Intervention de Marcel Deneux

Réunion du 13 décembre 2006 à 15h00
Énergies renouvelables — Discussion des conclusions d'un rapport d'information et d'une question orale avec débat

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vous connaissez mon engagement de longue date en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique et du développement des énergies renouvelables. Voilà quatre ans, j'avais publié un rapport intitulé L'ampleur des changements climatiques, de leurs causes et de leur impact possible sur la géographie de la France à l'horizon 2005, 2050 et 2010. Je m'étais alors rendu au sommet de Johannesburg. J'avoue que j'y avais remporté un succès d'estime, qui n'avait cependant rien de commun avec ce qui se passe actuellement dans l'opinion publique française.

La question du changement climatique est désormais une question d'actualité récurrente. Parmi les derniers événements en date, je citerai la Journée internationale d'actions contre le changement climatique du 4 novembre, qui est passée presque totalement inaperçue, et la récente conférence des Nations unies sur le changement climatique qui s'est tenu à Nairobi, sans oublier la multiplication de films documentaires, de fictions, d'articles de presse et de rapports de toutes natures. Tous s'alarment des conséquences désastreuses de l'effet de serre sur notre planète : sécheresses de plus en plus terribles, cyclones chaque fois plus violents, inondations de plus en plus fréquentes, hausse des températures, etc. Cet ensemble de catastrophes, de plus, s'abat sur des populations déjà extrêmement vulnérables.

À l'heure où le très pertinent rapport Stern révèle que le coût économique du réchauffement de la planète pourrait s'élever à plus de 5 500 milliards d'euros si les gouvernements ne prennent aucune mesure significative pour contrôler les émissions de gaz, il est plus que jamais nécessaire, madame la ministre, de mettre rapidement en oeuvre une politique ambitieuse. C'est d'autant plus important que l'investissement financier dans la lutte contre le réchauffement climatique ne pénaliserait pas l'essor économique des pays industriels. Au contraire, cette démarche politique et volontariste serait créatrice de richesses. Ce rapport insiste ainsi sur l'importance d'investir dans la recherche et le développement, ainsi que dans les nouvelles technologies moins polluantes. Il souligne enfin la nécessité d'apporter une réponse politique et volontariste au changement climatique.

Tels sont donc les enjeux auxquels nous sommes confrontés. Où en sommes-nous exactement pour le moment ?

Tout d'abord, la France et l'Europe ont récemment mis en place plusieurs instruments pour lutter contre le réchauffement climatique. Je pense notamment au plan climat et au plan national d'allocation des quotas d'émission de CO2.

Madame la ministre, vous avez renforcé le plan Climat, qui est également prolongé jusqu'en 2012. Il est désormais prévu une réduction de 10 % des émissions françaises de CO2 à l'horizon 2010. Les deux principaux secteurs visés sont le bâtiment et les transports. Car il y a urgence à agir ! Ainsi, dès 2007, les réhabilitations importantes dans les bâtiments de plus de 1 000 mètres carrés devront respecter une performance énergétique minimale.

S'agissant des transports, le Gouvernement accélère le développement des biocarburants. Permettez-moi de vous rappeler, madame la ministre, que l'UDF bataille depuis plusieurs années pour développer cette énergie. Si nous voulons être au rendez-vous des biocarburants, ce que nous souhaitons apparemment tous, nous devons faire preuve d'une grande détermination. À la suite du rapport demandé par le ministre de l'économie à Alain Prost, des avancées ont été réalisées, avec, notamment, un plan de mise en place de pompes distribuant du carburant E85. Mais il faudra également que les constructeurs automobiles s'engagent résolument dans cette voie.

Ce défi lancé à notre industrie devra être relevé collectivement. C'est pourquoi je me félicite de l'adoption, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, d'un régime fiscal très favorable pour ce nouveau carburant. Toutefois, si nous pouvons nous féliciter de l'ensemble des mesures fiscales que nous avons pu adopter en faveur des biocarburants au cours des dernières années, les objectifs fixés sont encore loin d'être atteints. Aujourd'hui, nous ne parvenons pas aux taux d'incorporation que nous avions fixés au niveau communautaire ou dans le cadre de la fameuse TGAP. Ce taux est de 1 % à peine pour le bioéthanol, alors qu'il était prévu d'atteindre, dès cette année, un taux de 1, 5 % et, en 2007, de 3, 5 %. Mais nous sommes dans la bonne direction : continuons !

