Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 14 mai 2008 à 16h00
Politique étrangère de la france — Suite d'un débat organisé à l'initiative d'une commission

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Vous ne vous étonnerez donc pas, monsieur le ministre, que l’élue des Français de l’étranger que je suis ne puisse s’empêcher d’évoquer les inquiétudes ainsi qu’une certaine amertume de nos compatriotes établis hors de France.

Les Français à l’étranger sont le meilleur atout de la France hors de ses frontières. Ils sont des relais d’opinion, des vecteurs d’influence, mais ils se sentent encore trop souvent ignorés, voire parfois méprisés, et ce malgré de notables progrès. Il ne faut en tout cas pas qu’ils soient les seules victimes des efforts nécessaires liés aux restrictions budgétaires. Ils sont en particulier très inquiets de la disparition de nombreux consulats, des menaces planant sur notre présence culturelle, dont le budget représente moins que celui du seul Opéra de Paris. Cela a été souvent dit !

N’est-il pas regrettable que nos compatriotes soient rarement invités lors de manifestations d’envergure nationale ? L’annonce officielle que la plupart d’entre eux ne seraient plus invités, faute de moyens, aux réceptions du 14 juillet dans leur pays de résidence a été un véritable choc pour eux. Comment ne pas comprendre leur émotion et leur amertume face à leur exclusion d’un événement aussi symbolique, le seul en principe à pouvoir rassembler toute leur communauté une fois par an pour célébrer les valeurs qui leur sont si chères ?

Par ailleurs, en période de tensions extrêmes et de rapatriement imposé pour préserver leur propre sécurité, nos concitoyens de l’étranger – victimes de catastrophes naturelles ou de crises politiques graves – devraient pouvoir bénéficier d’un véritable fonds public permanent de solidarité. Tel est le sens de la proposition de loi n° 224 que j’ai récemment déposée sur le bureau du Sénat avec mes collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Monsieur le ministre, j’aimerais également que vous vous penchiez avec attention sur les autres moyens permettant de renforcer notre présence à l’étranger.

Une réflexion doit être menée – je suis sûre que tous mes collègues, sénateurs et élus de l’Assemblée des Français de l’étranger, seraient ravis d’y contribuer – sur une mise en place rapide de mesures simples. Je pense, par exemple, à un véritable statut de l’élu des Français de l’étranger, à une rationalisation de la situation administrative ou fiscale de nos compatriotes, à une refonte des JAPD – journées d’appel de préparation à la défense –, à une revalorisation du rôle des consuls honoraires, qui, je le rappelle, sont entièrement bénévoles et mériteraient, comme cela se fait dans d’autres démocraties européennes et pour nos ambassadeurs, d’être invités à rencontrer une fois au moins au cours de leur mandat les autorités françaises à Paris, ou encore, je l’ai déjà évoqué, à un enseignement français qui irait bien au-delà de notre seul réseau d’enseignement.

Dans ce contexte, la création d’une collectivité outre-frontière souhaitée par nos collègues de l’AFE serait un progrès décisif.

Enfin, je voudrais vous dire notre émotion devant le drame birman et les conséquences désastreuses du cyclone sur ce peuple. Nous ne pouvons rester impassibles face à une telle tragédie. D’ailleurs, j’arrive à l’instant d’une conférence de presse qui s’est déroulée à l’Assemblée nationale avec des moines birmans.

Nous aimerions arriver à faire pression sur les pays de l’ASEAN en leur demandant de dépasser le sacro-saint principe de souveraineté afin de prendre en considération la souffrance de ce peuple. J’ai également suggéré que des parlementaires de différents pays européens cosignent un appel pour demander que soient largués en urgence par avion et par hélicoptère des vivres, de l’eau et des médicaments dans le delta de l’Irrawaddy. Cette action aurait bien sûr lieu en violation de l’espace aérien birman, mais je pense que nous devrions pouvoir y arriver.

Naturellement, nous ne pouvons agir seuls. C’est pourquoi je compte sur vous, monsieur le ministre, sur votre force de persuasion et sur votre croyance en ce principe du droit d’ingérence, je devrais même dire du devoir d’ingérence.

Tels sont les quelques éléments auxquels je vous remercie de bien vouloir apporter votre réflexion dans le souci de développer une politique étrangère qui ne soit pas une simple doctrine, mais qui tienne compte de l’élément le plus important qui soit : le respect des hommes.

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