Intervention de Christian Gaudin

Réunion du 13 décembre 2006 à 15h00
Énergies renouvelables — Discussion des conclusions d'un rapport d'information et d'une question orale avec débat

Photo de Christian GaudinChristian Gaudin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'an dernier, à ce moment même, j'étais sur le lieu du forage EPICA, à la base scientifique Concordia, sur le dôme C, au coeur du continent des extrêmes : l'Antarctique.

Pour la première fois, une équipe de chercheurs européens a réussi, à cet endroit, l'extraction d'une carotte de glace d'une profondeur de 3 230 mètres, permettant ainsi la lecture de 850 000 ans d'histoire de l'évolution du climat.

Dans le cadre du rapport que je vais présenter dans quelques semaines devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, j'auditionne, depuis huit mois, s'agissant de la recherche en milieu polaire, les plus éminents spécialistes, qu'ils soient américains, russes ou européens.

J'ai rencontré au Congrès, à Washington, et à la Douma, à Moscou, des parlementaires qui sont aujourd'hui convaincus de la réalité de ces préoccupations.

J'ai été reçu à la National science foundation, la NSF, à la National aeronautics and space administration, la NASA, à l'Académie des sciences de Russie et dans les organismes de recherche des pays européens. J'ai toujours voulu privilégier, dans le cadre international des enjeux de la recherche en milieu polaire, la rencontre avec les scientifiques, les organismes et les instituts de recherche, mais aussi avec les responsables politiques, membres de gouvernements ou parlementaires.

Si les deux pôles sont les sentinelles de notre planète, ils sont également la mémoire et les marqueurs des évolutions climatiques.

Le système climatique est un système de très haute complexité. Chaque composante possède des temps caractéristiques différents : quelques jours pour l'atmosphère, quelques mois pour les eaux superficielles de l'océan, plus d'un millénaire pour l'océan profond, plusieurs dizaines de millénaires pour les calottes glaciaires.

Toutefois, des perturbations brutales, avec des constantes de temps très inférieurs à leur temps caractéristique provoquant des ruptures d'équilibre au sein du système climatique, sont responsables de modifications de l'environnement sensibles à l'échelle d'une vie humaine.

La connaissance des paléoclimats, rendue possible grâce aux échantillons d'atmosphère piégée dans les glaces, est sans doute l'élément le plus déterminant et immédiat dans la compréhension de l'équilibre fragile du système climatique.

Car dans sa modélisation, cette connaissance permet de faire la part de ce qui appartient au phénomène naturel de ce qui relève de la responsabilité directe de nos comportements.

C'est pourquoi les recherches sont nécessaires. En effet, seule l'expertise scientifique du passé, ancien ou plus récent, et la modélisation de l'incidence des gaz à effets de serre donneront une juste appréciation des risques encourus par notre planète.

Si, en adoptant un plan Climat, la France a témoigné d'une réelle volonté politique, ce plan s'est très vite révélé insuffisant. C'est pourquoi le Gouvernement a annoncé, lors d'un récent comité interministériel sur le développement durable, une modification du plan Climat, avec des mesures comme le renforcement de la fiscalité écologique.

Ce nouveau plan intègre également des projets comme la création d'une taxe spécifique sur le charbon, qui est particulièrement polluant, le relèvement de 10 % des taxes sur les pollutions industrielles et les déchets.

Enfin, il est proposé le principe d'une taxe carbone à l'échelon européen sur les importations de produits industriels en provenance des pays qui refuseraient de s'engager en faveur du protocole de Kyoto après 2012.

De nombreux pays ne contestent plus la réalité du réchauffement climatique et les études alarmistes se multiplient.

Ainsi, le rapport Stern est-il particulièrement intéressant, car son auteur, qui est non pas un scientifique, mais un économiste, mesure l'incidence du réchauffement sur l'économie mondiale.

C'est donc dès à présent qu'il faut modifier nos comportements et nous engager vers trois grands axes d'actions : taxer les émissions de CO2, généraliser les technologies à faibles émissions de carbone et améliorer les rendements énergétiques.

Malgré le coût qui en résultera pour les pays industrialisés, ce sont les industries de ces pays qui pourront y trouver de nouvelles opportunités en développant des filières novatrices, pour de nouveaux marchés.

L'effort doit être collectif, tant à l'échelon national qu'à l'échelon européen.

Si la nécessité de lutter contre les changements climatiques fait l'objet d'un consensus entre les États membres de l'Union, avec l'objectif de réduire les émissions d'au moins 15 % d'ici à 2020 et de 50 % d'ici à 2050, nous devons mieux nous entendre pour l'application de cette réduction. Une réelle mobilisation est nécessaire pour atteindre une meilleure efficacité en matière d'énergie et de transports routiers et aériens, domaines dans lesquels il reste beaucoup à faire.

Nous devons lier les stratégies de Kyoto et de Lisbonne, assurer notre sécurité énergétique, réduire le réchauffement tout en relançant la croissance, qui est particulièrement en panne dans l'Hexagone.

En effet, la compétitivité ne doit pas être oubliée, sous peine de récession grave. Les pays industriels sont au premier plan pour réduire les gaz à effet de serre, mais ils doivent convaincre les pays émergeants comme l'Inde et la Chine de limiter les énergies polluantes. Ainsi, la Chine, qui a d'énormes réserves de charbon, doit intégrer sans retard les techniques de captation et de stockage de CO2 à la source.

Nous savons que cet effort collectif doit être entrepris par tous les pays, et il le sera d'autant plus aisément que les populations seront informées sur les conséquences du réchauffement, grâce à une meilleure diffusion de toutes les données scientifiques.

C'est pourquoi les connaissances scientifiques doivent être au coeur de la société. Cela est vrai pour le climat, mais aussi pour tous les sujets qui ont suscité récemment des débats passionnés au sein même de notre hémicycle.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, la recherche scientifique qui est conduite dans les pôles est importante pour l'expertise de l'évolution de notre planète.

Les moyens financiers nécessaires sont lourds, car la logistique qui permet à l'homme d'évoluer dans des milieux aussi hostiles est coûteuse. Cette recherche est cependant nécessaire et urgente.

La communauté des scientifiques européens des disciplines concernées commence à s'organiser et elle interpelle aujourd'hui les politiques. C'est à eux de prendre conscience de tous les enjeux et de mettre en application les mesures nécessaires, de façon coordonnée. Car demain s'il existe une organisation réunissant les nations autour de l'environnement, comme cela est souhaité, l'Europe devra y prendre toute sa place.

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