Séance en hémicycle du 6 juin 2006 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • accueil
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La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante par M. André Labarrère, décédé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (nos 362, 371).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d'État.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF. - M. Adrien Giraud applaudit également.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai d'abord en quelques mots la mémoire d'un parlementaire qui faisait honneur à la République : Gérard Léonard, décédé à l'âge de 60 ans.

C'est, pour nous qui étions ses amis, pour sa famille politique et, au-delà, pour tous ceux qui l'ont connu, un bouleversement. Connu pour son sérieux, son assiduité, son extrême rigueur et sa très grande honnêteté, il a fait preuve d'un grand courage. Cet homme, d'origine modeste, qui aimait tant être parlementaire, a fait honneur à sa famille politique, au Parlement et, d'une certaine façon, à la République.

Il ne m'appartient pas, monsieur le président, de faire l'hommage d'un député devant la Haute Assemblée, mais chacun comprend qu'il est des moments dans la vie politique où on peut être autorisé à parler avec le coeur, je le fais en cet instant. J'ai souhaité faire ce geste pour sa mémoire et pour sa famille.

Cela n'a que peu de rapport avec le discours que je vais maintenant prononcer, mais cela en a un avec la vie, et c'est peut-être ce qui compte le plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le Sénat tout entier vous remercie, monsieur le ministre d'État, de l'hommage que vous venez de rendre à notre collègue décédé.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Le projet de loi qui a été voté le 17 mai par l'Assemblée nationale est désormais entre vos mains.

Le 9 juin 2005, lors de la convention sur l'immigration d'une grande formation politique, en l'occurrence l'UMP, j'avais annoncé une nouvelle politique d'immigration pour la France, avec comme objectif de rompre avec des décennies de faux-semblants.

Un an plus tard, presque jour pour jour, le texte que je vous présente consacre cette nouvelle politique, autour d'une idée fondamentale : l'immigration choisie.

À ceux, nombreux, qui me déconseillaient de déposer un projet de loi sur l'immigration en raison de la proximité des élections, je veux répondre que, bien au contraire, dans une démocratie, la responsabilité d'un gouvernement est de traiter les questions fondamentales qui préoccupent nos compatriotes ! Nul ne peut douter que l'immigration est l'une de ces questions.

À ceux, toujours nombreux, qui me disaient de ne surtout pas parler d'immigration, je veux répondre que, dans notre République, il est impératif de débattre afin de ne pas faire le jeu des extrêmes et pour agir. Précisément, sans doute l'avez-vous observé, a lieu dans notre pays, depuis plusieurs semaines, un débat apaisé sur l'immigration.

Pour une fois, la discussion tourne non pas autour du concept, utilisé par les extrêmes, de l'immigration zéro, mais autour de la notion d'immigration choisie. De ce débat de société, ouvert et pragmatique, le Gouvernement veut retenir trois leçons.

Tout d'abord, le projet de loi répond à une attente certaine des Français. Je pense que la réforme est comprise et acceptée par une grande majorité d'entre eux.

Les sondages valent ce qu'ils valent. Quand ils sont mauvais, ils nous sont adressés sans hésitation. Alors, quand ils sont intéressants, peut-être pouvons-nous les évoquer. Un sondage paru dans Le Figaro du 10 mai dernier montre que, selon 60 % des Français, les règles fixées pour encadrer l'immigration ne sont pas satisfaisantes. Il est intéressant de noter que 56 % des Français de sensibilité de gauche partagent ce point de vue.

Peut-être pourrait-il être un point de consensus : le statu quo nous est interdit.

Qui pourrait dire, aujourd'hui, que la situation de la France est satisfaisante en matière d'immigration ? Personne ne peut soutenir cette idée de bonne foi.

Aurais-je dû me contenter du statu quo qui prévalait depuis 2002 ? C'était la politique de l'autruche ! La voie du changement profond était indispensable. Au regard de l'intérêt national, il n'y avait pas d'autre voie possible. §

À partir du moment où tout le monde est d'accord pour refuser le statu quo, je suis bien obligé de regarder les suggestions des opposants au texte du Gouvernement. Que proposent-ils ? Rien ! Un vide sidéral !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Le projet du parti socialiste se contente, en l'état actuel des choses, avant, il est vrai, les débats devant la Haute Assemblée, de vouloir abroger la réforme. D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, les seules propositions du parti socialiste ont été - c'est son droit - des amendements de suppression. Il n'a présenté aucun amendement de modification.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

C'était un retour au statu quo, comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le seul sujet de débat sur l'immigration au parti socialiste concerne la question des régularisations. Entre M. Fabius qui veut la régularisation générale et M. Strauss-Kahn qui ne veut pas en entendre parler, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. ...entre Mme Royal qui ferait un candidat de droite somme toute acceptable

Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - protestations sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

, puisqu'elle veut supprimer les 35 heures et qu'elle considère que je ne suis pas assez ferme, en tout cas acceptable s'agissant des prémisses...

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...bienvenue au club ! Nous ne la refusons pas, d'autant qu'elle vient sur nos idées. Pour notre part, en effet, il n'est pas question d'aller sur les siennes.

Du débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale et qui se poursuit au Sénat, je veux tirer une deuxième grande leçon, qui tient à la méthode de la réforme.

J'ai souhaité, en amont du projet de loi, dialoguer avec des personnalités d'horizons différents.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

J'ai entendu les propositions qui se sont exprimées, qu'elles viennent des représentants du monde universitaire, syndical, associatif, économique, ou religieux. En effet, je ne suis pas de ceux qui pensent que les religions n'ont pas le droit de donner une opinion...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...y compris si cette opinion n'est pas identique à la mienne. Après tout, dans le débat français, ceux qui prennent la parole alors qu'ils n'ont rien à dire sont si nombreux...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...qu'il n'est pas choquant que ceux qui sont porteurs d'un message puissent le délivrer. À cet égard, je veux le rappeler, la laïcité est non pas la négation des religions mais le droit pour chacun de croire, d'espérer et de transmettre sa foi.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

À l'Assemblée nationale, nous avons consacré quatorze séances et cinquante-quatre heures de débat à la discussion de ce texte ; six cent dix amendements ont été déposés, cent quatre-vingt-neuf ont été votés, dont un certain nombre émanaient de la gauche non socialiste.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Quinze ! On verra si la gauche sénatoriale veut faire mieux.

En France, aucun sujet n'est plus complexe ni plus sensible que l'immigration. Cela prouve que, dans notre pays, on doit pouvoir débattre de sujets complexes et difficiles...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...sans brader, le moins du monde, les principes et les valeurs de notre République.

(M. Christian Demuynck opine.) Pourquoi ? Parce que lorsque les partis républicains, de gauche comme de droite, désertent le terrain des idées et refusent, par une forme de lâcheté, de complaisance, d'immobilisme, de classicisme, de conservatisme, d'évoquer des sujets qui préoccupent les Français, ces derniers, désespérés, se tournent vers les extrêmes. Non pas que les extrêmes suscitent l'espoir, mais parce que les partis républicains suscitent le désespoir en refusant obstinément de parler de sujets qui concernent la vie quotidienne des Français.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Pendant des années, le thème de l'immigration a été laissé à l'extrême gauche et à l'extrême droite. Au final, nous avons l'extrême droite la plus forte et l'extrême gauche la plus puissante d'Europe. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

C'est la deuxième loi en la matière au cours de la même législature !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

La réforme est donc indispensable dans une démocratie vivante. Que l'on en appelle à la « rupture », comme moi, ou au changement, comme d'autres, peu importe : il ne peut y avoir de statu quo.

Par ailleurs, la France ne peut continuer à être le seul pays à qui l'on dénierait le droit de choisir qui peut venir sur le territoire de la République et qui n'y est pas souhaité.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Déterminer et choisir sa politique d'immigration, c'est choisir le visage de la France à l'horizon des trente années qui viennent.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Troisième idée, la réforme de l'immigration passe par le renouveau de nos liens avec l'Afrique.

