Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet que nous évoquons n'est pas nouveau.
Depuis plus de trente ans, la progression de la grande distribution a fait l'objet de plusieurs lois, mais il convient, aujourd'hui, de revoir les dispositifs d'autorisation mis en place au fil des temps, afin que soit atteint un objectif : l'harmonie et l'équilibre du développement commercial.
Cette harmonie a, en effet, été quelque peu mise à mal au cours des dernières décennies. Tandis que la France est devenue le premier pays européen pour la densité de grandes surfaces, avec un hypermarché pour 46 000 habitants et un supermarché pour 10 000 habitants, des phénomènes de désertification des territoires et de dévitalisation des pôles urbains sont observés.
Pour retrouver l'harmonie, il faut conjuguer diversité et complémentarité : diversité et complémentarité des différents types de commerce, diversité et complémentarité de l'offre, diversité et complémentarité des zones périurbaines et des centres-villes, qui ne doivent pas devenir des déserts commerciaux, diversité et complémentarité, enfin, des villes et des campagnes, sans oublier, car ce n'est pas un sujet secondaire, l'harmonie esthétique des abords de nos villes, souvent bien détériorée.
A cette fin, il est proposé, dans ce texte, une réforme du régime des autorisations d'exploitation commerciale issu de la loi Royer du 27 décembre 1973, réforme qui vise à rendre le dispositif actuel plus clair et plus moderne, et à prendre en considération certaines critiques formulées par la Commission européenne.
Elle constitue le premier élément d'une politique plus audacieuse visant à dynamiser le commerce et à mieux l'intégrer au coeur de notre vie quotidienne.
Ce faisant, cette proposition de loi rejoint mon souci de diversifier l'offre commerciale et de maintenir dans nos villes et nos villages un certain commerce traditionnel, qui non seulement entretient une concurrence vivace, mais, de plus, assure des fonctions sociales, humaines, voire culturelles, auxquelles nos concitoyens attachent un très grand prix.
Je veux redonner vie au commerce traditionnel, mais pas nécessairement par des voies traditionnelles : je veux que le commerce revivifie nos centres-villes avec des halles et des marchés, vecteurs de convivialité et de mixité sociale.
J'organiserai, d'ailleurs, dans les prochains jours, une réflexion, d'une part, sur les marchés forains, à l'existence desquels je tiens, et, d'autre part, sur le maintien d'une distribution diversifiée pour les produits frais, qui, dans nos villes, dans nos bourgs, font, bien souvent, la couleur du commerce de détail.
Je serai particulièrement sensible à une solution équilibrée permettant de ne pas trop entraver le développement des surfaces spécialisées, qui se sont beaucoup développées dans les secteurs du bricolage, du jardin, du mobilier, notamment, car ces nouveaux distributeurs favorisent le développement d'une consommation plus importante en volume, mais aussi plus qualitative.
M. le rapporteur a des préoccupations légitimes : les magasins d'usine qui n'ont d'usine que le nom et qui nécessitent une approche moins locale, de même que les très grandes surfaces non spécialisées, et l'esthétique, sur laquelle je compte travailler en proposant une commission élargie, associant, en particulier, des architectes, des urbanistes et des paysagistes, afin de mieux prendre en compte la globalité de l'approche urbaine.
Cette proposition de loi s'inscrit aussi dans le cadre de notre politique de l'emploi, car les simplifications apportées permettront au processus des décisions d'implantations ou d'agrandissement des commerces d'être plus efficace.
J'en viens maintenant, brièvement, aux articles eux-mêmes.
A l'article 1er, les cinq principes retenus pour décider de l'implantation des commerces - situation de la concurrence, développement de l'emploi, aménagement équilibré du territoire, protection de l'environnement et qualité de l'urbanisme, satisfaction des besoins des consommateurs - sont pertinents. Il convient de les placer sur un pied d'égalité. Les prendre en compte permettra non seulement de respecter les critères communautaires, mais aussi d'améliorer le cadre de vie des Français et de favoriser la création de nouveaux emplois.
Au regard des deux critères de base que sont l'état de la concurrence et la présence d'enseignes et de petits commerces, la politique que je défendrai devant la Commission nationale d'équipement commercial, la CNEC, sera très claire : je resterai très attentif au maintien du petit commerce et aux critères de qualité de l'urbanisme et de satisfaction du consommateur.
