Intervention de Bernard Frimat

Réunion du 6 juin 2006 à 16h00
Immigration et intégration — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Bernard FrimatBernard Frimat :

Si votre ambition, monsieur le ministre de l'intérieur, était d'éviter le consensus entre la majorité actuelle et l'opposition, je vous donne acte que vous avez parfaitement atteint votre objectif.

Mes collègues socialistes et moi-même exprimerons donc, tout au long de nos débats, les raisons de notre désaccord.

Pour la seconde fois au cours de cette législature, vous nous présentez un texte réformant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers et le droit d'asile. Pourquoi cette obsession à vouloir faire du statut des étrangers un débat central de la vie politique ? N'y aurait-il pas mieux à faire pour le Gouvernement dans le contexte économique et social particulièrement complexe que connaît la France ?

L'accueil fait à votre projet de loi devrait, monsieur le ministre d'État, vous inviter à la prudence et à la réflexion. Votre projet n'est approuvé ni par les Églises ni par les organisations qui ont mis au coeur de leur travail, l'accueil et l'intégration des étrangers et des demandeurs d'asile. Votre périple africain récent a permis de mesurer le rejet dont il est l'objet.

Le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme nous apprend que, si l'on peut constater une diminution des actes racistes et antisémites - qui ne s'en réjouit pas ici ? -, en revanche, on constate « une augmentation inquiétante du pourcentage des personnes qui s'avouent racistes, une radicalisation des opinions hostiles aux étrangers, et un essoufflement dans la mobilisation contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie ».

Cette banalisation du sentiment xénophobe est inquiétante. La France a malheureusement toujours connu des courants de pensées et des mouvements qui ont fait de l'étranger le bouc émissaire des difficultés de notre pays. Tout ce qui vient renforcer cette contre-vérité doit être combattu. Je crains, monsieur le ministre, que votre texte, en prétendant briser les tabous, ne participe au contraire à la montée du sentiment xénophobe par une démarche qui, de fait, présume que le demandeur d'asile ou le candidat à l'immigration est un fraudeur qu'il faut démasquer et réprimer.

Votre projet de loi s'affiche comme une rupture et prétend incarner une vision nouvelle de l'immigration. Celle-ci se caractériserait par le rapprochement entre immigration et intégration, la substitution d'une immigration choisie à une immigration subie. Elle s'illustrerait par le contrat d'accueil et d'intégration et la création de la carte « compétences et talents ».

Accueil, intégration, compétences, talents, sont des termes positifs, utiles pour la communication, mais ils n'expriment pas, à nos yeux, la réalité de votre projet de loi.

Votre conception de l'intégration commence là où celle-ci peut servir les mesures de contrôle de l'immigration. Les manquements éventuels à ce contrat constitueront autant d'opportunités pour précariser les détenteurs de titre de séjour. Je remarque d'ailleurs que pas un seul titre, pas un seul chapitre n'est consacré plus particulièrement à l'intégration. Même en matière d'asile, il n'est plus fait mention du rôle moteur d'intégration que peuvent jouer les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA.

Vous avez fait de la formule « immigration choisie », par opposition à « immigration subie », le slogan publicitaire habile de votre projet. Qui, en effet, préfère subir plutôt que choisir ? Dépassons, si vous me le permettez, ce simplisme.

Doit-on comprendre que tous les étrangers qui sont arrivés sur notre territoire antérieurement à votre projet de loi étaient des « immigrés subis » ? Si nous dressions la liste de tous ces « immigrés subis », qui, pour certains d'entre eux, sont devenus français, et de leurs descendants, nous y trouverions des noms parmi les plus illustres de celles et ceux qui ont fait et font encore la gloire et la réputation de la France.

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