La moitié des 900 millions d'Africains a moins de dix-sept ans. Le destin de l'Afrique et celui de l'Europe sont liés. L'échec de l'Afrique aujourd'hui sera le désastre de l'Europe demain.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Pour cela, nous devons avoir le courage de porter un autre message à l'endroit de nos amis Africains. Il ne suffit pas d'être bouleversé comme nous l'avons tous été par l'image de milliers de migrants africains qui tentent de gagner les îles Canaries dans des conditions effroyables, bien souvent au prix de leur vie.

Plusieurs décennies après la décolonisation, nous devons d'abord dire à l'Afrique qu'elle ne peut pas être exonérée de sa propre responsabilité dans une forme d'échec économique. L'échec ne vient pas uniquement des autres et, tant que l'on n'aura pas le courage de tenir ce discours de la responsabilité et du respect, il n'y aura aucune chance que l'Afrique s'en sorte durablement.

Ensuite, la jeunesse du monde est d'abord africaine. Avec 450 millions de jeunes de moins de dix-sept ans, il faut avoir le courage de dire que l'Afrique a besoin de ses élites et que l'Europe ne peut pas recevoir toute la jeunesse africaine. C'est une évidence, et il s'agit non pas d'égoïsme, mais de bon sens, de lucidité et du sens de la responsabilité.

Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Naturellement, l'Europe doit être ouverte et la France doit continuer à accueillir, ne serait-ce que pour la francophonie, des Africains. Mais le fait de laisser penser que l'on peut recevoir tout le monde, dans n'importe quelles conditions, alors que nous n'avons pas d'emploi et pas de logement pour tout le monde, c'est un comportement irresponsable qui nous prépare des lendemains extrêmement douloureux !

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

J'ajoute que nombre de leaders africains, notamment le président Wade, sont très réservés sur les conséquences d'une politique d'émigration sans contrôle, car ils ont parfaitement compris qu'ils avaient besoin de leurs élites pour développer leur pays.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Dès lors, la réforme que je vous propose répond à une impérieuse nécessité.

L'augmentation des flux migratoires est le reflet d'un monde en pleine transformation. Le nombre de migrants dans le monde est passé de 75 millions en 1965 à 175 millions aujourd'hui, et l'Europe est devenue la première terre d'accueil des flux Sud-Nord.

L'immigration s'impose comme un enjeu fondamental dans toutes les grandes démocraties européennes et, comme par hasard, tous nos partenaires de l'Union ont fait le choix de la réforme profonde.

Peut-être le groupe socialiste sera-t-il intéressé de savoir que le gouvernement socialiste de Tony Blair a réformé à quatre reprises, au cours des dix dernières années, la législation britannique sur l'asile et sur l'immigration.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

L'Espagne a changé trois fois ses lois sur l'immigration depuis 2000, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. ...avec un gouvernement de droite ou avec le gouvernement socialiste de M. Zapatero, dont le ministre de l'intérieur me disait la semaine dernière qu'ils allaient doubler le nombre de reconduites à la frontière en demandant à la France si elle était d'accord pour organiser des voyages aériens groupés de retour.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Ce que les socialistes espagnols ont compris, peut-être les socialistes français pourraient-ils en prendre conscience ?

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Je me réfère également à la réforme profonde du système allemand d'immigration, entrée en vigueur le 1er janvier 2005 et conçue par le socialiste M. Schröder.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

La question de la réforme de la politique d'immigration n'est donc ni de droite ni de gauche, elle se pose à toutes les démocraties européennes, car le statu quo, en France comme ailleurs, ne peut pas durer.

Nos compatriotes savent que l'immigration est une chance, pour des raisons à la fois économiques et démographiques. Je ne suis nullement gêné de l'affirmer ! L'histoire de la France, c'est l'histoire d'un pays qui s'est ouvert, qui a accepté la diversité et qui, sans doute mieux que d'autres, a su la gérer. Les sociétés meurent de la consanguinité et du repliement, pas de l'ouverture, du mélange et de la diversité.

Attention, nos difficultés proviennent non pas de l'immigration en soi, mais de son absence de maîtrise depuis trente ans !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Il faut maintenant dire la vérité : nous n'avons pas connu de politique de l'immigration depuis trente ans.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Pour ceux qui connaissent la République et son organisation, Charles Pasqua n'était pas en charge de l'immigration...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. ...pour la simple raison qu'il n'y a jamais eu, depuis la Libération, un ministre en charge de la totalité du dossier de l'immigration. C'est justement l'un des grands problèmes de l'organisation administrative et politique française.

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le Premier ministre s'appelait Jean-Pierre Raffarin !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Depuis trente ans, la France laisse entrer chaque année sur son territoire, à l'aveuglette, des centaines de milliers de personnes, sans se préoccuper de leur devenir.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Le drame de l'immigration en France, c'est que beaucoup de nouveaux arrivants se trouvent sans logement, sans emploi. Il manque à notre pays des emplois et des logements...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...et le taux de chômage des personnes originaires de certains pays peut atteindre 30 %, voire 40 % !

Les conséquences de cet état de fait peuvent conduire à de véritables tragédies. Aucun de nous ne peut se satisfaire de ce qui s'est passé à Paris, capitale de la France, ...

Rires sur les travées du groupe socialiste

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...les 25 et 29 août 2005. Je n'ai pas envie de plaisanter sur cette tragédie, qui a entraîné la mort de vingt-quatre personnes originaires d'Afrique ! Je suis arrivé sur les lieux en compagnie du maire de Paris et je me souviens de douze jeunes enfants qui avaient été asphyxiés et qui semblaient dormir, sur douze civières. Eh bien, ces enfants vivaient dans des squats, dans des taudis insalubres, sans perspective, sans emploi et sans logement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Il faut construire des logements sociaux à Neuilly-sur-Seine !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Qui oserait dire que la France est généreuse lorsqu'elle laisse entrer des gens qui n'ont d'autre espoir que de vivre misérablement, dans des taudis, au risque, pour certains, d'y mourir brûlés ? Si c'est votre conception de la générosité, ce n'est pas la nôtre !

Applaudissementssur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

À part des ambassadeurs, il n'y a personne à Neuilly-sur-Seine !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Et que dire des indulgences coupables qui ont trop longtemps conduit à tolérer les pratiques les plus contraires à nos valeurs ?

Que dire d'un pays qui compte quelque 20 000 familles polygames, ce qui représente environ 120 000 personnes ? J'emploie à dessein le mot « polygamie », même s'il gêne dans le débat public, parce que c'est une réalité inacceptable sur le territoire de la République française !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Le fait d'avoir été élevé dans des familles polygames, sans structure familiale, a pesé d'un poids extrêmement lourd dans le destin brisé de ces enfants de la République française déracinés et emportés par la spirale de la violence.

Comment des populations qui n'ont ni travail ni logement dignes de ce nom et qui, surtout, ne parlent pas notre langue, peuvent espérer s'intégrer ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne devons pas nous cacher la vérité. La Cour des comptes a parfaitement analysé la gravité de la situation dans son récent rapport sur l'accueil des migrants : « La situation d'une bonne partie des populations issues de l'immigration la plus récente est plus que préoccupante. Outre qu'elle se traduit par des situations souvent indignes, elle est à l'origine directe ou indirecte de tensions sociales ou ethniques graves, lourdes de menaces pour l'avenir. » On ne saurait mieux dire !

