Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, lorsque le président de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire, Jean François-Poncet, m'a proposé d'être le co-rapporteur d'une étude portant sur les énergies locales et renouvelables, j'ai tout de suite manifesté mon intérêt pour ce sujet de première actualité. J'en ai cependant conçu une certaine appréhension, au regard de mes lacunes théoriques et techniques en la matière.
Pourtant, au fil de nos vingt-neuf auditions et de nos quatre déplacements, j'ai pris un plaisir évident à découvrir ce sujet passionnant et déterminant pour l'avenir de notre pays. J'ai d'ailleurs constaté que de nombreux élus avaient engagé des actions ambitieuses et innovantes pour promouvoir, sur le plan local, des ressources souvent pléthoriques, mais encore largement sous-exploitées, comme l'a dit Claude Belot.
Le rapport recense ainsi de nombreuses bonnes pratiques locales et a pour vocation de servir de guide aux élus.
J'ai notamment été marqué par deux importantes expériences locales.
Le 13 mars dernier, j'ai d'abord eu le privilège de découvrir, non sans une certaine admiration, le système énergétique de Jonzac.
J'espère ne pas froisser la susceptibilité de Claude Belot en explicitant quelques points, que, par modestie, il n'a pas détaillés lorsqu'il nous a fait part de son cheminement durant plus de trente ans.
Depuis 1980, la commune de Jonzac s'emploie à développer l'exploitation des sources d'énergie locales : géothermie et biomasse.
Après le second choc pétrolier, un premier forage, réalisé en 1979, a révélé l'existence, à quelque 1 800 mètres de profondeur, d'eau géothermique d'une température d'environ 65 degrés.
Des analyses effectuées sur l'eau du forage ayant révélé des qualités thérapeutiques intéressantes, une station thermale a vu le jour dans les anciennes carrières de calcaire et est actuellement en plein développement.
Un second forage a été réalisé en 1993 pour chauffer le centre aquatique et ludique de remise en forme appelé « Les Antilles de Jonzac ». C'est aussi, bien sûr, une source de création d'emplois.
En 2002, la ville de Jonzac a décidé de remplacer son usine d'incinération d'ordures ménagères par deux chaudières à bois. Ainsi, ce sont aujourd'hui plus de 10 000 tonnes de combustibles issus de la biomasse, sous forme de bois de rebut déchiquetés, qui sont brûlées chaque année pour assurer les besoins thermiques de 1 800 équivalents logements raccordés à ce réseau. Cela représente, comme le dit couramment notre collègue, un petit pétrolier, et qui ne pollue pas trop.
Ce réseau de chaleur présente un bilan extrêmement positif à tous points de vue.
Sur le plan environnemental, ce système permet d'éviter le rejet de près de 9 000 tonnes de CO2 dans l'atmosphère, ce qui n'est pas négligeable.
Sur le plan social, il a permis la création nette directe d'une dizaine d'emplois. Il faut y ajouter les emplois induits - hôtellerie, restauration, thermes, casino -, dont le nombre s'élève aujourd'hui à près de 165. (
Sur le plan financier, l'opération s'est révélée réussie et le remboursement du réseau de chaleur est quasiment achevé. Quant aux activités touristiques induites, elles assurent le tiers des recettes de fonctionnement de la commune. La rentabilité pourrait d'ailleurs être encore améliorée à l'avenir par le développement de cultures énergétiques : pins, eucalyptus, saules, etc.
Ces réalisations remarquables sont socialement, économiquement et écologiquement très intéressantes et reproductibles.
Nous nous sommes ensuite rendus en Suède, où j'ai découvert l'impressionnant système mis en place par la ville d'Enköping.
Dans cette municipalité de 20 000 habitants, située à 70 kilomètres au nord-ouest de Stockholm, une centrale à biomasse chauffe 95 % de la population et couvre 60 % des besoins de la ville en électricité via un procédé de cogénération. L'industrie forestière locale fournit 80 % du combustible nécessaire, sous forme de copeaux, écorces et sciures de bois. Les 20 % restant proviennent de cultures énergétiques fournies par des saules à rotation rapide. Il faut noter que la chaufferie d'Enköping n'utilise aucune énergie fossile, même en appoint.
Au final, compte tenu de la « fiscalité carbone » appliquée en Suède, l'utilisation des ressources locales a permis de diviser par trois la facture de chauffage pour les habitants et de créer emplois et activités d'importance.
Enköping n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres de valorisation intelligente des ressources locales, et il est remarquable de noter que la Suède entend couvrir 100 % de ses besoins en chaleur par des énergies renouvelables d'ici à 2020.
À l'instar de la Suède, la France n'a pas de pétrole, mais elle a des collectivités territoriales !