Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 14 mai 2008 à 16h00
Politique étrangère de la france — Débat organisé à l'initiative d'une commission

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

L’adoption du mandat par les Vingt-Sept pourrait permettre de lancer enfin les négociations sur le nouvel accord, qui débuteraient véritablement sous la présidence française. Monsieur le ministre, quels axes la présidence française privilégiera-t-elle concernant le contenu du futur accord ? Je pense notamment au développement des relations économiques, à l’énergie ou encore à la coopération technologique.

Pourquoi ne pas envisager aussi de supprimer à terme l’obligation de visa ? Je vous rappelle, mes chers collègues, que la Russie est, avec plus de 400 000 visas délivrés annuellement à ses ressortissants, le pays auquel la France accorde le plus grand nombre de visas, devançant les pays du Maghreb. Pourquoi ne pas créer un véritable espace de libre circulation des personnes entre l’Union européenne et la Russie ? Le ministère des affaires étrangères semble d’ailleurs y être favorable. Cela permettrait de favoriser les échanges entre les citoyens et la mobilité des étudiants et des chercheurs, ainsi que de multiplier les contacts au niveau de la société civile.

C’est aussi le meilleur moyen de faire progresser la démocratie et les droits de l’homme en Russie, ce qui constitue un élément important.

La présidence française doit donc nous permettre de donner un nouveau souffle à la politique étrangère et à la politique européenne de sécurité et de défense.

Faisons le pari que l’Union européenne peut offrir une perspective européenne aux pays des Balkans, qu’elle peut contribuer à la stabilité en Afrique, qu’elle a un rôle à jouer dans le règlement du conflit au Proche-Orient, qu’elle peut entretenir des relations étroites avec les États-Unis, mais sur un pied d’égalité, et qu’elle peut nouer un véritable partenariat stratégique avec la Russie.

Ce n’est que de cette manière que nous parviendrons réellement à faire de l’Union européenne une « Europe puissance », capable de faire entendre sa voix dans la mondialisation.

Le renforcement de la défense européenne participe également à la mise en place d’une politique étrangère commune à l’échelle européenne. Dans cette optique, il est nécessaire de clarifier la position française à l’égard de l’OTAN, comme le souhaite le Président de la République ; sinon, on ne pourra pas progresser vers une politique européenne de sécurité et de défense réellement autonome.

Cela suppose non seulement de définir clairement les objectifs et le périmètre géographique de l’OTAN, ainsi que les rapports entre cette organisation et l’Union européenne, qui constituent les deux piliers de la sécurité européenne, mais aussi de reconnaître à la Russie une place dans l’architecture de la sécurité européenne et de ne plus la considérer comme un adversaire potentiel.

La réflexion qui préside à l’élaboration du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale doit tenir compte de ces considérations.

Nous comptons donc sur vous, monsieur le ministre, pour faire avancer ces sujets, qui répondent à de fortes attentes des citoyens.

À cet égard, la réussite de la présidence française dépendra beaucoup – et le Président Sarkozy l’a bien compris – de la solidité de l’axe franco-allemand. N’oublions pas que, si l’Europe a pu sortir de la crise dans laquelle elle était plongée depuis deux ans, à la suite des référendums négatifs français et néerlandais sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe, c’est grâce à la relance du couple franco-allemand. Certes, le couple franco-allemand n’est plus suffisant pour entraîner une Europe à vingt-sept, mais il en reste le seul moteur, et ne serait-ce que l’apparence d’une divergence entre la France et l’Allemagne est, à coup sûr, le plus efficace des freins à la construction européenne.

Pour terminer, je citerai Fernand Braudel : « La seule solution d’une certaine grandeur française, c’est de faire l’Europe. »

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