Après trente ans d'aveuglement devant l'enjeu crucial de l'immigration, il ne faut pas s'étonner de subir des violences dans nos banlieues, avec des enfants qui sont devenus français par le droit du sol, mais dont l'origine se trouve dans une politique d'immigration non maîtrisée depuis trente ans.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

C'est la vérité !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Les vingt-sept nuits d'émeutes que nous avons connues en octobre et en novembre sont directement le produit de la panne de notre système d'intégration, qui est aujourd'hui en faillite.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

La vérité, c'est que les petits-enfants des immigrés arrivés dans les années soixante sont Français mais qu'ils se sentent souvent moins Français que leurs grands-parents, qui pourtant ne l'étaient pas !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Cette réalité, nous devons la regarder en face et en tirer toutes les conséquences. Face à elle, les Français ne supportent pas les combats idéologiques d'arrière-garde qui n'ont aucun sens au regard de cet enjeu planétaire, universel.

L'immigration zéro est un mythe dangereux.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

La France n'a pas vocation à être repliée sur elle-même, la consanguinité serait synonyme de déclin national. En outre, l'immigration zéro, quand bien même on la voudrait alors qu'elle n'est pas souhaitable, est impossible à mettre en oeuvre.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

C'est donc une impasse et le Gouvernement n'a aucune difficulté à lui tourner résolument le dos.

Mais, pas plus que l'intolérance des partisans de l'immigration zéro, nous ne devons accepter l'extrémisme des partisans de l'immigration sans limite. Je ne crois pas que les hommes soient interchangeables, que les frontières soient illégitimes, et que l'on puisse faire table rase de son passé et de sa culture.

À travers l'immigration choisie, c'est donc une troisième voie que nous préconisons.

Pour la première fois sous la Ve République, un ministre est responsable de l'ensemble des questions de l'immigration. En Europe, quinze ministres sur vingt-cinq sont en charge du dossier de l'immigration. En France, l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin le sait bien, trois ministères étaient chargés de l'immigration : le ministère des affaires étrangères, dont le souci est le rayonnement de la France, le ministère des affaires sociales, dont le souci est la générosité, et le ministère de l'intérieur, dont le souci est l'ordre public.

Je n'ai naturellement pas la prétention de vous présenter un texte parfait, qu'il conviendrait d'adopter en l'état, mais j'ai la conviction de vous présenter un texte équilibré : ferme à l'endroit de ceux qui ne respecteront pas les règles du jeu et juste à l'égard des personnes qui demandent à venir en France en suivant les règles d'admission que nous fixons.

Depuis quatre ans, je m'efforce de redresser la barre d'un navire à la dérive. L'expression est forte, mais je veux que les choses soient claires. En mai 2002, la situation que nous avons trouvée était dramatique - et je pèse mes mots.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Ce n'est pas une question d'héritage, c'est une question de chiffres !

Les flux d'immigration régulière...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. ...s'étaient accrus d'un tiers entre 1997 et 2002. Sur la même période, les demandes d'asile avaient quadruplé, c'est-à-dire que, moins il y avait de dictatures dans le monde, plus il y avait de demandes d'asile en France ! La zone d'attente de Roissy débordait de tous côtés et le hangar de Sangatte se présentait, dans toute l'Europe, comme le symbole honteux du chaos migratoire français.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Avec Jean-Pierre Raffarin, nous avons fermé Sangatte, et ce ne fut pas simple !

J'ajoute qu'aucun ministre de l'intérieur, entre 1997 et 2002, n'avait jugé utile de se rendre à Sangatte, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. ...pas plus que le ministre de la justice. Mme Martine Aubry non plus, pourtant élue à quelques kilomètres « Cachez ce sein que je ne saurais voir », on préfère parler de la misère de loin plutôt que de la regarder en face !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Je ne prétends pas que dans le Calaisis la situation est aujourd'hui devenue simple. Cependant, auparavant elle était honteuse !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Je m'étonne d'ailleurs que la totalité des organisations politiques de gauche n'aient pas salué le progrès qu'a constitué la fermeture du hangar, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Ce n'est pas un progrès, c'est une régression !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. ...même si je dois préciser que le maire communiste de Calais a été remarquable de loyauté et d'honnêteté en soutenant mes efforts. Je rends donc hommage à M. Hénin, et à l'habileté du député de la circonscription, M. Jack Lang, qui a tenu à m'accompagner lors de chacun de mes déplacements et à soutenir avec beaucoup de loyauté la politique de fermeture de Sangatte.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Je veux être honnête : il ne sera pas dit que tous, au parti socialiste, avaient choisi de fermer les yeux !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

En votant la loi du 26 novembre 2003, vous avez donné au Gouvernement de nouveaux outils de lutte contre l'immigration irrégulière.

Je rappellerai seulement que le nombre des reconduites à la frontière exécutées a doublé en trois ans : c'est encore bien insuffisant !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

L'objectif fixé pour cette année est de 25 000 reconduites.

Je veux souligner que l'Espagne, qui compte 42 millions d'habitants, a expulsé l'an passé 50 000 personnes. Or, en ayant plus que doublé le nombre des expulsions, la France reconduit 25 000 personnes à la frontière et notre pays compte 62 millions d'habitants !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

De même, la généralisation des visas biométriques va représenter une étape décisive dans la lutte contre l'immigration clandestine pour une raison simple : on entre en France de façon légale et on s'y maintient de façon illégale !

C'est toute la question du visa de tourisme de trois mois. On entre en France avec un visa de tourisme de trois mois, on perd ses papiers et, en même temps, la mémoire !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Faute de mémoire et de papiers, il est difficile raccompagner une personne à une adresse.

L'avantage du visa biométrique est qu'il permettra, grâce à une empreinte digitale, de rendre la mémoire à ceux qui l'ont perdue ! De plus, cela constituera une preuve pour les pays qui refuseraient de récupérer leurs ressortissants.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Voilà pourquoi les visas biométriques sont un élément essentiel de la maîtrise de l'immigration clandestine.

Autre résultat encourageant : le flux global de l'immigration régulière est stabilisé, pour la première fois depuis dix ans. Le nombre des premiers titres de séjour délivrés, hors ressortissants communautaires, a même légèrement baissé en 2005, pour atteindre 164 234 titres.

J'ajoute que la réforme du droit d'asile, que vous avez votée, a eu des effets très positifs. Nous continuons à accueillir des réfugiés, mais nous décourageons les personnes qui ne demandent l'asile qu'à des fins dilatoires.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Ainsi, les délais d'examen des dossiers sont passés de plus de deux ans en 2002 à huit mois aujourd'hui.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

C'est un chiffre incontestable ! Une personne qui demandait l'asile en 2002 attendait la réponse deux ans. Aujourd'hui, elle attend huit mois. Certes, cette attente est sans doute encore trop longue, mais elle a diminué de près de 2, 5 fois par rapport à votre époque !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Si vous continuez, ils auront la réponse avant d'avoir demandé l'asile !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, il est intéressant de connaître les chiffres, car ils montrent aux parlementaires que vous êtes combien les lois qui sont votées servent et produisent des résultats.

Souriressur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Le nombre total de demandeurs était de 82 000 en 2002. Il est passé à 65 000 en 2004. Il est en dessous de 60 000 en 2005. Il continue de diminuer fortement en 2006. Cela signifie que les détournements de la procédure d'asile diminuent.

La France veut continuer à être une terre d'accueil pour tous les persécutés du monde, mais elle ne veut pas que l'on détourne une procédure généreuse, au détriment de ceux qui sont menacés et en faveur de ceux qui, ne subissant aucune menace, se tournent vers l'asile politique parce qu'ils se sont vu refuser toutes les autres formes d'immigration !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Voilà la réalité d'une politique d'immigration républicaine et raisonnable.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Malgré les progrès accomplis, la situation est encore loin d'être satisfaisante.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

L'immigration « pour motif familial » occupe une place très importante dans les flux migratoires : près de la moitié des cartes de séjour sont délivrées à ce titre, soit 82 000 cartes en 2005. Trop souvent, le motif familial recouvre une régularisation déguisée.

Je ne remets bien sûr pas en cause le droit d'un père à faire venir sa famille en France.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Cependant, la vie de famille d'un étranger en France ne se conçoit que si certaines conditions de ressources et de logement sont réunies. On ne fait pas venir sa famille en France si l'on n'a pas les moyens de la loger décemment et de la faire vivre de façon correcte : c'est un principe républicain !

