Les articles 12 A et 12 B, introduits par le rapporteur Gérard César en commission, comblent en partie l’une des principales carences du texte initial : la place de l’être humain.
La situation des hommes et des femmes qui font quotidiennement vivre l’agriculture française n’était en effet pas traitée. Or, pour que l’agriculture continue à exister, il est indispensable qu’il y ait des hommes et des femmes ayant envie d’exercer le métier d’agriculteur. Le soutien à l’installation est donc un aspect essentiel qui aurait dû figurer dans le texte initial.
En dépit des dispositions législatives existantes et, parfois, du soutien complémentaire des collectivités territoriales, le nombre d’installations, quoique en légère hausse en 2009, a tendance à stagner depuis 2002. Dans nombre de départements, dont l’Ardèche, cette situation se traduit par un accroissement de la déprise agricole. Nous en connaissons les conséquences, tant sur l’activité des zones rurales fragiles que sur l’environnement.
Bien sûr, et nous en avons largement traité depuis le début de l’examen de ce texte, la crise profonde que subissent les professions agricoles ainsi que le niveau de leurs revenus ne sont pas de nature à promouvoir l’installation de nouveaux agriculteurs. Pour autant, la tendance de nos concitoyens en faveur du développement durable, d’une alimentation saine et de produits authentiques est de plus en plus marquée.
Cette tendance a un effet sur l’offre. D’ailleurs, parmi les personnes souhaitant s’installer en agriculture, nombreuses sont celles qui poursuivent l’objectif de répondre à cette demande nouvelle et croissante sur la base de modes de production différents, voire de modes d’organisation de l’exploitation différents. L’essor des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, les AMAP, en est un exemple. Au demeurant, ce n’est pas la seule forme nouvelle, loin de là !
Dans ce contexte, il semble que les règles régissant l’installation des jeunes agriculteurs ne soient pas adaptées à ces nouvelles façons de produire et de concevoir le métier d’agriculteur. Ainsi, les critères et conditions déterminant l’accès au statut d’exploitant agricole concernant, notamment, la surface minimale d’installation ou l’installation sous forme d’entrée dans une société devront sans doute être repensés si nous voulons permettre à ces femmes et à ces hommes motivés par un projet agricole innovant, et souvent économiquement pertinent, de venir renforcer à terme les rangs des agriculteurs. Néanmoins, compte tenu des nombreuses implications de ces critères, il s’agit là d’une réforme en profondeur qui dépasserait sans doute l’objet de ce projet de loi.
Les difficultés d’installation ne se limitent pas à des formes innovantes de production et d’exploitation agricoles. D’une manière générale, le jeune agriculteur qui souhaite s’installer se heurte à des difficultés qui tiennent, d’une part, à sa situation sociale et à son logement et, d’autre part, à l’accès au foncier dans toutes ses dimensions.
Ainsi, avant de pouvoir être affiliés à la MSA en tant que non salariés des professions agricoles, les candidats à l’installation en agriculture doivent réaliser un plan de professionnalisation personnalisé, un PPP, adapté au profil de chacun. Celui-ci peut comprendre un certain nombre de formations et de stages. Durant cette période, aucune couverture sociale harmonisée n’est prévue. L’un de nos amendements vise donc à ce qu’un rapport soit réalisé sur cette question.
En lien avec la situation sociale, la question du logement doit être posée. Les jeunes rencontrent souvent des difficultés à se loger, les maisons d’habitation étant souvent plus onéreuses que l’exploitation elle-même. C’est pourquoi nous proposons que, durant les cinq premières années suivant l’installation, la maison d’habitation soit amortissable comme partie indissociable du corps de ferme.
Toutes les composantes du monde agricole reconnaissent que le frein le plus important à l’installation réside dans l’accès au foncier. L’urbanisation en est l’une des causes, mais les difficultés ne se résument pas à un problème de rareté de l’offre de terres agricoles. L’accès difficile au foncier est un problème structurel qui prend également sa source dans la constitution des exploitations – individuelles ou sociétaires – ainsi que dans le faible niveau des pensions de retraite agricole. En effet, d’une part, les critères de surface exigés pour la constitution des exploitations ont tendance à provoquer un « gel » de certaines terres surnuméraires pour l’exploitant ; d’autre part, l’assouplissement du contrôle des structures a conduit à favoriser l’agrandissement d’exploitations existantes aux dépens de l’installation.
Par ailleurs, pour les exploitants retraités, les propriétés foncières dont ils disposent sont souvent utilisées, à contrecœur, comme une réserve financière, vendues en parcelles constructibles, pour compenser le faible niveau de leurs pensions.
Nous proposons plusieurs amendements visant à renforcer le contrôle des structures ou à améliorer le niveau des pensions. Si vous les adoptez, mes chers collègues, ils pourraient contribuer à faciliter l’accès au foncier des jeunes souhaitant s’installer.
L’introduction de ce volet « installation » était indispensable. Toutefois, les dispositions qui seront adoptées n’apporteront pas les moyens d’assurer un avenir à l’activité agricole dans notre pays, faute de réflexion approfondie intégrant toutes les dimensions de la question de l’installation.