En ce qui concerne le plan national d'allocation des quotas d'émission de CO2, je souhaiterais connaître, madame la ministre, la position du Gouvernement après le retrait précipité du plan prévu pour la période 2008-2012 auprès de la Commission. Quelles sont les nouvelles orientations choisies par le Gouvernement ?

Le PNAQ ne concerne que les sites industriels d'une puissance supérieure à 20 mégawatts thermiques, soit 1 127 sites seulement. C'est pourquoi la mission Climat de la Caisse des dépôts et consignations a proposé d'élargir les incitations économiques à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment grâce à la mise en place d'un dispositif de projets domestiques CO2 sur la période 2008 - 2012.

Les projets domestiques sont des outils qui permettraient de valoriser financièrement les réductions d'émission de gaz à effet de serre dans les secteurs qui, aujourd'hui, ne sont pas couverts par le système européen des quotas, tels que les transports, l'agriculture et les bâtiments. Un tel système mérite d'être étudié, car, à l'heure actuelle, le PNAQ ne couvre finalement que 30 % de nos émissions totales de CO2.

Le deuxième point primordial est la recherche. Il est indispensable de soutenir et de mettre en place une recherche ambitieuse.

J'insisterai sur la nécessité de constituer des programmes de recherche sur les océans. Couvrant 71 % de la surface du globe terrestre, les océans exercent, à ce titre, une influence essentielle sur le climat par la masse qu'ils représentent, mais également au travers des courants sous-marins qui jouent le rôle de répartiteurs de chaleur, avec toutes les conséquences, que nous connaissons mal, sur la faune et la flore marines.

Parallèlement, nous devons intensifier les moyens consacrés à la recherche sur la séquestration du CO2 et, à terme, créer une industrie française du CO2. C'est un secteur où la France a une avance qu'il faut garder.

D'une manière générale, il faut renforcer la recherche relative aux impacts, à la vulnérabilité et à l'adaptation. Pour faire court, le programme GICC, gestion et impacts du changement climatique, devra être poursuivi et renforcé. Il faut améliorer la connaissance et le suivi des impacts du changement climatique. En aval du programme GICC, il est nécessaire de développer en France des approches de type « expertise », abordant les problèmes de manière très concrète et en interaction avec les gestionnaires. Ce type d'approche reste encore peu pratiqué en France, alors qu'il s'agit d'une approche très courante dans les pays anglo-saxons.

Le troisième point concerne les énergies renouvelables.

Comme le secteur énergétique représente une part très importante de nos émissions de gaz à effet de serre, toute réduction d'émissions d'envergure passe par une reconfiguration complète de nos modes de production et de consommation d'énergie. En particulier, il faudra mettre en oeuvre un mix d'énergies renouvelables, d'énergie nucléaire et de projets de séquestration de carbone à grande échelle pour faire face à une demande énergétique croissante, qu'il faut pourtant maîtriser.

La directive 2001/77/CE relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité a été adoptée le 27 septembre 2001. Elle fixe des objectifs indicatifs par pays et vise, pour la France, à faire passer la part d'électricité d'origine renouvelable de 15 % en 1997 à 21 % en 2010.

Nous disposons de nombreux atouts en matière d'énergies renouvelables : des ressources hydroélectriques importantes, l'une des premières forêts d'Europe, un très bon gisement éolien, de vastes zones, notamment dans les départements d'outre-mer, où certaines énergies renouvelables sont moins chères à produire que l'électricité, et une technique reconnue en matière d'énergie solaire photovoltaïque ou thermique.

De fait, la France est le premier producteur européen d'énergies renouvelables - on ne le dit pas assez - devant la Suède et l'Allemagne, avec plus de 15 % du total de la production européenne à vingt-cinq. Mais nous sommes encore loin du compte. Cela est d'autant plus vrai que notre production d'électricité d'origine renouvelable, elle-même dépendante de la pluviométrie, est en baisse. En conséquence la part de l'électricité d'origine renouvelable dans la consommation intérieure brute d'électricité, pour la métropole uniquement, s'élève seulement à 11, 0 % en 2005 contre 12, 6 % en 2004.

L'hydraulique représente toujours 92 % de la production électrique d'origine renouvelable, les déchets urbains renouvelables 2, 9 %, le bois-énergie 2, 4 %, l'éolien 1, 7 %, le biogaz et le solaire photovoltaïque assurant la part résiduelle.