Applaudissementssur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

L'accueil de familles en l'absence de ressources et d'un logement adapté conduit à des situations ingérables de détresse et d'exclusion. Aujourd'hui en France, la réglementation permet de faire venir une famille de sept personnes dans un appartement de moins de soixante et un mètres carrés !

La réforme que je vous propose mettra fin à de telles incongruités, dans l'intérêt de la cohésion sociale et des familles.

En parallèle, l'immigration pour motif de travail reste à un niveau marginal : 11 500 cartes de séjour délivrées à ce titre en 2005.

La situation est invraisemblable : nous accueillons quasiment sans limite des gens pour lesquels nous n'avons ni logement ni travail, et nous ne faisons pas venir en France des gens pour lesquels nous aurions et un logement et du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

N'importe quoi ! Ils sont où les logements et le travail ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. C'est un système perdant-perdant : on ne fait pas venir ceux qui pourraient et qui voudraient travailler, et on fait venir ceux qui n'ont aucune perspective d'intégration !

Mme Raymonde Le Texiers'exclame.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Voilà pourquoi nous devons transformer profondément la politique française de l'immigration.

Cette nouvelle politique que le Gouvernement vous propose s'inspire de quelques exemples étrangers.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Au Canada, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...au Royaume-Uni, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. ...en Allemagne, aux Pays-Bas - grande démocratie

M. Michel Dreyfus-Schmidt opine

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

J'ai souhaité en tenir compte, non pour copier tel ou tel système étranger, mais pour retenir les idées qui me semblent pouvoir être adaptées à notre pays.

Pourquoi ce qui aurait réussi chez les autres ne pourrait être évalué chez nous ? Pourquoi faudrait-il qu'en matière d'immigration nous expérimentions exclusivement ce qui ne fonctionne pas ? Pourquoi les réussites extraordinaires des autres pays dans le domaine de l'immigration ne deviendraient-elles pas également celles de la France ?

L'histoire et la géographie ont façonné notre rapport à l'immigration. Nous ne sommes pas un État continent comme le Canada, ni une île comme la Grande-Bretagne. Nous sommes un État méditerranéen, qui a des liens particuliers avec l'Afrique et qui regarde au loin, vers l'outre-mer, cher François Baroin, et vers les terres francophones.

Il s'agit, pour nous, non de transposer en France un exemple étranger, mais de définir, ensemble, un nouveau modèle d'immigration, qui s'enrichirait des expériences des autres.

Je vous propose de définir ce modèle en partant de trois principes fondamentaux : l'immigration choisie, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...l'affirmation d'un lien entre intégration et immigration, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...et le codéveloppement.

Le premier principe, c'est l'immigration choisie.

Je sais que cette expression a suscité quelques polémiques.

J'y répondrai d'abord par une question : la France peut-elle rester longtemps le seul pays au monde qui subit l'immigration et qui ne la revendique pas ? Pourquoi la moitié des prix Nobel américains sont-ils originaires de l'immigration ? Pourquoi la France est-elle passée très largement à côté de l'immigration asiatique, qui a d'ailleurs d'assez remarquables qualités d'intégration ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'est ça ! Allez habiter dans le XIIIe arrondissement !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Pourquoi la France continue-t-elle à accueillir des étudiants dont, pour partie, on ne veut nulle part ailleurs dans le monde et laisse-t-elle partir les meilleurs étudiants au bénéfice des démocraties anglo-saxonnes ? Pourquoi, quand on aime son pays, serait-on condamné parce qu'on veut pour lui le meilleur ? Vouloir le meilleur de l'immigration pour la France, ce n'est pas être contre la France et son histoire, c'est au contraire revendiquer pour la France la réussite des autres !

Applaudissementssur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Dans mon esprit, d'ailleurs, l'immigration choisie, c'est une immigration régulée, organisée, assumée, en tenant compte des capacités d'accueil de la France et des intérêts des pays d'origine.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Réfléchir aux capacités d'accueil de la France et aux secteurs d'activité où nous avons des besoins n'est-ce pas cela le devoir des responsables politiques ? Réfléchir aux besoins des pays d'émigration, n'est-ce pas cela la véritable générosité ?

Mon intention est de bâtir une nouvelle politique par laquelle l'arrivée des migrants en France sera voulue, acceptée, préparée par les autorités de l'État, soit parce que le migrant aura fait valoir son droit à venir s'installer en France pour des raisons familiales, soit parce que le Gouvernement aura souhaité la venue d'un étranger - étudiant ou professionnel -en raison de sa compétence, de son talent et de sa motivation.

L'immigration choisie, c'est donc d'abord la possibilité, pour l'État, de se fixer des objectifs quantifiés d'immigration, pour déterminer la composition des flux migratoires, préalable à l'intégration des migrants à la société française.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport que Malek Boutih - homme respectable mais dont je ne partage pas toutes les idées - a rédigé sur l'immigration, pour le parti socialiste. J'en conseille la lecture au groupe socialiste du Sénat.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

L'auteur de ce rapport propose l'instauration de quotas. Eh bien, entre les quotas que veut Malek Boutih et les objectifs quantifiés que le Gouvernement vous propose, il n'y a vraiment pas de quoi se livrer une bataille idéologique !

Nous devons, entre gens responsables, définir une politique qui s'appliquera pour les trente, quarante ou cinquante ans à venir ! Voilà le devoir de responsables politiques digne de ce nom !

La différence entre le quota et l'objectif quantifié est que le quota s'applique à l'unité près tandis que l'objectif quantifié est un ordre de grandeur qui apporte la souplesse nécessaire à toute politique d'immigration.

Le deuxième principe, c'est l'affirmation d'un lien étroit entre intégration et immigration.

Depuis des décennies, des experts - ou prétendus tels - nous répètent que les questions d'immigration et d'intégration doivent être dissociées pour ne pas stigmatiser les nouveaux arrivants.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Or on en a plus qu'assez d'entendre parler de stigmatisation ! À force de dire qu'il ne faut stigmatiser personne, on stigmatise tout le monde, ce qui donne lieu à un certain nombre de mesures ridicules, telle l'interdiction d'avoir des fichiers par origine et par nationalité. Lorsqu'on n'est pas capable d'établir un diagnostic, on ne peut apporter le bon remède pour faire face aux difficultés d'un pays.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

En quoi le fait de dire qu'il y a tant d'immigrés originaires d'Europe de l'Est, tant d'immigrés originaires d'Afrique ou tant d'immigrés originaires d'Asie stigmatiserait-il ces populations ?

En revanche, l'absence de classements obscurcit le débat sur l'immigration et empêche la France de voir les problèmes en face. En conséquence, elle les subit.

J'ajoute qu'en proposant pour la première fois un projet de loi qui associe l'immigration et l'intégration, nous avons décidé de briser ce tabou.

Pour moi, il ne fait aucun doute que l'immigration et l'intégration sont deux enjeux étroitement imbriqués.

Comment peut-on espérer s'intégrer en France sans parler un mot de français ? Comment trouver un travail, organiser une vie sociale, élever ses enfants ? C'est impossible, bien entendu !

Désormais, pour obtenir un droit au séjour durable, il faudra manifester sa volonté de s'intégrer, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...en faisant l'effort nécessaire pour apprendre notre langue.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Auront un droit de séjour durable ceux qui feront des efforts pour s'intégrer !

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Et ceux qui feront des efforts pour s'intégrer, ce sont ceux qui parleront notre langue !

Si on ne parle pas notre langue et qu'on ne fait pas d'effort pour s'intégrer, on n'aura pas un droit au séjour durable sur notre territoire !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Qui pourrait être contre un raisonnement de cette nature ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les Asiatiques ne parlent pas Français, contrairement aux Africains !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Il faudra aussi, c'est bien le moins, s'engager à respecter les lois et les valeurs de la République.

