Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est née d'un double constat : d'une part, la France est l'un des pays d'Europe où la surface commerciale par habitant est la plus importante ; d'autre part, les procédures d'autorisation de l'équipement commercial débouchent sur des réponses favorables dans 66 % des cas pour les grandes surfaces alimentaires et dans près de 90 % des cas pour les grandes surfaces non alimentaires.
L'équipement commercial fait l'objet d'un encadrement législatif depuis la loi Royer de 1973. Cette loi a mis en place les commissions départementales d'équipement commercial, les CDEC ; le vote était secret, ce qui ne manquait pas de créer des difficultés. Ce texte a été modernisé par la loi Raffarin de 1996, qui a instauré le seuil des trois cents mètres carrés et a rendu public le vote des commissions départementales d'équipement commercial.
La législation en vigueur a permis que le développement des grandes surfaces, qui était considérable, se fasse de façon plus progressive et rende possible la modernisation et la conversion d'une partie des commerces de proximité.
Le double constat que j'évoquais en préambule prouve néanmoins la nécessité d'adapter ce dispositif. En effet, le taux d'autorisations délivrées à l'heure actuelle par les commissions départementales d'équipement commercial conduira inéluctablement à la disparition du commerce de proximité, aussi bien dans les centres urbains que dans les zones rurales, sachant que, dans ces dernières, la situation est alarmante.
Le prix des produits et le pouvoir d'achat des consommateurs sont incontestablement des éléments auxquels nous devons être très attentifs, mais il faut aussi mesurer le coût exact de l'élimination progressive et continue du commerce de proximité.
A cet égard, je suis convaincu qu'un avenir est possible pour le commerce de proximité, que l'on voit parfois réapparaître dans les zones rurales ou les centres urbains à la faveur d'un renouveau démographique ou d'une opération d'aménagement urbain. Du reste, dans de nombreux départements, se dessine une véritable tendance de migration des villes vers les campagnes.
Un article paru voilà quelques jours dans Le Monde évoquait le cas du Gers : dans ce département, de 1999 à 2004, 500 000 personnes ont quitté les villes pour habiter la campagne et un tiers des habitants interrogés lors d'un sondage ont dit qu'ils feront sans doute de même. Dans de nombreux départements, en particulier celui de la Vienne, que je représente, un certain nombre de villes se vident - cela est dû, notamment, au prix du foncier - et les campagnes se repeuplent, et pas nécessairement dans un rayon proche. Jamais nous n'avons autant financé de constructions, d'agrandissements en milieu rural, ce qui est un signe.
J'en reviens au texte : son objet est non pas de lutter contre les grandes surfaces ou de geler des situations, mais tout simplement de préserver un équilibre qui permette la survie, dans certaines zones, du commerce de proximité.
Je vous présenterai rapidement les conclusions de la commission.
L'article 1er définit cinq grandes exigences que doivent respecter les projets d'équipement commercial. Ces exigences sont volontairement classées par ordre alphabétique, de façon à bien exprimer qu'elles se situent sur un pied d'égalité, ce qui clarifiera beaucoup l'appréciation du juge administratif dans les contentieux.
Première exigence : le maintien d'une concurrence effective. Cela signifie, naturellement, la préservation de la diversité des formes de commerce, mais aussi, au sein même de la grande distribution, le respect des équilibres concurrentiels, aspect qui est de moins en moins bien contrôlé par les CDEC, ce qui a naturellement des conséquences fâcheuses pour les consommateurs.
Les quatre points suivants existent déjà dans le droit en vigueur. Je les rappelle : l'emploi et les conditions de travail des salariés ; l'aménagement du territoire au sens large, ce qui inclut la présence des commerces de proximité et l'animation des centres-villes ; la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme. Je précise que ce dernier point comprend la protection de l'environnement paysager, si souvent affecté avec l'implantation de grandes surfaces aux entrées de villes, et la qualité architecturale, longtemps ignorée dans les projets d'équipement commercial.