Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 16 juin 2005 à 10h00
Catastrophes naturelles et mouvements de terrain — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question qui nous réunit ce matin est importante. Elle préoccupe beaucoup d'élus locaux et un grand nombre de nos concitoyens.

Finalement, la question principale qui est aujourd'hui posée est celle de la bonne application du principe d'égalité. Je ne prendrai qu'un exemple pour illustrer mon propos.

J'ai l'honneur de représenter ici le Loiret, lequel compte 334 communes ; 198 d'entre elles ont demandé que leur soit reconnu l'état de catastrophe naturelle en vertu de la loi de 1982. A ce jour, seules treize communes ont bénéficié de cette reconnaissance. J'espère vivement que beaucoup d'autres seront inscrites sur les listes complémentaires dont vous nous avez annoncé l'établissement il y quelques minutes.

Nous savons ce qu'a été la météorologie au cours de l'été 2003. Il est difficile d'imaginer que, dans tel canton, elle ait été plus rude que dans le canton voisin. Nous connaissons aussi quelque peu l'état du sol et la géologie. Aussi, je serais très heureux que vous veniez dans notre département pour nous expliquer pourquoi la commune de Dammarie-sur-Loing fait partie des treize communes qui ont eu l'honneur de bénéficier de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, contrairement à la commune de Beauchamp-sur-Huillard. Nous entendrions avec intérêt vos explications.

En tout cas, si vous vous trouviez devant les représentants des 198 communes qui ont fait la même demande, vous auriez bien du mal à justifier le fait de n'en retenir que treize.

Si Mme Nicole Bricq, M. Daniel Reiner et moi-même ainsi que plusieurs autres de nos collègues avons déposé une proposition de loi et si M. Biwer, de son côté, en a déposé une autre, c'est, d'abord, pour que l'on aborde le sujet des catastrophes naturelles et les circonstances particulières de l'année 2003.

Bien des questions ont été posées et vous êtes, je crois, le quatrième ministre qui s'exprime devant nous sur ce sujet.

Répondant à M. Mortemousque, M. de Villepin, qui était alors ministre de l'intérieur, a déclaré, le 20 janvier 2005 : « A ma demande, M. le Premier ministre a accepté de prendre en compte les situations personnelles. Nous allons donc d'ici au 15 février définir de nouveaux critères. »

Je me suis permis, le 3 mars dernier, dans cette enceinte, d'interroger le ministre. C'est Mme Marie-Josée Roig qui m'a répondu en disant qu'en fait nous avions mal compris, que le 15 février était la date à laquelle un premier rapport devait être remis au ministre, ce qui fut fait. Elle concluait sa réponse en disant : « Soyez assuré, monsieur le sénateur, de notre vigilance pour apporter la réponse la plus rapide possible. »

Insistant de nouveau le 8 mars, à l'occasion d'une question orale, M Biwer entendait Mme Marie-Josée Roig lui répondre : « Nous analysons actuellement les conclusions du rapport qui nous permettront de définir une méthode totalement nouvelle de mesure de la gravité des dommages subis par les habitations et de leur lien précis avec la sécheresse de l'été 2003. Ce travail est aujourd'hui prêt d'aboutir. »

Nous sommes au mois de juin et vous venez, monsieur le ministre, de nous faire un certain nombre d'annonces.

Il est bien sûr positif que le dossier avance et que le nombre des communes déclarées sinistrées en vertu de la loi de 1982 soit aujourd'hui passé de 2 939 à 4 275, si j'ai bien compris. Cela dit, nous sommes très attachés au respect du principe d'égalité. Or, malheureusement, comme l'a excellemment dit Mme Bricq, nous ne connaissons pas les critères retenus pour le classement.

Vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que, si l'on avait appliqué les critères de 2002, seules 200 communes auraient été reconnues. Mais comme nous ignorons tout des critères de 2002, comme d'ailleurs de ceux de 2003, nous ne sommes pas en mesure de contredire vos déclarations. Nous resterons donc sceptiques tant que nous n'aurons pas connaissance de ces critères.

M. de Montesquiou a, quant à lui, demandé communication des rapports des inspections et il me semble que, dans une démocratie au sein de laquelle la transparence est une qualité importante, nous devrions bénéficier de la lecture de ces rapports.