Les étrangers ont des droits. Ils ont aussi des devoirs.

Le premier de ces devoirs est d'aimer le pays qui les accueille, et de respecter ses valeurs et ses lois.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Quelqu'un qui ne respecte pas nos lois, quelqu'un à qui nos lois ne plaisent pas, quelqu'un qui n'aime pas la France est parfaitement respectable. Mais il n'est pas condamné à venir en France, il peut aller ailleurs !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

L'exigence de la communauté nationale est assez simple : celui qui veut résider durablement dans notre pays doit, pour le moins, le respecter et, au mieux, l'aimer. Lorsque l'on est accueilli, on a le devoir de respecter ceux qui vous accueillent.

Le troisième principe de la réforme est que la politique d'immigration de la France doit s'inscrire dans une véritable stratégie de codéveloppement.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Pour choisir l'immigration, pour réussir l'intégration, la France doit construire des partenariats avec les pays d'origine.

Je réfute totalement l'idée selon laquelle l'immigration choisie serait synonyme de « fuite des cerveaux ». J'en apporte la preuve.

Aujourd'hui, tout le monde le sait, les migrants les plus compétents et les plus talentueux partent vers le continent américain, tandis que les moins formés sont accueillis en Europe.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Les chiffres de la Commission européenne sont accablants : « 54 % des immigrés originaires du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, titulaires d'un diplôme universitaire, résident au Canada et aux États-unis, tandis que 87 % de ceux qui n'ont pas achevé leurs études primaires ou secondaires se trouvent en Europe ».

Au nom de quoi devrions-nous continuer à accepter que les mieux formés aillent développer le Canada et les États-unis et que l'Europe n'accueille que ceux qui n'ont pas terminé leurs études primaires ou secondaires ? Voilà pourquoi il faut changer notre politique de l'immigration !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Vous oubliez les médecins maghrébins qui sont dans les hôpitaux !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Je ne me résous pas à cette situation.

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

La France a longtemps entretenu une tradition d'accueil des élites des pays du Sud. Je souhaite renouer avec cette tradition.

Je vous propose donc de faciliter la venue en France d'étudiants, d'artistes, d'intellectuels, de sportifs, de créateurs d'emplois, qui pourront apporter à notre pays leurs talents et acquérir, en retour, une expérience utile à leur pays d'origine.

Cette politique devra bien entendu tenir compte de la situation des pays d'origine.

Accueillir en France quelques ingénieurs chinois ou informaticiens indiens ne va certainement pas ralentir la croissance phénoménale de ces deux pays, les plus peuplés de la planète.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. En revanche, je suis résolument hostile, par exemple, à toute forme d'immigration définitive des médecins et professionnels médicaux des pays d'Afrique, qui ont tant besoin d'eux.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Vous êtes le seul à être soigné par un médecin français !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Selon un rapport récent de l'Organisation mondiale de la santé, « l'Afrique supporte 24 % du fardeau des maladies et ne possède désormais que 3 % du personnel sanitaire ».

L'honneur de notre pays est de lutter contre ce pillage scandaleux et de participer à la formation de médecins africains. Tel est mon objectif : contribuer à former les élites des pays en développement, dans la perspective d'un retour.

L'avenir est aux migrations de mobilité, qui permettront aux migrants d'acquérir en France une formation, peut-être même une expérience professionnelle, et de les mettre ensuite au service du développement de leur pays d'origine.

Nous avons donc l'intention de placer au coeur de notre action une grande politique de codéveloppement, pragmatique et ambitieuse, qui permettra de fournir aux jeunes des régions les plus démunies une alternative à l'émigration et de contribuer ainsi à la modernisation et au décollage de leur pays. À la suite de plusieurs contacts avec le président Wade, nous lancerons prochainement une expérience pilote avec le Sénégal.

Pour mettre en place la nouvelle politique d'immigration, nous avons besoin des nouveaux instruments juridiques tels que définis par le projet de loi.

Je veux souligner que nous avons été très attentifs à ce que le projet de loi respecte, comme il se doit, les exigences constitutionnelles. Tel qu'il a été soumis à l'Assemblée nationale, le texte que je vous présente a été approuvé par l'assemblée générale du Conseil d'État, ce qui est une garantie.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Il poursuit cinq objectifs.

Premier objectif : une maîtrise quantitative de l'immigration.

Pour y voir clair, il faut d'abord prévoir. C'est pourquoi, dorénavant, le Gouvernement définira chaque année, dans un rapport remis au Parlement, des objectifs chiffrés sur le nombre de migrants que la France souhaite accueillir, en distinguant les grandes catégories de titres de séjour par motifs : travail, études, séjour familial.

La jurisprudence récente du Conseil constitutionnel ne nous permet pas d'inscrire expressément dans la loi que le rapport qui sera remis au Parlement comportera de tels objectifs, dès lors qu'ils ne sont pas normatifs mais seulement prévisionnels. Aussi, au nom du Gouvernement, je prends devant vous un engagement solennel : le prochain rapport au Parlement comprendra pour la première fois ces objectifs quantitatifs prévisionnels définis en fonction des capacités d'accueil de notre pays et de ses besoins.

Dans le même esprit, le projet de loi affirme que la délivrance d'un visa de long séjour, par un consulat, devient la condition préalable à l'immigration en France. Voici un principe fondamental : sans visa de long séjour délivré par un consul, il ne peut y avoir, sauf exception, de carte de séjour délivrée par un préfet. Le moins que l'on puisse attendre d'un pays, c'est qu'il délivre la carte de séjour avant que l'étranger vienne sur son territoire plutôt qu'après qu'il soit arrivé. Ce point devrait faire consensus !

Quel parlementaire, quelle que soit son ancienneté, pourrait me dire qu'il est normal qu'il n'y ait jamais eu de débat sur la politique d'immigration de la France ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Quel parlementaire pourrait considérer comme normal que le Parlement ne soit jamais saisi de la politique d'immigration d'un Gouvernement, que celui-ci soit de gauche ou de droite ? Qui pourrait comprendre que la souveraineté nationale qui s'exprime ici n'ait pas son mot à dire sur la politique d'immigration, surtout quand on sait son importance pour l'avenir ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Cette situation est terminée. Désormais, vous aurez à en débattre chaque année. C'est un grand progrès démocratique !

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF. - M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Deuxième objectif : les conditions de l'immigration familiale.

Je vous invite à réformer les règles du rapprochement familial, au service d'un objectif précis : s'assurer que toutes les conditions sont réunies pour que la famille puisse s'intégrer dans notre société.

Cette réforme s'applique d'abord à la procédure du regroupement familial. Le migrant qui souhaite faire venir sa famille devra séjourner régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, et non plus un an, durée indispensable pour préparer l'arrivée de son conjoint et de ses enfants. Il devra aussi être en mesure de pourvoir aux besoins de sa famille, je le précise, par les ressources de son seul travail et non par celles des prestations sociales.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Les conditions de délivrance des cartes de séjour pour motifs de « vie privée et familiale » seront précisées. L'étranger présent dans notre pays devra justifier de l'ancienneté, de la stabilité et de l'intensité de ses liens en France, de la nature de ses liens avec la famille restée dans son pays, de ses conditions d'existence en France ainsi que de son insertion dans notre société.

Je vous propose de mieux lutter contre les mariages de complaisance, dont le seul objet est de procurer un titre de séjour et, à terme, la nationalité au conjoint d'un Français.

Ce n'est pas une vue de l'esprit. Le mois dernier, la police a interpellé quarante-sept personnes appartenant à une filière d'organisation de mariages de complaisance...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...à Montpellier.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Pour mettre en relation des ressortissants nord-africains avec des Françaises en situation précaire, les entremetteuses percevaient 9 000 euros versés par le client étranger. Tel est donc le prix d'un mariage de complaisance. C'est le prix d'achat d'une épouse française qui donnera droit automatiquement à une carte de séjour et, quelques années plus tard, à la nationalité française. Il est temps d'en finir avec ces automatismes destructeurs !