Il est donc indispensable de développer les autres énergies renouvelables. L'excellent rapport de nos collègues Claude Belot et Jean-Marc Juilhard, Énergies renouvelables et développement local : l'intelligence territoriale en action, montre que les solutions existent et qu'elles fonctionnent sur le terrain. Ils insistent également sur le rôle moteur des collectivités locales dans le développement des énergies alternatives.

Toutefois, je souhaite insister sur l'énergie éolienne qui, curieusement, est la grande oubliée de ce rapport. Lors de l'examen de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, nous avons pu mettre en place un certain nombre d'outils qui sont aujourd'hui opérationnels et qui offrent un contexte favorable de développement à la filière : zone de développement de l'éolien, révision des tarifs d'achat de l'électricité de source éolienne, programmation pluriannuelle des investissements. Tout cela va se mettre en oeuvre. Ainsi, la filière éolienne prendra enfin son envol en France.

À la fin de l'année 2006, le parc éolien français atteint 1 500 mégawatts, soit un millier d'éoliennes. Au premier semestre 2007, compte tenu des projets en cours, le parc devrait dépasser 2 000 mégawatts. Cependant, notre pays reste encore en queue de peloton par rapport à ses voisins européens, comme l'Allemagne ou l'Espagne. Ce retard est corroboré par le fait que, actuellement, plus aucune grande entreprise française ne fabrique les équipements éoliens pour la métropole.

Toutefois, le décollage tant attendu du développement de l'éolien et le volume des projets recensés à ce jour prouvent que l'objectif de 10 000 mégawatts en 2010, sur lequel nous avons pris des engagements, est atteignable.

Cela est d'autant plus important qu'il est précisé, dans le Rapport sur la Programmation pluriannuelle des investissements de production électrique, transmis au Parlement et portant sur la période de 2005 à 2015, « qu'il n'y avait pas d'ici à 2015, en France, d'autre choix que l'éolien pour un développement significatif des énergies renouvelables dans la production électrique ».

Il faut avant tout faire comprendre aux collectivités locales que les fermes éoliennes peuvent être une source d'enrichissement pour les collectivités locales, via la taxe professionnelle, bien sûr - on y pense ! -, suivant les modalités de répartition intercommunales fixées par la loi et à partir des zones de développement éolien, ZDE. Les fermes éoliennes peuvent également être une source d'enrichissement par la mise en valeur du territoire agricole à travers une valorisation de l'espace rural dont les activités économiques ont de la peine à se maintenir au niveau antérieur.

Pour l'éolien offshore, il est nécessaire de clarifier les critères d'affectation de la taxe professionnelle entre les communes du littoral. En effet, par définition, les éoliennes offshore sont situées en dehors des limites cadastrales des communes : dans ces conditions la taxe professionnelle doit-elle être affectée à la commune de raccordement au réseau de la ferme éolienne ou alors aux communes auxquelles elle fait face ? Ce point mérite d'être clarifié rapidement, car l'imprécision gêne le développement.

Enfin, je voudrais rappeler aux détracteurs des éoliennes que, ces dernières années, des progrès technologiques considérables ont été réalisés par la filière. De bonnes réponses ont été trouvées pour tous les inconvénients qu'on trouvait à ces dernières. De plus, les zones de développement de l'éolien sont un nouvel instrument au service des communes pour une meilleure prise en compte des attentes des populations et même d'une démocratie participative.

Pour terminer, permettez-moi de dire un mot de la stratégie nationale d'adaptation au changement climatique.

Après adoption par le conseil d'orientation de l'ONERC, où je siège, ce document a été validé par le comité interministériel pour le développement durable du 13 novembre dernier. Il reste maintenant à mettre cette stratégie en oeuvre.

Tout cela décliné en objectifs stratégiques puis en programmes d'actions - à condition qu'ils soient appliqués ! -, constitue une réelle politique, compatible avec le format de la stratégie européenne de développement durable.

Je compte donc sur vous, madame la ministre, ainsi que sur vos collègues du Gouvernement concernés, pour que la volonté politique soit présente en permanence sur ces sujets et pour que ce plan s'applique.

Le constat de l'état de la planète est terrifiant, on l'a dit plusieurs fois au cours de ce débat. L'urgence est réelle ; il faut agir vite. Je compte sur vous, madame la ministre. L'humanité tout entière a besoin d'une France active en matière d'environnement.

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