Ma question, qui s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, pourrait surprendre et paraître subalterne à tous ceux qui, en cette période de disette financière, ne s’intéressent plus qu’à l’immédiateté de nos décisions.
Nous connaissons tous le rapport de la Cour des comptes sur les ventes des biens de l’État et le produit dérisoire de celles-ci, lequel avait, pour partie, vocation à rembourser la dette de l’État, dont on connaît aujourd'hui l’explosion.
La Cour des comptes souligne notamment des opérations manquant de transparence, des conditions de vente parfois discutables, ainsi que des circuits financiers complexes impliquant des sociétés étrangères.
Certes, je ne saurais contester l’opportunité de ces ventes, bien que l’on puisse regretter la privatisation de certains bijoux de famille. Mais s’il est un diamant rare qui ne saurait, en aucun cas, être soustrait à la gestion de la puissance publique, c’est bien l’hôtel de la Marine, dont la presse évoque régulièrement le changement de destination et la multiplication des projets le concernant !
Quand, la nuit, on observe de la rive gauche la place de la Concorde et que brillent de tous leurs feux les colonnades de l’hôtel Crillon, on se plaît à rêver que le même éclat soit accordé à cet immeuble aujourd’hui endormi dans une semi-obscurité.
Qui pourrait imaginer un seul instant le général de Gaulle ou François Mitterrand donnant leur aval au projet de démantèlement du palais Gabriel !
On connaît les réserves que la Commission nationale des monuments historiques a exprimées à propos de la future destination de ce bien, ainsi que celles des associations de défense qui souhaitent conserver intact l’un des rares palais ayant symbolisé une période durant laquelle notre pays était la première puissance du monde.
Or, de quoi nous parle-t-on ? D’appels d’offres, d’obligations de service public, d’hôtellerie de luxe, de « Villa Médicis du XXIe siècle », de concepts fumeux ou de projets qui n’ont pour seul objet que de soustraire à la souveraineté de l’État un bien qui n’a pas de prix !
Monsieur le ministre, vous comprendrez, dès lors, notre émotion, que je devine partagée sur bien des travées de cette assemblée.
Aussi dites-nous qu’aucune cession, qu’aucun bail, qu’aucun projet, de quelque nature qu’il soit, ne viendront, demain, porter atteinte à la destination publique de ce palais, où tant de pages de notre histoire se sont écrites depuis deux siècles et qui appartient à la nation tout entière.