Mme Paulette Brisepierre applaudit.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Trois mesures permettront de le faire.

L'étranger qui n'a qu'un visa de tourisme ou qui est en situation irrégulière pourra toujours se marier avec un Français, mais ce mariage ne lui donnera pas automatiquement droit à vivre en France. Avant d'obtenir une carte de séjour, il devra obtenir un visa de long séjour, délivré par le consul dans son pays d'origine.

Ce n'est qu'après trois ans de vie commune, et s'il fait la preuve de son intégration, que le conjoint de Français pourra obtenir une carte de résident de dix ans.

Enfin, la durée de vie commune requise avant de devenir Français sera portée à quatre ans.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Dans le même esprit, pour mieux lutter contre les détournements des allocations familiales, dans l'intérêt des enfants, les députés ont souhaité, à l'unanimité, prévoir la mise sous tutelle des allocations versées à des familles dont le père vit en état de polygamie.

Ce ne sont que des mesures de bon sens !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Troisième objectif : mieux accueillir les étudiants, les talents, les actifs, qui désirent venir en France.

Nous proposons, d'abord, la création d'une carte de séjour « compétences et talents », d'une durée de trois ans. Elle sera délivrée à des personnes dont la présence est une chance pour la France.

Il est nécessaire, ensuite, de faciliter l'accueil en France des étudiants en leur donnant la possibilité d'acquérir une première expérience professionnelle dans la perspective du développement de leurs pays d'origine.

Il me paraît impératif, enfin, d'assouplir les conditions de recrutement à l'étranger dans des secteurs et des bassins d'emploi qui souffrent de pénuries de main-d'oeuvre. Je pense à l'hôtellerie-restauration, à l'agriculture ou au bâtiment.

Quatrième objectif : réussir l'intégration des immigrés.

Il s'agit de définir, de manière cohérente et progressive, un véritable parcours d'intégration : de l'arrivée en France jusqu'à l'installation durable. Pour cela, la signature d'un contrat d'accueil et d'intégration sera rendue obligatoire pour toutes les personnes entrant en France légalement afin d'immigrer de manière durable.

Ce contrat ne sera pas un papier que l'on signe et que l'on oublie. L'étranger prendra des engagements à l'égard de la société qui l'accueille : apprendre la langue française, respecter nos lois. En contrepartie, le contrat comportera des engagements de l'État à l'endroit de l'étranger : formation linguistique et civique, première orientation dans les démarches pour s'adapter à la société française.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Lorsque l'étranger demandera, après plusieurs années en France, à bénéficier d'une carte de résident de dix ans, il devra prouver qu'il s'est bien intégré. Cette « condition d'intégration », vérifiée par les préfets après avis des maires, comprendra trois éléments : l'engagement personnel de l'étranger à respecter les principes de la République française, le respect effectif de ces principes et une connaissance suffisante de notre langue. En l'occurrence, je ne fais que reprendre le contrat d'intégration qu'avait lancé François Fillon lorsqu'il était ministre des affaires sociales.

Le parcours d'intégration comprendra donc plusieurs rendez-vous : la signature du contrat d'accueil et d'intégration à l'arrivée en France, la vérification de l'intégration effective avant, troisième et dernière étape, la délivrance de la carte de résident de dix ans.

La généralisation des cérémonies d'accès à la citoyenneté pour accueillir les nouveaux Français s'inscrit dans la même logique.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

On ne devient pas Français par hasard : on le demande, on le devient, on l'assume et on le respecte.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Le cinquième objectif du projet de loi porte sur la question de l'immigration outre-mer. François Baroin s'exprimera tout à l'heure sur ce sujet.

Pour conclure, permettez-moi de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que le Gouvernement attend du débat au Sénat.

Je me réjouis que des amendements équilibrés adoptés à l'Assemblée nationale aient d'ores et déjà permis de renforcer les droits des étrangers. Je pense à l'allongement du délai de recours contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français et à d'autres dispositions.

Le Gouvernement se montrera ouvert aux propositions que le Sénat fera, à son tour, dans un esprit d'équité, grâce au travail approfondi et remarquable conduit par la commission et par son rapporteur François-Noël Buffet.

Le débat parlementaire sera également l'occasion de préciser la question, très délicate, des régularisations.

Je refuse, avec la plus grande fermeté, les opérations de régularisation globales d'étrangers sans papiers telles que les gouvernements socialistes les ont pratiquées en 1981, en 1990 et en 1997.

M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. ... car elles ont un effet d'appel d'air. Le migrant régularisé fait venir sa famille. Il indique à ses amis, dans son village, que l'émigration vers la France est possible. Des filières se créent.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

D'ailleurs, après les trois opérations de régularisation massives faites par les socialistes, qui oserait dire aujourd'hui qu'il n'y a plus de clandestins ?

Eh oui ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. Comment mieux démontrer que ce fut une politique de gribouille.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Les Espagnols, qui ont régularisé 570 000 clandestins au premier semestre de 2005, le savent bien. Cela n'a fait qu'encourager les milliers de malheureux migrants africains qui traversent le Sahara dans l'espoir d'obtenir des papiers en Espagne.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Qui peut me dire que les 570 000 régularisations espagnoles ont empêché le drame des barbelés de Ceuta et Mellila ?

Ceuta et Mellila ont été la réponse à la régularisation massive de 570 000 migrants clandestins. Voilà la réalité !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Les Italiens le savent également, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...eux qui régularisent des centaines de milliers de personnes tous les deux ou trois ans. Mais il entre toujours plus de clandestins dans ce pays et il faut donc procéder à des régularisations toujours plus nombreuses. D'ailleurs, le nouveau gouvernement italien vient d'annoncer une nouvelle régularisation de 500 000 clandestins !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Jamais autant de clandestins n'ont quitté les 3 000 kilomètres de côtes libyennes pour atteindre l'Italie !

La régularisation globale crée les conditions d'un appel d'air, que plus personne ne peut gérer par la suite.

Hostile aux régularisations globales, je suis également opposé aux régularisations automatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

La fermeture de Sangatte n'a réglé aucun problème !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Je voudrais vous proposer de sortir des logiques d'automaticité, qui constituent un appel d'air et un encouragement à la clandestinité. C'est pourquoi je propose d'abroger le système des régularisations automatiques après dix ans de séjour illégal.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

D'ailleurs, on se demande bien pourquoi un seuil des dix ans devrait constituer une barrière !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Par ailleurs, il est tout de même curieux pour des parlementaires et pour un gouvernement d'instituer une règle tendant à récompenser la clandestinité.

En vertu d'un tel principe, celui qui échappe à la loi et au contrôle pendant dix ans gagne le droit à la régularisation automatique !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

C'est inefficace, immoral...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...et contraire aux valeurs de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Franchement, vous êtes mal placé pour invoquer les valeurs de la République !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. C'est pourquoi je vous propose la suppression de cette règle.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Cependant, je suis convaincu que la prise en compte de certaines situations humanitaires est absolument nécessaire.

C'est pourquoi, conformément à un amendement présenté par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, le présent projet de loi consacre la possibilité pour le préfet de délivrer une carte de séjour à titre exceptionnel.

Ainsi, la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...composée à parité de fonctionnaires et de responsables associatifs, est créée.

Cette nouvelle instance pourra être saisie pour avis sur des dossiers individuels par le ministre de l'intérieur, lorsque ce dernier sera lui-même saisi d'un recours hiérarchique.

J'ai souhaité qu'elle soit, en outre, saisie du cas des étrangers présents illégalement en France depuis plus de dix ans. Ces personnes auront droit à ce que leur dossier soit examiné par la Commission.

De surcroît, la Commission émettra un avis sur les critères de l'admission exceptionnelle au séjour. Cela permettra, et c'est très important, d'harmoniser les pratiques préfectorales pour qu'il n'y ait pas de différences de traitement selon les départements.

