…car nous avons transposé cinquante ou soixante directives. La situation commence à s’éclaircir. Par ailleurs, la classification des ambassades a déjà été décidée.
S’agissant du Liban, je l’ai dit, nous faisons ce que nous pouvons. La solution ne passera pas seulement par le soutien au seul pouvoir légitime, le gouvernement de M. Fouad Siniora, puisque l’élection du président n’a pas eu lieu. Je pense, mais je peux me tromper et je vous demande de me pardonner d’avance, qu’il ne faut pas négliger le rôle de l’armée. Elle représente le dernier corps constitué de ce pays qui ait résisté au morcellement, avec 70 000 hommes dont 70 % sont chiites. Il faut bien en tenir compte ! Je ne suis pas de ceux – même si j’ai été un peu déçu – qui critiquent l’attitude récente de l’armée libanaise.
J’ai parlé avec tous les protagonistes et, en particulier, avec le général Sleimane, qui m’a déclaré : « Si nous en avions fait plus, le pays éclatait et c’était la guerre civile. » Il faut prendre en considération son point de vue, même si je ne suis pas sûr qu’il ait entièrement raison. La Ligue arabe va peut-être se tourner, dans un premier temps, vers d’autres corps constitués, mais elle ne négligera pas l’armée.
Je regrette de devoir aborder ce sujet aussi vite et de manière si improvisée. Que s’est-il passé ? Un basculement s’est produit : les chiites ont longtemps été les plus pauvres et on les traitait comme quantité négligeable ; cette époque est désormais révolue, en tout cas au Liban et en Irak. Le général Aoun – même si je l’ai beaucoup critiqué – a compris ce mouvement, c’est le moins que l’on puisse dire, puisqu’il a approuvé le discours de M. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah. Je ne vais pas jusque-là, bien au contraire ! Un basculement est donc intervenu en faveur de la population chiite, qui fait partie des communautés libanaises – je ne sais pas si c’est la plus importante, mais elle tend à le devenir.
J’ignore si nous allons reprendre une initiative au Liban. Si le président de la République, responsable de la diplomatie française – je n’en suis que le patron local, ici, au Quai d’Orsay – sent qu’il y a la moindre chance que nous soyons utiles à quelque chose, nous agirons. Nous avons participé à une initiative européenne, avec l’Espagne et l’Italie, car nous sommes les trois pays européens riverains de la Méditerranée les plus significatifs – on pourrait y ajouter la Grèce. Elle n’a pas été inutile et si une initiative de ce type est à nouveau possible, nous y participerons !
Monsieur Pozzo di Borgo, vous avez évoqué la future politique étrangère de l’Europe. L’exercice va être difficile, mais c’est l’espérance !
Il faudra prendre en compte le président du Conseil, celui de la Commission européenne, celui du Parlement européen et celui du pays qui assumera la présidence tournante de l’Union. Tout cela va être compliqué. Il faut y réfléchir, c’est ce que nous faisons. J’ai reçu hier soir un des trois groupes de ministres des affaires étrangères que nous avons constitués et qui viennent successivement à Paris : nous y parlons très ouvertement, librement et sans notes. Tous mes collègues sont très préoccupés par cette perspective et notamment par l’organisation du service européen d’action extérieure. Si ce service émane seulement de la Commission européenne, les politiques extérieures des États membres disparaîtront, ce qui serait très dangereux ! Il faut les maintenir, telle sera la tâche de la présidence française. Nous ne serons pas jugés seulement sur ce point, mais nous le serons en particulier sur ce point.
Si nous obtenons l’accord des Vingt-Sept sur des propositions de noms pour occuper tous ces postes et si nous parvenons, à partir de là, à esquisser la configuration du futur service d’action extérieure, nous aurons fait œuvre utile, mais ce ne sera pas facile !
Je me suis déjà exprimé sur la Russie. Nous sommes favorables à la multiplication des contacts avec la société civile en Russie, en liaison avec les responsables politiques. Je me rendrai dans quelques jours en Russie où je rencontrerai M. Medvedev pour la première fois.
Je sais qu’on reproche au Président de la République d’avoir téléphoné à M. Poutine, mais tout le monde l’a fait ! Par chance ou par malchance, il a été le premier à le faire, mais on n’a pas critiqué tous les chefs d’État qui l’ont fait après lui. Tous les présidents victorieux sont félicités par leurs pairs, c’est ainsi ! Je ne l’ai pas fait…