Il est évidemment défavorable. Je voudrais simplement tenter de convaincre M. Collin de la nécessité de ces deux outils.
Je ferai une première observation.
Alors que, je le répète, cela fait des années que notre pays perd deux cents hectares de terres agricoles par jour, aucune disposition législative n’a jamais été prise pour freiner ce phénomène.
Il a été dit tout à l’heure que je regardais souvent ce que faisaient nos voisins allemands ; c’est vrai, et je l’assume totalement. L’Allemagne, qui n’était pas alors une grande puissance agricole, a pris, voilà plus de sept ans maintenant, des dispositions très rigoureuses pour enrayer la disparition des terres agricoles. Or le dispositif qui vous est proposé dans le texte, qu’il s’agisse de l’observatoire ou de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles, ou encore de la taxation de la spéculation sur les terres agricoles, est calqué sur ce que font les Allemands aujourd’hui. Je constate que l’Allemagne a réussi, elle, à endiguer la disparition de terres agricoles.
Si nous voulions abandonner à notre voisin et ami allemand la place de première puissance agricole européenne, nous ne nous y prendrions pas autrement. Il arrive un moment où il faut assumer ses choix et prendre les dispositions nécessaires !
Pourquoi l’observatoire nous paraît-il indispensable ?
Devenu ministre de l’agriculture, lorsque je me suis aperçu que nous perdions chaque jour autant de terres agricoles, j’ai demandé à mes services d’établir un bilan global de la valeur, de la productivité et du rendement des terres en France, et, parallèlement, du rythme de leur disparition dans chaque département. Je pensais obtenir, deux ou trois jours plus tard, un document qui me permettrait d’y voir clair sur ces sujets.
Après plusieurs jours, aucun document ne m’ayant été transmis, j’ai interrogé mes services : ils m’ont répondu que l’on ne disposait pas, en France, des outils permettant de connaître, département par département, le rythme de disparition des terres agricoles ou leur rendement. Ainsi, on laissait partir des terres au petit bonheur la chance sans savoir très bien de quoi il retournait.
La plupart d’entre vous ici, comme je le suis moi-même, sont des élus locaux. Je constate, dans le département de l’Eure, que rien n’est fait de manière précise pour préserver des terres qui ont une véritable valeur, de préférence à d’autres, à quelques kilomètres de distance, qui en ont moins.
Dans le sud de l’Eure, aux environs d’Évreux, on trouve des terres qui ont un rendement très faible, tandis que, dans le nord du département, sur le plateau du Neubourg notamment, certaines terres ont des rendements céréaliers très élevés. Pourtant, les dispositions prises sont exactement les mêmes : on installera un lotissement ou une grande surface exactement de la même façon sur le plateau du Neubourg où l’on a un rendement de 95 quintaux à l’hectare que dans le sud de l’Eure, sur des terres qui ont un rendement bien inférieur. Cette manière de gérer notre capital agricole me paraît tout à fait anormale et irresponsable.
L’observatoire permettra au moins de savoir exactement quelles terres sont perdues, à quel rythme, dans quel département et quel est le rendement et la valeur de ces terres.
Ma seconde observation a trait à la commission départementale.
Il est également utile, au niveau du département, qu’un avis puisse être rendu, auquel seront associés tous les partenaires, que ce soient les élus locaux, qui sont concernés au premier chef, le préfet ou les associations, qui ont souvent un point de vue intéressant sur le sujet. Il faut pouvoir connaître avec exactitude ce que représente la perte de terres agricoles à l’échelon départemental, et non pas uniquement à celui de la commune, de la communauté de communes ou de la communauté d’agglomération.
La commission départementale sera également un élément utile permettant une gestion plus efficace et plus rationnelle des terres agricoles en France.