Très bien ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

C'est donc dans cet esprit que j'aborde la question de la présence dans notre pays de familles d'étrangers en situation irrégulière et dont les enfants sont scolarisés.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs socialistes

Ah !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

C'est une question difficile. D'ailleurs, si ce n'était pas le cas, le problème aurait été réglé depuis de nombreuses années. J'observe qu'il ne l'a pas été ; c'est donc bien que la question n'est pas simple. Elle appelle une réponse équilibrée.

À cet égard, je tiens à indiquer de manière solennelle devant la Haute Assemblée que nous devons prendre garde à ne pas encourager des filières d'immigration illégale. Il serait irresponsable que la France devienne le seul pays au monde où la scolarisation d'un enfant donnerait automatiquement un droit de séjour aux parents, et ce sans aucun autre critère.

Il suffirait alors d'entrer en France illégalement et d'y scolariser un enfant le lendemain pour avoir droit à un titre de séjour ! En effet, l'inscription dans une école est, je le rappelle, de droit !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Ni les maires ni les écoles maternelles ou primaires ne peuvent refuser une inscription.

En acceptant une telle régularisation automatique, ...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

...vous créeriez une nouvelle filière d'immigration en France, que vous ne pourriez ensuite plus contrôler !

Ainsi, il suffirait qu'un enfant d'une famille venue clandestinement en France soit inscrit dans l'une de nos écoles pour que celle-ci obtienne immédiatement un droit de séjour.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Je ne peux pas imaginer qu'un seul groupe politique de la Haute Assemblée puisse proposer à un gouvernement, quel qu'il soit, une stratégie qui serait à ce point suicidaire !

Mais, dans le même temps, le devoir d'humanité nous impose de prendre en compte des situations qui ne permettent pas d'envisager un retour forcé vers le pays d'origine.

À l'automne dernier, j'avais demandé aux préfets de ne pas éloigner, durant l'année scolaire, les étrangers ayant un enfant scolarisé.

Alors que les vacances scolaires approchent, j'ai donné aux préfets deux séries d'instructions.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Apparemment, vous commencez à être inquiet !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

D'abord, je leur ai demandé de proposer systématiquement aux familles concernées, au cours du mois de juin, une aide au retour volontaire.

Il est nécessaire que chaque famille dispose de manière personnalisée de toute l'information utile pour choisir de retourner dans son pays d'origine, si elle le souhaite, lorsque l'année scolaire sera achevée. Le « pécule » proposé n'est pas négligeable : il s'élève à 3 500 euros pour un couple, auxquels s'ajoutent 1 000 euros par enfant. Certaines de ces familles choisiront de regagner leur pays au bénéfice de cette aide. Ce sera très bien ainsi.

Ensuite, et c'est la seconde instruction, j'ai demandé aux préfets envisager l'admission exceptionnelle au séjour de certaines de ces familles au regard de critères d'ordre humanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Pour cela, il a fallu que des familles et des jeunes manifestent !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Ainsi, lorsqu'un enfant étranger est né en France, ou y est arrivé en très bas âge, et qu'il est scolarisé dans notre pays, il serait très cruel de reconduire de force dans un pays dont il ne parlerait pas la langue et avec lequel il n'aurait aucun lien.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Surtout quand un comité de soutien est mobilisé !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Dans ce cas, le pays d'origine n'est pas celui de l'enfant, dont les véritables attaches sont en France. Son départ serait alors vécu comme une véritable expatriation et comme un déracinement.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Par conséquent, je demande aux préfets d'être très attentifs à la situation des parents de tels enfants.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État. L'admission exceptionnelle au séjour doit alors être envisagée au cas par cas. La Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour aidera les préfets dans cette démarche nécessaire.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Cela n'a d'ailleurs que peu d'importance.

Cela montre, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, que vous évoquiez de tels cas pour les exploiter de manière politicienne, et non pour régler un problème humanitaire.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Il me paraît important que les débats de la Haute Assemblée nous permettent de disposer de nouveaux outils de codéveloppement.

Je fais pleinement confiance au Sénat pour être imaginatif et constructif sur ce sujet essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Manifestement, vous commencez à vous inquiéter ! Vous faites moins le fier-à-bras qu'à l'accoutumée !

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Le système de la carte de séjour « compétences et talents » peut être amélioré.

Je ne verrais que des avantages à ce que cette carte ne soit délivrée aux ressortissants des pays en voie de développement que dans le cadre d'un accord de partenariat entre la France et le pays d'origine.

De même, le moment est, me semble-t-il, venu de mieux mobiliser l'épargne des migrants à des fins d'investissement. C'est l'une des clés du codéveloppement. Aujourd'hui, les transferts de fonds des migrants sont utilisés à 80 % à des fins de consommation. La grande question qui nous est posée est la suivante : comment transformer cette épargne pour la diriger vers l'investissement productif ?

Il faut envisager la mise en place de produits financiers spécifiques en faveur de l'investissement des migrants dans leur pays d'origine avec un régime fiscal privilégié.

À cet égard, je voudrais faire une proposition. L'argent des migrants travaillant en France ne pourrait-il pas être exonéré d'impôt sur le revenu s'il était réinvesti dans leur pays d'origine ?

Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Ce serait, je le crois, un puissant facteur de codéveloppement, ainsi qu'une invitation, pour ces migrants, à ne pas couper les liens avec le pays d'origine et à préparer leur retour.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Je fais confiance au Sénat pour apporter une contribution décisive à la mise en oeuvre de cette idée ambitieuse.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat qui va se dérouler dans cet hémicycle sera donc déterminant pour façonner le visage de la France dans les trente ans à venir. Le moment est venu d'assumer sans tabou un véritable choix de société.

Le Gouvernement propose un chemin ambitieux et exigeant. Je souhaite que le Sénat adopte ce projet de loi après l'avoir enrichi de son expérience, de sa compétence et de sa générosité.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre de l'outre-mer

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de présenter devant la Haute Assemblée, après M. le ministre d'État, les dispositions relatives à l'immigration clandestine en outre-mer.

En effet, le titre VI de ce projet de loi concerne non pas l'immigration régulière en outre-mer, mais bien cette immigration illégale, dont les proportions sont sans commune mesure avec la métropole.

Ce sont des situations humaines inacceptables et parfois tragiques. Chacun le sait, des hommes, des femmes et des enfants prennent désormais des risques insensés sur des embarcations de fortune, tentent de rejoindre les côtes françaises et y trouvent parfois la mort.

Ce sont des filières clandestines, qui déstabilisent des territoires fragiles et bouleversent les équilibres sociaux et économiques ultramarins. Comment ne pas évoquer les constructions illégales à Cayenne - n'est-ce pas, monsieur le président Othily - ou les bidonvilles de Mayotte ?

Ce sont des comportements individuels qui portent atteinte à notre pacte social. Que penser, par exemple, des femmes mahoraises qui refusent la scolarisation de petits anjouanais ? C'est dire l'état d'exaspération, pour ne pas dire plus, de la société mahoraise dans sa globalité face à la situation à Mayotte.

Ce sont des proportions de clandestins qui poseront à terme - pourquoi le taire ? - la question de la souveraineté française sur ces territoires. En effet, selon certaines estimations, les étrangers en situation irrégulière représentent plus du tiers de la population à Mayotte, et ce niveau atteint désormais près de 25 % en Guyane.

Ce sont également des situations inacceptables, qui engendrent la violence et parfois même la mort. En présence de M. le ministre d'État, je tiens à rappeler et à saluer la mémoire des agents des forces de l'ordre récemment tués dans l'exercice de leurs fonctions en Guyane.

Soyons lucides : la France n'a pas suffisamment anticipé la proportion des flux migratoires auxquels elle doit aujourd'hui faire face en outre-mer. Elle n'a donc pas réagi à temps.

