Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 13 décembre 2006 à 15h00
Énergies renouvelables — Discussion des conclusions d'un rapport d'information et d'une question orale avec débat

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons deux défis à relever qui sont liés : le défi énergétique et le défi que je qualifierai de climatique.

À écouter les orateurs qui viennent de s'exprimer, au fond, les solutions sont là et tout va bien. J'ai bien peur de développer des idées qui n'iront pas dans le sens de cet optimisme.

La nécessité de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et les conséquences dramatiques que pourrait avoir le réchauffement climatique est un diagnostic globalement partagé. Les divers rapports parlementaires, particulièrement ceux qui émanent de nos éminents collègues, les rapports des scientifiques, voire des économistes, tous s'accordent pour conclure que l'amplification de l'effet de serre, liée aux activités humaines, va bouleverser les économies et provoquer des répercussions graves sur les populations.

L'un des derniers rapports en date, le rapport Stern, est des plus alarmants. Il estime entre 5 % et 20 % du PIB mondial, soit à plusieurs milliers de milliards d'euros, le coût potentiel d'un changement climatique majeur qui pourrait survenir dans les prochaines décennies.

Les conséquences économiques seraient désastreuses. Les conséquences sociales et politiques à l'échelon mondial pèseraient très lourd dans l'addition : déplacement massif d'individus, instabilités politiques, guerres liées aux ressources naturelles devenues rares, etc.

Rappelons que l'Observatoire national des effets du réchauffement climatique, l'ONERC, est né d'une proposition de loi déposée par notre ancien collègue réunionnais Paul Vergès et adoptée à l'unanimité par le Parlement français. Sa création montre que, déjà à l'époque, le sujet était devenu incontournable : on ne peut pas écarter cette préoccupation du débat politique.

Les parlementaires dans leur ensemble, ou presque, s'accordent pour constater qu'il est urgent de prendre des mesures nationales et internationales dans ce domaine, même si, il faut bien le reconnaître, dans chaque groupe parlementaire se trouvent toujours des personnes sceptiques qui affirment que l'on exagère et que l'on trouvera une solution... le moment venu !

Pourtant, nos concitoyens, eux, ne se trompent pas et placent cette question au deuxième rang de leurs préoccupations.

Bien sûr, des changements climatiques ont déjà eu lieu par le passé ; mais on assiste aujourd'hui à une accélération inquiétante du phénomène, et la brutalité du changement est particulièrement préoccupante : la perspective d'un réchauffement massif et rapide de la Terre évoquée dans le rapport n'est malheureusement pas une hypothèse d'école. C'est pourquoi nous devons agir, et vite.

De notre point de vue, seule une action d'envergure internationale serait efficace pour éviter cette catastrophe annoncée.

À l'heure actuelle, quels sont les outils à notre disposition ? Évidemment, on pense d'abord au protocole de Kyoto, qui entérine une logique que nous avions en son temps condamnée puisqu'elle consiste à laisser faire le marché. Cependant, ce traité n'en a pas moins le mérite d'exister ; il faut donc l'exploiter au maximum de ses possibilités.

Du sommet de La Haye, en mars 1989, au sommet de Kyoto, en décembre 1997, en passant par le sommet fondateur de Rio de Janeiro, en juin 1992, la France a figuré parmi les premiers pays à militer pour des engagements fermes de limitation des émissions de gaz à effet de serre. Elle doit continuer de montrer la voie et faire agir la communauté, qui doit peser plus fortement à l'échelon mondial.

Malheureusement, la dernière conférence sur l'environnement, celle de Nairobi, ne laisse pas beaucoup de place à l'optimisme. Le protocole de Kyoto devrait être révisé d'ici à 2008 afin d'élargir l'accord de réduction des gaz à effet de serre à des pays comme l'Inde et la Chine. Rappelons que, même si certaines villes ou États ont déjà pris des positions contraires, les États-Unis ont refusé en 2005 de soumettre le traité à ratification parce que l'administration Bush considérait que cela freinerait l'activité économique du pays. Les États-Unis sont pourtant le plus gros émetteur, pour environ 23 %, de gaz à effet de serre.

