Intervention de Didier Boulaud

Réunion du 14 mai 2008 à 16h00
Politique étrangère de la france — Débat organisé à l'initiative d'une commission

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud :

Monsieur le ministre, le jeu en valait-il la chandelle ?

Depuis le sommet de Bucarest, qui a précipité sa décision, le Parlement de Macédoine s’est autodissous. Les prochaines élections auront lieu le 1er juin. La rivalité non éteinte entre les communautés albanophones et macédoniennes est ravivée dans ce scrutin. Les albanophones se demandent déjà si, en fin de compte, il n’aurait pas mieux valu pour eux de rester plus proches de leurs voisins et frères kosovars ou albanais ou de s’en rapprocher dans l’avenir.

En outre, pendant que la Macédoine se consacrera au processus électoral, elle perdra un temps précieux, pourtant nécessaire pour pouvoir rendre, fin septembre, un dossier complet et argumenté à Bruxelles en vue de sa future adhésion à l’Union européenne.

Monsieur le ministre, je me demande si, au Quai d’Orsay, quelqu’un est en mesure de cautionner ce choix de la France. Que s’est-il passé entre la rive gauche et la rive droite ? Aurait-on englouti les espoirs de la Macédoine dans la Seine, au risque d’introduire dans ce pays si fragile des Balkans un nouveau risque de déstabilisation, dont la région n’a nul besoin ?

Nos amis américains ne s’y sont pas trompés, eux, car ils connaissent et mesurent les enjeux. Au moment où ils sont en train d’installer l’une de leurs ambassades les plus gigantesques à Skopje, à quelques kilomètres seulement de la base aérienne déjà en place au Kosovo, ils viennent de signer un accord de partenariat bilatéral avec la Macédoine dans le domaine militaire. C’est sans doute un geste de consolation à l’égard de nos amis macédoniens, en attendant des jours meilleurs pour ce petit pays, qui espère par ailleurs tant de la France, alors même qu’aucun ministre français ne s’y est rendu depuis plus de cinq ans, quand tous les autres pays qui comptent en Europe ne cessent d’y faire défiler leurs représentants !

Monsieur le ministre, je terminerai par une recommandation et une proposition.

La défense européenne piétine. À la veille de la présidence française, j’aimerais connaître les initiatives que la France proposera à l’Europe dans ce domaine, en particulier en matière d’industrie et de recherche de défense.

Je crains que la France, avec sa politique atlantiste, ne soit pas à l’heure actuelle en position de force pour séduire ses partenaires en matière de défense européenne. Avez-vous des propositions à nous présenter, monsieur le ministre, qui offrent d’autres perspectives que la simple résignation « OTANienne » ?

Nous savons que de nouvelles coopérations sont nécessaires, notamment dans le domaine de la sécurité ; nous savons tous que nos intérêts de sécurité ne sont pas dissociables de ceux de l’Europe.

Face aux différentes menaces, telles que le terrorisme et la prolifération nucléaire, mais aussi face aux risques climatiques et industriels, la coopération européenne civile et militaire est la rançon du succès.

J’ai le sentiment que la prochaine présidence française s’annonce avare de propositions nouvelles, mais j’espère me tromper.

En tout état de cause, je vous soumets l’idée suivante : la mise en place, sous la présidence française, d’une grande réunion de concertation sur la recherche duale, civile et militaire, regroupant tous les pays qui souhaitent y prendre part, sans exclusions, mais sans fausse attente d’un unanimisme paralysant. Elle intégrerait les industriels et les syndicats, les chercheurs et les laboratoires – tous y participeraient volontiers, j’en suis sûr – et permettrait de choisir deux ou trois grands programmes structurants, duaux – civils et militaires –, d’intérêt général, touchant aux technologies du futur dans le domaine spatial.

Il faut, en effet, discuter des priorités, choisir les programmes, prévoir un budget adéquat et équitablement partagé, et le plus tôt serait le mieux, monsieur le ministre !

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