales et les représentants de l’État en Polynésie française.

Cette tâche de réflexion, qui a su dépasser les clivages partisans, montre qu’il est possible de parvenir à un consensus raisonnable, au service de l’intérêt général des citoyens de nos collectivités ultramarines. Cette proposition de loi l’illustre avec pertinence.

Comme l’ont rappelé les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, les ordonnances du 4 janvier 2005 et du 5 octobre 2007 ont mis en application les dispositions du nouveau statut créé par la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française. Même si l’ensemble des décrets et arrêtés d’application n’ont toujours pas été publiés, les règles de la démocratie locale et du principe de libre administration des collectivités territoriales, dont jouissent les communes relevant du droit commun, sont en voie d’extension, dans la perspective du 1er janvier 2012. D'ailleurs, trente-sept des communes polynésiennes ont déjà mis en œuvre cette faculté.

Cet alignement d’une collectivité d’outre-mer sur le droit commun des collectivités territoriales revêt, bien sûr, un intérêt particulier pour l’élu ultramarin que je suis, tant – vous le savez, mes chers collègues – le débat sur l’évolution institutionnelle de la Guadeloupe est d’actualité.

Pour ma part, je me réjouis que nos compatriotes polynésiens, élus ou non, aient refusé l’immobilisme pour, au contraire, faire le choix d’une autonomie responsable et adulte dans le cadre des lois de la République.

La proposition de loi de notre collègue vise deux objectifs ambitieux et légitimes, auxquels nous souscrivons pleinement : rapprocher le statut des 4 547 agents communaux de celui des autres fonctions publiques et tenir compte des difficultés rencontrées lors de la large concertation qui s’est tenue sur l’évolution de ce statut.

En effet, l’extension des dispositions du code général des collectivités territoriales n’a pas été sans soulever des difficultés pratiques pour les agents communaux, dont la grande hétérogénéité des statuts doit encore aujourd’hui être combinée avec la géographie et les contraintes spécifiques auxquelles se heurtent les communes polynésiennes et leurs groupements.

L’absence de mise en œuvre d’un statut des agents locaux, pourtant décidée en 1994 par le législateur, a eu pour conséquence le maintien de règles de recrutement et de conditions de travail disparates. Celles-ci s’inscrivent en effet entre le contrat de droit privé soumis au code du travail polynésien et l’application de la convention collective des agents non fonctionnaires communaux ou encore du statut communal ad hoc.

Il nous paraît évident que la faiblesse des ressources financières propres et des bases d’imposition des communes, qui placent ces dernières dans une situation de dépendance à l’égard des transferts financiers de l’État, empêche aujourd’hui les municipalités d’exercer pleinement les compétences que la loi leur a octroyées. Cette inertie regrettable appelle également une harmonisation des statuts, afin de ne pas disperser inutilement l’usage des deniers publics et de favoriser le développement des compétences professionnelles des agents.

Dans un territoire où l’intercommunalité reste aussi peu développée, il est souhaitable que cette harmonisation accompagne la mutualisation des moyens des communes au service de l’intérêt général local, par exemple dans les domaines sur lesquels notre collègue Bernard Frimat vient de mettre l’accent, c'est-à-dire l’assainissement, le traitement des déchets ou la distribution d’eau potable.

Ce sont précisément ces carences qui ont conduit le congrès des communes de Polynésie française à mener le travail de réflexion dont est issue pour partie la présente proposition de loi.

Sur le fond, ce texte place les règles de la fonction publique communale de Polynésie française en conformité avec les évolutions législatives intervenues depuis la publication de l’ordonnance du 4 janvier 2005 : développement de la formation professionnelle et valorisation de l’expérience professionnelle par les lois du 2 février 2007 et du 19 février 2007, assouplissement de la mobilité au sein des trois fonctions publiques par la loi du 3 août 2009, modernisation du dialogue social par la loi du 5 juillet 2010.

Je ne peux donc qu’approuver la sécurisation des conditions de recrutement et de déroulement de carrière ainsi que la consolidation de la protection sociale des agents auxquelles procède cette proposition de loi. N’oublions pas non plus que, dans des territoires marqués par des contraintes géographiques parfois très fortes, les fonctionnaires jouent un rôle économique et social majeur. Ce sont eux qui permettent de préserver le lien social en faisant vivre les services publics ; ce sont eux également qui servent de relais à la mise en œuvre des politiques de développement dont ont nécessairement besoin les communes et leurs habitants.

J’ai entendu moi aussi les remarques de M. Tuheiava sur certains points du texte qui mériteraient certainement d’être précisés. Je ne doute pas que ces observations feront l’objet d’un débat et que nous parviendrons à un consensus constructif lors de la discussion des articles.

Aussi, comme l’ensemble de mes collègues du groupe du RDSE, j’apporterai un soutien sans réserve à cette proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Madame le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme nous l’a rappelé notre collègue Richard Tuheiava, auteur de la proposition de loi, l’ordonnance du 4 janvier 2005 a doté, pour la première fois, d’un statut général les agents des communes et groupements de communes de la Polynésie française.

Depuis 2004, les communes de la Polynésie française ont accédé au statut de collectivité territoriale de la République, régie par le principe de libre administration.

Comme nous l’avions écrit, mon collègue Bernard Frimat et moi-même, à la suite d’une mission centrée sur les communes de Polynésie dont il a évoqué certains aspects tout à l’heure, c’était « une étape décisive dans l’attribution d’un régime identique à celui de métropole et dans le renforcement du rôle des 48 communes polynésiennes ».

Les communes polynésiennes ont alors été dotées de compétences propres, devant pouvoir disposer de services aptes à les mettre en œuvre.

C’est pourquoi l’ordonnance de 2005 a défini les garanties fondamentales dont devaient bénéficier les fonctionnaires des communes, ainsi que le cadre général de l’organisation de la fonction publique communale.

L’année 2011 marque le quarantième anniversaire du régime communal en Polynésie française ; cette année devrait donc être celle de la mise en place de la fonction publique communale, étape symbolique vers la libre administration.

Comme nous le savons, les communes doivent pouvoir mettre en œuvre les compétences qui leur sont dévolues.

Et pourtant, les communes polynésiennes sont handicapées par la brande faiblesse de leurs ressources propres, contraire au principe de libre administration. Nous avons pu, Bernard Frimat et moi-même, le constater sur place.

Et pourtant, la mise en œuvre effective des compétences communales requiert des moyens financiers importants.

C’est pourquoi je tiens à vous rappeler que, pour y subvenir, nous avons voté, dans le cadre de la loi de finances pour 2011, une dotation territoriale pour l’investissement des communes, à hauteur de 9, 054 millions d’euros. Pouvez-vous vous nous préciser, madame le ministre, les opérations qui seront financées grâce à cette aide substantielle de l’État ?

Compte tenu de la faiblesse des ressources locales et des spécificités géographiques, qui minorent les avantages de la coopération intercommunale, celle-ci est encore peu développée, et l’on peut le regretter, même si, dans le cas des îles Marquises, on est dans la bonne voie.

Comme l’a rappelé notre rapporteur, Jean-Pierre Vial, dont je tiens à saluer le travail minutieux et remarquable à tous égards, l’ensemble des contraintes géographiques et financières pèsent lourdement sur les collectivités polynésiennes, ce qui implique aujourd’hui une mise en place rapide de la fonction publique communale, afin de permettre à ces collectivités de disposer de compétences stables et à leurs agents de bénéficier d’un statut apte à leur offrir des parcours professionnels valorisants. Les propos que vous avez tenus à ce sujet, madame le ministre, sont encourageants.

Toutefois, vous avez évoqué, comme on le fait souvent au banc du Gouvernement, les économies d’échelle. J’espère que ces échelles serviront à monter plutôt qu’à descendre !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

À ce jour, les agents des 48 communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics administratifs, soit plus de 4 500 personnes, sont recrutés dans le cadre de contrats de droit privé et soumis à des règles très hétérogènes : application du code du travail polynésien, adhésion à la convention collective des agents non-fonctionnaires communaux, statuts communaux.

L’ordonnance du 4 janvier 2005 porte « statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs ». Cependant, elle devait être complétée et précisée par des décrets et des arrêtés du haut-commissaire de la République pour que les collectivités puissent, enfin, créer les emplois qui leur sont nécessaires.

Depuis la publication de l’ordonnance, le droit général de la fonction publique a évolué. Les dispositions adoptées en 2007, 2009 et 2010 par le Parlement constituent pour nombre d’entre elles de véritables novations, en favorisant la formation professionnelle et l’expérience professionnelle des agents, en facilitant la mobilité des fonctionnaires, en modernisant le dialogue social.

C’est dans cet esprit d’évolution et de modernisation que le groupe UMP souhaite voter la proposition de notre collègue Richard Tuheiava en faveur des futurs agents communaux de Polynésie française.

L’objectif est double. Il s’agit, d’une part, de tenir compte des difficultés apparues lors de la concertation préalable entre le représentant de l’État, les représentants des communes et les organisations syndicales locales et, d’autre part, de rapprocher l’ordonnance de 2005 de l’état du droit dans les autres fonctions publiques.

Ainsi que cela a été rappelé, les négociations ont permis l’adoption des accords de la fonction publique communale, signés le 5 juillet 2006 et d’un protocole d’accord sur les grilles salariales en date du 29 octobre 2007 ; nous nous réjouissons de ce consensus général sur un sujet important pour le développement de l’archipel.

Comme notre collègue Richard Tuheiava l’a indiqué, les décrets d’application auraient dû préciser les grandes lignes de force. Pourtant, les textes réglementaires n’ont pas été publiés. L’ordonnance n’a donc pas pu être mise en œuvre.

Madame le ministre, je ne peux vous cacher mes regrets et même ma grande tristesse à ce sujet.

Telles sont les raisons pour lesquelles il est important, mes chers collègues, de garantir, en ce début d’année 2011, aux agents communaux de Polynésie française un statut stable et homogène.

C’est pourquoi le groupe UMP adoptera avec conviction cette proposition de loi, qui fait l’unanimité chez les élus polynésiens.

Notre préoccupation première, aujourd’hui, est bien de répondre aux besoins de nos compatriotes de cet archipel et de les accompagner sur la voie du progrès.

Avant de terminer, je veux remercier non seulement l’auteur de la proposition de loi et notre rapporteur, mais également Bernard Frimat, qui a usé de son temps de parole pour rappeler quelques lignes importantes du rapport que nous avons eu l’honneur de préparer ensemble et qui, je l’espère, sera suivi d’effets. À cet égard, je tiens à vous dire, madame le ministre, que j’approuve sans réserve tous les propos tenus par notre collègue. Lors de cette mission que nous avons conduite ensemble, nous avons largement dépassé nos sensibilités politiques, nous appliquant à être deux parlementaires animés uniquement du souci de comprendre, témoigner et proposer.

Tels sont, madame la ministre, les quelques points que je souhaitais aborder concernant cette proposition de loi. Je forme, comme Bernard Frimat, le vœu qu’elle puisse franchir le cap de l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, j’avais déposé un amendement tendant à rendre obligatoire l’inscription à l’ordre du jour d’une assemblée, dans un délai raisonnable, l’examen d’une proposition de loi adoptée par l’autre assemblée. Bien qu’il ait obtenu un grand succès d’estime, cet amendement n’a malheureusement pas été retenu. Or, s’il avait voté, je crois que l’on serait plus tranquille aujourd’hui !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.

L'article 8 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « que soit pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité ou d'un congé parental, ou de l'accomplissement du service national et » sont remplacés par les mots : « que soit pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité ou d'un congé parental, ou de l'accomplissement du service civil ou national et » ;

2° Le deuxième alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette durée maximale de trois mois est portée à douze mois renouvelables une fois dans les communes isolées dont la liste est fixée par arrêté du haut commissaire de la République. » ;

3° La fin du troisième alinéa () du II est ainsi rédigée : «, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient ».

L'article 1 er est adopté.

(Non modifié)

I. – Le premier alinéa de l’article 9 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les emplois permanents peuvent être occupés par des fonctionnaires de l’État régis par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, des fonctionnaires territoriaux régis par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et des fonctionnaires hospitaliers régis par la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 placés en position de détachement ou mis à disposition conformément aux statuts dont ils relèvent.

« La durée du détachement ou de mise à disposition de ces fonctionnaires est fixée à trois ans et est renouvelable une fois. »

II. – Le troisième alinéa de l’article 57 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est supprimé.

III. – L’article 80 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est supprimé.

IV. – L’article 80-1 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est supprimé. –

Adopté.

L’article 17 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Des fonctionnaires peuvent être tenus pendant tout ou partie du déroulement de la grève d'assurer leur service si leur concours est indispensable au fonctionnement des services dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels de la population. » –

Adopté.

L'article 34 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est ainsi modifié :

1° Au second alinéa du II, après les mots : « est liquidée » sont insérés les mots : « et versée » ;

2° Le second alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :

« À défaut, la cotisation est recouvrée dans les conditions fixées par l'article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales. » ;

3° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle est inscrite sur le bulletin de salaire de chaque agent comme charge patronale. » –

Adopté.

Dans l’article 35 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée, les mots : « L. 121-30, L. 121-31 et L. 122-29 du code des communes tel que rendu applicable à la Polynésie française par la loi du 29 décembre 1977 susvisée » sont remplacés par les mots : « L. 1872-1, L. 2131-1, L. 2131-2 et L. 2131-3 du code général des collectivités territoriales applicable en Polynésie française ». –

Adopté.

Le quatrième alinéa de l’article 40 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est complété par les mots : «, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française ». –

Adopté.

Le 3° de l'article 44 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est complété par les mots : «, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ». –

Adopté.

Après l’article 48 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée, il est inséré un article 48-1 ainsi rédigé :

« Art. 48-1. – Au titre des cinq années suivant la publication de chaque statut particulier, l'autorité de nomination peut se fonder, à titre expérimental et par dérogation à l'article 48, sur un entretien professionnel pour apprécier la valeur professionnelle des fonctionnaires.

« L'entretien est conduit par leur supérieur hiérarchique direct et donne lieu à l'établissement d'un compte rendu.

« La commission administrative paritaire peut, à la demande de l'intéressé, en proposer la révision.

« Le haut-commissaire présente chaque année au Conseil supérieur de la fonction publique des communes de la Polynésie française un bilan de cette expérimentation.

« Le gouvernement en présente le bilan au Parlement dans les six mois de son achèvement.

« Un arrêté du haut commissaire fixe les modalités d'application du présent article. » –

Adopté.

(Non modifié)

L’article 54 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est ainsi modifié :

1° Le 8° est ainsi rédigé :

« 8° Au congé pour validation des acquis de l’expérience. » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Un arrêté du haut-commissaire en Polynésie française fixe les règles relatives au congé pour validation des acquis de l’expérience et celles concernant l’organisation et le fonctionnement des comités médicaux compétents en cas de maladie et de maternité. » –

Adopté.

Dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 57 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée, les mots : « par l'autorité de la collectivité d'accueil » sont supprimés. –

Adopté.

À la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 62 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée, les mots : « les fonctionnaires de la Polynésie française occupant des emplois comparables » sont remplacés par les mots : « les fonctionnaires de l'État occupant des emplois comparables ». –

Adopté.

La section 1 du chapitre VI de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est complétée par un article 72-2 ainsi rédigé :

« Art. 72-2. – Les agents non titulaires ne peuvent être maintenus en fonction au-delà de la limite d'âge fixée par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française. La limite d'âge peut être reculée d'une année par enfant à charge au sens de la réglementation de la caisse de prévoyance sociale, sans que la prolongation d'activité soit supérieure à trois ans. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 2, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise et Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Remplacer les mots :

d'une année par enfant à charge au sens de la réglementation de la caisse de prévoyance sociale, sans que la prolongation d'activité soit supérieure à trois ans

par les mots :

en tenant compte de la réglementation applicable aux fonctionnaires de la Polynésie française

La parole est à M. Richard Tuheiava.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Cet amendement portant sur le même sujet que l’amendement n° 3, qui tend à insérer un article additionnel après l’article 11, si vous le permettez, je défendrai les deux amendements en même temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

J’appelle donc également en discussion l'amendement n° 3, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise et Gillot, et ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase de l'article 67 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée, les mots : « d'une année par enfant à charge au sens de la réglementation de la caisse de prévoyance sociale, sans que la prolongation d'activité soit supérieure à trois ans » sont remplacés par les mots : « en tenant compte de la réglementation applicable aux fonctionnaires de la Polynésie française ».

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Ces amendements tendent à introduire une double harmonisation.

S’agissant de la limite d’âge, le texte initial de la proposition de loi avait pour objet d’harmoniser les situations des fonctionnaires et des agents non titulaires. C’est l’objet de l’amendement n° 2.

En ce qui concerne l’amendement n° 3, la création de la fonction publique communale en Polynésie française ne s'accompagne pas de la création d'une caisse de retraite particulière, compte tenu de la faiblesse des effectifs appelés à cotiser. C'est la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, caisse unique, qui collecte et redistribue pour l'ensemble des cotisants, publics et privés.

L'avis du 13 janvier 2011 de la commission permanente de l'Assemblée de la Polynésie française, que j’ai cité dans la discussion générale, fait état d'une situation inégalitaire entre les fonctionnaires de la Polynésie française et les futurs fonctionnaires communaux quant à leur possibilité de rester en fonction après l'âge limite de la retraite. En effet, les dispositions actuelles de l'article 67 de l'ordonnance de 2005 ne prévoient qu'une durée maximale de trois ans après l’âge limite de la retraite pour la prolongation d'activité pour cause d'enfant à charge.

Une harmonisation des statuts des deux fonctions publiques sur ce point me semble nécessaire et propice à un apaisement du climat social en Polynésie française. C’est l’objet de l’amendement n° 3, qui tend à éviter les distorsions entre les agents communaux et les agents de la Polynésie française soumis au même régime de cotisations et dépendant de la même caisse de retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Ces deux amendements, qui ont fait l’objet d’une présentation commune, se réfèrent à des situations légèrement différentes.

L’amendement n° 2 vise à harmoniser la situation des agents non titulaires au regard de la limite d’âge.

Le statut des fonctionnaires de la collectivité de Polynésie française prévoit le maintien en fonction dans trois cas : de plein droit, pour permettre la jouissance d’une retraite à taux plein sans que la prolongation excède cinq ans ; à raison d’une année par enfant à charge sans que la prolongation excède cinq ans ; à la demande de l’autorité compétente et avec l’accord du fonctionnaire pour permettre le maintien d’un personnel qualifié dans la limite de huit ans. Seraient donc visés les postes à haut niveau de technicité ou les postes difficiles à pourvoir du fait de leur localisation.

Sur la forme, la référence expresse au statut de la collectivité doit être écartée, car elle conduirait à faire dépendre la loi nationale d’une délibération de l’assemblée territoriale.

Sur le fond, il n’est pas opportun de prévoir un tel régime dérogatoire au droit commun, qui lierait les communes. Celles-ci ont demandé à voir figurer clairement la limite d’âge dans leur statut afin d’écarter la pratique actuelle du maintien en fonction.

Rappelons que le texte de la commission prévoit déjà un possible recul de la limite d’âge d’une durée d’une année par enfant à charge, sans que la prolongation d’activité soit supérieure à trois ans.

Vous l’avez compris, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 2.

L’amendement n° 3, quant à lui, tend à aligner le dispositif de la prolongation d’activité des fonctionnaires des communes sur celui des fonctionnaires de la collectivité de Polynésie française.

Le statut de ces derniers prévoit leur maintien en fonction dans trois cas que j’ai déjà en m’exprimant sur l’amendement précédent.

L’amendement n° 3 appelle les mêmes observations sur la forme et sur le fond que l’amendement n° 2.

Rappelons qu’il s’agit de départs programmés. C’est pourquoi la dérogation prévue pour les postes à haut degré de technicité ou difficiles à pourvoir en raison de leur localisation peut être écartée, la collectivité pouvant anticiper leur vacance.

En revanche, afin de ne pas créer de trop grandes disparités entre les statuts respectifs des fonctionnaires des communes et de ceux de la collectivité de Polynésie française concernant le départ en retraite, la commission a retenu un élargissement des dérogations : d’une part, en alignant la limite du recul pour enfants à charge à cinq ans ; d’autre part, en prévoyant le recul pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein, sous réserve qu’il ne soit pas de droit, afin de pouvoir prendre en compte l’intérêt du service.

En conséquence, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 3 à condition qu’il soit rectifié de manière que l’article additionnel se lise comme suit :

« La seconde phrase de l’article 67 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est remplacée par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, la limite d’âge peut être reculée dans les cas suivants :

« - sur demande du fonctionnaire, à due concurrence du nombre d’années restant à cotiser pour obtenir une retraite à taux plein de la tranche dite « A », sans que cette prolongation d’activité soit supérieure à cinq ans ;

« - d’une année par enfant à charge au sens de la réglementation de la caisse de prévoyance sociale, sur demande du fonctionnaire, sans que la prolongation d’activité soit supérieure à cinq ans.

« Sous peine d’irrecevabilité, les demandes de prolongation doivent intervenir au moins trois mois avant la survenance de la limite d’âge. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Monsieur Tuheiava, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Oui, madame la présidente, dans la mesure où cette rectification nous permet de parvenir à un accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis donc saisie d’un amendement n° 3 rectifié, dont les termes viennent d’être exposés par M. le rapporteur.

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 2 et 3 rectifié ?

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

L’analyse de M. le rapporteur est tout à fait pertinente.

S’agissant de l'amendement n° 2, le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable.

S’agissant de l'amendement n° 3 rectifié, monsieur Tuheiava, je vous remercie : votre proposition va dans le sens d’une harmonisation en évitant toute distorsion entre les agents de la fonction publique communale et ceux de la fonction publique territoriale. Toutefois, la commission a raison, il est utile de préciser les dispositions de l’ordonnance de 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Afin d’éviter tout malentendu sur la rectification qu’a proposée la commission des lois, je tiens à apporter quelques précisions.

Nous n’avons pas repris l’ensemble des dispositions contenues à l'article 67 de l’ordonnance de 2005.

Par conséquent, de deux choses l’une : soit nous en restons à la position de la commission, qui est plus restrictive ; soit – et c’est ce que j’ai cru comprendre – le Gouvernement veut un alignement des dispositions de l'article 11 de la proposition de loi sur celles de l'article 67 de l’ordonnance de 2005, auquel cas, il faut modifier à nouveau la rédaction de l'amendement.

Par conséquent, madame la ministre, si vous entendez en rester au dispositif prévu par l'article 67, il faut reprendre les termes dans leur intégralité.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, je crois nécessaire que nous interrompions nos travaux pour quelques instants, afin qu’un accord puisse être trouvé entre M. Tuheiava, la commission et le Gouvernement.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Madame la présidente, je rappelle la position du Gouvernement.

Sur le fond, nous sommes favorables à la démarche proposée par M. Richard Tuheiava à l'amendement n° 3, qui vise à harmoniser le statut des agents de la fonction publique communale avec celui des fonctionnaires territoriaux et à procéder à l’extension de dispositions qui sont d’ores et déjà applicables en Polynésie française.

Sur la forme, pourrait donc être proposée une nouvelle rédaction de cet amendement de façon que soient conciliées à la fois la demande du Gouvernement et les dispositions complémentaires que tendaient à prévoir l'amendement n° 3 dans sa rédaction initiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Tout malentendu est désormais dissipé. Nous accédons à la demande de l’auteur de cette proposition de loi tout en intégrant, avec l’accord du Gouvernement, le contenu de l’article 67 de l’ordonnance de 2005.

Cependant, pour qu’il ne soit pas fait référence – et, là, c’est une application rigoureuse du droit – à des dispositions d’une autre collectivité que nous reprenons à notre compte, la seconde phrase de l’article 67 de l’ordonnance serait remplacée par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, la limite d’âge peut être reculée dans les cas suivants :

« - de plein droit, sur demande du fonctionnaire, à due concurrence du nombre d’années restant à cotiser pour obtenir une retraite à taux plein de la tranche dite A, sans que cette prolongation d’activité soit supérieure à cinq ans,

« - d’une année par enfant à charge au sens de la réglementation de la caisse de prévoyance sociale, sur demande du fonctionnaire, sans que la prolongation d’activité soit supérieure à cinq ans,

« - à la demande de l’autorité compétente, après avis de la commission administrative paritaire compétente et accord du fonctionnaire, lorsque l’agent occupe des fonctions nécessitant un haut niveau de technicité ou difficiles à pourvoir du fait de la situation géographique de leur lieu d’exercice, sans que la prolongation d’activité soit supérieure à huit ans. Au-delà de soixante-cinq ans, la prolongation d’activité est accordée pour une durée d’un an renouvelable, sous réserve d’un examen médical constatant l’aptitude du fonctionnaire à exercer ses fonctions.

« Sous peine d’irrecevabilité, les demandes de prolongation doivent intervenir au moins trois mois avant la survenue de la limite d’âge. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Monsieur Tuheiava, acceptez-vous la nouvelle rectification suggérée par la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Oui, madame la présidente.

J’en profite pour préciser que je retire l'amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 2 est retiré.

Je suis donc saisie d’un amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise et Gillot, et ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase de l'article 67 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est remplacée par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, la limite d'âge peut être reculée dans les cas suivants :

« - de plein droit, sur demande du fonctionnaire, à due concurrence du nombre d'années restant à cotiser pour obtenir une retraite à taux plein de la tranche dite A, sans que cette prolongation d'activité soit supérieure à cinq ans,

« - d'une année par enfant à charge au sens de la réglementation de la caisse de prévoyance sociale, sur demande du fonctionnaire, sans que la prolongation d'activité soit supérieure à cinq ans,

« - à la demande de l'autorité compétente, après avis de la commission administrative paritaire compétente et accord du fonctionnaire, lorsque l'agent occupe des fonctions nécessitant un haut niveau de technicité ou difficiles à pourvoir du fait de la situation géographique de leur lieu d'exercice, sans que la prolongation d'activité soit supérieure à huit ans. Au-delà de soixante-cinq ans, la prolongation d'activité est accordée pour une durée d'un an renouvelable, sous réserve d'un examen médical constatant l'aptitude du fonctionnaire à exercer ses fonctions.

« Sous peine d'irrecevabilité, les demandes de prolongation doivent intervenir au moins trois mois avant la survenue de la limite d'âge. »

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je me réjouis de la solution intelligente qui vient d’être trouvée.

D’une part, elle permet de traduire en droit l’accord qui existe sur le fond quant à la nécessaire harmonisation des statuts des agents, car tout le monde est conscient des implications sociales du problème. D’autre part, elle permet d’éviter de soumettre la loi de la République aux évolutions futures d’une loi d’une collectivité d'outre-mer, ce qui était juridiquement impossible, notamment au regard de la hiérarchie des normes.

Ainsi, non seulement tout est remis en quelque sorte dans le bon ordre juridique, mais il est fait droit à la volonté de régler de manière judicieuse le problème social qui était posé.

L'article 11 est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 11.

La section 1 du chapitre VI de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est complétée par trois articles 72-3, 72-4 et 72-5 ainsi rédigés :

« Art. 72-3. – Les emplois fonctionnels suivants peuvent être créés :

« - directeur général des services des communes de plus de 2 000 habitants,

« - directeur général adjoint des services des communes de plus de 10 000 habitants,

« - directeur général des groupements de communes de plus de 10 000 habitants,

« - directeur général adjoint des groupements de communes de plus de 20 000 habitants,

« - directeur général des services techniques des communes et groupements de communes de plus de 10 000 habitants,

« - directeur général du centre de gestion et de formation.

« Art. 72-4. – Par dérogation à l'article 38, peuvent être pourvus par la voie du recrutement direct, dans les conditions de diplômes ou de capacités fixées par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française, les emplois suivants :

« - directeur général des services et directeur général des services techniques des communes de plus de 20 000 habitants,

« - directeur général adjoint des services des communes de plus de 30 000 habitants,

« - directeur général des services du centre de gestion et de formation.

« L'accès à ces emplois par la voie du recrutement direct n'entraîne pas titularisation dans la fonction publique communale.

« Art. 72-5. – Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné à l'article 72-3 et que la commune ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la commune ou à l'établissement dans lequel il occupait un emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues à l'article 70, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'alinéa ci-dessous.

« L'indemnité de licenciement qui est au moins égale à une année de traitement, est déterminée dans les conditions fixées par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française, selon l'âge et la durée de service dans la fonction publique communale. Le bénéficiaire de cette indemnité rompt tout lien avec la fonction publique communale.

« Il ne peut être mis fin aux fonctions des agents occupant des emplois fonctionnels mentionnés à l'article 72-3, sauf s'ils ont été recrutés directement en application de l'article 72-4, qu'après un délai de six mois suivant soit leur nomination dans l'emploi, soit la désignation de l'autorité de nomination. La fin des fonctions de ces agents est précédée d'un entretien de l'autorité de nomination avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'organe délibérant et du centre de gestion et de formation ; elle prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'organe délibérant. » –

Adopté.

La section 1 du chapitre VI de l'ordonnance n° 005-10 du 4 janvier 2005 précitée est complétée par un article 72-6 ainsi rédigé :

« Art. 72-6. – Le maire peut, pour former son cabinet et pour tout ou partie de la durée de son mandat, recruter librement un ou plusieurs collaborateurs de cabinet et mettre fin librement à leurs fonctions.

« La nomination d’agents non-fonctionnaires à ces emplois ne leur donne aucun droit à être titularisés dans un grade de la fonction publique communale.

« Ces agents non titulaires sont recrutés dans des conditions définies par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française qui détermine les modalités de rémunération et leur effectif maximal en fonction de la taille de la collectivité. » –

Adopté.

L’article 73 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « à la date de publication de la présente ordonnance » sont remplacés par les mots : « à la date de publication du décret fixant les règles communes applicables aux fonctionnaires des communes, des groupements de communes et des établissements publics administratifs relevant des communes de la Polynésie française » ;

2° Au troisième alinéa, le mot : « effectifs » est remplacé par le mot : « continus » et les mots : « d’une collectivité ou d’un établissement mentionné » sont remplacés par les mots : « des collectivités ou des établissements mentionnés » ;

3° Le dernier alinéa est supprimé. –

Adopté.

L'article 74 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « l'autorité de nomination », la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : « après avis d'une commission spéciale créée auprès du centre de gestion et de formation et composée à parité de représentants des collectivités et établissements mentionnés à l'article premier et de représentants élus du personnel. La commission est présidée par un représentant des collectivités et établissements. » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un arrêté du haut-commissaire de la République détermine les modalités d'élection des membres de la commission spéciale et ses règles de fonctionnement. » –

Adopté.

(Non modifié)

L’article 75 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois » ;

2° Le dernier alinéa est complété par les mots : «, sans pouvoir prétendre dès lors à de nouveaux avantages, ni à de nouvelles primes, ni à avancement de catégorie ou de grade lorsqu’ils existent ».

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 1, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise et Gillot, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Tuheiava.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Je n’ai pas d’illusion quant au sort qui sera probablement réservé à cet amendement, même s’il vise à l'apaisement social et traduit la position que j’ai exprimée lors de la discussion générale. Sur le plan politique, il est en conformité avec l'avis de la commission permanente de l'Assemblée de la Polynésie française en date du 13 janvier 2011 ainsi que la position des principales centrales syndicales représentatives en Polynésie française.

L'alinéa 3 de l'article 15 de la présente proposition de loi prévoit de figer les conditions de rémunération des agents qui décideraient de ne pas opter pour une intégration dans la fonction publique communale, en complétant le dernier alinéa de l'article 75 de l'ordonnance n° 2005-10 par les mots «, sans pouvoir prétendre dès lors à de nouveaux avantages, ni à de nouvelles primes, ni à avancement de catégorie ou de grade lorsqu'ils existent ».

L'objet de cet amendement de suppression est d'éviter que ne soient trop fortement pénalisés en termes d'avancement ou d'évolution de carrière les agents qui préféreraient rester dans le cadre de leur statut antérieur et décideraient de ne pas opter pour une intégration dans la nouvelle fonction publique communale de la Polynésie française.

Cet amendement a été examiné en commission. Celle-ci s’y est déclarée défavorable dans la mesure où cela risquerait de réduire l’incitation à l’intégration des agents dans la fonction publique communale, alors que cette intégration est l’objectif visé.

Je crois qu’il y a, sur ce point, au moins matière à discussion dans la mesure où, selon moi, le nombre des agents qui ne seraient pas tentés par une intégration dans la nouvelle fonction publique communale n’est pas si important. Cet avis est certes subjectif, mais il est partagé par les centrales syndicales et, de manière sous-jacente, par l'ensemble de la population de Polynésie française au travers de la position exprimée par son assemblée.

Une disposition similaire avait d’ailleurs été, d’une certaine manière, appliquée à l’époque où les agents contractuels de droit privé polynésiens s’étaient vu offrir la possibilité d’intégrer la fonction publique territoriale. Il avait en effet été prévu de laisser à ceux qui choisiraient cette option le bénéfice de leur déroulement de carrière antérieur.

Par cet amendement, il s’agit aussi d’harmoniser le droit d’option sur ce qui avait été décidé dans le cadre de l’intégration dans la fonction publique territoriale.

C’est sous le bénéfice de ces explications que je suis amené, malgré la position contraire exprimée par la commission des lois, qui sera sans nul doute confirmée par M. le rapporteur dans quelques instants, à maintenir cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. Très sincèrement, monsieur Tuheiava, je ne comprends pas les raisons qui vous ont poussé à présenter un tel amendement, tant celui-ci soulève un vrai problème de fond. Son adoption réduirait en effet à néant le travail que vous-même avez fait et dont nous avons loué la qualité et la rigueur.

M. Bernard Frimat acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

En proposant de supprimer le gel des conditions de rémunération des agents actuellement en poste qui auraient choisi de demeurer contractuels plutôt que d’intégrer la nouvelle fonction publique, vous feriez perdre au texte tout son intérêt. Si ces derniers ont la possibilité de conserver leur situation actuelle, pourquoi vouloir mettre en œuvre cette proposition de loi, qui, je le rappelle, résulte d’un long travail ?

Rappelons-nous ce qui s’est passé lorsque nous avons mis en place le dispositif relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement. Un travail a été mené pendant quatre ans pour trouver une solution, notamment par une mission dirigée par le conseiller d’État Jean Courtial. Finalement, il a été décidé d’en revenir à l’application du droit commun. Aujourd’hui, on ne peut que s’en féliciter.

Par conséquent, mon cher collègue, je suis contraint de vous demander de retirer l’amendement n° 1. À défaut, j’invite l’ensemble de la Haute Assemblée à le rejeter, faute de quoi c’est l'ensemble du texte qui n’aurait plus d’objet.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Au travers de l’alinéa 3 de l'article 15, il s’agit d’inciter les agents à intégrer la fonction publique communale. C’est d’ailleurs tout le sens de ce texte, élaboré dans le souci compréhensible d’aller vers une modernisation et une meilleure organisation des services publics, avec des agents compétents, qui se verraient garantir une carrière, une formation, et ce dans l’intérêt des communes.

Effectivement, la question de l’incitation à intégrer la fonction publique peut être abordée sous différents angles, et les travaux de la commission ont, en la matière, porté sur le gel des primes et des avantages susceptibles d’être consentis. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 15 est adopté.

L’article 76 de l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 précitée est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « et dans un grade à l’échelon qui correspond » sont remplacés par les mots : « et dans un grade. Dans ce grade, l’échelon correspond » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le salaire de référence incorpore en valeur les primes et compléments acquis si ceux-ci n’ont pas d’équivalence par nature dans les statuts particuliers. » ;

bis (nouveau) Le troisième alinéa est supprimé ;

3° Le quatrième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Après leur intégration dans leur cadre d’emplois, les agents conservent les avantages ayant le caractère de complément de rémunération qu’ils ont acquis au sein de leur collectivité ou établissement dès lors que ces avantages correspondent à une disposition statutaire de nature équivalente.

« Une indemnité différentielle est attribuée à l'agent pour compenser la différence de rémunération résultant de l'échelon terminal du classement par rapport à celle antérieurement perçue d'une part, et la différence entre le montant du complément de rémunération statutaire et celui antérieurement perçu en valeur d’autre part. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 4, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise et Gillot, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa, après les mots : « Les cadres d'emplois », sont insérés les mots : « et les grades » ;

II. - Alinéa 2

Après les mots :

Dans ce grade, l'échelon

insérer le mot :

seul

La parole est à M. Richard Tuheiava.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Il s’agit d’un amendement relativement simple, puisqu’il vise uniquement à apporter deux précisions.

Dans sa version initiale, l'ordonnance de 2005 prévoit le seul classement par cadre d'emplois des agents non titulaires selon le poste occupé.

Le grade et l'échelon sont définis, bien sûr, en fonction du salaire. Or les rémunérations observées à ce jour dans les communes polynésiennes ne permettent pas de construire une hiérarchie administrative cohérente. Il faut d’ailleurs noter que la commission a d'ores et déjà procédé à un réajustement du texte que nous examinons en ce sens, mais cette adaptation me semble encore insuffisante.

Le présent amendement a donc pour objet d'organiser la procédure d'intégration dans la nouvelle fonction publique communale en deux étapes : d'abord, la définition du cadre d'emplois et du grade selon les fonctions et responsabilités occupées par le futur fonctionnaire communal ; ensuite, l'affectation de ce dernier à l'échelon indiciaire qui dépend du traitement.

Hier matin, la commission a estimé que cet amendement rédactionnel était d’une certaine manière satisfait. Je n’insiste pas davantage, car je considère qu’il est défendu. En fonction de l’argumentation qui sera exposée par M. le rapporteur, je crois possible de trouver une position consensuelle.

Madame la ministre, mes chers collègues, comprenez-moi, il ne s’agit pas de faire du juridisme ou de la sémantique. L’enjeu financier et budgétaire qui se cache derrière la rédaction du texte est tellement important que nous ne pouvons pas, au niveau de la « gouvernance collective » des communes de Polynésie française, nous permettre la moindre erreur d’interprétation, car la décision finale serait alors laissée au tribunal administratif de Papeete. C’est uniquement pour cette raison que j’ai déposé cet amendement de précision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Mon cher collègue, cet amendement est totalement satisfait puisque sont en effet pris en compte le classement des agents en poste dans un cadre d’emplois de la fonction publique et leur rémunération, au travers de la détermination de l’échelon.

Je laisse le soin à Mme la ministre de vous demander soit de retirer cet amendement, soit de le modifier pour éviter une redondance.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Monsieur Tuheiava, je vous invite à vous ranger à l’avis exprimé par M. le rapporteur. Dans la mesure où la rédaction issue des travaux de la commission satisfait votre amendement, je vous invite à le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Madame la présidente, je considère que la commission et le Gouvernement viennent de reconnaître devant la Haute Assemblée le bien-fondé de ma demande. Les positions des uns et des autres méritaient d’être clarifiées, et c’est aussi à cela que servent les débats parlementaires. Par conséquent, je retire cet amendement.

L'article 16 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Richard Tuheiava, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme il est d’usage, il appartient à l’auteur de la proposition de loi de s’exprimer avant le vote final, même si, en l’occurrence, je n’ai pas véritablement de doutes sur l’issue du débat.

Je tiens avant tout à remercier le groupe socialiste d’avoir accepté de m’offrir l’opportunité de proposer ce texte dans le cadre d’une niche parlementaire, ce qui était inespéré en termes de délai. Je suis reconnaissant aux autres groupes qui se sont aujourd'hui exprimés d’avoir apporté leur soutien non seulement à la proposition de loi, mais aussi, d’une certaine manière, aux maires et communes de Polynésie française ; ceux-ci y seront sûrement sensibles.

Je n’oublie pas, bien entendu, le Gouvernement, plus particulièrement le ministère de l'outre-mer, lequel a accepté d’accompagner très clairement, sans réserve, la mise en œuvre de ce texte. Il y a même intégré des apports particuliers en termes d’information, notamment au regard des futurs décrets d’application qui sont très attendus par les communes de Polynésie française.

Je salue par ailleurs la technicité et la sagacité du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française, car celui-ci est, peu ou prou, à l’origine de la proposition de loi.

Je rejoins les propos de mes éminents collègues Bernard Frimat et Christian Cointat, tant il est nécessaire d’assurer le suivi parlementaire d’un texte qui connaîtra vraisemblablement quelques difficultés pour être inscrit à l'ordre du jour de l’Assemblée nationale par la suite. Je lance donc un double appel : à mon collègue député polynésien, d’abord – je sais qu’il m’entend ! –, lui-même très concerné en tant que maire d’une commune de Tahiti ; au Gouvernement, ensuite, pour œuvrer en faveur d’un examen prochain à l’Assemblée nationale afin de parvenir à une mise en place la plus rapide possible de cette réforme de la fonction publique communale attendue par les tavana, les maires polynésiens.

