Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 13 décembre 2006 à 15h00
Commission d'enquête sur le groupe eads — Explications de vote

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

Le sujet que nous avons abordé aujourd'hui concerne l'Europe.

J'ai entendu les uns et les autres se glorifier en parlant de l'aviation, qu'ils assimilent à la France. Ce n'est pas tout à fait juste, chers amis !

Peut-être le principal problème rencontré par Airbus et l'A380 est-il justement dû au fait que l'on a raisonné à l'échelle nationale, alors qu'il fallait prendre en compte la dimension européenne, et c'était bien une erreur de management.

L'Europe, voilà cinquante ans, c'était celle du charbon et de l'acier. Puis, il y a vingt ou trente ans, nous avons vu naître une Europe de l'aviation, notamment grâce aux évolutions techniques intervenues dans ce domaine. Ainsi le Concorde a-t-il représenté un bouleversement technique incroyable, qui s'est décliné dans le domaine de l'industrie automobile, de la sidérurgie, etc.

L'Airbus A380, ce n'est même plus un avion ! On l'appelle « avion » parce qu'il vole, mais sa conception même défie toutes les techniques traditionnelles de l'aviation. En fait, c'est une sorte de monstre qui glisse dans les airs, une réalisation fabuleuse qu'il faut inscrire au tableau d'honneur de l'Europe.

Que s'est-il passé exactement ?

S'agissant de la mise en place de cette technologie, je pense que, les uns et les autres, nous nous sommes trop comportés en nationalistes, distribuant les tâches en fonction des diverses nationalités : les Anglais devaient faire telle chose, les Allemands telle autre, les Espagnols ceci et les Français cela !

En général, les Français se battent pour profiter des retombées en termes d'image : comme toutes les pièces sont assemblées à Toulouse, on laisse entendre que l'avion est français. Or il ne faut jamais oublier que, pour l'essentiel, les pièces sont fabriquées ailleurs qu'en France.

Parfois même, nous nous battons pour obtenir que le grand patron soit français, sans nous préoccuper de ce qu'il y a au-delà.

Je suis sensible à ce dossier non seulement parce que mon groupe a déposé cette proposition de résolution, mais aussi parce que je suis originaire de la région Midi-Pyrénées. Or vous connaissez tous les incidences de ce projet sur l'économie et l'industrie locales, notamment en termes de sous-traitance. Ce n'est pas rien !

Comment expliquer qu'un gouvernement libéral comme celui de Mme Angela Merkel ait souhaité que l'État allemand entre directement dans le capital d'EADS ? C'est tout de même curieux ! La raison est pourtant simple : Mme Merkel sait que l'activité de ce groupe - en particulier l'A380 - représente un levier économique important pour son pays, et je la comprends.

Comment se fait-il que les Russes frappent désormais à la porte d'EADS, puis d'Airbus ? Parce qu'ils sont tout à fait prêts à entrer dans le capital de ces entreprises, avec la complicité des Allemands ? Là encore, ce n'est pas rien !

Pourquoi les Français restent-ils muets ? Ce projet concerne pourtant notre industrie et, plus largement, notre économie. C'est là que le problème commence à surgir.

Que s'est-il passé, au cours des trois dernières années, à l'intérieur même du dispositif de l'A380 ?

Il faut savoir que des responsables français de la sous-traitance ont été convoqués par des acteurs politiques allemands afin qu'ils expliquent pourquoi la sous-traitance allemande était si peu impliquée dans la fabrication de cet avion !

Aujourd'hui, dans l'organigramme de ce projet, on trouve en majorité, non des Anglais, des Espagnols ou des Italiens, mais des Allemands, qui ont pour mission de défendre les intérêts économiques de leur pays.

À travers l'exemple d'Airbus et d'EADS, nous devons nous demander comment nous pouvons, à l'aide des nouvelles technologies, rebâtir ce fleuron de l'industrie européenne qu'est l'A380, sans parler de l'A350, qui reste à fabriquer.

Dans ce dossier, tout doit être exposé en toute clarté. Par ailleurs, nous devons accompagner dans sa tâche M. Gallois. La représentation nationale française doit en savoir plus et rappeler que l'Europe se bâtit ensemble, et non pas en agissant dans le dos des autres partenaires.

Voilà pourquoi nous avons déposé cette proposition de résolution. Je regrette donc que votre conclusion, monsieur le président de la commission des affaires économiques, consiste à recommander l'établissement d'un rapport. À la limite, la mise en place d'une mission d'information aurait permis d'établir quelques contacts et de rencontrer certains partenaires. Un rapport, on sait ce que cela signifie : on trouvera toujours quelqu'un qui sache écrire pour remplir une centaine de pages au sujet d'EADS ! Ce n'est pas de cela que nous avons besoin aujourd'hui. Le problème est suffisamment grave pour que le Parlement français s'en saisisse d'une autre façon.

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