Bref, il y a dans l'action gouvernementale un certain nombre d'incertitudes. Mais je voudrais éviter de polluer notre débat par des considérations qui, si elles méritent d'être posées, me semblent subalternes par rapport aux enjeux.
Globalement, au niveau de la planète, à l'évidence, l'action de l'ensemble des gouvernements fait que le compte n'y est pas. L'humanité continue à polluer, à épuiser, à altérer. Notre planète est irrémédiablement dégradée, cette planète que nous avons la responsabilité de laisser à nos enfants et à nos petits-enfants.
Il est indispensable de passer aux actes, qu'il s'agisse de l'action locale, concrète, où les collectivités territoriales jouent un rôle irremplaçable, qu'il s'agisse d'une vision beaucoup plus générale, et je rejoins les propos de notre collègue Évelyne Didier, dans cette préoccupation d'avoir une stratégie beaucoup plus globale.
Permettez-moi d'évoquer deux ou trois pistes de réflexion qui peuvent servir de guide à notre action.
Nous avons la responsabilité de poser le problème là où il se situe, c'est-à-dire au niveau mondial, car la réponse ne peut qu'être mondiale. Il appartient à la France et il nous appartient aux uns et aux autres - je rejoins sur ce point Pierre Laffitte qui souhaite que la voix de la France s'exprime avec force sur la scène internationale - de poser la question de l'intégration, dans les règles du commerce international, de la dimension environnementale.
Il n'est plus possible d'accepter de consommer des produits délibérément bon marché qui provoquent du chômage chez nous et de la pollution ailleurs. Il s'agit d'une contradiction majeure, et je pense d'ailleurs qu'il y a là des éléments de convergence qui doivent nous rassembler.
Il faudra également revoir radicalement les modalités d'application du protocole de Kyoto. C'était une première étape, une première démarche qui allait dans le bon sens, la prise de conscience de la nécessité de mobiliser la planète sur cette question était indispensable.
Toutefois, je ne suis pas convaincu que le marché seul soit de nature à répondre à la problématique des grands équilibres planétaires - je suis même convaincu du contraire - et j'observe que dans la communauté internationale on parle de plus en plus de fiscalité mondiale et d'une taxe « carbone » au niveau mondial. C'est une réflexion qu'il faudra engager et il s'agit, à mon avis, d'une piste féconde.
Poser le problème à l'échelon mondial, cela veut dire, bien sûr, s'appuyer sur les outils qui nous permettent d'être réellement entendus au niveau mondial et l'outil majeur, c'est évidemment l'Europe, qui, sur notre initiative, doit jouer un rôle déterminant dans la construction de ce nouvel ordre environnemental planétaire.
Le chantier de l'énergie serait d'ailleurs excellent pour permettre à l'Europe de sortir de la crise et de l'enlisement dans lequel elle se trouve aujourd'hui. Ici même au Sénat, voilà une quinzaine de jours, Jacques Delors réunissant un certain nombre de responsables européens, a proposé de lancer au niveau européen le chantier de l'environnement et de l'énergie.
Mais cela ne doit pas nous dispenser d'un engagement national déterminé.
Pierre Laffitte a évoqué la nécessaire planification. J'évoquerai, pour ma part, la volonté forte d'une politique énergétique globale, fondée sur la diversification des apports, sans faire l'impasse sur le nucléaire car il est nécessaire d'avoir une attitude responsable sur l'approvisionnement énergétique, quand on voit l'impasse dans laquelle se trouve l'Allemagne sur cette question.
Il sera également nécessaire de hiérarchiser nos efforts. Oui, à la diversification, mais oui, en priorité, à l'exploitation de cet immense gisement énergétique que constituent les économies d'énergie. Et là, il y a un effort tout à fait considérable à fournir et des perspectives très concrètes s'offrent à nous.
Par ailleurs, nous devrons réfléchir à l'adaptation des dispositifs administratifs et politiques français à ce qui devra constituer une priorité, un axe majeur du Gouvernement.
On parle beaucoup de vice-Premier ministre. Au-delà de l'anecdote, retenons qu'il s'agit, de la part d'un certain nombre de personnalités qui se préoccupent de ces questions environnementales, de marquer symboliquement la place que doit avoir l'environnement dans le dispositif politique national.
J'évoquerai aussi la nécessité de renforcer considérablement les missions, les pouvoirs et les moyens de l'ADEME et peut-être, s'agissant de l'environnement, de donner à notre pays la grande agence de sécurité environnementale dont nous avons besoin.
Mais les idées ne manquent pas. Madame la ministre, notre capacité à juger de la sincérité de l'engagement des uns et des autres dans cette période préélectorale se fera sur les moyens financiers qui seront donnés pour mener ces actions. Cela implique une vraie réflexion, qui commence à émerger, sur l'utilisation de la fiscalité comme instrument d'une politique énergétique.
En fait, il faudra envisager de revoir radicalement le dispositif fiscal en fonction de cette préoccupation environnementale et énergétique, pour réorienter à la fois notre consommation d'énergie et nos comportements collectifs et individuels. Il est nécessaire de mettre en oeuvre une fiscalité incitative à la baisse, mais il faudra aussi que nous ayons le courage politique de dire qu'il y a des pratiques, des achats, des comportements, des procédures qui doivent être pénalisés fiscalement. Jouer à la fois sur une fiscalité négative et sur une fiscalité positive et dissuasive me semble indispensable.
Je conclurai par quelques mots et un souhait.
Premièrement, à l'évidence, l'avenir de la planète est aujourd'hui clairement posé.
Deuxièmement, il y a dans notre assemblée une véritable expertise, un goût, un intérêt pour ces questions d'énergie et d'environnement. La période électorale qui s'ouvre nous offre une belle opportunité. C'est la raison pour laquelle je vous propose, madame la ministre, et je le propose également au bureau du Sénat, d'envisager l'organisation d'un grand débat parlementaire intégrant l'ensemble de ces approches - locales, générales, voire internationales -, qui pourrait se tenir au cours du premier trimestre de l'année prochaine, dans une période particulièrement sensible. Ce grand débat, qui permettrait à nos concitoyens de mieux appréhender un dossier majeur, serait apprécié et notre assemblée s'honorerait de prendre une telle initiative.