Certes, comme le disait Bernard Frimat, légiférer en faveur de l'outre-mer n’est pas facile. Mais, en l’occurrence, le contexte est véritablement consensuel : les parlementaires polynésiens de tous bords sont parvenus à transcender les clivages partisans pour parler d’une seule voix et porter devant la représentation nationale les préoccupations des communes polynésiennes. Ils ont reçu une écoute attentive et bienveillante de la part du Gouvernement, ce qui n’est pas fréquent pour la Polynésie française. J’espère, d’ailleurs, que ce n’est pas la dernière fois que les choses se passent ainsi !

Mes chers collègues, je sollicite une fois encore, si tant est qu’il en soit encore besoin, le soutien et le vote unanime de la Haute Assemblée sur cette proposition de loi.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre

Je voudrais, au terme de ce débat, me féliciter du travail consensuel qui a été mené. Le présent texte constitue, en effet, une vraie avancée pour la Polynésie française, notamment par rapport à l’indépendance des communes, à laquelle nous sommes profondément attachés. Nous savons que la Polynésie française pourra asseoir son développement en donnant aux communes la possibilité d’investir dans des domaines essentiels pour la population tels que l’alimentation en eau potable ou l’assainissement. Il faut pouvoir soutenir ces projets, car ces équipements, bien que primaires, font aujourd’hui défaut.

Je voudrais vous rassurer, monsieur Cointat : dans le cadre du fonds exceptionnel d’investissement alloué à la Polynésie française comme dans celui de la réforme de la dotation globale de développement, le Gouvernement s’emploie à diriger l’aide de l’État en priorité sur ce type de structures.

Je voudrais ajouter un élément pour compléter ce débat.

Nous avons, bien évidemment, le souci de respecter le principe d’autonomie de la Polynésie française, et je me félicite aujourd’hui que l’ensemble des élus aient travaillé de façon positive pour permettre l’adoption de la présente proposition de loi. Les décrets ont, certes, été publiés avec retard. Mais la raison en était, monsieur Frimat, l’instabilité de la conjoncture politique, qui s’est prolongée presque deux ans dans ce territoire et rendait impossible un travail consensuel avec les syndicats. Cela explique que l’ordonnance de 2005 soit aujourd’hui en partie obsolète.

Du point de vue de l’indépendance des communes, relevons, au sein de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, l’article 52 relatif au fonds intercommunal de péréquation. Sachez, d’ores et déjà, que, lors de mes déplacements en Polynésie française, j’ai appelé l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’étudier les critères d’attribution et de redistribution de ce fonds pour aller dans le sens d’une plus grande autonomie des communes

Notons aussi l’article 53, sur lequel le Gouvernement a engagé des discussions avec les élus de la Polynésie française. J’espère avoir l’occasion de débattre avec vous, avant la fin de l’année, des premières propositions qui en résulteront.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste, de la proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions, présentée par MM. David Assouline, Jean-Pierre Bel, Simon Sutour, Claude Bérit-Débat, Mmes Marie-Christine Blandin, Bernadette Bourzai, MM. Jean-Luc Fichet, Serge Lagauche, Mme Claudine Lepage, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Marc Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition de loi n° 179, rapport n° 238).

Dans la discussion générale, la parole est à M. David Assouline, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons la discussion d’une proposition de loi, déposée sur l’initiative des membres du groupe socialiste, tendant de nouveau à assurer aux médias un plus grand pluralisme et davantage d’indépendance. Ce texte succède à la proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, rejetée par la majorité UMP, et qui avait pour objet de corriger une anomalie majeure de notre paysage audiovisuel par rapport à celui d’autres grandes démocraties. La plupart de nos grands médias audiovisuels vivent, en effet, de la commande publique, ce que relèvent les observateurs de toutes tendances, soulignant que cette situation pose un problème, tant pour l’indépendance des médias que pour la démocratie.

La présente proposition de loi est modeste en ce sens qu’elle prend acte du paysage actuel, que nous contestons et que nous voulons modifier. Elle vise, dans ce contexte, à assurer l’indépendance des rédactions et à faire en sorte que les concentrations existantes ne brident pas et ne réduisent pas à néant le pluralisme, qui garantit au lecteur la liberté de choix des lignes éditoriales des journaux et de ses moyens d’information, ce qui lui permet de se faire une opinion à la fois toujours plus libre et plus précise.

Le sujet n’est pas anodin, car les spécificités des entreprises de presse et de l’audiovisuel imposent un encadrement législatif particulier. Ces dernières doivent remplir leur mission d’information en respectant le principe constitutionnel de liberté de la presse garanti par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le respect de ce principe implique le pluralisme et l’indépendance de la presse.

Allons plus loin : depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Parlement, conformément à l’article 34 de la Constitution, modifié à cette occasion sur une proposition que j’ai défendue au nom du groupe socialiste, a compétence pour fixer les règles garantissant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Et c’est de ce droit donné au Parlement par la Constitution que j’use aujourd’hui en défendant la présente proposition de loi.

Comme le rappelle l’exposé des motifs de celle-ci, depuis quelques années, la question de l’indépendance des rédactions se pose de manière sans cesse plus aiguë du fait des rachats, toujours plus nombreux, de titres par différents groupes dans le secteur de la presse et de la détention fréquente de plusieurs chaînes de télévision et antennes de radio par un même opérateur dans celui de l’audiovisuel.

Dans certains cas, des groupes cumulent des activités tant dans les domaines de la presse et de l’audiovisuel que dans les secteurs de la publicité, des annonces, de la communication. Plusieurs raisons expliquent ces cumuls.

Elles sont, d’abord, d’ordre économique et donc accentuées par la crise : diversification des activités, expansion des groupes.

Elles sont, ensuite, d’ordre technologique, notamment dans l’audiovisuel, l’arrivée de la télévision numérique terrestre, la TNT, conduisant à une multiplication des canaux.

Elles sont, en outre, d’ordre idéologique – il faut le dire – ; je pense, par exemple, au regroupement de chaînes de télévision du secteur public au sein d’une même société, ce qui renforce les moyens de contrôle politique.

Enfin, d’aucuns évoquent des raisons de rationalisation budgétaire.

Mais pour comprendre l’urgence et la nécessité de la proposition de loi que je vous présente, mes chers collègues, il faut regarder l’état actuel du paysage de la presse, en particulier celui de la presse quotidienne régionale, la PQR. Celle-ci domine nettement le secteur car elle est toujours autant lue par nos concitoyens et nous, sénateurs, de par notre vocation à représenter les collectivités territoriales, y sommes fortement attachés.

Que l’on en juge à un phénomène auquel aucun de nous, mes chers collègues, ne pourra être indifférent : les deux principaux groupes français, Socpresse, d’une part, issu de la scission du groupe Hersant en 1985 et du rachat d’une partie de ce dernier par le groupe Dassault, et Hachette Filipacchi Médias, d’autre part, sont contrôlés par de puissants groupes industriels et d’armement, respectivement Dassault et Lagardère.

Socpresse détient, outre Le Figaro et ses déclinaisons, des chaînes de télévision – Chaîne Météo, Sport24. Il était également, avant 2005, détenteur de nombreux titres de la presse quotidienne régionale au sein d’un pôle du groupe baptisé « Presse quotidienne régionale ».

Ce dernier se subdivisait en Socpresse Ouest, qui regroupait Le Courrier de l’Ouest, Le Maine Libre, Presse Océan, Vendée Matin, qui fut vendu à Ouest France en 2005, un pôle Nord, qui comprenait La voix du Nord, Nord Éclair, La Voix de l’Aisne, Nord Littoral, Le Courrier Picard et La Voix des Sports, revendu au groupe Rossel en 2005 – depuis lors, Nord Éclair et La Voix du Nord ont la même ligne éditoriale, leur contenu est similaire –, enfin, un pôle Bourgogne-Rhône-Alpes-Delaroche, qui détenait, notamment, Le Dauphiné Libéré, Le Progrès et fut cédé à L’Est Républicain en 2006.

Précisons, de surcroît, que le groupe Est Républicain fait partie du groupe Est Bourgogne Rhône-Alpes – EBRA –, lui-même racheté par le Crédit Mutuel en 2008.

Hachette Filipacchi Associés possède Elle, Jeune et Jolie, Paris Match, Le Journal du Dimanche, Ici Paris, Public

On comprend, dès lors, que si l’on peut avoir l’impression en France d’un éclatement de la presse quotidienne régionale entre une centaine d’entreprises, une observation plus fine permet de se rendre compte que quelques groupes concentrent de nombreux titre entre leurs mains. Outre les deux géants précédemment cités, d’autres émergent.

À titre d’exemple, le groupe Hersant Média détient les titres suivants : Le Havre Libre, Le Havre Presse, Le Progrès de Fécamp, Paris Normandie, L’Est Éclair, L’Union L’Ardennais, Libération Champagne, La Provence, Nice-Matin, Var-Matin, Corse-Matin, Marseilleplus, qu’il a racheté au groupe Hachette Filipacchi en 2007, et ParuVendu.

Pour sa part, le groupe Ouest France – troisième groupe de presse français après Socpresse et Hachette Filipacchi – détient, outre Ouest France et ses déclinaisons, les quotidiens régionaux Le Courrier de l’Ouest, Presse-Océan et Le Maine Libre, plusieurs magasines comme Voiles et Voiliers ; il est majoritaire dans le quotidien 20 minutes.

Quant au groupe Sud Ouest, – je n’oublie aucune région de notre cher pays !– il possède, outre ce titre, La Dordogne Libre, La Charente Libre, La République des Pyrénées, Bordeaux7, Les Journaux du Midi, Midi Libre Semaine. Dois-je poursuivre ?

M. le ministre fait un signe de dénégation

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce descriptif incomplet, mais qui peut cependant sembler rébarbatif, vise à montrer l’opacité actuelle de la structure des grands groupes de presse, puisqu’il n’est pas toujours aisé pour le lecteur de savoir quel titre relève de tel groupe.

Par ailleurs, il met en exergue l’un des principaux problèmes auxquels est confrontée actuellement la presse, considérée comme une simple marchandise. Non seulement aujourd’hui, avec le jeu des rachats et des fusions, les entreprises de presse passent sous le contrôle d’actionnaires, de groupes industriels ou financiers qui vivent des marchés publics et dont les intérêts économiques et politiques peuvent entrer en contradiction avec le souci d’informer librement et honnêtement, mais encore le panorama exposé précédemment révèle que les titres font l’objet de ventes et cessions entre les groupes donnant l’impression qu’il s’agit de produits usuels.

Mes chers collègues, la pluralité des médias et la diversité des lignes éditoriales sont les seules à même de garantir une information de qualité. Il ne faut pas renoncer à cet idéal en estimant qu’il est inaccessible ; il faut, plus sûrement, conserver ce cap.

À chaque fois que nous observons des situations telles que celles que je viens de décrire, nous devons – c’est notre rôle – rechercher les moyens législatifs permettant de contrecarrer ce phénomène qui constitue, aux dires mêmes de tous les collègues avec lesquels j’ai abordé ce sujet, et ce quelle que soit leur appartenance politique, une uniformisation de l’information et une atteinte à son pluralisme. Or grâce à ce dernier, le citoyen peut exercer son droit d’être informé, mais aussi choisir, critiquer et apprécier l’information fournie. Mais le panorama que je viens d’exposer montre que ce pluralisme est fortement remis en cause.

Un tel constat permet de démontrer la nécessité de maintenir une forte variété de l’offre de médias dans notre pays. C’est grâce à un nombre important tant de quotidiens régionaux, locaux et nationaux que de chaînes de radio et de télévision à visée informative que nous pourrons garantir à nos concitoyens ce droit à une information de qualité et un exercice rigoureux de la démocratie.

Si les membres du groupe socialiste vous soumettent aujourd’hui, mes chers collègues, la présente proposition de loi, c’est précisément parce que le nombre peut constituer une illusion masquant des données plus préoccupantes. Le nombre n’est rien en lui-même.

Certes, les titres se multiplient, mais leur concentration aux mains d’un même groupe s’amplifie sans cesse, malgré les verrous que le législateur a toujours tenté de poser. Tel était l’objet de la loi interdisant à un groupe, d’une part, de dépasser le seuil de 30 % de la diffusion de la presse quotidienne d’information politique et générale, et, d’autre part, de contrôler plus de deux des trois types de médias suivants : service national de télévision, service national de radio, quotidien à diffusion nationale.

De la même manière, dans le secteur audiovisuel, le phénomène de multiplication des chaînes de télévision ou de radio détenues par un même groupe se trouve amplifié par la mise en œuvre de la technologie numérique. L’objectif et la vertu première de la télévision numérique terrestre, c’est-à-dire le développement de l’offre audiovisuelle, s’en trouvent complètement inversés ; cela ne manque pas de conforter – chacun a pu s’en apercevoir ! – ceux qui, comme TF1, se montraient sceptiques quant au succès de cette multiplication des chaînes.

La concentration rend désormais caduque, ou tout au moins atténue fortement, la vertu première de cette technologie, dans la mesure où de grands groupes s’approprient de nombreuses chaînes de la TNT.

Le groupe Bouygues-TF1 possède ainsi, outre la chaîne historique, quatre chaînes gratuites et douze payantes, parmi lesquelles figurent Eurosport, LCI, TV Breiz, TF6, Histoire, Stylia, Ushuaïa TV. Quant au groupe Canal+, il contrôle notamment I-Télé, Sport+, TPS Star, les quatre chaînes Planète, les trois chaînes Télétoon, CinéCinéma, Jimmy, etc. Encore ne s’agit-il que de la situation à l’instant T ! Le phénomène est appelé à s’amplifier ; dans six mois, un an ou deux ans, cette liste comprendra d’autres chaînes, qui auront été achetées ou rachetées. Il ne s’agit que d’un début...

Dans le secteur public de l’audiovisuel, la restructuration de France Télévisions, opérée par la loi de 2009, a permis de rassembler plusieurs chaînes du secteur public au sein d’une entreprise unique. Quand bien même la direction et les personnels du groupe sont très attachés à la diversité, la nouvelle organisation ne permet plus de garantir l’existence à périmètre constant des différentes chaînes ; nous savons, en effet, que des problèmes budgétaires sont apparus.

Compte tenu de la concentration accrue des titres et des chaînes aux mains de quelques opérateurs, le maintien de l’indépendance des rédactions doit être assuré, dans l’audiovisuel comme dans la presse, afin de garantir l’exigence de maintien du pluralisme dans le secteur des médias. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande de légiférer aujourd’hui.

Cette affirmation est d’autant plus exacte que la concentration des médias au sein de quelques grands groupes privés peut avoir de très nombreux effets pervers. À bien y réfléchir, et cet argument m’est souvent opposé, la concentration répond parfois à une logique économique implacable d’économies d’échelle et de renforcement des positions dans un contexte de forte concurrence nationale et internationale.

Aucun secteur de l’économie ne semble y échapper et l’on a vu, depuis quelques décennies, des opérations de fusion-acquisition parsemer l’actualité économique et conduire à l’émergence de vastes groupes multinationaux disposant, du fait de leur taille, d’une relative puissance. On connaît le principe : en acquérant une autre entreprise travaillant dans un secteur similaire, une firme cherche à réaliser des économies d’échelle, en mutualisant certains services, par exemple, ou bien en fusionnant des activités de manière à réduire les coûts de fonctionnement.

Ces calculs se révèlent, de fait, régulièrement exacts, et il est vrai qu’une opération de fusion-acquisition peut avoir des effets bénéfiques pour la santé économique et comptable d’une entreprise, même si elle peut également occasionner des dépenses supplémentaires pouvant atténuer les économies d’échelle et des dégâts humains que nous constatons tous les jours : compressions de personnels, licenciements, chômage.

La question qui se pose est la suivante : les médias peuvent-ils être considérés comme des biens économiques de même nature que les autres ? Selon la Constitution, la réponse est non.

En novembre 1945, la Fédération nationale de la presse française, d’émanation patronale, déclarait : « La presse n’est pas un instrument de profit commercial. C’est un instrument de culture, sa mission est de donner des informations exactes, de défendre des idées, de servir la cause du progrès humain ». Autres temps, autres mœurs !

Ces propos sont universels et toujours d’actualité. Ce n’est pas parce que le monde a changé et prend une autre direction que ces principes intemporels, inscrits dans notre Constitution, sont devenus caducs ! Nous essayons donc, depuis longtemps, de légiférer en ce sens.

Mes chers collègues, les conséquences de la concentration dans le secteur des médias peuvent être préoccupantes. Certains groupes, en quête d’économies d’échelle, peuvent être tentés de mutualiser les journalistes, ce qui réduit d’autant le nombre de reporters envoyés sur un terrain donné et limite la pluralité de l’information.

Si tous les médias dépendent d’une seule et même source, non seulement la même information sera diffusée en boucle, ce qui peut entraîner la lassitude du public – cela se produira bien un jour ! –, mais encore il sera bien difficile d’avoir accès à un point de vue complémentaire et différent. On risque d’aboutir à une perception biaisée de la situation, fruit de la subjectivité d’une personne. Ce n’est pas acceptable !

L’information doit demeurer la plus complète possible. Cela ne signifie pas que chaque journaliste n’a pas le droit d’exprimer sa propre opinion, sa propre subjectivité : c’est justement l’offre pluraliste qui permet au citoyen de garder sa liberté et d’approcher au plus près la vérité, l’objectivité, l’exactitude d’une information.

Chaque journaliste a ses envies, ses préférences et ses centres d’intérêt. Il est vital pour l’information complète des citoyens que ce qui fait la richesse du journalisme, c’est-à-dire la diversité des points de vue, soit préservé. Comme je viens de le montrer, une trop grande concentration dans le secteur des médias ne permettra pas de garantir cette diversité.

De la même façon, les groupes peuvent également chercher à réduire les effectifs des rédactions et favoriser l’émergence d’une ligne éditoriale valable pour tout le groupe, ce qui, là encore, mine la diversité des points de vue, entrave le pluralisme médiatique et l’indépendance des rédactions.

Le risque est grand, dès lors que l’on touche à un sujet politique faisant l’objet d’un traitement spécifique, ou bien à un sujet culturel, qui nécessite aussi une diversité de points de vue, que l’ensemble des titres de presse et des chaînes d’information ne proposent une information similaire, abordée sous un même prisme. Il n’y aurait rien de plus délétère pour le respect du droit à l’information !

On m’a objecté que les journalistes faisaient déjà l’objet d’une protection personnelle, grâce à la clause de conscience. Certes, mais rien n’est dit sur les rédactions et sur le droit collectif, qui sont pourtant des éléments essentiels de la vie d’un média. Une protection individuelle qui se résume à la liberté de quitter un média en cas de désaccord est bien ténue...

Une protection collective doit permettre d’éviter toute pression. La convention collective nationale de travail des journalistes régit ainsi les relations entre les journalistes et leur direction. On peut aussi faire mention des différentes chartes déontologiques qui ont été publiées, comme la charte des devoirs professionnels des journalistes français, adoptée en 1918, ou bien la déclaration des devoirs et des droits des journalistes dite « charte de Munich », du 24 novembre 1971. Ces textes visent à garantir aux journalistes un droit à l’indépendance, tout en leur imposant des devoirs en matière de recherche ou de communication de l’information.

Lors de la discussion des articles, je présenterai des amendements tendant à favoriser l’indépendance des rédactions, et je répondrai aux arguments du rapporteur, déjà formulés au sein de la commission.

La présente proposition de loi est de portée limitée. Lors de sa rédaction, je visais le consensus. Je suis surpris que nous ne partagions pas tous le même point de vue en la matière. Ce débat permettra d’en comprendre les raisons.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l’examen de la proposition de loi déposée par nos collègues socialistes est l’occasion, pour le Sénat, d’engager un débat sain et fort utile.

L’accélération de la concentration au sein de la presse quotidienne régionale, l’immixtion d’actionnaires dans les décisions de publication de certains articles, la protection effective du secret des sources, entre autres, sont autant de sujets susceptibles de créer des polémiques autour de la question de l’indépendance réelle des journalistes vis-à-vis des pressions extérieures.