D'où une première interrogation : êtes-vous sûr, monsieur le ministre - et comment pouvez-vous l'être ? -, que les nouvelles communes qui s'ajouteront aux 2 939 communes déjà déclarées seront retenues sur des critères objectifs et qu'elles méritent davantage de l'être que celles, également très nombreuses, que vous allez écarter ? C'est une question importante eu égard au principe d'égalité.

Une seconde interrogation se pose quant à la procédure d'examen individuel : elle ne sera pas simple à mettre en oeuvre. La encore, nous serons très attentifs au respect du principe d'égalité entre nos concitoyens. En tout cas, il faudra prendre beaucoup de précautions si l'on veut éviter de susciter un grand nombre de recours et beaucoup de frustrations.

Ces considérations justifient amplement, me semble-t-il, le dépôt de la proposition de loi du groupe socialiste, qui repose sur une analyse de ce qui s'est passé en 2003 et se fonde sur quatre principes, que je vais rapidement développer.

Premier principe : la durée s'écoulant entre la constatation du sinistre et son indemnisation doit être raisonnable.

C'est pourquoi notre proposition de loi prévoit des délais les plus rapides possibles. Certes, comme je l'ai déjà dit, la procédure doit être équitable, ce qui implique de prendre le temps d'analyser les choses, mais des délais trop longs décourageraient nos concitoyens et ne seraient pas compris.

Deuxième principe : la déconcentration.

Vous nous avez déclaré tout à l'heure, monsieur le ministre, que chacune des 7 600 demandes déposées avait été examinée par une commission au plan national et que celle-ci s'était réunie à dix reprises. Donc, cette commission aurait examiné 760 dossiers lors de chacune de ses réunions. Je doute que les choses se soient passées de cette manière ou alors les réunions ont été très longues : ce furent des sessions de plusieurs jours !

En fait, dès lors qu'il y a 7 600 dossiers à examiner au plan national, il semblerait tout à fait raisonnable d'en déconcentrer l'analyse. Nous proposons donc qu'une commission départementale recueille les demandes des communes, qu'elle procède à leur examen avec l'aide des services de l'Etat, de la direction départementale de l'équipement, ce qui conduira le préfet à faire des propositions au ministre. Ce dernier travaillera ainsi à partir de la centaine de rapports, au maximum, qui auront été établis par les préfets.

Troisième principe : l'association de l'ensemble des personnes concernées.

Nous préconisons que soient mises en place des commissions départementales et une commission nationale.

Ces commissions comprendraient : premièrement, des représentants de l'Etat ; deuxièmement, des représentants des élus, tout particulièrement des maires ; troisièmement, des représentants des associations de sinistrés ; quatrièmement, des représentants des assureurs, puisque les assureurs jouent à l'évidence un rôle important en la matière.

Il nous paraît très utile que les quatre partenaires se retrouvent au niveau départemental mais aussi au niveau national. En effet, cette commission nationale, qui, bien entendu, recevra les procès-verbaux des réunions départementales ainsi que les propositions des préfets, pourra tout à fait sur la base de l'ensemble des considérations qui auront été émises au niveau départemental élaborer des critères.

Nous avons bien constaté, à propos du traitement de la situation de 2003, l'incapacité dans laquelle nous nous trouvions d'énoncer de manière claire et explicite les critères qui ont été retenus, si tant est que des critères aient été retenus avec une cohérence manifeste.

Nous avons donc prévu très précisément que cette commission nationale, qui, comme la commission départementale, sera compétente pour toute forme de catastrophe naturelle, émette un avis auprès du ministre compétent. Bien entendu, il n'est pas question de revenir sur la responsabilité de décision qui incombe à l'Etat.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous ne comprenons pas pourquoi vous souhaitez supprimer du dispositif cette commission nationale qui pourra largement contribuer à la définition des critères et qui aura pour mission d'émettre un avis.

Enfin, dernier principe : la transparence.

Que les conclusions des commissions départementales et de la commission nationale soient rendues publiques nous semble constituer une très bonne garantie de transparence démocratique.

Transparence, déconcentration, durée raisonnable, association de l'ensemble des personnes concernées : tels sont les éléments qu'il faut mettre en oeuvre de manière qu'à l'avenir le principe d'égalité, si important s'agissant des catastrophes de l'année 2003, soit toujours respecté.

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