La conférence de Nairobi, il faut bien l'admettre, est globalement décevante. Les pays participants ont reconnu l'importance de conclure un nouvel accord pour réduire les émissions, mais le détail des mesures effectives a été renvoyé à une date ultérieure. Il est clair qu'en cas de conflit d'intérêts - l'attitude des États-Unis que je citais le montre, et je ne vois pas de contre-exemple - l'économique l'emporte toujours sur le social et sur l'environnemental.

Quant au plan climat 2004, sans entrer dans le détail, si les mesures qu'il contient sont intéressantes - communication, éducation, crédit d'impôt, développement des biocarburants -, je ne suis pas certaine qu'il suffira pour apporter des solutions satisfaisantes.

En outre, donner à penser que promouvoir l'initiative individuelle tout en laissant faire le marché est de nature à régler la question n'est pas à mes yeux une attitude responsable. C'est d'une politique publique à l'échelle nationale, à l'échelle européenne, à l'échelle mondiale que nous avons besoin, et certainement pas d'un transfert de la responsabilité de l'État sur les particuliers ou sur les collectivités territoriales. Bien sûr, nos concitoyens doivent être sensibilisés ; bien sûr, les collectivités territoriales, nos collègues l'ont souligné, ont leur rôle à jouer. Pour autant, cela ne suffit pas.

De la même façon, si les politiques dites de développement durable au sein des entreprises, qui ont été elles aussi sensibilisées, permettent de faire évoluer les mentalités, elles restent prisonnières de la logique de marché : tant que l'on n'intègre pas le coût social et environnemental dans le coût des activités économiques, on va à l'inverse d'une démarche de développement durable.

Ceux qui produisent de la richesse ne veulent pas assumer les dommages qu'ils occasionnent : il suffit de se rappeler les difficultés rencontrées par les communes pour obtenir réparation des dégâts causés par les pétroliers sur leurs côtes !

Rappelons aussi les drames du plomb : l'usine Metaleurop s'en est allée, laissant là des centaines de familles sans travail, mais aussi victimes du saturnisme. Le plomb n'empoisonne pas seulement les salariés : il se dépose en poussière sur les champs, sur les jardins, il s'écoule dans la rivière, contamine les sédiments et l'eau... Hélas, nous pourrions multiplier les exemples de ce genre !

Aujourd'hui, les industries ne sont pas toutes prêtes à accepter de prendre en compte des coûts induits par leur activité. Il faut se battre, et vous le savez bien, pour obtenir des réparations. Seules des politiques cohérentes et responsables sont à même de réduire notre important et multiforme gaspillage énergétique.

Prenons l'exemple de la politique des transports : plus d'un quart des émissions de gaz à effet de serre en France est dû aux transports ! Le secteur routier est responsable à lui seul de 84 % de ces émissions. Le rail est un mode de transport plus économe en énergie et moins polluant. Pourtant, force est de constater le sous-investissement chronique de l'État, lequel aboutira à la suppression de 60 % des lignes d'ici à 2025. Quant au fret ferroviaire français, il n'a pas été soutenu comme il aurait été nécessaire qu'il le fût.

Le Premier ministre évoque une taxe « carbone » européenne à l'importation, alors même que les instances européennes jugent insuffisants les quotas de réduction imposés aux industriels. Ainsi, le Commissaire européen à l'environnement se réjouissait que la France propose un nouveau plan de quotas de CO2 pour améliorer le plan initial. Croyez-vous que cela suffira pour aller dans le sens d'une promotion efficace du développement durable ?

Celui-ci avait été défini par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, dans le fameux rapport Brundtland, comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».

Mais on omet souvent de citer la fin de la définition de 1987, qui précise : « Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept du ?besoin?, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »

À l'échelle mondiale, ce sont bien sûr les pays les moins développés et les écosystèmes les plus vulnérables qui seront les premières victimes du changement climatique. Lors de la conférence de Nairobi, l'Inde a d'ailleurs renvoyé les pays du Nord à leur « responsabilité historique en matière de pollution ».

Pour répondre aux enjeux écologiques, il faut transformer la société, et ce selon deux axes : la solidarité et la prise en compte des coûts humains et environnementaux dans le coût général des activités.

C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen en appellent à des politiques publiques volontaristes et ambitieuses en rupture avec la stricte logique de rentabilité.

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