Ne nous leurrons pas : depuis déjà deux décennies, les sondages font apparaître que plus de 60 % des Français soupçonnent les journalistes d’être inféodés, peu ou prou, au pouvoir politique ou aux puissances financières.

À tous ceux qui pensent que ce débat n’a pas sa place au Parlement, je veux rappeler que, depuis la révision constitutionnelle de 2008, il revient au législateur de fixer les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Nous sommes donc parfaitement dans notre rôle en ouvrant ce débat capital pour la liberté d’expression et la crédibilité de l’information dans notre démocratie.

Je crois pouvoir affirmer que nombreux sont ceux, parmi nous, qui partagent le constat et les inquiétudes légitimes exprimées aussi bien par les auteurs de la proposition de loi que par les journalistes eux-mêmes. Il est de notre responsabilité constitutionnelle de répondre à ces dernières.

Devons-nous, pour cela, nous hâter d’inscrire dans la législation le dispositif particulièrement complexe qui nous est proposé ?

Je ne le pense pas, car la méthode retenue ne respecte pas deux exigences fondamentales : d’une part, tenir compte de la multiplicité des configurations au sein des entreprises de presse ; d’autre part, éviter d’alimenter, voire de structurer, un climat de défiance permanent entre la direction d’une publication et sa rédaction. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous proposerai, à la fin de mon intervention, deux solutions concrètes qui privilégient une voie négociée dans la représentation des rédactions au sein des titres de presse.

Permettez-moi de revenir sur les raisons qui ont conduit la commission à donner un avis négatif sur l’adoption de cette proposition de loi.

À l’heure actuelle, la protection du journaliste vis-à-vis des pressions extérieures repose déjà non seulement sur un certain nombre de dispositions législatives et conventionnelles, mais aussi et surtout sur des dispositifs et des pratiques établis dans le cadre d’accords négociés entre la direction et le personnel de la rédaction.

Je pense ainsi à la loi du 4 janvier 2010, qui consacre dans notre droit positif la protection du secret des sources des journalistes. Il s’agit d’une garantie fondamentale pour le journaliste lui permettant de mener à bien sa mission d’investigation et d’information du public.

Je pense également à la convention collective nationale de travail des journalistes, qui consacre « le droit pour les journalistes d’avoir leur liberté d’opinion, l’expression publique de cette opinion ne devant en aucun cas porter atteinte aux intérêts de l’entreprise de presse dans laquelle ils travaillent ».

Je pense en outre aux modalités de représentation des rédactions et à leurs prérogatives dans le fonctionnement d’une entreprise éditrice qui sont aujourd’hui régies, au sein d’un certain nombre de publications – cela concerne vingt à vingt-cinq entreprises –, par des accords passés entre les représentants du personnel et les organes dirigeants. C’est le cas, par exemple, de Libération, du Monde, ou encore de Télérama.

Par ailleurs, se généralisent progressivement les dispositifs de médiation afin d’organiser un droit de réponse de la rédaction aux demandes ou aux contestations des lecteurs et de permettre une forme de contrôle citoyen.

Enfin et surtout, les journalistes bénéficient, à titre individuel, de la clause de conscience et de la clause de cession, qui garantissent l’autonomie des rédacteurs vis-à-vis des propriétaires de l’entreprise éditrice. Ces deux clauses fondent la liberté intellectuelle des journalistes en leur permettant d’opposer leur droit moral et de quitter leur publication en percevant des indemnités au moins égales à celles qui sont octroyées dans le cas d’un licenciement lorsque cette publication a fait l’objet d’un changement de caractère ou d’orientation – c’est le cas de la clause de conscience – ou lorsqu’une modification du contrôle de la société les employant tend à porter préjudice à leurs intérêts moraux – c’est le cas de la clause de cession.

En imposant la mise en place de dispositifs selon des formats contraignants, voire inapplicables dans le cas de publications aux effectifs très réduits, la présente proposition de loi met à mal la diversité et la souplesse des solutions ad hoc qui ont déjà été négociées au niveau de chaque entreprise entre la rédaction et la direction. Il est en effet prévu que l’entité chargée de représenter l’équipe de rédaction auprès de la direction prenne la forme, soit d’une « équipe rédactionnelle permanente et autonome » composée de fait de l’ensemble des journalistes professionnels, soit d’une « association de journalistes » ou d’une « société de rédacteurs ». Or une association de journalistes ne peut logiquement être constituée que sur l’initiative des journalistes eux-mêmes.

À supposer que les professionnels refusent de se constituer en association, la lecture de l’article 1er laisse entendre que l’instance représentant la rédaction prendra automatiquement la forme d’une « équipe rédactionnelle permanente et autonome », dont les prérogatives prévues sont encore plus substantielles que celles d’une association de journalistes. Elle disposera en effet d’un droit de veto sur tout changement de politique éditoriale et sur la désignation du responsable de la rédaction. À aucun moment la direction ne se voit donc reconnaître la possibilité de négocier avec la rédaction la forme que pourra prendre l’instance de représentation de la rédaction et le contenu de ses prérogatives.

L’asymétrie est flagrante, car en cherchant à renforcer les pouvoirs de la rédaction, on nie totalement l’autonomie de la direction dans la gestion de l’entreprise. Compte tenu des marges de manœuvre très limitées de la direction, rares seront alors les investisseurs qui s’aventureront dans ce type d’entreprise. Or on connaît la sous-capitalisation évidente de ce secteur d’activité.

Comble de cette asymétrie, qui nous paraît être un obstacle majeur, le directeur de la publication continuera à être seul responsable pénalement d’un contenu dont il n’aura pas nécessairement la maîtrise éditoriale en dernier ressort, puisque l’équipe rédactionnelle disposera d’un droit de veto sur la politique éditoriale.

Cela étant, ma principale inquiétude est la suivante : les dispositions envisagées pourraient contraindre l’exercice par le journaliste des droits qu’il tire des clauses de conscience et de cession. L’absence d’opposition des représentants de l’équipe rédactionnelle aux changements de politique éditoriale envisagés par la direction pourra s’interpréter comme un satisfecit donné par la rédaction. Il deviendra alors plus compliqué pour un journaliste de démontrer que ces projets éditoriaux constituent, selon lui, des « changements notables » dans l’identité du titre pouvant justifier son recours à la clause de conscience. Cette proposition de loi aboutirait donc à mutualiser une clause de conscience qui doit rester individuelle.

Enfin, pour ce qui concerne les dispositions relatives à la transparence financière des entreprises de presse, à savoir les articles 2, 3 et 4, certaines sont d’ores et déjà satisfaites par des mesures encore plus complètes, que nous avons introduites dans la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Les autres dispositions envisagées sont, soit redondantes avec celles des articles 5 et 6 de la loi du 1er août 1986, soit tout simplement inapplicables en pratique. Nous y reviendrons lors de l’examen des articles.

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission de la culture vous propose de ne pas adopter le texte qui nous est soumis.

Néanmoins, parce que ses objectifs sont louables et aussi parce que je suis convaincu que nous pouvons trouver ensemble des solutions permettant de mieux garantir la représentation des rédactions au sein des entreprises de presse, je souhaite formuler deux propositions.

Dans le cadre de la réforme des aides publiques à la presse, vous avez annoncé, monsieur le ministre, que les éditeurs devront passer des contrats avec l’État. Ce système d’aides contractualisées doit permettre de faire émerger des entreprises de presse fortes et indépendantes.

Un certain nombre de ces aides ont précisément pour finalité le renforcement du pluralisme et la modernisation éditoriale des titres de presse. Par conséquent, je pense qu’il serait utile d’inclure parmi les objectifs contenus dans les contrats passés par l’État avec les entreprises bénéficiaires d’aides publiques le renforcement du respect de la déontologie de l’information.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Charge à la direction et à la rédaction de chaque publication de mettre au point ensemble les différents mécanismes participant à la réalisation de cet objectif. On peut imaginer l’élaboration conjointe d’une charte éditoriale et rédactionnelle, la création d’une société des journalistes ou des rédacteurs, la mise au point de procédures de consultation de la rédaction sur les changements éditoriaux, de composition de l’actionnariat ou de l’équipe de direction, ou encore la mise en place d’un dispositif de médiation entre la rédaction et les lecteurs.

La mission confiée à M. Roch-Olivier Maistre devrait, selon moi, déterminer les indicateurs qui permettront d’évaluer si l’entreprise bénéficiaire a bien mis en œuvre les efforts nécessaires pour garantir en son sein le respect des règles déontologiques.

Contractualiser me semble plus sain que passer par la loi. Il s’agit d’inciter la direction et la rédaction à négocier sur une question aussi fondamentale que la déontologie de l’information, en mettant au point des mécanismes et des procédures tenant compte des spécificités du titre en cause.

Je propose également que chaque avis de l’Autorité de la concurrence sur des projets de concentration et de fusion dans le secteur de la presse rende également publiques, chaque fois que cela est possible, les conséquences de l’opération relatives à l’uniformisation des contenus et des fusions de rédactions, et pas seulement, comme c’est le cas jusqu’à présent, en termes d’impact sur la diffusion et le marché publicitaire.

Il nous appartiendra d’évaluer la mise en œuvre effective des deux recommandations que je viens d’évoquer lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.

Monsieur le ministre, nous serons particulièrement vigilants sur la mise en œuvre de ces deux propositions, qui me semblent constituer un compromis raisonnable et responsable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd’hui une proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions, alors qu’une proposition de loi similaire a été étudiée puis rejetée par l’Assemblée nationale le 23 novembre dernier.

L’examen de ce texte au sein de la Haute Assemblée me donne l’occasion de rappeler combien je suis attaché à la liberté de l’information et aux garanties qui doivent être données aux journalistes d’exercer leur profession dans le cadre de cette liberté fondamentale. Toutefois, pour des raisons très précises que je vais vous exposer, je ne suis pas favorable à l’adoption d’une disposition tendant à reconnaître l’indépendance juridique des rédactions, comme le prévoit la proposition de loi présentée par M. Assouline.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des sociétés de rédacteurs ou de journalistes – l’appellation varie, et l’on parle aussi parfois de conseil ou de comité de rédaction – sont créées, souvent à la demande des journalistes, et acceptées par l’éditeur, selon des modalités et avec des compétences diverses, non seulement au sein des entreprises de presse, mais également dans le secteur des médias audiovisuels. Leur création est souvent due à des divergences de vues entre la rédaction d’un titre de presse, son éditeur ou son propriétaire, ou à la volonté de se prémunir contre des tentatives de prise de contrôle extérieures.

Le rôle des sociétés de journalistes a largement évolué depuis la création des premières sociétés de rédacteurs, dont celle du journal Le Monde, instaurée en 1951, est longtemps restée emblématique. Aujourd’hui, elles sont pour la plupart un lieu de dialogue, d’échange et de concertation ; elles sont aussi un lieu de veille quant au respect de l’indépendance du média et de la déontologie des journalistes.

Le droit français, à l’image du droit positif de la plupart de nos partenaires européens, ne comporte aujourd’hui aucune obligation de création de société de rédacteurs ou de journalistes au sein des médias d’information. Il n’empêche toutefois nullement leur création là où à la fois les journalistes et les éditeurs le souhaitent.

De nombreux titres de presse sont ainsi dotés de sociétés de rédacteurs. S’agissant de l’organisation interne des médias d’information, la liberté la plus complète doit régner. À mes yeux, il est absolument légitime que ceux-ci n’en rendent pas compte aux pouvoirs publics.

Il existe une diversité de modèles adaptés à chaque cas.

Les sociétés de rédacteurs créées dans les années cinquante ou soixante souhaitaient acquérir des parts sociales ou des actions de la société propriétaire de la publication, afin de peser sur la définition de la ligne éditoriale. L’exemple déjà mentionné du journal Le Monde est à cet égard significatif.

Si, à l’origine, la société des rédacteurs du Monde détenait un peu moins de 30 % du capital, depuis 1968, elle en possède 40 %. La recapitalisation récente du journal a finalement modifié la répartition du capital, puisque la société des rédacteurs du Monde, qui reste l’actionnaire historique, n’est plus majoritaire. Les difficultés financières du groupe Le Monde et la crainte d’un dépôt de bilan ont incité la société des rédacteurs à rechercher, dès le début de l’année dernière, des investisseurs prêts à participer à la recapitalisation du titre.

Afin de discuter avec les éventuels investisseurs intéressés, les différents actionnaires historiques se sont organisés au sein du Pôle d’indépendance du groupe Le Monde, garant des valeurs fondatrices du titre. Depuis quelques semaines, le titre est doté d’un comité d’éthique et de déontologie, chargé de garantir le respect de la charte interne, qui définit notamment les droits et les devoirs des actionnaires, des journalistes et des dirigeants du groupe.

Si la société des rédacteurs du Monde ne dispose plus d’un droit de veto sur la nomination du président du directoire du groupe, elle a conservé la faculté de s’opposer à la nomination du directeur du titre. En outre, le Pôle d’indépendance du groupe Le Monde est obligatoirement consulté sur tout changement d’actionnaires et a alors la possibilité de reprendre le contrôle du groupe ou de trouver un nouvel investisseur.

Le cas du journal Le Parisien-Aujourd’hui en France fournit un autre exemple de l’évolution du rôle et de l’ambition des sociétés de journalistes. La crainte ressentie par les journalistes à l’annonce de la mise en vente possible du titre, hypothèse désormais écartée, a incité la société des journalistes à rédiger une charte destinée au futur repreneur.

Celle-ci devait servir de base de dialogue entre les journalistes et les éventuels candidats au rachat du journal. Elle devait s’articuler autour de quatre points : le journal est et doit rester un grand quotidien populaire et généraliste de qualité ; il doit conserver son caractère à la fois national et régional ; il doit préserver sa ligne éditoriale faite de neutralité politique et de proximité avec son lectorat ; enfin, il doit maintenir ses effectifs, garants de sa qualité éditoriale.

D’une manière générale, force est de constater que c’est en période de crise, soit interne au journal pour cause de divergences de conception, de choix éditoriaux, de licenciement d’un collaborateur, soit externe liée à un changement de direction effectif ou redouté, que ces sociétés sont créées. Aux côtés des organisations représentatives du personnel, elles jouent un rôle essentiel à la fois de vigie et de garant.

Il n’existe donc pas de modèle unique, sur le fond comme sur la forme, puisque ces sociétés sont constituées sous la forme soit de sociétés civiles, soit de sociétés anonymes à capital variable, soit de sociétés en nom collectif, soit d’associations. Certaines sont mises en sommeil, d’autres sont plus actives.

Il s’agit donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de préserver la spécificité de chaque média.

C’est cette souplesse et cette capacité d’adaptation aux circonstances individuelles de chaque média qui font leur force. Ces spécificités disparaîtraient si de telles structures étaient organisées par les textes, de manière quasi uniforme quel que soit le média, sans considération de son environnement, de son histoire, d’un équilibre souvent obtenu après de nombreuses années. Il me semble évident que, selon la nature, la périodicité, ou encore le public du titre de presse, les besoins sont différents.

La pratique a donc vu naître un certain nombre de mécanismes internes qui tendent à garantir l’indépendance rédactionnelle des journalistes. Ces mécanismes s’articulent autour de quatre moyens, qui ne sont pas exclusifs les uns des autres : l’institution de sociétés de rédacteurs, la participation des journalistes au capital social de l’entreprise de presse, l’élaboration de chartes déontologiques, des dispositions contractuelles figurant dans les statuts de l’entreprise ou les accompagnant – pactes d’actionnaires, fondations.

Pour les journalistes financiers, un dispositif particulier a été mis en place, sur le fondement de la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie : conformément à la directive européenne de 2003 relative aux recommandations d’investissement, ce dispositif d’autorégulation prévoit la création d’une association professionnelle dédiée. Les organes de presse qui adhèrent à cette association s’engagent à respecter un code de bonne conduite élaboré par ladite association et échappent, en conséquence, à la réglementation de droit commun de l’Autorité des marchés financiers.

Je cite cet exemple, mesdames, messieurs les sénateurs, pour vous montrer que de nombreuses voies sont susceptibles d’être explorées pour assurer l’honnêteté et l’indépendance de l’information. C’est précisément cette diversité de modes d’intervention qui me semble la plus à même de garantir des solutions adaptées à chaque cas.

À l’étranger, le plus souvent ce sont également des formules souples qui sont retenues et, lorsque des dispositions contraignantes sont prévues, elles sont le fruit de l’Histoire, comme c’est le cas du Portugal aujourd'hui.

Le droit actuel préserve l’indépendance des journalistes grâce à un statut exorbitant.

L’honnêteté et l’indépendance de la presse résident non seulement dans celles de sa direction, mais aussi dans la conscience du journaliste, qui conserve sa liberté de jugement et de décision à l’égard du journal auquel il collabore.

Le statut du journaliste lui permet de ne plus collaborer avec un média d’information dont il ne partagerait plus les vues. Lors du rachat d’un titre de presse, il peut faire jouer la clause de cession. S’il estime qu’un changement notable est intervenu dans le caractère ou l’orientation du journal, il peut faire jouer la clause de conscience. Je mesure les difficultés de revendiquer dans la pratique cette dernière, qui ne doit en principe s’appliquer qu’en cas de changements politiques dans la ligne éditoriale du journal. En 1996, le Conseil d’État a pourtant reconnu que tout changement notable dans l’orientation du journal créait une situation de nature à porter atteinte aux intérêts moraux des journalistes.

C’est cette volonté de garantir l’indépendance du journaliste qui a conduit le législateur à instaurer un statut très éloigné du droit commun en 1935. Lorsqu’un journaliste demande à bénéficier soit de la clause de cession, soit de la clause de conscience, il bénéficie d’un régime similaire à celui d’un licenciement, notamment pour ce qui concerne le versement de l’indemnité de départ.

En associant l’équipe rédactionnelle à la responsabilité de l’orientation éditoriale de l’entreprise, la proposition de loi affaiblit considérablement du même coup l’un des fondements du statut des journalistes français. Il est difficilement concevable dans ces conditions qu’un journaliste puisse avoir pleinement recours au régime protecteur et dérogatoire de la clause de conscience tout en étant impliqué directement dans l’élaboration collective de la ligne éditoriale.

Cette proposition de loi restrictive ne prend pas en compte la réalité des entreprises et peut même conduire celles-ci à une impasse.

Bien que ses auteurs prétendent garantir l’indépendance des médias, principe de valeur constitutionnelle, son adoption pourrait justement aboutir à restreindre cette indépendance, en imposant un modèle unique, au lieu de laisser chaque média choisir les modes de gouvernance les plus adaptés, en fonction de son histoire, de son actionnariat, de son positionnement éditorial.

Le texte présenté aujourd’hui tend en vérité à déposséder chaque média de sa spécificité, de ses principes, de son héritage. Chaque média d’information dispose, en quelque sorte, d’un ADN spécifique, constitué d’une histoire, d’une culture, d’un rapport à ses lecteurs unique et inimitable qu’il a pour devoir parfois de préserver, parfois de faire évoluer, en tout cas auquel il doit être fidèle. Dans le jargon journalistique, on appelle cela le « contrat de lecture ». Ce n’est pas simplement une formule de circonstance ; c’est au contraire ce qui fait l’identité et la spécificité de tous les médias. C’est ce que le public sanctionne lorsqu’il accorde ou retire sa confiance à ceux qui respectent ou au contraire négligent le contrat.

Je suis persuadé que cette contrainte positive, ce rapport intime et permanent entre le journaliste et son public est au cœur de la créativité de la presse et des médias en général.

Le présent texte prévoit de généraliser à toutes les entreprises de médias ce qui ressort de la responsabilité interne et individuelle de chaque directeur de publication, à savoir la conformité de la rédaction avec la charte éditoriale de son journal. Il pourrait conduire, en somme, à une double impasse.

Une impasse éthique et professionnelle, d’abord, dans la mesure où il ne s’agit rien de moins que de confisquer de manière autoritaire le dialogue permanent entre une rédaction et son public. La confiscation de cette liberté au profit d’une équipe rédactionnelle instaurée d’autorité pourrait être à l’origine d’un sévère déclin dans notre pays ou, tout du moins, de l’affaiblissement d’une certaine presse d’opinion fondée sur la conservation et l’écoute de son public. Si l’exigence du débat s’impose, ce dernier doit s’inscrire dans le cadre des structures individuelles de chaque média, dans le respect de l’histoire, des traditions, de la culture de celui-ci.

