Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 13 décembre 2006 à 15h00
Commission d'enquête sur les causes de la panne d'électricité du 4 novembre 2006 — Adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Madame la présidente, mes chers collègues, la panne du 4 novembre a été, si vous me permettez l'expression, un « avertissement sans frais », en ce sens que nous avons échappé au black-out total de l'Europe.

Certes, le côté positif a été le parfait fonctionnement du dispositif de délestage, qui a permis d'éviter des dégradations irréversibles des réseaux de transport en surcharge et, surtout, des centres de production.

En particulier, la baisse de fréquence, déjà évoquée, qui s'est produite dans un certain nombre de centrales aurait pu avoir - je le dis calmement - des effets irréversibles, notamment sur les génératrices et sur les alternateurs. Sans qu'il soit question de faire un cours de physique, disons que la relation entre la tension et l'intensité est évidente concernant une puissance appelée : il s'agit d'un produit simple et une baisse ou une hausse entraîne directement un effet induit sur l'intensité supportée par les réseaux de transport.

Cet accident est un véritable appel à une politique européenne de l'énergie coordonnée et planifiée en fonction de l'évolution prévisible des besoins, comme doivent nous en convaincre les documents qui sont à notre disposition, et, bien sûr, en conformité avec le protocole de Kyoto.

Dans cet esprit, l'instauration d'un super-régulateur nous apparaît comme une mesure tout à fait insuffisante alors que la coordination des réseaux de transport a, cela a été démontré, bien fonctionné au niveau européen, même si, en Allemagne, il y a eu quelques petits problèmes et même si la coordination aurait pu être encore améliorée.

Laissons donc chaque pays maître des opérations de délestage et de la définition de ses cibles prioritaires, en rappelant, après notre rapporteur, qu'en font partie dans notre pays non seulement les établissements de soins mais aussi des particuliers.

Cette politique européenne que nous appelons de nos voeux mettrait fin aux attitudes hypocrites de différents pays voisins, en particulier l'Allemagne et d'autres que je ne nommerai pas.

Cet accident a aussi démontré l'insuffisance des investissements dans le réseau allemand. Le gouvernement allemand s'en est d'ailleurs inquiété et a rappelé à l'ordre certains opérateurs, et non des moindres, en particulier E.ON Netz.

Les investissements dans les réseaux supposent bien entendu un plan pluriannuel. Or, on a constaté en Allemagne - je ne fais pas une « fixation », mais ce sont les seuls chiffres concernant les pays européens dont nous disposons - une chute de 40 % en dix ans des investissements sur les réseaux de transport.

Dans le contexte de libéralisation des marchés de l'énergie, les pannes se sont multipliées en Europe - la dernière a fait apparaître le problème de l'Allemagne, mais il y a aussi le problème de l'Italie - comme aux États-Unis, et la similitude avec la situation des chemins de fer au Royaume-Uni est évidente. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, c'est un axiome de base en physique !

Le moins que l'on puisse dire est que la libéralisation est loin d'avoir fait les preuves de son efficacité et que la concurrence dans le domaine de l'énergie n'a jamais fait baisser les coûts. L'ouverture du marché de l'électricité pour les entreprises en France nous a même démontré que c'est le contraire qui se produisait et, sans reprendre le débat qui nous a occupés voilà quelque temps, je vous rappelle, mes chers collègues, que nous avons dû essayer de trouver un « parapluie » pour abriter les quelques aventureux qui étaient sortis du cadre des tarifs réglementés.

Les opérateurs de production et/ou de transports ne doivent pas continuer leur politique de croissance externe et de dividendes au détriment de la maintenance et des investissements à moyen et long termes.

Cet accident a aussi révélé les effets secondaires liés au développement de l'énergie éolienne, qui demande presque un doublement de la capacité des réseaux de transport, ce qui démontre les limites de cette énergie. Elle ne sera jamais qu'un appoint en régime normal et fait défaut en régime de pointe, notamment dans les périodes de grand froid ou de hautes températures.

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