Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 14 mai 2008 à 16h00
Politique étrangère de la france — Débat organisé à l'initiative d'une commission

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

En 2006, lors de l’invasion absurde et catastrophique du Sud-Liban par l’armée israélienne, la France avait d’abord exigé un cessez-le-feu immédiat. Notre alignement, ensuite, sur les États-Unis fut une erreur. Dans cette région du monde tellement complexe, où la violence constitue souvent la réponse à un désaccord ou à un incident, l’expérience nous a appris qu’il fallait rechercher le consensus, quitte à faire des sacrifices.

On peut regretter qu’ait été interrompu sine die le dialogue avec la Syrie ; on peut également regretter que le dialogue soit si mesuré avec l’Iran. Car si on ne parle pas, que fait-on ?

Nous avons sans doute commis une faute – les affrontements armés interlibanais viennent le confirmer –, en n’exploitant pas au mieux l’arbitrage du Premier ministre et ministre des affaires étrangères du Qatar, Cheikh Hamad Bin Jassem Bin Jabor Al-Thani, pour sortir le Liban de la crise institutionnelle et en préférant une politique très proche de celle des États-Unis, alors que nous connaissons beaucoup mieux qu’eux cette partie du monde.

Je vous ferai part, mes chers collègues, d’une interrogation. L’implantation d’une base à Abou Dabi peut satisfaire notre aspiration à conforter nos positions dans la région. Cette décision a pu aussi être appréciée par le Qatar, siège de la plus grande base américaine au Moyen-Orient, Al-Oudeid, mais que ferons-nous si les États-Unis décident, unilatéralement, d’un conflit avec l’Iran ? Que répondrons-nous s’ils souhaitent utiliser notre base comme relais ? Je rappelle que 9 000 sociétés iraniennes ont leur siège à Dubaï, à quelques kilomètres d’Abou Dabi, et que l’Iran peut bloquer à tout moment le détroit d’Ormuz.

L’OTAN a-t-elle encore un objet ? L’adversaire, ou plutôt l’ennemi désigné, le Pacte de Varsovie, n’existe plus. N’est-ce pas le moment, alors qu’il est de plus en plus question de rallier le commandement intégré, de redéfinir les objectifs de l’OTAN ? Il n’est pas possible de faire croire à la Russie que le fait d’y intégrer l’Ukraine ou la Géorgie et d’installer en Tchéquie ou en Pologne des batteries antimissiles visant à se prémunir contre une attaque iranienne potentielle, ou plutôt improbable, sont des gestes amicaux !

Le vrai danger n’est-il pas le terrorisme international ? L’intégration de la Russie n’est-elle pas une réponse, peut-être provocatrice aux yeux de certains, mais en fait équilibrée et apaisante, déjà présentée par le président Poutine, et envisagée un moment par les États-Unis ?

Par ailleurs, l’OTAN, telle qu’elle existe, ne serait-elle pas un obstacle à la construction d’une défense européenne, dans la mesure où certains membres de l’Union européenne considèrent que l’organisation en tient lieu ?

Notre histoire nous a appris que, pour peser, notre diplomatie devait évoluer, comme les forces qui modifient les équilibres du monde. Or il ne semble pas que la diplomatie française ait accompli sa révolution culturelle.

Monsieur le ministre, vous devez mettre en œuvre une politique à la fois fidèle à nos principes et plus imaginative. Notre politique étrangère est, par tradition, soutenue par tous les groupes politiques de notre assemblée. Vous perpétuerez cette tradition en impulsant une indispensable réforme.

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