Une impasse économique et juridique pourrait aussi résulter de la confiscation de la responsabilité de l’éditeur. Aux yeux de la loi et du public, c’est le directeur de la publication qui est responsable. Organiser au sein de l’entreprise un contre-pouvoir doté de responsabilité reviendrait à rendre illégitime l’exercice de cette responsabilité, qui implique non seulement des devoirs, mais également des droits. Sans assumer la prise de risque caractérisée par la participation financière à l’économie de l’entreprise, l’équipe rédactionnelle ainsi légalisée bénéficierait d’un poids démesuré sur les orientations opérationnelles et stratégiques de l’entreprise.

Je me dois, par ailleurs, d’évoquer la loi de 1881, adoptée à l’époque de la « République conquérante », celle de Gambetta, celle de Jules Ferry. Ce texte prévoit un régime de responsabilité en cascade en cas de délit de presse. Le directeur de la publication étant considéré comme auteur principal, sa responsabilité pénale, voire civile, sera la première engagée. À défaut, la responsabilité incombe à l’auteur de l’article et, en troisième lieu, à l’imprimeur. Ce régime de responsabilité est également applicable au secteur de l’audiovisuel.

Il relève de la responsabilité du directeur de la publication d’infléchir la ligne éditoriale du média qu’il dirige. Lui seul peut donc décider, en accord avec les journalistes de sa rédaction, de créer une société des journalistes. Sauf à faire évoluer ce régime de responsabilité, il n’appartient pas au législateur de lui imposer l’obligation de partager la définition de la ligne éditoriale. Alors même qu’il supportera seul les risques encourus, notamment au pénal, cela relèverait d’une logique inacceptable du « deux poids, deux mesures ».

Enfin, puisque l’exposé des motifs revient sur ce point, je rappelle que la loi a prévu en France des mécanismes à même de garantir le pluralisme de la presse. Les dispositions de droit commun du contrôle des concentrations s’appliquent au secteur des médias. L’Autorité de la concurrence assure le contrôle de telles opérations. Par ailleurs, la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication comportent des règles spécifiques qui limitent la concentration.

Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, le Gouvernement ne peut pas être favorable à une proposition de loi qui vise à créer de nouvelles obligations à la charge des éditeurs, même si je mesure bien la volonté qui la sous-tend.

Je voudrais maintenant évoquer le volet de ce texte visant à instaurer des obligations accrues de transparence, notamment de l’actionnariat, des entreprises de presse.

Le Président de la République avait évoqué ce point dans son discours de clôture des États généraux de la presse écrite, le 23 janvier 2009 : il souhaitait que soit améliorée la transparence de l’actionnariat des entreprises de presse, afin de renforcer la confiance du lecteur.

Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à cette disposition. Toutefois, je ne peux qu’en demander le rejet, dans la mesure où la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit présentée par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Warsmann, est actuellement en cours d’examen par le Parlement.

Je tiens à l’affirmer très clairement : c’est la seule raison qui m’incite à m’opposer à ce volet de la proposition de loi. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir des dispositions de portée similaire qui cheminent parallèlement dans deux textes en cours d’examen.

Je voudrais conclure mon propos en soulignant que le débat légitime sur l’indépendance et le pluralisme des médias ne peut nous conduire vers des écueils. Comme j’ai tenté de le démontrer, à trop vouloir légiférer, encadrer, réglementer, on obtient un résultat inverse à celui qui était initialement visé.

L’indépendance des médias et des journalistes est un héritage historiquement conquis, une valeur constitutionnellement garantie, une éthique moralement définie : elle doit être protégée et garantie – c’est tout le sens de l’aide publique aux entreprises et aux groupes de presse – ; elle ne doit pas être corsetée et disciplinée au-delà du raisonnable.

Telle est la conception du journalisme et des médias qu’entend défendre le Gouvernement. Elle repose sur trois principes : la liberté et la responsabilité de l’éditeur, comme celle du journaliste, le respect du dialogue singulier entre ces derniers et leur public. En d’autres termes, nous continuons de croire à l’exigence d’une « éthique » pour chaque journaliste, celle de la responsabilité, comme le rappelait Max Weber.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, je vous demande de vous en tenir strictement à votre temps de parole. Nous sommes en effet dans le cadre d’un espace réservé et nous devons terminer impérativement nos travaux à treize heures.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an après l’examen de la proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, cette nouvelle initiative de notre collègue David Assouline nous permet de revenir sur le débat relatif à l’indépendance des médias et me donne l’occasion d’affirmer une fois encore l’attachement des sénateurs centristes à cette exigence constitutionnelle.

Le présent texte comporte, hélas, des réponses démagogiques et la situation de l’indépendance des rédactions y est dépeinte de manière caricaturale.

Je retiendrai le même qualificatif pour ce qui concerne l’exposé même des motifs de la proposition de loi qui dispose : « Aujourd’hui, avec le jeu des rachats et des fusions, les entreprises de presse passent sous le contrôle d’actionnaires, de groupes industriels ou financiers qui vivent des marchés publics et dont les intérêts économiques et politiques peuvent entrer en contradiction avec le souci d’informer librement et honnêtement. »

Soyons un peu rationnels et pragmatiques. Si la presse accomplit une mission d’intérêt public d’information, elle n’en reste pas une moins une entreprise qui vit aujourd’hui des difficultés avérées, alors que ce secteur est confronté à une concurrence très sévère, notamment internationale, de la part des médias gratuits et d’Internet, ainsi qu’à une érosion du lectorat.

Je le rappelle, c’est cela qui avait provoqué les États généraux de la presse. Il n’est pas illogique que ces entreprises s’appuient sur des actionnaires solides, y compris des groupes industriels. Il apparaît de toute manière que, en dépit des regroupements intervenus ces dernières années, la concentration demeure faible en France. Ce n’est pas moi qui le dis ; c’est le rapport Lancelot de 2005 !

Pour nous, centristes, qui sommes attachés à une éthique politique, ce qui était contestable dans l’affaire du rachat du journal Le Parisien, ce n’est pas tant le rachat du groupe par un industriel que le cumul par le propriétaire d’activités dans le domaine de l’information avec l’exercice d’un mandat politique national.

En outre, je ne trouve pas choquant qu’un même groupe détienne plusieurs titres, surtout dans la presse régionale, très peu rentable, où la mutualisation des rotatives et du papier relève du bon sens économique.

Le Crédit Mutuel a certes racheté les titres variés de presse quotidienne régionale au groupe EBRA. Pour autant, 80 % du contenu traite l’information locale, réelle, exacte. Les lignes éditoriales ne sont ni uniformes ni la voix du lobby bancaire, me semble-t-il !

Pour ce qui concerne la presse nationale, le paysage de la presse d’opinion ne me semble pas désert, d’autant que les nouvelles technologies – je pense à des sites Internet comme Mediapart ou Rue 89 – renforcent encore cette diversité, ce pluralisme, et permettent une totale liberté d’expression. Nous en avons d’ailleurs eu la preuve au cours de ces derniers mois.

Votre analyse de l’existant, monsieur Assouline, me laisse donc très sceptique. Je tiens à rappeler un élément, déjà souligné lors des États généraux de la presse. La loi met déjà à disposition des outils propres à préserver le pluralisme et l’indépendance de la presse, notamment l’interdiction faite à un groupe, d’une part, de dépasser le seuil de 30 % de la diffusion de la presse quotidienne d’information politique et générale et, d’autre part, de contrôler plus de deux des trois types suivants de médias : service national de télévision, service national de radio, quotidien à diffusion nationale.

En outre, la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse impose de porter à la connaissance des lecteurs l’identité du propriétaire, le nom du directeur de la publication, ainsi que celui du responsable de la rédaction, et, le cas échéant, les opérations ayant pour effet de transférer la propriété ou l’exploitation de l’entreprise.

En revanche, je reconnais que la loi n’est pas bavarde sur les relations entre la sphère économique et la sphère rédactionnelle, notamment eu égard à l’autonomie des rédacteurs vis-à-vis de la direction et des propriétaires des titres de presse.

Mais, là encore, il faut voir comment les choses se passent réellement. Le journaliste qui postule à Libération ou à La Croix, pour ne citer que ces journaux, en connaît a priori les grandes lignes éditoriales. Au pire, si un revirement de ligne éditoriale avait lieu, il pourrait justement faire jouer la clause de conscience.

De plus, la plupart des entreprises de presse ont déjà des instruments de médiation, différents selon chaque titre. Il peut s’agir d’une charte déontologique – je rappelle que vingt-trois titres de presse quotidienne régionale en disposent –, de médiateurs ou d’un vade-mecum sur les règles et usages dans la pratique journalistique. Bien entendu, ces outils peuvent être complétés, comme notre collègue rapporteur Jean-Pierre Leleux l’a suggéré tout à l’heure.

Je rappelle que la Commission de l’information a décidé la mise en place d’un observatoire de la déontologie, preuve que la proposition de loi est superfétatoire sur ce sujet.

En somme, l’indépendance des rédactions n’est pas, me semble-t-il, aussi menacée qu’on veut nous le faire croire. Je ne crois d’ailleurs pas plus que les solutions proposées soient adéquates et applicables.

Premièrement, en réponse à la prétendue « défiance généralisée entre les journalistes et leurs employeurs », la proposition de loi confère aux équipes rédactionnelles ou aux associations de journalistes des prérogatives exorbitantes, comme le droit de veto à l’édito.

Proposer un tel droit à l’équipe rédactionnelle est aberrant et, surtout, contreproductif ! Une telle mesure découragerait définitivement tout créateur ou repreneur d’un titre de presse ou alourdirait considérablement la procédure de nomination d’un directeur de la rédaction, comme ce fut le cas pour le journal Le Monde. Que l’entrepreneur décide de sa ligne éditoriale, cela paraît normal ! D’ailleurs, soyons lucides, conserver une ligne éditoriale est encore le meilleur moyen de s’attacher son lectorat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Deuxièmement, vous n’avez peut-être pas pris conscience, monsieur Assouline, que l’institution d’une société de rédacteurs ferait disparaître la distance entre le journaliste et le manager, distance qui permettait justement de faire jouer la clause de conscience. Pour nous, il s’agit là d’une erreur grossière !

Troisièmement, vous mélangez les aspects sociaux et déontologiques, en donnant à la société de rédacteurs des prérogatives de représentants du personnel. Mais les rédacteurs sont attachés à un titre, alors que les représentants du personnel le sont à l’ensemble de l’entreprise, donc à plusieurs titres de presse.

Bref, cette proposition de loi nous semble idéaliste sur le fond et inadaptée sur la forme.

En effet, étant donné l’extrême diversité des supports médiatiques et des situations dans les rédactions en France aujourd'hui, je pense qu’il appartient avant tout aux partenaires sociaux de régler ces relations d’entreprise, par la négociation d’une charte déontologique de la branche ou d’une charte rédactionnelle propre à la publication.

Je tiens, par ailleurs, à souligner que, s’il s’agit de veiller à la déontologie dans ce milieu, il faudrait aussi être attentif à son respect par certains journalistes, heureusement fort peu nombreux, qui pratiquent l’acharnement, ne vérifient pas toujours leurs sources et confondent scoop et information. Là encore, ce point avait été soulevé lors des États généraux de la presse. C’est une question, monsieur Assouline, que l’on pourrait traiter avant de chercher à phagocyter les relations au sein des entreprises de presse, ce qui – M. le ministre l’a expliqué – conduirait seulement à une impasse, et ce sous couvert de démocratie.

Au vu de ces différents éléments, vous aurez bien compris que le groupe de l’Union centriste se prononcera contre la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir débattre d’un texte sur l’indépendance des médias, alors que se joue dans l’Union européenne une tout autre partition

Commission de contrôle des médias composée de membres du parti du chef d’État en place, droit de perquisition des rédactions par ce « conseil des médias », qui peut également obliger les journalistes à dévoiler leurs sources, obligation de fournir une information qui n’offense personne... bien heureusement, nous ne sommes pas en Hongrie !

Mais si la France échappe à ces dispositions dignes d’un autre temps, c’est qu’elle a su se protéger grâce à de nombreux textes fondateurs pour la liberté de la presse depuis 1881 et évoluer avec l’Histoire, par exemple avec la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. La proposition de loi de notre collègue David Assouline fait partie de ces textes nourris de l’observation de situations nouvelles ; ce sont des garde-fous, gages de plus d’indépendance et d’éthique dans un milieu colonisé par les grands groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le ministre, votre intervention donne un peu quitus à l’état des lieux. Pourtant, émanant de la majorité ou de l’opposition, les textes évoqués actualisent la démocratie et ne peuvent pas être balayés d’un revers de main.

Le rapporteur, lors des travaux en commission, soupçonnait la présente proposition de loi d’être « corporatiste ». Faut-il vous rappeler, mes chers collègues, que vous avez choisi l’autre camp lors de l’examen de la loi HADOPI et approuvé le sous-amendement Kert tendant à modifier, au profit des patrons de presse, le code du travail et à dénaturer l’usage de la propriété intellectuelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Ce sous-amendement visait à livrer inconditionnellement tous les écrits d’un journaliste et les images qu’il détient à l’ensemble des titres et supports du même groupe ! C’était la remise en cause du statut du journaliste de 1935 !

Dans nos régions, les rachats de titres de presse aboutissent à des concentrations.

On a évoqué le Crédit Mutuel, qui a pris le contrôle de L’Est Républicain, devenant ainsi le premier groupe de presse quotidienne régionale de France, des Ardennes aux Alpes. Le Courrier Picard est tombé dans l’escarcelle du groupe Rossel, qui édite Le Soir, La Voix du Nord et gère Nord Éclair, La Meuse, bref seize quotidiens, une trentaine d’hebdomadaires et une demi-douzaine de mensuels.

Ces concentrations sont, dit-on, justifiées par une mutualisation des moyens : direction, ressources humaines, impression. Au passage, cela fait des chômeurs en plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Mme Marie-Christine Blandin. Ces concentrations laissent au journaliste la liberté d’exercer la clause de conscience, nous dit M. le rapporteur. Fort bien ! Mais, en termes crus, cela signifie : « Si cela ne te plaît pas, tu prends tes affaires et tu t’en vas ! » C’est comme à l’usine au XIXe siècle !

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

La fusion entre L’Est Républicain et La Liberté de l’Est, ces titres devenant Vosges Matin, a fait tomber le lectorat de 50 000 exemplaires quotidiens en 2007 à 43 000. Les rachats nient la sociologie des lecteurs qui peut être différente entre deux départements, entre la ville et la campagne ou simplement d’un style à l’autre. Dans le présent cas de figure, aucun nouveau projet éditorial n’a été proposé pour faire revenir les lecteurs déçus, et les journalistes ont été tenus à l’écart de la réflexion.

La proposition de loi que nous examinons permet de garantir l’autonomie des rédactions face aux actionnaires et, pour le citoyen, la transparence.

L’article 2 vise l’inscription dans l’ours du nom des actionnaires détenant plus de 10 % du capital. Or le rapporteur objecte que cette disposition serait inscrite dans la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Nous considérons, pour notre part, que cette règle a toute sa place dans le texte que nous vous soumettons, mes chers collègues, et nous préférons tenir que courir. En effet, la proposition de loi précitée fait actuellement l’objet de la navette, et l’Assemblée nationale sait très bien gommer les acquis du Sénat. On nous assurait hier que la directive sur les œuvres orphelines était « imminente » ; un moyen commode pour élaguer une proposition de loi. Nous avons plus confiance dans la déontologie des journalistes que dans celle des actionnaires et de ceux qui les servent, qui confondent souvent informations et intérêts de leurs annonceurs.

La période est difficile pour la presse, qui a besoin de soutien. Au cours d’une réunion du syndicat national des journalistes, le SNJ, dans laquelle j’ai représenté le président de la commission de la culture Jacques Legendre en raison d’un retard des horaires du colloque, les journalistes se sont félicités de l’article 34 de la Constitution, qui place « le pluralisme et l’indépendance des médias » dans le domaine de la loi. Néanmoins, ils s’interrogent sur l’application réelle de ces dispositions en période de concentration des médias. Ils ont exprimé également d’une part, leur satisfaction à l’égard des dispositions relatives à la protection des sources, mais, d’autre part, leur inquiétude au vu des dérogations possibles et des graves incidents ayant suivi l’application de ces mesures.

Les rédactions ont besoin de gages ; elles sont tiraillées entre leur déontologie et les demandes des actionnaires. C’est pour cela qu’il revient au législateur de tout mettre en œuvre pour garantir la qualité de l’information dans une démocratie. Un article sur la crise bancaire sera-t-il traité de façon indépendante si l’un des actionnaires est une banque ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Un article critique sur les agro-carburants passera-t-il sous le pilotage de Bolloré, qui a fait fortune avec ses plantations de palmiers à huile en Afrique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Et comment expliquer une telle promotion de la voiture électrique dans tous ses titres ? Ce ne sont pourtant pas ses journalistes qui fabriquent les batteries de deuxième génération ! Ce serait plus clair pour le lecteur de savoir qui édite Direct Soir !

Mes chers collègues, nous vous demandons, certes, de faire preuve d’un peu d’audace : confier aux salariés une part de stratégie de l’entreprise. Le feriez-vous pour la charcuterie ? Certes, non. Mais nous ne parlons pas de saucisson !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le ministre, vous affirmez que le patron de presse étant responsable devant la loi, lui seul peut décider de la ligne éditoriale. Je pourrais souscrire à vos propos si Sartre était encore à la tête d’un grand quotidien ; mais aujourd'hui, c’est Rothschild !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi intéressante, qui vise à renforcer l’indépendance des rédactions. Ce texte est inspiré par la question de la concentration dans le secteur des médias, concentration jugée parfois excessive dans la mesure où elle pourrait constituer une menace directe au nécessaire pluralisme des médias. Force est de constater que ce fait est avéré !

Si l’on peut craindre à juste titre que la concentration des médias ne conduise, pour faire simple, à la pensée unique, des textes anti-concentration pour lutter contre ces pratiques existent déjà, comme l’a d’ailleurs rappelé David Assouline. Cependant, notre collègue estime, peut-être à juste titre, que ces textes sont insuffisants. Mais il n’en demeure pas moins que l’on ne lutte pas contre la concentration des médias en créant un corps spécial, une équipe rédactionnelle à laquelle on donne un statut juridique collectif. Il s’agit là de deux choses bien différentes !

Pour lutter contre la concentration de la presse, si les mesures juridiques existantes sont insuffisantes, il faut en proposer de nouvelles. C’est, me semble-t-il, la logique la plus élémentaire !

Certes, la présente proposition de loi comporte des dispositions intéressantes, que j’approuve. Je pense, notamment, à celle qui est relative à la transparence des actionnaires.

Mais ce qui me choque le plus, c’est la création du corps spécial que je viens d’évoquer. Après avoir lu le complet et excellent rapport de Jean-Pierre Leleux et entendu M. le ministre, David Assouline et ceux qui m’ont précédé à cette tribune, je me suis dit que le mieux était parfois l’ennemi du bien. Nous aboutissons à ce paradoxe au nom de la démocratie, du pluralisme et du respect de toutes les indépendances. Monsieur le ministre, je partage votre analyse et vous m’avez enlevé les mots de la bouche : on ne corsète pas la démocratie !

Je ne reviendrai pas sur les explications techniques pertinentes qui viennent d’être exposées par les différents orateurs mieux que je ne l’aurais fait moi-même.

En réalité, c’est une conception de la démocratie différente qui est en jeu. Certains, au nombre desquels sont manifestement les auteurs de la proposition de loi, estiment que l’on peut corseter, verrouiller, statufier, encadrer par des règles la démocratie. D’autres pensent qu’elle est une fleur fragile, qui doit être entretenue, à laquelle il convient de dispenser des soins quotidiens, qu’elle se réalise dans le mouvement et non dans l’isolement ou dans le cloisonnement, qu’elle s’épanouit dans le dialogue. Or qui peut affirmer dans cette enceinte qu’il n’y a pas de culture du dialogue dans les entreprises de presse ? Certainement pas les journalistes de ces entreprises, car le dialogue y a lieu du matin au soir et du soir au matin ! Qu’est la démocratie sinon le dialogue construit, le rapport de force, lorsque les différentes parties ne sont pas d’accord ? Quoi qu’il en soit, ce n’est surtout pas un statut qui fige, fixe et corsète. Le monde avance, le monde évolue, et la démocratie doit s’adapter à ce mouvement.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, la quasi-unanimité des membres du RDSE – l’un d’entre eux ayant une opinion différente – ne soutiendront pas le présent texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec Internet, les médias sont confrontés à des bouleversements d’une ampleur inégalée depuis l’invention de l’imprimerie. La presse écrite est particulièrement fragilisée. Les journaux en ligne ont eux-mêmes du mal à trouver un modèle économiquement viable, comme l’illustre le dépôt de bilan de Bakchich.

