Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le pouvoir d’achat est aujourd’hui la préoccupation majeure de nos concitoyens, confrontés à la reprise de l’inflation, à la flambée des prix du pétrole et à des prix de l’immobilier durablement élevés.
Le projet de loi de modernisation de l’économie vise à relancer le pouvoir d’achat en simplifiant la vie des entrepreneurs, en renforçant la concurrence afin de faire baisser les prix, en restaurant l’attractivité financière de notre pays, qui souffre d’une image très négative par rapport à nos voisins européens, et en mobilisant des financements au service de notre économie.
Je ne peux qu’approuver de tels objectifs et espérer qu’ils seront atteints le plus rapidement possible.
Toutefois, je regrette le manque de cohérence et de hiérarchisation des priorités de ce texte. Les thématiques abordées sont multiples et n’ont pas toujours de lien entre elles. Pour leur très grande majorité, elles ont été occultées par la réforme de l’urbanisme commercial. On nous propose un seul projet de loi là où il en aurait fallu plusieurs pour traiter les sujets de manière exhaustive et permettre ainsi à cette future loi d’être effectivement le texte fondateur de la rénovation de notre économie.
Je regrette également le recours excessif aux ordonnances, qui revient à confisquer le pouvoir législatif du Parlement. Je remarque d’ailleurs que le Gouvernement propose des articles d’habilitation dans plusieurs projets de loi récents. Les sénateurs centristes réprouvent vigoureusement cette pratique.
Avant d’aborder ce qui constitue, à mon sens, les principales mesures de ce projet de loi, je tiens à saluer le travail considérable des trois rapporteurs, mené sous l’égide du président de la commission spéciale, M. Gérard Larcher.
Leur proposition centrale, c'est-à-dire la reconnaissance – enfin ! – de la notion d’entreprise de taille moyenne, me semble absolument déterminante. On ne peut pas traiter de manière identique une entreprise de 500 ou 1 000 salariés et un grand groupe international. Tous les pays d’Europe reposant sur un capitalisme familial fort ont encouragé le développement d’entreprises de taille moyenne. Les sénateurs du groupe UC-UDF sont donc très favorables à cette disposition, qui devrait permettre de revitaliser et de développer de nombreuses entreprises, de créer de l’activité et de contrer ainsi les délocalisations. Il est important d’ouvrir ce chantier et de l’inscrire rapidement à l’agenda européen.
J’en viens maintenant aux dispositions du projet de loi.
Le titre Ier vise notamment à créer un statut de l’auto-entrepreneur, caractérisé en particulier par des régimes fiscal et social simplifiés et allégés sur la période d’amorçage de l’activité. Cette mesure est innovante. Elle permettra d’accompagner et, tout simplement, d’aider les personnes qui souhaitent créer leur propre emploi.
À ce titre, je voudrais mentionner quelques chiffres. En 2007, dans mon département, la Réunion, plus de 4 000 personnes se sont mises à leur compte. Ce dispositif est donc loin d’être accessoire et pourra susciter de nombreuses vocations, d’autant qu’il sera possible de coupler l’activité salariée ou une pension de retraite avec un tel statut. Toutefois, il est nécessaire de prévoir quelques garde-fous, afin que les artisans et autres petites entreprises n’aient pas à souffrir de concurrence déloyale.
Nous proposons donc que l’immatriculation aux registres professionnels reste obligatoire pour les auto-entrepreneurs, mais qu’elle soit gratuite. Nous souhaitons également circonscrire le cadre de leur activité en interdisant à un salarié de créer son entreprise dans le même secteur d’activité que la société qui l’emploie. Il s’agit là d’une mesure de bon sens.
Le projet de loi permet également de mieux protéger le capital de l’auto-entrepreneur. Les députés ont considérablement renforcé cette protection, ce dont je me réjouis. Je souhaite cependant qu’elle soit également étendue aux logements sociaux, d’autant que le nombre des logements sociaux en accession à la propriété est de plus en plus élevé.
D’autres dispositions vont également dans le bon sens pour aider les entrepreneurs. Je pense notamment à la neutralisation des conséquences financières du franchissement des seuils de dix et vingt salariés par les entreprises, à la possibilité d’utiliser un logement situé en rez-de-chaussée pour développer son activité professionnelle, sans avoir à accomplir des démarches administratives lourdes, mais également à la simplification du fonctionnement des sociétés à responsabilité limitée, avec la diffusion de statuts types ou l’instauration d’un nouvel indice de révision des loyers des baux commerciaux, basé sur l’indice des prix à la consommation.
Toutes ces mesures réduiront les tracasseries administratives auxquelles les entrepreneurs sont confrontés. Elles diversifieront et augmenteront les sources de financements disponibles, notamment grâce à l’assouplissement des contraintes fiscales sur le capital-risque.
Je regrette que le très haut débit soit seulement abordé sous un aspect extrêmement réducteur, alors qu’il aurait mérité un texte à lui seul. Si nous nous en tenions à la version issue de l’Assemblée nationale, nous ne légiférerions quasiment que pour la ville de Paris intra-muros.
Heureusement, Mme le rapporteur Élisabeth Lamure a déposé un amendement tendant à partager l’utilisation des infrastructures publiques des réseaux câblés, ce qui permettra d’accélérer le développement du très haut débit sur les communes déjà équipées. Mais cela n’est pas suffisant. C’est pourquoi le groupe de l’UC-UDF propose la création d’un fonds pour l’équipement du territoire en très haut débit, qui serait alimenté par une taxe sur les opérateurs. En effet, en raison de l’étroitesse de leur marché et de leur enclavement des territoires, des territoires comme la Réunion ne sont pas rentables pour les opérateurs privés. Si l’État n’impose pas à ceux-ci des obligations en termes de couverture du territoire, je crains que nous n’approfondissions encore la fracture numérique et qu’il ne soit de plus en plus difficile pour les territoires ruraux et enclavés de maintenir leur attractivité. C’est pourquoi notre amendement revêt à nos yeux une importance primordiale.
Nous avons également quelques inquiétudes sur le financement du logement social. La généralisation du livret A nous est imposée par une décision de la Commission européenne du 10 mai 2007.
Les sommes collectées sur ce produit d’épargne sont tout à fait considérables. Les encours centralisés à la Caisse des dépôts et consignations s’élèvent à 140, 5 milliards d’euros, dont 120 milliards pour le livret A, 19, 7 milliards pour le livret bleu et 7, 7 milliards pour le livret de développement durable. Quant aux prêts, ils représentent un encours de 96, 7 milliards d’euros, dont 88, 2 milliards d’euros sont consacrés au financement du logement social et à la politique de la ville. Ainsi, en 2007, la Caisse des dépôts et consignations a accordé 4, 4 milliards d’euros de prêts à la construction pour les 54 000 logements sociaux bâtis cette année. Ces prêts couvriraient les trois quarts de la construction d’un logement social. C’est pourquoi il est très important de sécuriser cette ressource en fixant dans la loi le taux de centralisation des encours des livrets A auprès de la Caisse des dépôts.
Nous vivons actuellement une véritable crise financière, qui commence déjà à avoir des retombées sur les encours de crédit. Les banques sont en train de modifier leur politique de crédit non seulement auprès des particuliers, mais également auprès des entreprises.
Dans le contexte de crise des liquidités que connaissent les banques, il nous semble primordial de pérenniser l’utilisation des dépôts collectés au titre du livret A pour le financement du logement social et de garantir que la Caisse des dépôts gardera les moyens de continuer à bonifier les prêts pour le logement très social, afin de permettre de pratiquer des loyers bas.