Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 13 décembre 2006 à 15h00
Commission d'enquête sur les causes de la panne d'électricité du 4 novembre 2006 — Adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Madame la présidente, mes chers collègues, mon ami Michel Billout a présenté devant vous les raisons qui ont conduit les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à proposer la création d'une commission d'enquête sur la panne d'électricité du 4 novembre dernier et, plus généralement, sur l'état de la sécurité de l'approvisionnement en électricité, non seulement en France mais aussi en Europe.

La survenance de cette panne, alors même que la consommation électrique n'était en rien inhabituelle et que la manoeuvre incriminée n'était pas complexe, pose la question de la fiabilité du réseau électrique européen tel qu'il est actuellement conçu.

Je suis bien entendu d'accord avec notre collègue Ladislas Poniatowski pour souligner la réactivité et le professionnalisme des personnels français. Toutefois, ne pensez-vous pas, monsieur le rapporteur, que ce savoir-faire est précisément dû à la culture du service public de ces mêmes personnels ?

Face à la gravité du risque d'une panne de plus grande ampleur, le Parlement français doit prendre ses responsabilités et se donner les moyens de conduire une analyse approfondie sur l'état tout à la fois de la production, du transport et de la distribution de l'électricité en France et en Europe.

À notre avis, la multiplication des incidents sur le réseau électrique européen démontre la nocivité des politiques européennes de libéralisation et de privatisation du secteur énergétique. La marchandisation de l'énergie, la priorité accordée à la rémunération des actionnaires, la volonté de casser les monopoles publics nationaux au nom de la concurrence libre et non faussée : voilà autant d'éléments profondément incompatibles avec la réalisation des investissements massifs nécessaires pour augmenter la capacité de production et sécuriser le transport de l'électricité.

En effet, les entreprises qui, compte tenu de la libéralisation du secteur énergétique, doivent vivre avec des cours de l'électricité volatiles, hésitent naturellement à engager des projets à long terme.

Le ministre de l'économie et des finances, Thierry Breton, ainsi que le ministre délégué à l'industrie, François Loos, se sont félicités de l'adoption définitive du texte relatif au secteur de l'énergie qui, selon eux, « apporte des garanties fortes à nos concitoyens et nos entreprises ».

Qu'en est-il un mois plus tard ?

Dans sa décision du 30 novembre 2006, le Conseil constitutionnel a censuré, comme étant manifestement incompatible avec les objectifs d'ouverture à la concurrence fixés par les directives communautaires « Énergie », l'obligation de fourniture à un tarif réglementé pesant sur les entreprises Gaz de France et Électricité de France.

Aux termes de cette décision, et contrairement à toutes les garanties données par le Gouvernement et la majorité parlementaire tout au long des débats, la France devrait accepter la suppression des tarifs réglementés.

Pourtant, le Gouvernement n'a pas hésité à déclarer, à la suite de cette décision du Conseil constitutionnel : « On ne peut pas dire que c'est la fin des tarifs réglementés. Le principe a bien été maintenu. »

Ne pensez-vous pas, au contraire, mes chers collègues, que GDF et EDF ne pourront plus reconduire tacitement de tels contrats, devenus illégaux au regard du droit communautaire, et que, par conséquent, il s'agit bien là de la fin des tarifs réglementés pour l'ensemble de nos concitoyens ?

Or cette suppression, si elle était adoptée, exposerait les consommateurs à de fortes augmentations de tarifs. Nous savons que les consommateurs non domestiques qui ont choisi de quitter le secteur régulé ont dû faire face à des hausses de 60 % à 80 % de leur facture énergétique. Il est essentiel de ne pas banaliser l'électricité et le gaz, qui ne peuvent être considérés comme des marchandises ordinaires au regard des enjeux économiques et sociaux que recouvre la disponibilité de ces produits.

La question des tarifs réglementés, les incertitudes pesant sur une fusion qui, en raison des contreparties demandées par la Commission européenne, a perdu toute justification, les inquiétudes de l'opposition et de certains parlementaires de la majorité : rien de tout cela n'a dissuadé le Président de la République de promulguer la loi relative au secteur de l'énergie.

Il est temps que le Gouvernement mette un terme à cette fuite en avant et fasse le constat de la dangerosité de l'ouverture totale à la concurrence du marché de l'énergie dans le contexte européen et mondial actuel.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la création d'une commission d'enquête parlementaire chargée d'analyser de manière approfondie les conséquences d'une adhésion aux politiques européennes d'ouverture à la concurrence du secteur énergétique. Cette commission, qui serait composée des divers groupes parlementaires, pourrait ainsi apporter, avant la date fatidique du 1er juillet 2007, des éléments utiles à la prise de décisions politiques réfléchies.

En tout état de cause, la Commission européenne doit se pencher prochainement sur la question de l'énergie. La panne du 4 novembre dernier montre qu'il n'existe pas, à proprement parler, de politique énergétique européenne. La question de la définition d'une politique énergétique européenne se pose donc avec force.

À cet égard, le Parlement français se doit d'apporter son expérience. Quant à la commission d'enquête dont nous demandons la mise en place, elle contribuera, n'en doutons pas, à apporter des réponses à la hauteur des enjeux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion