Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le développement des activités humaines et leur très forte intensification contribue à des modifications ou à des atteintes à l'environnement que nous connaissons et que nous constatons depuis maintenant de trop nombreuses années.
C'est dans une gestion adaptée aux exigences d'une économie globalisée, dans le respect de la nature et des patrimoines, que la solution doit être recherchée.
Un nouvel équilibre écologique est certainement à recréer aujourd'hui. Il trouvera une voie dans la vie quotidienne, dans des comportements nouveaux, dans l'idée d'un travail sur une série de niches plutôt que dans l'invention d'une solution déclinable partout et pour tous.
Dans cette optique, je ne peux que féliciter et remercier MM. Belot et Juilhard, auteurs du rapport d'information de la délégation du Sénat pour l'aménagement du territoire sur les énergies locales, et MM. Laffitte et Saunier, auteurs du rapport intitulé : « Développement durable, changement climatique, transition énergétique : dépasser la crise ». Ces deux rapports sont en effet très riches en informations.
Je vous propose d'aborder un seul maillon de ce formidable ensemble, une petite niche de cette fabuleuse chaîne, à savoir le traitement des déchets ménagers, la biomasse et les réseaux de chaleur.
Certes, proportionnellement, ce ne sont pas les déchets ménagers qui produisent le plus de gaz à effet de serre, bien qu'ils contribuent, bien entendu, à ces émissions. Des millions de mètres cubes de méthane et de gaz carbonique sont tout de même produits ! Et ce n'est pas la tentative de récupération partielle de ces gaz, qui sont ensuite brûlés en torchère, dans les centres d'enfouissement techniques, qui peut nous satisfaire, loin de là : en effet, 60 % d'entre eux s'évaporent dans l'atmosphère.
Dans ce secteur, seule la valorisation énergétique permettra d'en finir avec les émissions de gaz à effet de serre. Les déchets doivent être traités plutôt qu'enfouis. Ils doivent être considérés, si nous voulons évoluer dans ce secteur, comme une matière première. Outre l'incinération et les centres d'enfouissement techniques, une troisième famille de traitement des déchets existe en France depuis près de dix ans. Il s'agit de la biomasse, de la méthanisation par les bioréacteurs, qui permet au biogaz de servir de combustible dans le cadre de réseaux de chaleur ou de production d'électricité.
La biomasse et les bioréacteurs, qui permettent de réaliser les objectifs évoqués par les uns et les autres, correspondent à la mise en oeuvre d'une technique nouvelle en France, même si elle existe depuis maintenant près de dix ans. Cette technique existe depuis beaucoup plus longtemps dans d'autres pays et dans certaines villes. Je pense en particulier à Chicago. Intervenant après les opérations de tri et de « valorisation matière », elle implique une production de gaz en vase clos, en silos, avec réinjection des lixiviats et aspiration par le bas du méthane. Foncièrement différente de la technique de l'incinération, elle ne s'apparente pas du tout, compte tenu des aménagements considérables qu'elle suppose, à un simple stockage de déchets ménagers. Elle valorise 100 % du biogaz, soit en réseau de chaleur soit par cogénération, avec production d'électricité.
Ce système présente l'avantage de cumuler deux caractéristiques très importantes : la maîtrise complète de la production de gaz à effet de serre issus des déchets ménagers et la production d'énergie renouvelable, à partir du biogaz ainsi produit.
Il s'agit donc de promouvoir une gestion et une exploitation bien meilleures que celles qui existent actuellement. Cette évolution est fondamentale, selon nous, car la France accuse tout de même un certain retard dans ce domaine !
J'en reviens au rapport de nos collègues Belot et Juilhard, qui n'hésitent pas à rappeler que ces dispositifs méritent des soutiens fiscaux, des accompagnements, des mesures incitatives et, éventuellement, une hausse du prix de l'énergie produite par ces méthodes, afin de les rendre encore plus attractives.
Madame la ministre, nous vous demandons d'enclencher un travail de réflexion dans ce sens, qui permette de trouver une solution.
Aux freins économiques s'ajoutent des contraintes réglementaires inadaptées à cette nouvelle technique, pourtant vieille de dix ans !
Premièrement, les unités de biomasse et de méthanisation comme les bioréacteurs, dont les silos sont rouverts au terme de la fermentation, c'est-à-dire huit ans à dix ans plus tard, pour récupérer le compost et la part de déchets inertes, ne doivent pas être considérées, comme c'est le cas actuellement, comme des centres d'enfouissement techniques, lesquels restent en place pour l'éternité.
Deuxièmement, le statut juridique des collectivités territoriales doit être adapté, de manière à établir plus facilement des partenariats public-privé, pour mieux rentabiliser un certain nombre d'équipements. C'est une autre piste de réflexion que je vous propose, madame la ministre.
Troisièmement, pour éliminer les déchets ménagers, il existe aujourd'hui trois grands procédés. Soit on souhaite procéder à cette élimination en deux ou trois jours, et on a recours à l'incinération ; soit on souhaite effectuer cette tâche en trente ou quarante ans, et on a recours aux centres d'enfouissement techniques ; soit on recherche un schéma médian, afin de régler la question en huit ou dix ans, et on a recours à la biomasse et à la méthanisation.
Paradoxalement, le code des douanes, car, il faut le reconnaître, sa réforme commence à dater, ne reconnaît aujourd'hui que deux techniques : l'incinération et l'enfouissement. Il serait certainement opportun, madame la ministre, d'y apporter les adaptations nécessaires !
En effet, deux techniques permettent de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, en favorisant la production d'énergies renouvelables : il s'agit de l'incinération et de la méthanisation de la biomasse.
Depuis vingt-trois ans, grâce à ce dernier procédé, Chicago alimente en électricité le cinquième de la ville, ce qui est tout de même remarquable.
Je partage l'opinion exprimée par mon collègue Claude Belot, qui précisait qu'il n'existe pas d'obstacle majeur concernant les énergies renouvelables. L'essentiel étant encadré, nous traitons désormais de points de détail, qui nécessitent bien évidemment des améliorations. C'est tout le sens de mon intervention.
Aujourd'hui, seuls les incinérateurs produisant de l'énergie renouvelable bénéficient d'une mesure fiscale incitative, à savoir une exonération de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, pour les déchets entrants.
Outre l'incinération et l'enfouissement, il serait opportun de prévoir une nouvelle catégorie dans le code des douanes, à savoir la biomasse et la méthanisation avec le principe du bioréacteur. En effet, après le tri et la valorisation matière, le bioréacteur permet de récupérer, par aspiration en vase clos, la totalité du biogaz produit. Ce dernier est totalement valorisé par un réseau de chaleur ou par cogénération.
Madame la ministre, je vous demande de reconnaître cette modernité. Ainsi, ces techniques, qui sont de notre temps, seraient attractives, au même titre que l'incinération pour produire de l'énergie.
Sur ce sujet, la commission des affaires économiques, par l'intermédiaire de M. Jean Bizet, rapporteur pour avis sur la mission « Écologie et développement durable », a déposé, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, un amendement qu'elle avait adopté à l'unanimité. La commission des finances a soutenu cet amendement, et le Gouvernement, par la voix de M. Copé, a demandé quelques jours de réflexion pour mieux appréhender cette proposition, suggérant de l'examiner lundi prochain, dans le cadre de la discussion du collectif budgétaire.
Madame la ministre, le calendrier parlementaire, qui nous permet d'évoquer aujourd'hui ce sujet, est bien fait ! Je vous demande, au nom de tous mes collègues, de rapprocher vos services de ceux de M. Copé, afin de lui faire entendre l'urgence à reconnaître, au même titre que l'incinération, la technique de la biomasse et de la méthanisation à partir des déchets ménagers, qui produit de l'énergie renouvelable, permettant ainsi de lutter contre l'effet de serre.
Une telle exonération de la TGAP à partir du 1er janvier 2007 concerne, en France, cinq unités. Son coût serait inférieur à deux millions d'euros. Cette mesure représente donc peu de choses pour le budget de la nation.
Cependant, si la masse financière n'est pas des plus importantes, une telle mesure permettrait, madame le ministre, de franchir un pas supplémentaire en faveur des énergies renouvelables. Vous-même pourriez ainsi conclure avec bonheur la mission qui vous a été confiée à la tête du ministère dont vous avez la charge, par une mesure concrète, en plaçant la France dans la modernité et la durée. Nous vous en remercions par avance.