Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'ai bien compris l'ensemble des orateurs qui m'ont précédée, ce débat s'inscrit dans la continuité de l'histoire du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Telle est, en tout cas, notre volonté commune.
En 1982, le système français d'assurance contre les catastrophes naturelles, alors inédit - je crois qu'il l'est encore à ce jour en Europe - est né d'une proposition de loi d'origine socialiste. Aujourd'hui, c'est une initiative parlementaire qui entend l'améliorer. Je n'aurais garde d'oublier la proposition de loi de M. Biwer, qui a eu le mérite, en son temps, de réagir dans l'urgence. Le groupe socialiste a pris utilement sa part, dès lors qu'il a constaté que le Gouvernement n'était pas en mesure de répondre à l'interrogation des familles, et je remercie mon groupe de nous avoir autorisés, mes collègues Daniel Reiner, Jean-Pierre Sueur et moi, à déposer cette proposition de loi dans les délais les plus rapides.
En conformité avec la philosophie qui avait présidé à l'élaboration de la loi de 1982, je tiens à souligner notre attachement au principe de solidarité nationale. Ce principe de solidarité est d'ailleurs solennellement affirmé dans le préambule de la Constitution de 1946 : « la Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales. » Il n'est donc pas question de remettre en cause l'organisation de ce régime, qui repose à la fois sur la solidarité nationale de l'Etat et sur un mécanisme assurantiel. Il est question aujourd'hui de modifier la procédure de reconnaissance par l'Etat de l'état de catastrophe naturelle qui - c'est peu de le dire - a été inopérante à la suite de la canicule de l'été 2003.
La proposition de loi que nous avons déposée est en partie reprise dans le texte soumis aujourd'hui à notre examen. J'en remercie notre rapporteur. Je rappelle les trois objectifs assignés à cette proposition de loi : la transparence, l'équité et la responsabilisation des acteurs.
Il faut savoir que 7600 communes ont déposé un dossier en préfecture et que trois arrêtés successifs ont été nécessaires pour que, à ce jour, 2939 d'entre elles voient leur dossier accepté. Pour les 4661 autres communes, notre devoir de sénateurs, en tant que représentants des collectivités territoriales, est de veiller à ce qu'elles soient informées sur l'élaboration de décisions qui les concernent. Je remercie le ministre de l'intérieur qui, sous notre aimable pression collective et nos demandes répétées lors de nombreuses séances de questions d'actualité au Gouvernement, a bien voulu nous donner aujourd'hui le détail des mesures qu'il compte prendre, même si, in fine, le compte n'y sera pas.
Les victimes des catastrophes naturelles qui, de bonne foi, souscrivent une assurance découvrent en effet qu'elles n'ont aucune garantie quant à la prise en compte de leurs intérêts, quant aux critères en fonction desquels sont pris les arrêtés interministériels et quant aux délais d'attente.
Précisément pour que les décisions prennent en compte les intérêts de tous les acteurs, nous avons voulu créer un conseil national et des commissions départementales, composés de représentants de l'Etat, mais aussi de représentants des élus, des sinistrés et des assureurs. Dans ce système, la décision finale, si elle continue d'appartenir à l'Etat, ne sera plus prise sans concertation, loin de la réalité que vivent ou plutôt que subissent les sinistrés.
Le rapporteur de la commission des affaires économiques a repris une partie de ces propositions, ce dont je le remercie. Cependant, nous présenterons des amendements visant à rétablir le conseil national.
Venons-en aux critères. La poésie revenant à la mode en politique, « critères », jusqu'à présent, a rimé avec « mystères ». Ces critères existent, mais personne ne les connaît. J'en veux pour preuve que le ministre nous annonce que 925 communes seront à nouveau reconnues en état de catastrophe naturelle grâce à une extension des critères. Mais, dans la mesure où nous ne connaissions pas les anciens critères, le flou demeure. C'est pour cette raison que nous avons voulu que ceux-ci apparaissent clairement dans l'avis motivé rendu pas le conseil national dont nous demandons la création.
Enfin, concernant les délais, la loi de 1982 est claire : un délai encadre la procédure. Le quatrième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances dispose en effet que l'arrêté interministériel doit être publié dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes en préfecture. Or les arrêtés de reconnaissance ont été publiés le 25 août 2004, le 1er février 2005 et le 30 mai 2005. Ainsi, deux ans d'attente auront été imposés aux victimes, au mépris de la loi. Cet écart n'est pas acceptable. Ainsi que vous l'avez écrit dans votre rapport, monsieur Biwer, « il doit être dénoncé ». Notre proposition de loi vise donc à supprimer tout délai supplémentaire accordé au Gouvernement dès lors que la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dépasse deux mois.
Au demeurant, nous avons remarqué que, pour la sécheresse de 2003, le Gouvernement n'a pas invoqué cette exception pour justifier sa décision tardive. Force est de constater qu'il a purement et simplement violé la loi. Maintes fois interrogé par les parlementaires durant ces deux années, le ministre de l'intérieur a beau jeu de répondre que, s'il avait respecté le délai de trois mois, cela l'aurait conduit à ne reconnaître aucune des communes demanderesses. Mais, dans un Etat de droit, les lois doivent être respectées par tous et, en premier lieu, par celui qui en est le garant, à savoir l'Etat.
Si ces lois s'avèrent imparfaites, changeons-les ! C'est ce que nous avons voulu faire. Nous pensons qu'il vaut mieux modifier la loi sans tarder plutôt que de laisser ouvrir une brèche judiciaire. Dans mon département, la Seine-et-Marne, les maires, regroupés en collectifs, attaquent l'Etat devant le tribunal administratif.
Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous entendiez les parlementaires, qui sont certes motivés par l'amélioration du droit, mais qui ont aussi écouté les sinistrés, aujourd'hui regroupés en associations. Certaines familles vivent douloureusement cet état d'incertitude et la dégradation de leur bien, laquelle ne s'est pas arrêtée au mois d'août 2003. Ce bien représentant souvent le fruit de toute une vie de travail, elles ressentent une profonde injustice devant le sort qui lui est fait. Quant aux maires, ils sont désemparés devant une procédure qui leur échappe, devant l'opacité des décisions- quand elles interviennent -, qui leur apparaissent souvent incohérentes d'une commune à l'autre.
Il faudra sans doute renforcer la responsabilité des acteurs - nous évoquerons cette question au cours du débat -, celle des constructeurs, de même que les responsabilités individuelles. La proposition du rapporteur de dresser rapidement une cartographie nationale visant à prévenir les risques est une très bonne chose.
Je voudrais dire un mot sur la responsabilité de l'Etat. Le Commissariat général du plan a publié en juin les conclusions provisoires d'un exercice prospectif réalisé sous la responsabilité de MM. Jean-Paul Betbèze et Guilhem Bentoglio et consacré au risque assurantiel. Il y est écrit - ce à quoi je souscris - que l'Etat doit mieux gérer les risques liés aux catastrophes. Au demeurant, Mme Didier a eu raison d'y adjoindre le risque climatique, avéré à ce jour.
En 2004, le seuil prévisionnel d'intervention de l'Etat pour les catastrophes naturelles se montait à 654 millions d'euros. Certes, le risque est par définition difficile à évaluer, mais la nouvelle comptabilité de l'Etat et la réforme budgétaire qui est intervenue avec la loi organique relative aux lois de finances devraient faciliter cette évaluation. Il y va de l'intérêt des finances publiques, de l'intérêt du système assurantiel, auquel nous sommes attachés.
Nous attendons du Gouvernement qu'il s'engage à inscrire le texte qui sortira de nos travaux à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et que le débat aille à son terme.