La crise financière et sociale accentue les effets de cette mutation numérique, en particulier pour la profession de journaliste et de photographe : précarisation accélérée du métier, baisse des rémunérations, recours croissant aux pigistes et aux contrats à durée déterminée, conditions de travail dégradées. À la pression économique s’ajoute l’intimidation : multiplication des mises en examen, des convocations et perquisitions, violations de la protection des sources, censures, limogeages de journalistes ou d’humoristes politiquement incorrects, espionnage, nomination et révocation par le chef de l’État des dirigeants de l’audiovisuel public… La séparation des pouvoirs est sérieusement mise à mal !

Ces pressions inacceptables et la tentation permanente de l’exécutif de contrôler l’ensemble des médias constituent de graves entraves au travail d’investigation comme au droit à l’information de nos concitoyens. L’association Reporters sans frontières n’a d’ailleurs pas manqué de réagir en rétrogradant la France à la quarante-quatrième place de son classement relatif à la liberté d’informer.

Cette situation est indigne du pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il est donc urgent d’agir et de renforcer la liberté de la presse, qui passe non seulement par des obligations accrues de transparence de l’actionnariat, mais aussi par l’indépendance des rédactions, d’autant que le phénomène de concentration des médias ne fait que s’accentuer.

Au prétexte que nos entreprises de presse seraient de taille insuffisante, le Gouvernement se refuse à renforcer la législation en matière de concentration. Nous assistons, cependant, à l’émergence de groupes de télécommunications puissants et à l’avènement d’un nouveau monopole extravagant avec Google, qui pille allègrement les contenus informationnels produits par d’autres.

Aucun citoyen éclairé ne peut tolérer l’uniformisation, l’aseptisation de l’information et la connivence malsaine qui deviennent inévitables lorsque les médias appartiennent à une poignée de groupes qui dictent ce qu’on doit dire et montrer.

WikiLeaks a révélé que l’ambassade des États-Unis considère que « le secteur privé des médias en France […] continue d’être dominé par un petit nombre de conglomérats, et l’ensemble des médias français sont davantage régulés et soumis aux pressions politiques et commerciales que leurs homologues américains. »

Comment s’étonner, alors, du regain de défiance de nos concitoyens à l’égard des médias ? L’institution de sociétés de rédacteurs, l’élaboration de chartes de déontologie sont tout à l’honneur de la profession, qui a à cœur de prendre des engagements éthiques à l’égard du public. Néanmoins, les codes d’éthique reposent essentiellement sur les devoirs des journalistes, alors que leurs droits n’ont jamais été autant bafoués. D’où l’importance de légiférer pour renforcer ces derniers, afin de promouvoir une véritable parole crédible et fiable.

Les médias, dans leur diversité, sont des outils extrêmement prégnants dans la vie citoyenne et intellectuelle de notre pays. Or, selon Éric Verhaeghe, bien au fait des usages du MEDEF qu’il vient de quitter, « tous les grands quotidiens français sont la propriété d’une élite qui a besoin des organes légitimes pour diffuser son opinion et travailler jour après jour les esprits afin de les convaincre de la fatalité de l’ordre qu’elle impose à tous. Par cette propagation idéologique extrêmement organisée, l’homme de la rue est ainsi encadré pour ne plus décoder son environnement social autrement que par le prisme des intérêts aristocratiques ». Aucun démocrate convaincu ne peut accepter le risque que les idées ne soient plus véhiculées que par une seule voix, celle du plus fort, ou que les journalistes cèdent la place à d’inoffensifs « passeurs de micro », qui ne poseront pas de questions gênantes !

On ne soulignera jamais assez la noblesse du métier de journaliste dont l’exercice continue à être particulièrement dangereux, comme en atteste la mort violente du photographe Lucas Mebrouk Dolega, qui couvrait les événements en Tunisie, sans oublier Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, otages depuis plus d’un an en Afghanistan.

Une entreprise de presse n’est pas une entreprise comme une autre. La liberté d’expression et d’information, le pluralisme constituent bien un baromètre crucial de bonne santé des démocraties. C’est pourquoi ces valeurs sont au cœur même de la Constitution, comme cela a été rappelé.

Avec la baisse du lectorat et l’érosion des recettes publicitaires, plusieurs titres ont dû faire appel à des capitaux pour se renflouer. Raison de plus pour protéger l’indépendance des rédactions à l’égard de ceux qui possèdent les médias, pour mieux équilibrer les rapports entre les journalistes et les actionnaires. Monsieur le ministre, cette nouvelle garantie ne sera pas un repoussoir pour les investisseurs désireux de servir la presse et non de s’en servir.

S’il est vrai que la presse a plus que jamais besoin de financements solides et pérennes, il s’avère indispensable de ne pas réduire les aides publiques, comme le préconise le rapport Cardoso. Si cette option se confirmait, il est évident que seuls survivraient les médias liés aux forces de l’argent. Certes, il est indispensable d’améliorer le dispositif de soutien à la presse et de corriger certaines de ses incohérences. Mais celui-ci doit prioritairement être orienté vers les journaux à faibles ressources publicitaires, car l’intervention de l’État demeure très insuffisamment ciblée sur les titres qui en ont le plus besoin et qui concourent à l’exercice de la démocratie, en s’adressant au lecteur citoyen plutôt qu’au consommateur. Une modulation des aides prenant en compte le degré de concentration des titres serait juste et salutaire.

Je suis également partisan du maintien du statut actuel de l’AFP, qui a fait la preuve de son efficacité en assurant son indépendance, source de sa crédibilité internationale.

Il s’agit de renouer avec la lettre et l’esprit visionnaire du programme du Conseil national de la Résistance, qui avait pris la précaution de libérer l’information de la toute-puissance des monopoles économiques en la soustrayant à une pensée ou à une idéologie unique. C’est d’autant plus nécessaire que la crise structurelle des médias, renforcée par la crise conjoncturelle qui touche l’ensemble de l’économie, conduit à de nouvelles restructurations et concentrations. Ainsi, Marie-Christine Blandin y a fait allusion à juste titre, de prises de contrôle en rachat, le Crédit Mutuel, avec dix quotidiens, est devenu le plus puissant groupe de la presse quotidienne régionale. Dans le Nord, il ne subsiste plus que deux quotidiens régionaux, alors qu’il en existait autrefois cinq. Le pluralisme est réellement en danger.

Dans ce contexte, il est inquiétant de constater que l’Europe, obnubilée par le seul marché et la concurrence, ne défend guère avec ardeur l’information libre et non faussée. Ainsi, quand un pays de l’Union européenne se permet d’adopter une loi liberticide, bâillonnant la presse et plaçant les médias sous haute surveillance, son dirigeant a-t-il beau jeu de déclarer qu’il ne modifiera sa loi que si d’autres États membres en font autant ! L’Europe, la France en particulier, héritière de la philosophie des Lumières, se doit d’être exemplaire en matière de libertés.

Alors que l’on assiste à la poussée de la xénophobie et des populismes, il est vital pour le devenir de l’Europe et de ses valeurs humanistes de respecter et de faire respecter la Charte des droits fondamentaux sur la liberté d’expression et d’information. On le sait, le recul de ces libertés et du pluralisme sont le ferment sur lequel croissent les extrémismes. La défense de la liberté d’expression et de communication reste un combat qui ne doit souffrir aucune exception si l’on ne veut pas que l’Histoire se répète tragiquement.

L’espoir vient aussi des nouvelles technologies. Les réseaux sociaux jouent désormais un rôle déterminant dans l’émancipation des peuples, comme l’a montré la Révolution de jasmin. Or le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure renforce la surveillance et la censure sur Internet. Il est particulièrement grave de chercher à brider la toile, qui contribue désormais, de façon décisive, à la dissémination des idées et à la vitalité de la démocratie. L’essentiel des pratiques d’information se fera demain sur Internet et sur les supports mobiles. Le Web est le meilleur moyen de rajeunir l’audience.

Affirmer l’indépendance des rédactions ne peut que donner un nouvel élan à la presse de notre pays, qui en a bien besoin. Même si la présente proposition de loi est loin de lever l’ensemble des entraves à la liberté des médias, elle va dans le bon sens, et les membres du groupe CRC-SPG la voteront.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, David Assouline veut protéger les journalistes des pressions extérieures et s’émeut d’une concentration croissante des médias français. Selon les termes de la proposition de loi qui nous est soumise, la liberté de la presse tendrait à disparaître et la démocratie serait menacée… Notre collègue agite, selon moi, un certain nombre d’épouvantails aux quatre coins du pays. Nous avons d’ailleurs pu le constater lors de sa déclinaison d’un long catalogue des titres de presse. Son attitude est surprenante, alors que la France a adopté un dispositif particulièrement protecteur du pluralisme, reconnu principe à valeur constitutionnelle, et de l’indépendance des médias.

Partant d’un constat qui me semble erroné, la proposition de loi prévoit deux grandes mesures qui paraissent inadaptées, de l’avis même de M. le rapporteur. La première impose la création de structures juridiques mettant en œuvre le principe d’indépendance des journalistes. La seconde instaure des obligations accrues de transparence pour les entreprises de presse.

Pour ce qui concerne la création de structures juridiques – équipes rédactionnelles, associations de journalistes ou sociétés de rédacteurs – qui veilleraient au respect de règles déontologiques, j’ai du mal à comprendre comment de telles structures pourraient fonctionner sans mettre l’entreprise en péril.

Que deviendrait la cohésion interne de l’entreprise ? Comment ferait-on coexister, au sein de la même rédaction, deux équipes composées également de journalistes, mais dotées de pouvoirs et de statuts différents ? Serait-il encore possible de parler de confiance entre la rédaction et la direction ?

Dans le cas d’une équipe rédactionnelle permanente et autonome, visé à l’article 1er, l’équipe créée disposerait même d’un droit de veto sur la nomination du responsable de la rédaction, c’est-à-dire de son propre supérieur hiérarchique, ainsi que sur la politique éditoriale ! On donnerait donc un droit de regard à l’équipe rédactionnelle, sans qu’elle en supporte la responsabilité. Le directeur de la publication se trouverait alors dans une situation inacceptable : il serait le seul à assumer la responsabilité pénale d’un contenu dont il n’aurait pas la maîtrise en dernier ressort. Lors des travaux en commission, M. le rapporteur a conclu que ce dispositif introduirait une asymétrie flagrante entre les pouvoirs de la rédaction et ceux de la direction.

Sur le plan économique, l’application de ce dispositif serait, me semble-t-il, catastrophique, car elle ferait fuir les investisseurs.

Enfin, puisque la position éditoriale serait l’émanation de la rédaction de journalistes, on peut se demander ce que deviendraient les droits qui sont actuellement garantis à ces derniers, notamment la clause de conscience, qui joue si un changement notable intervient dans le caractère ou l’orientation du journal. Cette clause de conscience perdrait toute utilité, alors qu’elle est aujourd’hui une garantie primordiale de la protection des journalistes. Je m’étonne que la proposition de loi nie ainsi l’un des fondements du statut professionnel des journalistes, acquis important obtenu par les organisations syndicales.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Occupez-vous de jambon et cessez de dire n’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Je parle de la presse et j’évoque des questions tout à fait sérieuses !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Comme M. le ministre, j’ai exprimé mes réticences sur le dispositif proposé, car le cadre actuel est tout à fait satisfaisant, monsieur Assouline !

Je tiens d’ailleurs à féliciter Jean-Pierre Leleux de la qualité de son rapport, qui fait le point sur les dispositions législatives et conventionnelles visant à protéger les journalistes des pressions extérieures. Outre le droit qui entoure les médias de protections, des accords négociés entre direction et personnel de rédaction existent aujourd’hui. Des sociétés de journalistes ont ainsi été créées : elles sont nées de la pratique et sont donc spécifiques à chaque entreprise ; elles sont un lieu de dialogue et de concertation. L’expérience nous montre donc que les accords négociés au cas par cas fonctionnent.

Le texte qui nous est soumis prévoit au contraire d’imposer autoritairement une structure représentant l’équipe de rédaction auprès de la direction. Alors qu’il prétend garantir l’indépendance de l’information et des médias, il pourrait précisément la restreindre en imposant un modèle unique, au lieu de laisser chaque média choisir la gouvernance la plus adaptée à son histoire, à son actionnariat ou à son positionnement éditorial.

Je voudrais dire à présent quelques mots sur les obligations de transparence fixées par les articles 2 et 3 de la proposition de loi qui prévoient une information des lecteurs de tout titre de presse sur l’identité des actionnaires détenant plus de 10 % du capital, sur tout changement de statut de la société éditrice, de ses dirigeants et de ses actionnaires.

Or l’article 5 de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse oblige déjà les entreprises de presse à indiquer le nom de leur représentant légal et de leurs trois principaux associés, et à porter à la connaissance des lecteurs le nom du directeur de la publication. Le public est donc informé et imposer plus de précisions me semble inutile. La transparence financière des entreprises de presse est garantie en France et les règles anticoncentration sont efficaces.

Je citerai les conclusions du rapport de la commission Lancelot en 2005 qui « n’a pas vu dans l’état actuel de la concentration dans le domaine des médias une menace directe pour le pluralisme et la diversité ». En effet, ce rapport relève que la liberté de choix pour le consommateur a globalement progressé depuis une dizaine d’années.

Certes, plusieurs groupes se détachent, que ce soit dans le secteur de la presse écrite ou de l’audiovisuel. Mais il ne faut pas occulter la réalité économique mondiale : n’oublions pas que les médias français ont du mal à s’imposer face à de grands groupes étrangers. Il faut sans doute penser les médias en termes politiques, mais il faut également les penser en termes d’économie d’entreprise, de taille critique, de rentabilité.

Cher David Assouline, ne vous laissez pas aller à la caricature ; revenez au bon sens des sénateurs ; ne vous comportez pas comme un militant ! En tout état de cause, aujourd’hui, je ne peux adhérer à vos propositions, qui vont à l’encontre même des objectifs que vous vous fixez. Nous devons bien évidemment rester vigilants quant à l’indépendance des médias et je pense que ce débat nous a donné l’occasion de le rappeler. Pour ce qui concerne la présente proposition de loi, les membres du groupe UMP suivront l’avis de la commission et voteront contre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vestri

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aborder par le biais d’une proposition de loi la question de l’indépendance des rédactions par rapport aux pouvoirs politiques et économiques internes ou externes aux entreprises de presse montre à quel point les rapports entre la politique et les médias sont dégradés par les évolutions contemporaines.

Force est de constater que nos concitoyens ont de plus en plus tendance à se méfier des journalistes, à cause non seulement d’une concentration outrancière des titres et supports médiatiques entre les mains de quelques groupes industriels et financiers, mais aussi de pratiques professionnelles qui ne « passent » plus.

J’observe, par ailleurs, que ce débat concerne essentiellement des titres de presse, des télévisions ou des radios que l’on qualifie de « généralistes » ou de « nationaux » et que l’on évoque rarement l’indépendance des rédactions de publications ou médias audiovisuels spécialisés dans la culture, le sport, la gastronomie… ou les mots croisés !

Il me paraît pourtant absolument essentiel que l’on puisse faire confiance aussi à d’autres formes de presse spécialisée ; je pense en particulier à une revue comme Prescrire qui, dans le domaine médical, a alerté l’opinion sur le danger de certains médicaments.

Mais, aujourd’hui, nous limiterons notre discussion à l’indépendance des rédactions par rapport à des pressions économiques et politiques qui viendraient de l’intérieur ou de l’extérieur des sociétés éditrices ou audiovisuelles, dont la loi a pourtant prévu de restreindre la concentration.

La France n’est, hélas, pas la seule à connaître ce dilemme. Nos voisins italiens vivent sous ce modèle depuis maintenant vingt-cinq ans. Un magnat des médias est même parvenu à devenir Président du Conseil et à le rester, malgré quelques intermittences, près de quinze ans !

On peut d’ailleurs se demander si c’est vraiment à nous, législateurs, de dire comment doit être organisée, à l’intérieur de chaque média, la liberté de nommer des dirigeants indépendants qui devront ensuite décider de traiter, hiérarchiser, évaluer et exposer l’actualité.

La réponse est oui ! Et il faut le regretter, en rappelant, comme le font nos collègues socialistes, que c’est la Constitution qui nous donne la possibilité – par défaut, il faut bien le dire – d’organiser la liberté d’action de professionnels qui nous interpellent chaque jour sur les divergences au sein des assemblées parlementaires. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de l’actualité !

Ce qui a été présenté comme une avancée dans la relation entre les médias et les citoyens est, en fait, la parfaite illustration de la régression de la confiance entre journalistes et citoyens-consommateurs, car le recours au « médiateur des auditeurs, téléspectateurs et lecteurs » est révélateur du malaise qui existe aujourd’hui dans l’opinion publique.

Un média digne de ce nom, doté de règles de fonctionnement efficientes, ne devrait pas avoir besoin de recourir à la médiation avec l’opinion publique, mais il faut avouer que l’on comprend parfois la méfiance de l’opinion envers les journalistes. Le fait n’est pas nouveau : j’ai encore en mémoire les prestations d’un élu écologiste qui, alors qu’il était journaliste de télévision, vantait les mérites de l’énergie nucléaire à l’occasion de ce que la profession appelle « un ménage », avant de devenir un contempteur de cette activité, une fois élu !

Nos collègues socialistes ont présenté une proposition de loi sur les sociétés ou associations de journalistes qui va bien au-delà des revendications des syndicats. Faire élire un directeur de la rédaction « de par la loi » me paraît constituer un danger et aussi une régression. Imposer dans chaque société ayant un conseil de surveillance la présence du représentant des journalistes me paraît être une réponse inadéquate. En tout cas, ce n’est pas là que je situe l’enjeu. Quid des SARL de presse dans les petites structures ? D’autant que la culture d’entreprise est forcément différente selon que l’on est journaliste dans une chaîne de télévision, un journal traditionnel, ou encore dans une agence de presse, selon que le média représente telle ou telle sensibilité... Bref, au lieu de préciser les détails, fixons quelques grands principes !

Je retiendrai, par exemple, les propositions de nos collègues socialistes relatives aux changements importants dans le capital social qui peuvent influencer la politique rédactionnelle d’un média. Mais le déséquilibre des pouvoirs internes est-il la seule menace pour les médias, et la presse écrite en particulier ?

N’y a-t-il pas des menaces plus « subtiles », comme l’influence d’un annonceur omniprésent ; je pense en particulier aux rédactions des quotidiens et hebdomadaires régionaux qui sont dépendantes des annonces légales, de la publicité des collectivités locales, mais aussi aux quotidiens gratuits qui sont tributaires de certaines autorisations d’utilisation du domaine public. Pourquoi ne pas obliger les entreprises médiatiques, comme pour la répartition du capital, à indiquer, une fois par an, les noms de leurs principaux annonceurs ?

La disparité des situations des médias français, après des années de concentration souvent mal conçue ou tardive par rapport aux évolutions du secteur, explique la situation de 2011. L’arrivée, depuis l’étranger, de nouveaux concepts, comme les quotidiens gratuits ou les rédactions multimédias, et la survivance de quelques combats d’arrière-garde dans les secteurs connexes tels que la diffusion, qui a une importance cruciale pour les journaux payants, ont amené des entreprises, qui n’avaient que la presse et l’édition comme objet et supportaient donc de lourdes charges fixes, à être de plus en plus dépendantes de la publicité.

Ces titres sont devenus des « proies » pour de grands groupes qui dégagent des bénéfices considérables et qui ont rapidement exercé un contrôle et imposé des normes de rentabilité incompatibles avec les performances des sociétés de presse. Sans parler de la tentation de « diriger » la ligne rédactionnelle en cas d’actualité contraire à leur image ou à leurs intérêts… À la télévision, la situation n’est guère meilleure : supprimer le financement publicitaire conduit à une dépendance envers l’argent public.

