Cela ne doit pas nous empêcher de faire des suggestions que vous pourriez peut-être reprendre à votre compte, monsieur le ministre délégué. Si vous nous aviez écoutés à certains moments et accepté certains de nos amendements, vous n'en seriez peut-être pas là !
À la veille de l'élection présidentielle, je ne doute pas que ce bonus sera certainement apprécié et je suis heureux qu'il soit acquis. Mais il reste beaucoup à faire dans le domaine des ressources. Bien du temps aurait été gagné si nos propositions avaient été suivies et si nos amendements avaient été adoptés lors de l'examen de la loi.
Chacun se souvient des longs débats que nous avons eus dans cet hémicycle sur la question des conditions de ressources.
En matière éducative, les insuffisances sont tout aussi criantes : la loi ne vise que l'inscription administrative obligatoire en milieu ordinaire tandis que les établissements scolaires et universitaires restent majoritairement inaccessibles.
De plus, l'intégration scolaire des personnes les plus lourdement handicapées serait facilitée s'il n'y avait pas une pénurie d'accompagnants. Les parents d'enfants handicapés accueillis en milieu ordinaire s'accordent à dénoncer un problème similaire : le manque de formation des auxiliaires de vie scolaire qui leur sont dédiés.
Il faut réfléchir en amont à des méthodes permettant de mieux former les enseignants, qui, à leur tour, formeront mieux les enfants. C'est le moyen de relever le défi de l'accès à l'éducation pour les personnes handicapées.
D'autres mesures prévues par la loi se heurtent à des problèmes de financement : la prestation de compensation du handicap, la PCH, qui se substitue aux différentes aides à la personne précédentes, couvre un champ de bénéficiaires beaucoup plus large. Comme l'ont rappelé nos collègues de l'UC-UDF, les conseils généraux sont inquiets car cela nécessite des moyens en personnels et une technicité dont beaucoup de collectivités ne disposent pas encore.
Alors même que la condition de taux a été supprimée et que les barrières d'âge doivent disparaître d'ici à un an, alors même que les ressources prises en compte sont limitées au maximum, les montants pris en charge dans le cadre de la PCH, tels qu'ils sont prévus dans les décrets, restent dans l'ensemble loin de la prestation universelle souhaitée par les personnes handicapées.
Je reviens un instant sur la question des barrières d'âge, notamment celle qui concerne les enfants - nos collègues savent que c'est un sujet qui me tient à coeur.
Il avait fallu de longs débats pour que la PCH soit étendue aux enfants titulaires du sixième complément d'AES. Alors que la différence en termes de handicap entre les enfants relevant du cinquième complément et ceux qui relèvent du sixième est faible, la différence de traitement en termes de prestation est de fait devenue importante.
Ne perdons pas de temps et abolissons enfin cette barrière de l'âge ! D'ailleurs, où en est le travail que votre ministère devait faire sur ce sujet ? En effet, vous vous étiez engagé à l'époque à nous apporter des réponses.
D'autres volets de la loi du 11 février 2005 restent en souffrance. L'emploi et la formation en font partie.
Le taux de chômage des personnes handicapées est encore deux fois plus important que le taux chômage national - 20 % contre 9 %. C'est pour cette raison, monsieur le ministre délégué, que vous venez de présenter un plan national pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées comprenant une quinzaine de mesures qui visent à instituer un parcours professionnel pour chaque personne handicapée et à mobiliser les différents acteurs concernés.
À la demande de notre collègue Annie Jarraud-Vergnolle, je voudrais dire un mot des personnes handicapées psychiques.
Les actions d'appui spécifiques aux travailleurs handicapés qui ont été expérimentées dans les années 1990, validées et confortées après 2001, voient aujourd'hui leur existence remise en cause. En effet, le fonds social européen, qui les cofinancait aux côtés de l'État et de l'AGEFIPH, a décidé de se retirer. Ces actions, mises en place dans le cadre des programmes départementaux d'insertion des travailleurs handicapés, avaient nécessité un diagnostic territorial d'étude des besoins des travailleurs handicapés présentant un problème psychique, afin de les accompagner vers une insertion ou une réinsertion dans l'emploi. Chaque année, plus de la moitié des bénéficiaires, souvent très éloignés de l'emploi - cinq à dix ans de chômage, voire davantage - se réinsèrent ainsi dans la vie professionnelle. Il serait donc primordial que soit signée avec l'État une convention pluriannuelle, contrôlée et évaluée, permettant la poursuite de ces actions d'insertion auprès d'un public handicapé particulièrement fragile.