L'article 2 vise à insister tout particulièrement sur les critères esthétiques, qui sont trop souvent oubliés ; il suffit pour s'en convaincre de regarder les entrées d'un grand nombre de nos villes. Ces critères constituent pourtant un sujet de préoccupation croissant chez nos concitoyens, car avec l'élévation du niveau d'éducation, les Français sont plus sensibles à cet aspect du commerce. Le commerce doit participer à l'amélioration du cadre de vie urbain dans le respect des traditions de chaque terroir.
Sur l'article 3, je veux souligner l'importance des missions des observatoires départementaux d'équipement commercial. En élaborant des schémas de développement commercial, qui contiendront après l'entrée en vigueur de la présente loi des critères qualitatifs d'urbanisme et d'environnement, ces observatoires auront un rôle essentiel à jouer dans la préservation de notre cadre de vie.
Le schéma de développement commercial permet d'organiser une véritable réflexion d'ensemble sur les différents aspects de la vie quotidienne. La France est réputée pour son cadre de vie, elle doit le rester.
En ce qui concerne l'article 5, je crois qu'il faut des critères simples pour définir la compétence respective des commissions départementales et des commissions interdépartementales. C'est un sujet délicat. Définir la compétence des commissions interdépartementales à partir des zones de chalandise risquerait fort d'entraîner de très nombreux contentieux. Aussi, il me semble que le critère de surface - les commissions interdépartementales d'équipement commercial, les CIEC, statuant au-dessus de 6 000 mètres carrés - est un critère objectif et suffisant.
L'article 6 vise à supprimer la dérogation accordée jusque-là aux zones d'aménagement concerté, qui n'étaient pas concernées par les dispositions relatives aux ensembles commerciaux.
Nous risquons, avec cet article, de rompre la relation équilibrée entre la ville et ses commerces, en pénalisant les opérations de restructuration urbaine et de revitalisation des centres-villes qui profitent au commerce indépendant de proximité.
La procédure de zone d'aménagement concerté, la ZAC, prend en compte l'ensemble des aspects et correspond à un objectif de revitalisation des secteurs commerciaux ; il faut donc éviter de la ralentir ou de la dénaturer en lui imposant des contraintes nouvelles. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé l'amendement n° 26, qui tend à retirer cet article 6 de la proposition de loi.
Sur l'article 7, qui prévoit la pénalisation des personnes morales en cas de non-exécution des mesures de fermeture des surfaces exploitées illicitement, j'ai présenté un amendement visant à dépénaliser les infractions, car je suis convaincu qu'une astreinte journalière forte est beaucoup plus dissuasive et qu'elle respecte davantage la logique économique.
L'article 10, quant à lui, détermine les règles de vote au sein des CDEC et des CIEC. Pour les CDEC, cinq votes favorables sont nécessaires à l'autorisation d'un projet. Quant aux CIEC, huit votes favorables sont nécessaires pour les CIEC à deux départements, et pour ceux qui réunissent les représentants de plus de deux départements, les votes favorables des deux tiers des membres sont requis.
Cette procédure me semble trop lourde, compte tenu des enjeux économiques et politiques des dossiers débattus au sein de ces commissions. L'exigence d'une forte majorité pouvant aller jusqu'à deux tiers des membres risque de ralentir, voire parfois de paralyser complètement le fonctionnement des commissions et de compromettre ainsi le dynamisme commercial. Je vous proposerai donc un amendement permettant de simplifier cette procédure de vote et j'entends que nous puissions ensemble, d'ici à la prochaine lecture à l'Assemblée nationale, réexaminer cette question.
L'article 12 vise à modifier la composition de la Commission nationale d'équipement commercial, qui passe de huit membres à neuf membres. Elle est désormais composée de six personnalités qualifiées, désignées par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil économique et social, et par trois ministres, ainsi que de trois membres issus des corps d'inspection et de contrôle.
Cette représentation élargie de la Commission nationale correspond au souci du Gouvernement d'avoir la garantie, par le choix de représentants jouissant d'une compétence, d'une notoriété et d'une neutralité certaines, que l'intérêt général primera les intérêts particuliers.
Encore une fois, je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir travaillé sur ce sujet difficile, d'avoir mené à bien de nombreuses consultations en prenant le temps nécessaire à la réflexion, et de nous avoir réunis aujourd'hui par l'examen de votre proposition de loi sur un sujet qui méritera d'être approfondi.