Intervention de Claude Belot

Réunion du 13 décembre 2006 à 15h00
Énergies renouvelables — Discussion des conclusions d'un rapport d'information et d'une question orale avec débat

Photo de Claude BelotClaude Belot :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons enfin parler ici, en séance publique, des énergies renouvelables !

Ces énergies, qui constituent pourtant une très vieille affaire, trouvent difficilement leur place dans le dispositif énergétique français, système complexe, essentiellement dirigé, et ce depuis bien longtemps, par les « grosses machines » que sont les acteurs majeurs de l'énergie : EDF, GDF, les pétroliers.

De ce fait, on avait oublié deux choses essentielles : d'une part, que les énergies renouvelables avaient tout simplement permis aux Français de vivre pendant bien longtemps et que, localement, elles permettaient de créer des emplois ; d'autre part, que c'étaient les collectivités locales, particulièrement les communes, qui souvent, à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, avaient créé les réseaux d'électricité et les réseaux de gaz, parce que cela répondait à une nécessité locale et qu'on raisonnait alors en termes de proximité.

Aujourd'hui, la donne est complètement différente.

Il se trouve que, dans le cadre de recherches universitaires, voilà maintenant quelque temps, j'ai découvert la situation dans laquelle nous étions : j'ai découvert que nous allions dans le mur, et en chantant ! On ne parlait pas, alors, de dioxyde de carbone, ni d'effet de serre, ni de réchauffement climatique, mais le premier choc pétrolier a été le révélateur d'une situation qui ne pouvait que s'aggraver parce que les réserves d'énergies fossiles - essentiellement les hydrocarbures gazeux ou liquides - étaient par nature limitées et qu'il arriverait nécessairement un moment où elles seraient épuisées.

Au surplus, à l'époque, il n'était pas impossible de prévoir que de nouveaux convives apparaîtraient à la table du banquet, et des convives de poids, qu'il s'agisse de la Chine, de l'Inde, du Brésil et de quelques autres : cela se vérifie aujourd'hui.

On pouvait donc sans mal imaginer que l'abondance d'énergies fossiles aurait une fin.

En tant qu'universitaire théoricien et maire de ma commune, je me suis efforcé de passer aux travaux pratiques.

Que faire ? Très vite, des conclusions se sont imposées. Le sous-sol du nord de l'Aquitaine contient d'intéressantes réserves géothermiques. Il en existe aussi en région parisienne, en Alsace, en Limagne, dans le Midi, dans le sillon rhodanien et dans un certain nombre d'autres lieux en France. Et puis il y a l'immense réservoir de la biomasse, essentiellement forestière. Je ne parle pas des déchets, qu'il ne faut cependant pas négliger. Bien des ressources étaient donc susceptibles d'être utilisées.

Comment ? Seuls les réseaux de chaleur peuvent être mis en oeuvre à une échelle industrielle et sont facilement accessibles au client. Mais les réseaux de chaleur se sont insuffisamment développés en France, sauf à Paris, pour des raisons historiques. D'ailleurs, je signale que le Sénat est chauffé grâce à un réseau de chaleur par la Compagnie parisienne de chauffage urbain, et ce depuis des décennies. En revanche, cette technique est très répandue et est devenue tout à fait banale en Suède et dans les autres pays scandinaves, ainsi qu'en Allemagne.

Un réseau de chaleur, c'est un pont qui transporte de l'eau chaude bon marché, parce qu'elle est produite avec des énergies elles-mêmes bon marché, vers un client. C'est tout ! Moi qui dirige le département qui a construit le pont de l'île de Ré, je puis vous dire que l'un et l'autre fonctionnent selon la même économie.

Dans les travaux pratiques, il y a toujours des difficultés : après les « Y'a qu'à » et les « Y'faut qu'on », il reste à passer aux actes ! Les actes, quels étaient-ils ? On a fait des forages géothermiques. À l'époque - il y a plus de trente ans -, les foreurs étaient des pétroliers qui ne savaient pas trop comment traiter les réservoirs d'eau, qui ne sont pas éruptifs ; c'est une source de difficulté. On ne savait pas trop quels étaient les bons matériaux pour les tuyaux. Il a fallu surmonter ces difficultés.

Aujourd'hui, il est possible de mettre en oeuvre ces énergies renouvelables car les technologies le permettant sont toutes matures, et françaises de surcroît, ce qui ne gâte rien.

Quand on parle de la production de chaleur, il faut avoir à l'esprit que, depuis plus d'une quinzaine d'années, la consommation énergétique française plafonne à environ 180 millions de tonnes d'équivalent pétrole. Cela signifie que les Français ne gaspillent pas, qu'ils ont mis en oeuvre des mesures visant à économiser l'énergie, que leurs comportements ont changé et que les politiques qui ont été conduites à cet égard ont été efficaces.

La production de chaleur représente plus du tiers de la consommation énergétique française, soit plus de 60 millions de tonnes d'équivalent pétrole. Ce n'est pas rien ! Si l'on trouvait quelque part en France un gisement de gaz ou de pétrole produisant une telle quantité de matière fossile, la presse en ferait ses manchettes pendant toute une année ! Eh bien ce gisement existe !

Depuis les deux chocs pétroliers, les réseaux de chaleur ont été mis en valeur, différentes expériences ont été tentées. Les résultats sont là : ça marche ! Certes, quelques opérations ont échoué, notamment la géothermie en région parisienne. Mais elles sont bien peu de chose par rapport à celles qui ont réussi.

Les réseaux de chaleur, c'est une technique simple et maîtrisée, qui fonctionne. Et, sur le plan financier, c'est également un succès : il faut savoir que les gens qui sont aujourd'hui raccordés à des réseaux de chaleur paient leur énergie moins cher que ceux qui ont opté pour des solutions individuelles, qu'il s'agisse du gaz ou du pétrole.

Où en est-on à ce jour ? Faut-il agir ou non ? Sur quelque travée que nous siégions, nous avons tous la volonté politique de débloquer cette situation. Cette volonté est générale, comme j'ai pu le constater cette année en différentes circonstances. Je sais, madame la ministre, que le Gouvernement partage aussi cette volonté. Il l'a démontré à plusieurs occasions. Alors, il ne reste plus qu'à « faire ». Qui peut « faire » ? Les grosses machines de l'énergie ? Je ne compte pas trop sur elles, peut-être à tort...

Notre pays compte des communes entreprenantes, qui ont la capacité juridique et financière d'agir.

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