En effet, n’oublions pas non plus l’exigence d’indépendance rédactionnelle vis-à-vis des pouvoirs publics. Dans ma région, le groupe de presse du quotidien monopolistique avait des objectifs de rentabilité à deux chiffres. Aujourd’hui, sans l’aide de modernisation versée par le Gouvernement pour entretenir ses rotatives, il ne pourrait plus investir ; il doit de surcroît demander des délais de paiement pour régler ses charges sociales.

Alors, par rapport à qui le journal doit-il être indépendant ? Par rapport à ces nouveaux actionnaires, qui n’investissent plus ? Par rapport à l’État, qui apporte des subventions et toutes les aides publiques directes ou indirectes ? Par rapport aux annonceurs publics, qui achètent des pages et des pages pour communiquer sur tout et rien, et dont on voit la photographie des dirigeants quatre ou cinq fois dans la même édition accompagnée de titres laudateurs ?

On ne pourra affranchir les journalistes du pouvoir de l’argent que si l’on change le modèle économique de la presse et des médias en France.

La convergence des rédactions de médias différents vers une organisation en rédactions intégrées, où les journalistes seront capables de faire leur métier sur plusieurs supports, est une voie qui s’ouvre aux professionnels et qui mérite que l’on réfléchisse aux moyens à leur attribuer pour mener cette transformation de leurs habitudes de travail. Elle est aussi source de réflexion sur des obligations éthiques nouvelles, avec les perspectives offertes par Internet. Parfois, un blog de journaliste est plus lu que certains médias regroupant plusieurs professionnels.

Mais c’est aussi en imposant que les chartes de déontologie journalistique recouvrent l’ensemble des activités des entreprises propriétaires de médias, avec une obligation d’autocontrôle par les organes dirigeants et les rédactions, que l’on arrivera à mieux libérer le travail des journalistes.

On pourrait aussi aller plus loin, en réglementant, comme dans la fonction publique, le « pantouflage » des cadres de la presse chez les clients-annonceurs des médias dont ils sont issus. Cette idée serait de nature à renforcer la confiance de l’opinion envers les journalistes. Combien de fois a-t-on vu tel journaliste devenir responsable des relations publiques ou attaché de presse d’une grosse société ou d’une collectivité locale sur laquelle il écrivait quelques semaines plus tôt ?

L’indépendance des rédactions restera un vœu pieux si l’on ne s’attaque pas vraiment au modèle économique de la presse française et si l’on n’impose pas dans les chartes de déontologie un respect rigoureux de distance vis-à-vis des pouvoirs économiques et politiques.

Cette « politique » de charte éthique doit aussi s’appliquer aux investisseurs et annonceurs.

C’est la raison pour laquelle il me paraît opportun de regarder du côté tant des investisseurs que des annonceurs la possibilité d’établissement de règles déontologiques.

On pourrait imposer aux annonceurs qui dépassent un certain volume financier dans les médias locaux de signer une charte par laquelle ils s’interdisent d’embaucher des journalistes des supports qu’ils utilisent dans l’année suivant leurs derniers investissements publicitaires.

On pourrait également exiger que lorsqu’un organe de presse est condamné pour diffamation il se trouve dans l’obligation de publier dans ses colonnes l’intégralité du jugement qui le concerne. Voilà une mesure salutaire qui obligerait les journalistes à un peu plus de prudence dans la rédaction de leurs articles relatifs à des affaires dites « sensibles » ou à l’évolution de procédures judiciaires !

De la même manière, mes chers collègues, vous constatez comme moi que le non-lieu d’un élu ou d’une personnalité en vue ne fait guère recette dans la presse.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vestri

Un article au mieux, une brève la plupart du temps, la manchette, jamais ! Comment la représentation politique peut-elle sortir indemne de ce dysfonctionnement majeur ?

Alors, à quoi sert-il d’imposer des règles déontologiques aux seuls journalistes si ceux qui exercent les pouvoirs politiques et financiers sont exonérés de respecter une éthique similaire ?

On peut aussi imaginer que les actions détenues par les propriétaires des entreprises de presse ne donnent droit qu’à une demi-part de vote et que les sociétés de rédacteurs actionnaires aient une influence plus importante dans les organes de décision.

Les derniers états généraux de la presse écrite ont permis de dégager des pistes qu’il est essentiel d’emprunter pour aider ceux qui travaillent ou investissent dans ces entreprises, sans lesquelles la démocratie n’est plus qu’un vœu pieux.

Je voudrais, en conclusion de mon intervention, présenter mes félicitations à mon collègue Jean-Pierre Leleux. Toutefois, contrairement à ce que vous pourriez imaginer, mes chers collègues, je ne soutiendrai pas la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de David Assouline pose, une fois de plus, la question de l’articulation entre la concentration économique du secteur et l’indépendance des journalistes.

Ce texte souligne en effet des situations que nous ne pouvons pas – que nous ne devons pas – feindre d’ignorer.

Au terme de cette discussion générale, j’avoue avoir été surpris par les contradictions des différentes interventions.

M. le rapporteur a par exemple reconnu la pertinence des questions posées par cette proposition de loi et, par là, son utilité. Il a d’ailleurs évoqué des pistes allant dans le sens de ce que nous proposons dans ce texte.

Pour votre part, monsieur le ministre, vous avez semblé considérer que cette proposition de loi est largement superfétatoire, car déjà satisfaite, sans toutefois en contester le bien-fondé. Vous avez, pour cela, fait référence à des textes en vigueur. On peut toutefois s’interroger sur la pertinence actuelle de ces derniers et sur leur utilisation.

Enfin, certains collègues de la majorité ont dénoncé, dans des propos parfois excessifs, une proposition de loi qui exagérerait une situation qui serait par ailleurs tout à fait satisfaisante.

Ces différences d’appréciation montrent bien que l’évolution actuelle du secteur des médias pose de vraies questions, que l’on ne peut balayer d’un revers de main.

Aussi, je crois pour ma part que, loin d’être une marotte de quelques-uns, ce sujet est fondamental pour tous. C’est pourquoi nous devons saisir toutes les occasions qui nous sont données d’en débattre et, surtout, de proposer des solutions.

Ceux qui refusent la discussion, ceux qui cherchent à discréditer les initiatives dans ce domaine, ceux qui font mine de croire que tout va bien, ceux-là devraient au contraire bien mesurer l’ampleur, l’impact et les conséquences du bouleversement à l’œuvre dans les médias aujourd’hui.

Le constat est bien connu, il a été établi et je ne m’y attarderai donc pas. Tout au plus, je me permettrai d’identifier les différentes facettes de la période de mutation sans précédent que nous connaissons.

Il y a d’abord une révolution technologique, avec l’émergence du numérique et, par la suite, le passage à Internet. La presse quotidienne nationale a par exemple vu ses recettes chuter de près de 30 % depuis 2000.

Dans ce contexte économique difficile, les groupes de presse ont choisi une stratégie de développement reposant sur la recherche d’une concentration des titres.

La constitution de ces oligopoles a ses logiques économiques propres ; je ne les conteste pas. On peut en revanche s’interroger et douter de son intérêt public, la conséquence première de cette concentration des capitaux étant une uniformisation du contenu de l’information. C’est un réel problème par rapport à la nature et à la fonction du journalisme.

Ce n’est pas pour rien non plus que l’existence d’une presse libre est le critère premier du pluralisme.

La liberté de la presse est en effet un des fondements de la démocratie. Une fois de plus – je veux le redire ici – nous ne prétendons pas que la presse en France est complètement muselée, mais elle est loin de la description idyllique faite par certains à cette tribune.

Ce qui est vrai en revanche, ce que nous devrions tous admettre, c’est que la dimension économique de la liberté de la presse ne peut plus être ignorée dès l’instant où quelques groupes régulent tout le secteur.

Je le dis d’autant plus fermement que cette mutation économique et technologique provoque une profonde évolution de la profession de journaliste.

Le métier de journaliste est effectivement aujourd’hui en pleine redéfinition. Lors des débats en commission, plusieurs collègues ont persiflé à ce sujet, en dénonçant une proposition de loi corporatiste, calibrée pour les journalistes, qui allait – cela a été dit tout à l’heure – « corseter », plutôt que « libérer ». Certains ont utilisé la métaphore d’une fleur fragile. Cette fleur, nous voulons la protéger, lui offrir des tuteurs !

Parlons-nous de la même chose ?

Le journaliste aujourd’hui, c’est de plus en plus souvent un professionnel précaire.

Le journaliste aujourd’hui, c’est quelqu’un qui doit s’adapter très vite à une nouvelle façon d’exercer son métier.

Le journaliste enfin, c’est un professionnel qui a – c’est vrai – une clause de conscience, mais qui réfléchira sans doute à deux fois avant de la faire valoir… et pour cause, puisqu’il doit produire une information uniformisée, adaptable de plus en plus à des supports différents, papier, Internet ou radio par exemple.

Monique Dagnaud, directrice de recherches au Centre national de la recherche scientifique, ou CNRS, évoquait récemment le basculement de la presse écrite sur l’internet et sa dimension d’activité low cost – pour éviter de prononcer ces mots devant le président de la commission de la culture, j’emploierai plutôt l’expression « à bas coût ».

M. le président de la commission de la culture sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Autrement dit, on sent bien que les journalistes se trouvent dans une position précaire.

C’est dans ce contexte que cette proposition de loi trouve tout son sens.

Il ne s’agit pas ici de réguler un secteur économique marchand comme les autres. Comme une de mes collègues l’a dit, on ne vend pas des saucisses ! L’information est un bien culturel, certes. Mais la presse ne peut pas être considérée comme un bien culturel quelconque.

Par conséquent, nous devons veiller à garantir l’effectivité du pluralisme, dans un cadre économique et technologique nouveau.

C’est bien là l’objectif de cette proposition de loi.

De ce point de vue, celle-ci vise d’ailleurs à consacrer un principe de transparence, que j’estime nécessaire et indispensable. Faire mention dans l’ours des actionnaires détenteurs de plus de 10 % du capital d’un titre, c’est déjà informer les lecteurs !

Cette disposition illustre bien, à mon sens, le but que nous cherchons à atteindre avec ce texte : il s’agit de poser des jalons, d’imprimer des marques pour que les Français sachent quelle information leur est donnée, comment et par qui.

Cette information sur l’information est une première étape. La seconde consiste bien sûr à donner aux journalistes les moyens de faire vivre leur indépendance.

Là encore, il ne s’agit pas de proclamer l’indépendance absolue, hors de toute réalité économique, comme certains l’ont prétendu. C’est en fait l’inverse qui est proposé : tenant compte du contexte économique, la proposition de loi vise à donner les outils aux journalistes pour faire valoir au mieux l’éthique de leur métier.

L’article 1er se montre pour cela d’une extrême concision. Il prévoit que les entreprises de presse ont le choix entre une équipe rédactionnelle permanente et autonome ou une association de journalistes. Dans les deux cas, il s’agit simplement de doter les rédactions d’outils leur permettant de faire valoir leurs droits, dans le respect de la déontologie de leur métier.

Au total, et j’en termine, mes chers collègues, cette proposition de loi est une occasion d’avancer sur un sujet sur lequel nous sommes à peu près tous d’accord, au moins s’agissant du constat établi. Nous l’avons évoqué à plusieurs reprises dans le débat, une vraie question se pose par rapport à l’indépendance des journalistes et au pluralisme.

Les mesures que nous défendons ici, dans le cadre de ce texte, sont justes et équilibrées. J’espère qu’elles seront retenues, d’autant plus que nous sommes d’accord sur l’essentiel.

À défaut, – je le précise car je ne me fais pas d’illusions – elles auront permis à M. le rapporteur d’avancer à son tour deux propositions que je conserve bien à l’esprit : d’une part, la possibilité de lier le versement des aides de l’État au renforcement du respect de la déontologie – je rebondis ainsi sur les évolutions proposées en termes de sociétés de journalistes ou de rédacteurs – et, d’autre part, le renforcement du contrôle en matière de concentration.

Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, j’espère que vous voterez ce texte, qui vous est proposé par le groupe socialiste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Après l’article 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 6 bis ainsi rédigé :

« Art. 6 bis. – Toute personne physique ou morale employant des journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail, produisant ou diffusant de l’information, constituée sous forme d’une agence de presse, d’une société de publication de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de service multimédia ou de communication électronique est tenue de remplir l’une des deux conditions figurant au 1° ou au 2° suivants :

« 1° Se doter d’une équipe rédactionnelle permanente et autonome composée de l’ensemble des journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail qui contribuent à cette équipe. L’équipe rédactionnelle participe à l’élaboration d’une charte éditoriale et déontologique et veille au respect des chartes de déontologie de la profession.

« Sans préjudice des dispositions relatives aux représentants du personnel, cette équipe rédactionnelle désigne son ou ses représentants selon les modalités prévues au livre III de la deuxième partie du code du travail

« Ces représentants ont un rôle de porte parole et organisent les consultations de l’équipe rédactionnelle.

« Ils bénéficient de la même protection que celle dont bénéficient les délégués du personnel en vertu des articles L. 2411-5 et suivants du code du travail.

« L’équipe rédactionnelle doit être consultée par sa direction avant tout changement de politique éditoriale ou rédactionnelle. Les projets éditoriaux lui sont soumis annuellement. Elle peut s’y opposer.

« L’équipe rédactionnelle doit également être consultée lors de la nomination d’un responsable de la rédaction qu’il soit directeur de l’information, directeur de la rédaction ou rédacteur en chef. Elle peut s’opposer à cette nomination.

« En cas de changements importants dans la composition du capital ou dans l’équipe de direction susceptible d’avoir un impact sur la situation économique de l’entreprise, l’équipe rédactionnelle peut prendre l’initiative d’un scrutin de défiance. Elle peut aussi saisir le comité d’entreprise pour faire jouer le droit d’alerte.

« 2° Se doter d’une association de journalistes dont les titulaires de la carte de presse sont membres de droit. Les statuts de cette association sont élaborés selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

« Une société de rédacteurs peut se substituer à l’association. Les droits sociaux sont alors détenus par les salariés titulaires de la carte de presse.

« Lorsque la personne physique ou morale édite une publication d’information politique et générale, l’association des journalistes ou la société des rédacteurs désigne un représentant qui siège de droit, avec voix consultative, au conseil d’administration ou au conseil de surveillance.

« La désignation du responsable de la rédaction donne lieu à un vote, à bulletin secret, de tous les membres de l’association des journalistes ou de la société des rédacteurs.

« Dans le cas où la désignation est opérée, alors qu’elle a été rejetée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, elle est constitutive d’un changement notable, au sens du 3° de l’article L. 7112-5 du code du travail.

« L’association des journalistes ou de la société des rédacteurs participe avec la société éditrice à l’élaboration une charte éditoriale et déontologique, énonçant les engagements souscrits à l’égard des lecteurs par tous ceux qui concourent à la publication. Cette charte est reproduite dans la publication de presse ou fait l’objet d’une communication dans le service de communication, une fois par an. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 1, présenté par MM. Assouline et Bérit-Débat, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de cet article s'appliquent dans le strict respect du principe d'indépendance des journalistes et de leur droit à opposer la clause de conscience. »

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Permettez-moi, mes chers collègues, quelques mots de préambule.

Oui, madame Dumas, je suis un militant, de surcroît un militant de gauche, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… et je suis un sénateur, chargé d’établir la loi. Ne croyez pas qu’il faille obligatoirement accoler au titre de sénateur les mots « conservateur », « neutralité », « droite », …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… « acceptation de l’ordre établi ».

Oui, je porte en moi une part d’idéalisme – je le dis à l’attention de ceux qui ont jugé que c’était peut-être une tare profonde – et cet idéalisme n’exclut pas un certain pragmatisme.

Ainsi, mes chers collègues, vous constatez tous que la question de l’indépendance des médias est un sujet d’actualité, en évolution constante. Vous vous êtes appuyés sur l’article 34 de la Constitution…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Ce n’est pas le sujet ! Vous ne présentez pas l’amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comment cet article a-t-il pu être complété ? Par un amendement, que j’ai défendu, des membres du groupe socialiste, des idéalistes !

Vous reconnaissez l’existence d’un problème de concentration capitalistique… Qui a permis que ce sujet ainsi que la question de la confusion avec la commande publique soient traités au Sénat ? Les socialistes, les idéalistes !

Les propos de M. le rapporteur confirment qu’il faut agir et se pencher sur ce problème de concentration, notamment dans la presse quotidienne régionale… Qui, aujourd’hui, vient vers vous en tentant de proposer des solutions ? Les socialistes, les idéalistes !

Le sujet est d’actualité et nous faisons des propositions. Bien entendu, celles-ci pourraient être affinées s’il y avait un dialogue, un débat. Nous n’avons pas la science infuse, mes chers collègues de la majorité, et le texte pourrait s’enrichir de propositions de votre part. Mais voilà, quand une proposition de loi est examinée sur l’initiative des socialistes, on ne cherche pas à la rendre acceptable, on lui oppose un rejet absolu !

Permettez-moi d’ailleurs de noter que M. Jean-Pierre Leleux a développé en séance un argumentaire absolument différent de celui qui figure dans le rapport établi par ses soins, au nom de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Puisque vous constatez l’existence d’un problème, faites des propositions ! Cela fera avancer les choses ! Ce n’est pas de l’idéalisme ! C’est du concret !

Nous posons les vraies questions, que vous ne posez pas. Ayant la majorité, vous êtes en mesure d’accélérer l’examen des textes ou de les faire adopter, et plus rapidement s’ils émanent du Gouvernement. Vous ne le faites pas ! §Je vois que certains s’agitent…

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Vous avez dépassé les trois minutes qui vous étaient imparties pour la présentation de cet amendement, monsieur Assouline !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Soit ! Je reprendrai par conséquent la parole pendant cinq minutes pour expliquer mon vote. Donc, à tout de suite, pour l’explication de vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Cher collègue Assouline, nous aussi, nous avons des idéaux et, nous aussi, nous souhaitons que le débat ait lieu. D’ailleurs, c’est parce que nous voulons maintenir le débat entre la rédaction et la direction que nous nous opposons à ce texte de loi.

Bravo ! et applaudissementssur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je voudrais simplement redire que l’objectif visé par votre proposition de loi est louable et que nous le partageons. Ce que nous contestons, c’est la méthode et la voie que vous voulez nous faire emprunter ; c’est la rigidité de la structure de l’entreprise de presse, ce sont les pouvoirs exorbitants que vous confiez à l’équipe rédactionnelle et ce sont les risques que vous faites courir aux journalistes individuels.

Vous aviez bien compris un des arguments développés à l’encontre de votre texte puisque nous en avons débattu en commission, à savoir qu’il y avait antagonisme entre la clause de conscience individuelle du journaliste et la règle que vous préconisez qui, finalement, opère en quelque sorte un transfert, ou, en tout cas, est contrainte par la clause que vous collectivisez par l’équipe rédactionnelle.

Vous avez donc déposé un amendement dans ce sens puisque vous aviez bien perçu la difficulté qui se posait, mais cet amendement ne règle rien. Il n’empêchera pas les conflits et une remise en cause de la liberté de conscience individuelle du journaliste, qui est un fondement indispensable de la liberté de la presse, en cas de désaccord de celui-ci avec la position que pourrait prendre l’équipe rédactionnelle devant la direction, que l’équipe rédactionnelle s’oppose ou soit d’accord avec cette dernière.

Nous n’avons pas beaucoup évoqué ce sujet, mais je vous laisse imaginer les contentieux que vous allez nourrir, entre, bien sûr, la rédaction et la direction de la publication par le face-à-face que vous voulez organiser mais également – on l’a peu évoqué – entre les syndicats en charge de la défense des personnels et l’équipe rédactionnelle qui peuvent, à un moment donné, ne pas avoir le même point de vue. J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Cet ajout n’est pas nature à modifier l’avis défavorable du Gouvernement sur le principe de créer, par voie législative, des structures internes à la rédaction, qu’il s’agisse de l’équipe rédactionnelle, de l’association des journalistes ou de la société des rédacteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet article 1er a concentré l’ensemble des critiques.

Je crois qu’il y a une inversion complète des réalités. Vous ne pouvez pas dire qu’aujourd’hui le problème est que les journalistes ont tous les pouvoirs et que ce texte viserait à mettre sous tutelle les patrons de presse.

