Le comité national du fonds doit donc pouvoir mener des campagnes d'information et de pédagogie en ce sens. Or le décret du mois de mai 2006 ne semble pas assez clair sur ce point, puisque les gestionnaires des fonds issus de la Caisse des dépôts et consignations refusent d'y consacrer les sommes nécessaires. Il est donc très important que le décret puisse être réécrit dans les meilleurs délais - je le répète, monsieur le ministre délégué -, de sorte que le fonds puisse communiquer, faire connaître son activité et développer ses interventions.
S'agissant de la prestation de compensation du handicap, la PCH, que Nicolas About a longuement évoquée, elle est sans doute la plus grande avancée du texte voté en 2005. Elle vise à prendre en charge les surcoûts de toute nature liés au handicap. Elle constitue un véritable progrès par rapport à la situation antérieure, puisqu'elle couvre un domaine bien plus large que l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, dont elle prend la suite. Contrairement à cette dernière, elle est versée sans condition de ressources et son montant est non plus forfaitaire, mais calculé en fonction des besoins réels du demandeur. Comme nous l'avions fait remarquer au moment de la discussion de la loi, c'est du sur-mesure !
D'après un premier bilan réalisé par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et de la statistique du ministère de la santé et des solidarités, au 31 août 2006, environ 38 000 demandes de PCH avaient été déposées, et non 31 000, comme vous l'avez indiqué, monsieur About, et 6 500 prestations avaient été réellement attribuées. Ce nombre, encore très faible, n'est pas anormal. Il est à mettre en lien avec la mise en place de la nouvelle architecture institutionnelle de la politique du handicap.
Toutefois, les incertitudes quant au barème de la PCH et au contrôle de l'effectivité de l'aide apportée contribuent également à ralentir les demandes, certaines personnes handicapées continuant de manifester une préférence pour un maintien dans le dispositif de l'allocation compensatrice pour tierce personne.
S'agissant de la PCH à domicile, les premiers mois de versement montrent, à l'évidence, la nécessité de procéder à certains ajustements, d'ailleurs bien naturels, pour calibrer au mieux une prestation aussi innovante, tant dans son mode d'instruction que dans ses modalités de calcul.
Il importe, d'abord, de diversifier la composition des équipes pluridisciplinaires, en y associant des professionnels d'horizons différents, formés à la prise en compte du projet de vie de la personne handicapée. Il convient également d'assouplir les dispositions relatives aux aides humaines, notamment pour ce qui concerne la question des tarifs de prise en charge, particulièrement faibles, comme cela a déjà été souligné. Il est enfin indispensable de revoir les règles relatives au contrôle de l'effectivité de l'aide. Ainsi, il n'est pas normal que, dans la pratique, on demande aux bénéficiaires de faire l'avance des sommes nécessaires à la couverture de ses besoins, ces dernières lui étant remboursées avec un mois de décalage, sur présentation de justificatifs et dans la limite d'un plafond. Je rejoins, sur ce point, les critiques qui ont été formulées par mon collègue et ami Nicolas About.
La situation devrait s'améliorer avec l'introduction, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, d'un amendement tendant à modifier la date de versement des sommes relatives aux aides humaines et à autoriser un versement de ces dernières par tranches trimestrielles.
Enfin, Nicolas About a longuement abordé la question de l'accessibilité, je n'y reviendrai pas.
On ne peut débattre de l'application de la loi de 2005 sans aborder les perspectives d'évolution du plan de financement et des structures de gestion.
Dès l'origine, le débat s'est concentré sur l'opportunité d'étendre les missions de la sécurité sociale à la gestion des risques du handicap et de la dépendance. Or, malgré plusieurs projets, aucun gouvernement n'a pu trouver les moyens d'instituer cette cinquième branche.
Une nouvelle caisse, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, a enfin été créée en 2005 pour gérer le financement, alors que la gestion des prestations est confiée aux départements. Aujourd'hui, s'il n'est certes pas impossible de retourner en arrière et de créer, dans le cadre de la sécurité sociale, une nouvelle branche, peu importe qu'elle soit gérée de manière autonome ou par l'une des caisses nationales existantes, cela ne m'apparaît pas souhaitable.
L'existence de la CNSA a créé une sorte de parcours fléché des financements qui permet une identification précise des sommes collectées et des dépenses effectuées. Les Français ont ainsi la garantie que l'argent qui transite par la CNSA est bien employé pour financer ce pour quoi il est versé : la prise en charge de la dépendance et du handicap. Cette caisse n'est pas noyée dans un grand ensemble où la tentation de compensation entre branches est toujours forte.
La situation financière de la sécurité sociale ne plaide pas non plus en faveur de cette solution.
Il n'est pas davantage question de relever les prélèvements sociaux au moment où nous souhaitons, au contraire, renforcer le pouvoir d'achat des salariés.
Il me semble inopportun de renoncer au mode de fonctionnement de la CNSA, qui réunit l'ensemble des acteurs du terrain, notamment les représentants des associations, dont le rôle dans ce secteur est essentiel, au profit d'une gestion paritaire.
Le département, sorte de pilote auprès duquel est déconcentrée une fraction significative des moyens permettant la prise en charge de la dépendance et du handicap, s'est investi avec succès dans le dispositif. Pourquoi remettre en cause ce qui fonctionne ?
Pour toutes ces raisons, je considère que la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale ne doit plus être envisagée.
Par ailleurs, cette politique de prise en charge généreuse a bien évidemment un coût. Comment allons-nous donc faire face aux dépenses croissantes engendrées par la solidarité ? En 2005, il a été décidé de financer la politique du handicap par la solidarité, c'est-à-dire par l'augmentation du temps de travail. Suivant l'exemple de l'Allemagne, qui finance depuis plusieurs années l'autonomie des personnes âgées par la suppression d'un jour férié, nous avons retenu cette option originale, qui consiste à solliciter des salariés français le sacrifice d'un peu de leurs loisirs pour permettre à leurs aînés et aux personnes souffrant d'un handicap de vivre dans des conditions plus dignes et de bénéficier d'un confort qu'ils souhaiteront demain pour eux-mêmes.
Ce choix de renoncer à l'un des onze jours fériés existants était d'autant plus symbolique que c'était la première fois, depuis plus de vingt ans, que la durée du temps de travail en France était majorée, en application d'une décision législative.
Nous avons, par ailleurs, une large marge de manoeuvre, puisque la France a la caractéristique d'être à la fois l'un des pays où l'on travaille le moins et où les salariés sont les moins nombreux, une autre forme d'exception ! En tout état de cause, l'extension, voire la préservation, d'un système de protection sociale généreux ne peut être financée, à long terme, que par l'accroissement de la production de richesse généré par le travail. Il est donc clair, selon moi, que l'on ne peut préserver durablement un niveau élevé de protection sociale et demeurer l'un des pays développés où l'on travaille le moins.