Car en fait, dans le domaine de l'emploi et de la formation, le budget pour 2007 de la mission « Travail et emploi » donne d'ores et déjà un signe particulièrement négatif puisqu'il prévoit une baisse de 20 % de l'enveloppe relative à la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle. Cela touchera directement les travailleurs handicapés en reconversion professionnelle, dont l'accès à la formation pourra ainsi être partiellement remis en cause.
En ce qui concerne les moyens mis à la disposition des établissements et services d'aide par le travail, les ESAT, les décrets relatifs à la fixation du montant de l'aide au poste pour les entreprises adaptées ne sont pas à la hauteur des besoins. Ce montant forfaitaire est insuffisant, ce qui pourrait conduire certaines entreprises adaptées à de très graves difficultés. De plus, la lente mise en oeuvre du dispositif réglementaire a occasionné des charges financières très lourdes pour les entreprises adaptées : les aides de l'État ont en effet été revues à la baisse par rapport à ce qui avait été décidé lors de la phase de concertation et les retards de paiement des aides au poste forfaitaires ont été très fréquents.
L'accessibilité est encore loin d'être acquise pour les personnes en situation de handicap. Les efforts faits par les pouvoirs publics et les opérateurs de transports collectifs sont très inégaux. Pour cette raison, j'avais suggéré à l'époque que les délais soient raccourcis. Cela n'avait pas été accepté, mais je persiste à penser que nous aurions été bien inspirés de le faire pour forcer la main des opérateurs.
Certes, il faudra du temps pour rendre accessible l'existant. Mais ce qui est plus inquiétant encore, monsieur le ministre délégué, c'est que trop d'équipements neufs ne sont pas encore vraiment accessibles.
L'accès à la cité, c'est l'élément indispensable pour garantir une réelle participation des personnes handicapées à la vie commune de notre société. On ne peut pas seulement compter sur les nouvelles technologies, si précieuses soient-elles, pour sortir les personnes en situation de handicap d'un certain isolement.
En parlant d'accessibilité, je voudrais dire un mot sur un point qui me tient particulièrement à coeur : le sous-titrage et l'audiodescription des programmes télévisés.
Au terme de débats difficiles, la loi a finalement prévu un délai de cinq ans pour rendre les programmes télévisés des chaînes publiques ainsi que des chaînes du câble et du satellite accessibles aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles et malvoyantes. Un rapport sur le développement de l'audiodescription des programmes télévisés devait également être présenté au Parlement dans un délai d'un an après la publication de la loi. Il ne l'est toujours pas. En disposerons-nous, monsieur le ministre délégué ?
Les efforts de certaines chaînes sont incontestables, mais restent insuffisants. Or il me semble que l'année électorale qui s'ouvre devrait être l'occasion d'amplifier l'effort dans ce domaine, notamment en ce qui concerne le sous-titrage des émissions d'information et de débats politiques.
Les personnes en situation de handicap doivent pouvoir exercer leur citoyenneté de manière éclairée. Elles doivent aussi pouvoir se rendre dans les bureaux de vote : le décret devant préciser les conditions d'accessibilité des bureaux et techniques de vote, lui non plus, n'a pas encore été publié à ma connaissance. Il devient donc urgent de le faire, monsieur le ministre délégué.
Ainsi, alors même que l'intégration des personnes handicapées dans notre société était un chantier prioritaire, alors même que cet objectif faisait largement consensus, nous ne pouvons que constater que la loi et sa concrétisation sont encore très en deçà des ambitions affichées.
Vous pourrez remarquer, monsieur le ministre délégué, que nous n'avons pas versé dans la polémique et que nous avons essayé d'apporter notre pierre à l'édifice indispensable que constitue la loi en faveur de nos concitoyens souffrant de handicap.