Intervention de Yannick Botrel

Réunion du 28 mai 2010 à 9h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 12 A

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Nous sommes confrontés à une situation que personne ne conteste. Ce serait d’ailleurs vain, car les chiffres sont sans équivoque : le nombre d’installations de jeunes agriculteurs chute très nettement. Comme l’indique le rapport de la commission de l’économie, 5 163 jeunes agriculteurs se sont installés en 2009, contre 6 246 l’année précédente, soit 1 083 de moins.

La crise qui sévit depuis 2009 n’a évidemment pas amélioré la situation. Elle a au contraire accentué cette tendance. Les cessations d’activité et le déficit d’installations réduisent de façon drastique le nombre d’agriculteurs. C’est la raison pour laquelle l’installation des jeunes agriculteurs doit être une priorité affirmée par l’État et ses services ainsi que par la profession agricole elle-même et ses représentants.

En l’occurrence, la commission de l’économie s’est substituée au Gouvernement. Elle a en effet introduit dans le projet de loi deux articles relatifs à l’installation des jeunes agriculteurs, là où rien n’avait été prévu. Comment peut-on imaginer une politique agricole sans traiter un sujet aussi déterminant pour l’avenir que le renouvellement de la profession à travers les installations ? Il est donc pour le moins surprenant qu’un projet de loi qui prétend redonner des perspectives à l’agriculture n’aborde pas ce thème. Un tel sujet aurait d’ailleurs mérité à lui seul un grand débat.

On ne peut considérer, en dépit des articles introduits par la commission, que la LMAP réponde à ces préoccupations. En abordant la question de l’installation des jeunes agriculteurs de façon marginale, il est clair que le projet de loi ne prépare pas l’avenir de l’agriculture. Il laisse au contraire la porte ouverte à l’agrandissement et à l’extension des structures.

Durant plusieurs décennies, la gestion du foncier agricole, par la demande préalable d’autorisation d’exploiter les terres, a été administrée et régulée. Non que la méthode ait été en tout point parfaite et n’ait mérité aucune critique, mais cette politique volontariste a permis de favoriser les reprises de foncier en faveur des nouveaux exploitants comme de conforter les petites structures. Bien sûr, cette démarche a fait surgir des contestations ponctuelles et des récriminations, mais elle a globalement été comprise.

Il est advenu que cette politique de gestion du foncier a été délaissée, vidée de sa raison d’être par les lois de 2005 et de 2006. Le résultat le plus clair de cette décision est que le contrôle du foncier agricole, dans sa très grande partie, échappe désormais aux CDOA.

Mieux encore, le dévoiement des formes sociétaires, qui sont pourtant d’excellents outils d’installation, permet de contourner encore davantage le contrôle de la CDOA à l’avantage des grosses exploitations. Bien conseillé, un postulant à la reprise peut en effet entrer dans la structure sociétaire avec ses moyens propres, puis se substituer rapidement à l’un de ses membres, dont il peut alors reprendre le foncier, qui vient s’ajouter au sien propre.

Les représentants professionnels les plus lucides voient bien le résultat négatif de cette libéralisation du contrôle, intervenue il y a quatre ans. Cette dérégulation, qui ne vient pas de l’Europe, mais de décisions bien françaises, condamne de plus en plus souvent l’accès des plus jeunes au métier d’agriculteur, de même qu’elle empêche de conforter les petites et moyennes structures. Il faut donc rétablir des règles susceptibles de redonner une perspective à ceux que le métier d’agriculteur intéresse.

Vous avez affirmé, monsieur le ministre, votre souci de remettre la régulation au cœur des politiques agricoles. La gestion du foncier n’attend que cela !

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