Mme Catherine Dumas s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La situation, que vous avez globalement acceptée dans la description que j’en ai faite, hormis quelques irréductibles qui ne veulent pas voir la réalité, c’est qu’aujourd’hui, par ces phénomènes de concentration et par la toute-puissance de grands groupes industriels ou bancaires, certaines rédactions sont fragilisées, obligées de fusionner, voire dissoutes. Il y a une évolution nouvelle, qui justifie qu’on légifère.

Une telle proposition de loi n’aurait pas été présentée voilà vingt-cinq ans ; la presse quotidienne régionale était alors dans une autre situation. Au lendemain de la guerre, l’existence de coopératives, de petites entreprises familiales faisait qu’il y avait une multitude de titres de presse. D’ailleurs, celui qui n’était pas satisfait de la ligne éditoriale de tel journal local pouvait porter son choix vers un autre.

Or, aujourd’hui, même s’il existe encore deux journaux locaux, ils ont la même ligne éditoriale, les mêmes actionnaires et le même patron. C’est un phénomène nouveau qui s’accentue sur l’ensemble du territoire.

Le législateur, comme la Constitution lui en donne le droit, doit donc intervenir. Je le répète, le dispositif proposé est a minima et il est largement insuffisant. D’ailleurs, monsieur Leleux, puisque vous faites maintenant des propositions – en votre nom propre, puisque en tant que rapporteur vous n’avez jamais évoqué en commission ces pistes de travail, mais c’est la vertu du débat de permettre des évolutions –, je vous prends au mot : en commission, soyez certain que les socialistes reviendront à la charge pour que cette question ne soit pas systématiquement écartée ou édulcorée. Et si vous deviez reconnaître une vertu à notre démarche, ce serait bien celle-là.

N’inversez pas les choses sur cet amendement. Nous créons un droit collectif, qui n’est pas corseté car, que les journalistes soient regroupés en association ou en société de rédacteurs – on peut aussi appeler cela « comité » –, il y a de fait une possibilité d’alerte et de veto. Cette possibilité de veto ne signifie pas qu’il y a une mise sous tutelle du directeur de la publication ; c’est lui le patron. Elle permet le déclenchement d’un droit en cas de désaccord persistant. Mais ce droit de veto vise surtout à prévenir les conflits en obligeant les parties à composer et à négocier.

Si, à la fin, aucun accord n’est trouvé, cela déclenche un droit : le journaliste peut faire valoir auprès de la rédaction la clause de conscience, qui fait effectivement partie des droits individuels des journalistes. Il peut ainsi partir en bénéficiant d’un certain nombre d’avantages sociaux, contrairement à ce qui se passe en cas de démission ou de licenciement.

Par conséquent, n’inversez pas les choses ! Aujourd’hui, il y a, d’un côté, une toute-puissance et, de l’autre, le seul droit individuel pour chaque journaliste de partir. Et dans quelles conditions, quand on connaît la situation actuelle de la presse !

Pour un journaliste local, qui veut partir et continuer à exercer ailleurs sa profession, qui est reconnue, c’est d’aller dans le journal d’à côté. Mais si l’ensemble des journaux ont le même patron, s’il part, où pourra-t-il aller ?

Je ne comprends donc pas votre position : il n’y a de notre part aucune volonté de corseter. Vous auriez pu préciser toutes les préventions que vous aviez. Mais, monsieur Leleux, vous inversez les choses et la clause de conscience, notamment, devient une clause de conscience vis-à-vis de la rédaction.

La clause de conscience s’exerce généralement vis-à-vis du patron. Or, dites-vous, si la rédaction prend une position avec laquelle le journaliste est en désaccord, que devient, individuellement, ce dernier ? Eh bien, s’il dispose évidemment de la clause de conscience, il a un droit supplémentaire individuel, qui lui permet, dans le cadre de l’association ou de la société de rédaction, de faire valoir son point de vue et de peser avec ses collègues, mais, s’il n’est pas d’accord avec ses collègues, il garde l’entièreté de ses droits.

Ce ne sont donc là que procès d’intention.

Monsieur Plancade, je salue le constat pertinent qu’après d’autres vous avez fait : il y a là en effet un vrai sujet pour notre démocratie, pour le journalisme, pour la liberté d’expression. Mais, au-delà des arguments techniques, selon vous, deux conceptions de la démocratie s’opposent : il y a ceux qui veulent vraiment libérer les choses, par la négociation, au cas par cas, et il y a ceux qui veulent corseter. Revoilà les vieux débats !

Mais, dans ce cas, pourquoi fait-on des lois ? Pourquoi y a-t-il un code du travail ? Pourquoi ne renvoie-t-on pas toutes les questions relatives aux droits, à la durée du travail, aux retraites, à la pénibilité, à tout ce qui se passe dans les entreprises, à ces accords qui sont bien sûr les seuls à être porteurs de dynamique, de créativité et de vraie démocratie ?

Allez dire cela aux syndicalistes dans les entreprises !

Nous parlons là de journalisme. Les droits collectifs, la loi visent à introduire une régulation dans un domaine qui est consacré dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dans la Constitution, et qui touche aux libertés fondamentales. Ce sont des points d’appui qui peuvent freiner une évolution…

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Monsieur Assouline, votre temps de parole est épuisé.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Effectivement, depuis deux secondes, comme le montrent les afficheurs de chronomètres ! J’ai donc fini. Je reprendrai la parole sur le deuxième amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Monsieur Assouline, ne croyez pas que l’on s’oppose à votre texte parce que vous en êtes l’auteur, parce que vous êtes socialiste, ce n’est pas du tout le cas. La presse française, il est vrai, et le dernier orateur s’en est fait l’écho, court aujourd’hui un danger. Vous avez raison de le souligner et c’est un constat que nous partageons tous. Mais votre proposition de loi, si elle était votée, l’asphyxierait. Elle est très dangereuse pour le modèle économique et aboutirait à faire disparaître la presse française.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er n’est pas adopté.

L’article 5 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les noms des actionnaires détenant plus de 10 % du capital. »

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 2, présenté par MM. Assouline et Bérit-Débat, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 5 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est ainsi rédigé :

« Dans toute publication de presse, les informations suivantes sont portées, dans chaque numéro, à la connaissance des lecteurs :

« 1° Si l'entreprise éditrice n'est pas dotée de la personnalité morale, les nom et prénom du propriétaire ou du principal copropriétaire ;

« 2° Si l'entreprise éditrice est une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, son siège social, sa forme juridique ainsi que le nom de son représentant légal et des personnes physiques ou morales détenant au moins 10 % de son capital ;

« 3° Le nom du directeur de la publication et celui du responsable de la rédaction.

« Ces informations sont également accessibles sur la page d'accueil de tout service de presse en ligne. »

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Dans la proposition de loi de simplification du droit, une disposition semblable, qui s’applique d’ailleurs à l’ensemble de la presse papier, de la presse en ligne, etc., est prévue, et je m’en félicite.

Mais arguer de l’existence de cette disposition pour réfuter mon amendement n’est pas juridiquement fondé. Dans la mesure où ladite proposition de loi est en navette, cette disposition n’a pas encore d’existence légale. C’est pourquoi il est tout à fait normal qu’à l’occasion de ma proposition de loi, dont c’est d'ailleurs l’objet, nous examinions cette disposition. La clause de transparence que je propose a en effet toute sa cohérence dans le contexte de concentration dont j’ai parlé.

Je suis sûr que vous, qui, en tant que parlementaires, êtes probablement les mieux informés, avez néanmoins appris certaines choses lorsque j’ai évoqué la situation de la presse, la concentration des titres et les propriétaires. Il est bon que le lecteur puisse aussi disposer de ces informations dans l’ours. Je crois que c’est un point qui fait consensus.

Par rapport à la proposition de loi initiale, mon amendement a pour objet d’étendre à la presse en ligne les dispositions qui s’appliquent à la presse papier.

Pour finir, j’espère que le prochain débat traitant de l’indépendance des médias et des journalistes sera à l’initiative de l’UMP ou de la commission de la culture, puisque nous semblons partager cette préoccupation, et qu’il nous permettra d’avancer.

Vous êtes dans une contradiction fondamentale puisque vous reconnaissez qu’il y a danger tout en jugeant que les dispositifs existants suffisent. Or, s’ils suffisaient, il n’y aurait pas danger, il n’y aurait pas l’évolution que nous constatons puisque celle-ci se fait avec les dispositifs législatifs actuels !

Ces dispositifs doivent donc évoluer, comme doivent en tout cas évoluer les rapports de force. J’espère qu’à un moment donné tout le monde sera suffisamment responsable pour se mettre autour de la table, non pas pour critiquer la proposition de loi d’un idéaliste, mais pour concrètement travailler à modifier la loi afin de freiner voire de mettre un terme à une dérive nocive pour la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Monsieur Assouline, vous présentez dans cet amendement des dispositions que, sur l’initiative de Pierre Bordier, membre de notre commission, nous avons introduites dans la proposition de loi de simplification du droit. Nous pensons donc que cet amendement est inutile et nous vous demandons de le retirer, faute de quoi nous émettrons un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

L’avis du Gouvernement est défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 n’est pas adopté.

L’article 6 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Toute entreprise éditrice est également tenue de porter à la connaissance des lecteurs de la publication, dans le délai ou selon les modalités prévues au premier alinéa :

« 1° Toute modification du statut de l’entreprise éditrice ;

« 2° Tout changement dans les dirigeants ou actionnaires de l’entreprise.

« Chaque année, la personne morale ou physique employant des journalistes doit porter à la connaissance du public toutes les informations relatives à la composition de son capital, des organes dirigeants. Elle mentionne l’identité et les parts de capital ou les actions détenues par chacun des actionnaires, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales. »

L'article 3 n’est pas adopté.

Le non-respect des obligations prévues aux articles 1er, 2 et 3 de la présente loi entraîne la suspension des aides publiques directes et indirectes dont bénéficie la personne morale ou physique employant des journalistes ainsi que l’obligation pour celle-ci de publier les sanctions dont elle fait l’objet au titre de ses manquements.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L'amendement n° 3, présenté par MM. Assouline et Bérit-Débat, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

dont bénéficie

par les mots :

ou l'application de la peine prévue au premier alinéa de l'article 78 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je serai bref, madame la présidente.

Le présent amendement est inspiré par une remarque – judicieuse– que M. le rapporteur avait faite en commission – les débats importent donc – au sujet des sanctions qui sont prévues, comme dans tout texte de loi. Aux termes de l’article 4, les sanctions ne concernent en effet que la presse écrite via la suspension des aides qui lui sont versées et ne touchent aucunement les médias audiovisuels.

Cette asymétrie est rectifiée par le présent amendement, qui vise à rétablir l’équilibre entre la presse écrite et les médias audiovisuels. Ainsi, le non-respect des obligations entraînera, pour la presse écrite, la suspension des aides directes ou indirectes et, pour les médias audiovisuels, les sanctions prévues à l’article 78 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Cet amendement ne fait que compliquer davantage la situation : il transforme en usine à gaz ce qui se ferait sur le plan de la presse écrite et audiovisuelle.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Madame la présidente, à la lumière des éclairages apportés par M. le rapporteur, l’avis du Gouvernement est défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, je vous rappelle que si l’article 4 est rejeté, il n’y aura pas de vote sur l’ensemble de la proposition de loi dans la mesure où les quatre articles qui la composent auront été rejetés.

Par conséquent, si certains d’entre vous souhaitent prendre la parole, c’est pour eux la dernière occasion de le faire.

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Compte tenu de la procédure, mon explication de vote sur l’article 4 vaudra explication de vote sur l’ensemble du texte, ce qui me paraît être un minimum.

La dernière fois, j’avais été surpris par le fait qu’il est impossible de prendre la parole pour explication de vote lorsque l’ensemble des articles d’une proposition de loi ont été rejetés. Nous avions alors été frustrés de ce moment de conclusion.

Je demande le déclenchement des afficheurs de chronomètres pour me permettre de contrôler mon temps de parole

Aujourd’hui, chacun a exprimé son point de vue au cours du débat.

Un certain nombre de problèmes demeurent fondamentaux pour les Français, notamment pour ce qui touche aux conséquences sociales de la crise économique. Si ces difficultés ont une grande importance pour les parlementaires et pour tous ceux qui s’engagent politiquement – c’est d’abord à ces problèmes que ces derniers doivent en effet pouvoir donner des réponses –, une question demeure suspendue au-dessus de ces considérations, une question permanente et décisive tant pour la crédibilité de notre action que pour l’adhésion des citoyens à notre engagement et à notre travail dans cet hémicycle : celle de la démocratie et du rapport des citoyens à la démocratie.

Par conséquent, plus nous, parlementaires, prenons en charge dans toutes leurs dimensions les questions liées à la liberté d’expression, à la citoyenneté, à la démocratie, plus nous honorons le Parlement au sein de nos institutions. Or plus nous rendons service à notre pays dans son ensemble, plus nous lui donnons des armes pour lutter contre la crise économique et apporter des réponses aux problèmes sociaux que rencontrent nos concitoyens. Il est donc tout à fait à notre honneur que de tels sujets soient abordés dans cet hémicycle de temps à autre.

La question des médias est beaucoup plus fondamentale pour notre démocratie à l’heure actuelle qu’il y a quelques décennies. La télévision avait déjà bouleversé les habitudes, elle nous avait interpellés et nous avions dû légiférer et réguler en nous appuyant sur les dispositifs existants pour la presse écrite. L’évolution induite par Internet et le numérique en général a une tout autre dimension.

Cependant, ce qui ne change pas malgré ces évolutions, c’est l’importance de la place de l’information pour nos concitoyens : qu’ils soient riches ou pauvres, elle est ancrée dans leur quotidien, ils la consultent tout au long de la journée, par la presse, la télévision ou Internet.

Et ce qui perdure également, c’est la nécessité de faire en sorte que, par la régulation, cette information soit la moins biaisée possible, la plus diverse possible, afin que le citoyen ait toujours un tel éventail de choix.

Une telle exigence est d’autant plus justifiée quand on voit le contrôle du « tuyau » exercé par les géants comme Google : nous l’avions évoqué au sujet des créateurs de contenu, tous ceux qui produisent – de l’information mais aussi des contenus culturels – deviennent le dernier maillon de la chaîne. Il faut donc absolument les protéger et, à cette fin, continuer à légiférer.

L’évolution que j’ai voulu pointer s’agissant des concentrations concerne la presse nationale et les médias audiovisuels, mais j’ai surtout voulu insister sur son impact sur la presse quotidienne régionale. Pourquoi ? Parce que cette dernière est pour ainsi dire le symbole de la diversité et continue à susciter la confiance et l’adhésion de nos concitoyens. Sans elle, la presse écrite se trouverait absolument moribonde, quasiment insignifiante en termes de lectorat.

On parle des grands titres – Libération, Le Monde, Le Figaro – mais ce n’est pas ce que lisent les gens ; les Français lisent la presse quotidienne régionale ! Or le phénomène de concentration atténue et, à terme, tuera probablement la richesse de cette offre si nous ne réagissons pas.

C’est pourquoi mes collègues du groupe socialiste et moi-même avons pris l’initiative de lancer à nouveau ce débat en séance publique. Nous essayons d’apporter des solutions et tentons de faire entendre la voix collective des journalistes. J’ai essayé d’écouter ce que ces derniers expriment au sein de leurs syndicats au sujet de leur métier, de leur avenir, et une telle demande nous est adressée.

Ce débat n’est pas terminé et il ne se conclura pas aujourd’hui. Un tel sujet reviendra en discussion, et ce, bien entendu, devant tous les Français.

À cet égard, je souhaite que, au-delà des clivages, nous puissions à un moment donné reprendre tous ensemble le travail

Mme Lucienne Malovry s’impatiente.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Chers collègues, vous tenez toujours les lois du passé pour merveilleuses, mais quand nos prédécesseurs se sont battus pour leur adoption, il y avait des personnes pour s’y opposer et affirmer qu’il n’était pas nécessaire de renforcer la régulation existante.

Mme Lucienne Malovry martèle son pupitre en signe d’impatience.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Voilà bien longtemps que nous n’avons pas légiféré au sujet du phénomène de concentration des entreprises d’information. Je demande que l’on reprenne le flambeau de tous ceux qui ont permis à la liberté de la presse en France d’acquérir ses lettres de noblesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Mon explication de vote vaudra pour l’ensemble du texte.

Je tiens à dire qu’il est tout de même assez insupportable de recevoir des leçons de cette façon.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Chacun l’a démontré : nous sommes attachés au pluralisme, à l’indépendance de la presse.

Pour ma part, j’ai fait confiance aux états généraux de la presse écrite, qui ont permis de faire un énorme travail. J’ai d’ailleurs eu l’honneur d’y représenter notre commission, au sein du pôle « presse et société ».

Une grande variété d’acteurs représentatifs du monde de la presse étaient présents. Ils ont fait un travail remarquable et ont formulé des préconisations. Nous avons pu nous appuyer sur celles-ci. Des mesures ont été prises et encouragées par le Gouvernement. Attendons pour établir un bilan. Ne soyons pas sans cesse dans la suspicion ! Je crois aussi qu’il faut avancer.

Bien sûr, notre devoir est de veiller à rechercher en permanence l’équilibre entre, d’une part, la diversité, le pluralisme et l’indépendance et, d’autre part, la stabilité des modèles économiques qui portent une telle diversité, monsieur Assouline. En effet, ce qui risque de tuer la diversité de la presse, c’est justement les mesures que vous proposez depuis quelque temps dans cet hémicycle, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

… mesures qui nient la réalité économique et le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Faites donc preuve d’un peu plus de réalisme et de pragmatisme dans vos propositions plutôt que de démagogie !

Non, monsieur Assouline, vous n’avez pas non plus le monopole de la réflexion sur la liberté et l’indépendance de la presse, je tiens à l’affirmer !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Je reprendrai à mon compte les propos de Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur Assouline, j’ai beaucoup d’estime pour vous par ailleurs, mais vous n’avez pas le monopole de la protection de la liberté et de la défense de la liberté ! Depuis deux ans que je suis membre de la commission de la culture, je constate que des sénateurs de tous les groupes se préoccupent précisément de la liberté de la presse. Je ne peux donc pas vous laisser tenir de tels propos !

Par ailleurs, vous mentionnez la nécessité de légiférer. Bien sûr ! Je n’ai pas dit le contraire ! Il faut qu’il y ait un minimum de protection ! Cependant, le monde change si rapidement que la démocratie s’interroge, M. le ministre l’a d’ailleurs rappelé. La démocratie, je l’ai dit dans mon intervention au cours de la discussion générale, vit tous les jours de ce mouvement. M. Frédéric Mitterranda en outre affirmé – il me semble que c’était au sujet du Parisien – que des journaux ont profité de la crise pour refondre les statuts et repenser le rôle de leurs journalistes, allant ainsi dans le sens que vous souhaitez vous-même, monsieur Assouline, et que nous souhaitons tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

C’est donc bien la preuve qu’il ne faut pas corseter la démocratie, et cela est encore plus vrai dans ce domaine que dans d’autres : les évolutions sont si rapides qu’il faut maintenir la discussion permanente que les journalistes entretiennent avec leur direction.

Sur le plan économique, vous souhaitez que les investisseurs participent au financement de la presse mais qu’ils n’aient pas droit à la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Or un tel système ne marche pas ! Il n’a fonctionné nulle part !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Effectivement ! C’est logique ! C’est le bon sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Et ça, il faut dire ! C’est en ce sens que votre proposition de loi n’est pas réaliste et c’est pourquoi on vous dit qu’elle est fondée uniquement sur l’idéologie.

En revanche, nous partageons tous les attendus que vous avez formulés.

Voilà ce que je tenais à vous dire, monsieur Assouline, et ce dans le respect de ce que vous avez dit et de ce que vous faites.

M. Jean-Claude Carle applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Même si tout le monde veut défendre la liberté, il y a une réelle fracture : vous préférez la souplesse et le contrat…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

… à la règle trop uniformisatrice, et ce en raison du contexte économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Mme Marie-Christine Blandin. Mais sachez simplement que la férocité économique peut vous entraîner très loin dans le dumping social.

M. David Assouline applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article 4.

L'article 4 n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Tous les articles de la proposition de loi ayant successivement été repoussés, il n’y a pas lieu de procéder à un vote sur l’ensemble.

La proposition de loi est rejetée.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quinze heures vingt, sous la présidence de M. Roland du Luart.