Il faut être conscient de la situation à laquelle nous sommes confrontés. Ni l'armée française ni la police dans sa globalité ne suffiront à surveiller l'ensemble si vaste des côtes et des fleuves de Guyane. On ne pourra pas ériger de barrières autour de la Guadeloupe, de la Martinique ou de Mayotte, mettre en place un dispositif de barbelés autour de ces îles !

Il nous faudra mener une politique fondée sur le triptyque que Nicolas Sarkozy vient d'évoquer, c'est-à-dire un renforcement de l'arsenal juridique, une action diplomatique vigoureuse et des mesures de codéveloppement et de partenariat là où c'est utile, pour permettre à ces candidats à l'immigration de bien comprendre le message de la France sur nos territoires ultramarins. Nous n'avons pas les moyens économiques et sociaux, notamment en termes de logement, d'accueillir dignement ces personnes, du moins de manière conforme à l'image que nous nous faisons tous des valeurs de la République.

Il nous faut donc agir rapidement. Comme l'a rappelé à juste titre le rapporteur M. Buffet, la prise de conscience du phénomène est encore récente. L'urgence de la situation exige également la mise en place d'un dispositif juridique musclé et renforcé.

La concertation préalable avec les élus est indispensable sur nos territoires. Les propositions qui sont faites résultent du travail très important fourni par le comité interministériel de contrôle de l'immigration, qui est présidé par le Premier ministre, et des propositions de la mission d'information sur la situation de l'immigration à Mayotte, que j'avais souhaitée et qui s'est rendue sur place sur l'initiative de la conférence des présidents de l'Assemblée nationale.

Ces propositions résultent également de votre commission d'enquête sur l'immigration clandestine, dont je salue l'ensemble des membres. Cette commission a apporté un éclairage très précieux. En effet, elle a alerté la société française sur la réalité d'une situation que je m'étais pour ma part efforcé de dénoncer avec respect, mais également avec beaucoup de force. Ses travaux ont éclairé les débats dans l'élaboration de ces dispositions.

Permettez-moi simplement de rappeler le cadre juridique dans lequel vous serez amenés à intervenir. Là encore, les mesures qui vous sont proposées s'inscrivent pleinement dans notre cadre constitutionnel.

Ainsi, l'article 73 de la Constitution, qui concerne les départements et les régions d'outre-mer, dispose que la législation peut faire « l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».

S'agissant de Mayotte, l'article 74 de la Constitution - ce n'est pas à des membres de la Haute Assemblée que je le rappellerai - permet d'élaborer une législation conforme aux intérêts propres de cette collectivité, ce qui peut bien sûr nous amener à aller plus loin dans les dispositifs législatifs dérogatoires au droit commun applicables constitutionnellement en outre-mer.

Bien évidemment, au nom du principe d'identité législative, l'intégralité du projet de loi présenté par Nicolas Sarkozy s'appliquera aux départements d'outre-mer ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Enfin, il vous est proposé, conformément à l'article 38 de la Constitution, d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires à l'application des dispositions de ce projet de loi dans les collectivités d'outre- mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Naturellement, là aussi s'agissant de la méthode, pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis-et-Futuna, il sera procédé à une consultation préalable des assemblées délibérantes, avec le souci constant du consensus nécessaire à la vie politique et sociale en outre-mer.

Dans le même esprit de respect des institutions locales et des autorisations accordées préalablement par le Parlement, le Gouvernement vous demandera de ratifier un certain nombre d'ordonnances relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers et au droit d'asile.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous expliciter rapidement les grandes lignes des mesures législatives que nous vous présentons, ainsi que les objectifs pour l'outre-mer.

Il s'agit, en premier lieu, de faciliter, pour les forces de l'ordre, la recherche et l'interpellation des clandestins, en luttant contre les filières organisées.

Des contrôles d'identité en vue de lutter contre l'arrivée de clandestins seront désormais permis dans une bande terrestre bien déterminée en Guadeloupe - nous en avons parlé lors de mon récent déplacement - et à Mayotte - nous l'avons également abondamment commenté avec M. le Premier ministre, lors de son déplacement à la Réunion. Cette mesure sera expérimentée pour une durée de cinq ans, au terme de laquelle un bilan sera effectué. Il est en effet logique de se donner des rendez-vous pour évaluer l'application des politiques publiques. De même, des contrôles sommaires des véhicules pourront être effectués dans des conditions similaires.

Le combat contre les filières sera intensifié. C'est le sens des propositions gouvernementales, enrichies par le débat à l'Assemblée nationale. Les forces de l'ordre disposeront désormais d'un fondement juridique pour détruire, en Guyane, les embarcations fluviales non immatriculées. En Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte, il sera possible d'immobiliser les véhicules terrestres, autres que particuliers naturellement, servant à transporter illégalement des clandestins.

Par ailleurs, afin de tenir compte des particularités géographiques de Mayotte, le projet de loi vise à porter de quatre à huit heures le délai dont disposent les forces de l'ordre pour procéder à l'interpellation des clandestins et à leur placement en centre de rétention administrative.

L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté, dans un souci de cohérence, un amendement visant à porter à huit heures la durée maximale pendant laquelle les véhicules faisant à Mayotte l'objet d'une visite sommaire peuvent être immobilisés. Le Gouvernement était favorable à cette initiative, et, si la Haute Assemblée le souhaite, il accompagnera cette démarche.

Ce projet de loi modernise, en second lieu, notre droit afin de rendre nos procédures administratives plus efficaces. Il s'agit de se donner enfin les moyens de faire face à la pression migratoire, de gérer avec plus de cohérence les mesures d'interdiction du territoire et d'expulsion, ainsi que d'adopter une démarche volontariste de lutte contre le travail clandestin.

Ainsi, le projet de loi vise à étendre le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière à l'ensemble des communes de la Guadeloupe. Cette mesure, déjà applicable dans la commune de Saint-Martin, sera, là encore, expérimentée pendant une durée de cinq ans. À ceux qui s'interrogent, qui s'inquiètent, qui considèrent que cette mesure est trop dérogatoire, je réponds : « Regardez ce qui s'est passé en Guyane. Nous devons aller plus loin. Pourtant, un outil existe. Regardez ce qui se passe à Saint-Martin. Compte tenu de l'évolution de la situation et sa dégradation, nous devons maintenir cet effort. » Donnons-nous donc rendez-vous dans cinq ans. Nous verrons alors si, grâce à une maîtrise plus rigoureuse des flux migratoires, mais aussi en fonction de la situation d'Haïti, laquelle est instable, nous avons obtenu des résultats satisfaisants, qui nous permettront alors de débattre à nouveau de ces dispositions.

Ce texte prévoit, de plus, l'extension à l'ensemble du territoire de la République des mesures d'interdiction du territoire, de reconduite à la frontière et d'expulsion prononcées en outre-mer. Il prévoit aussi de limiter l'autorisation de travail accordée à l'étranger sur le fondement d'un titre de séjour au seul département pour lequel elle a été délivrée. Ce point, même s'il est technique, est important. Il est éclairant sur la nécessité d'évoluer dans un cadre juridique renforcé.

Enfin, j'ai souhaité, après de nombreuses discussions au sein du Gouvernement, renforcer la lutte contre le travail clandestin. Cette pratique, qui, jusqu'à maintenant, il faut bien le dire - je parle sous le contrôle des représentants mahorais au Sénat - était plus ou moins tolérée à Mayotte, doit cesser. On ne peut se plaindre de l'immigration clandestine et, dans le même temps, y avoir recours pour son usage privé. Ce type de comportement n'a plus sa place dans notre République.

Un débat anime vigoureusement la société mahoraise concernant son évolution vers la départementalisation. Il faut, à l'occasion de l'examen de ce texte, permettre, sous l'autorité de M. le ministre d'État, d'appliquer des contrôles avec une plus grande rigueur et de limiter les abus en matière d'exploitation des travailleurs clandestin.

À l'issue de nos débats, ce projet de loi rendra applicable les mesures de contrôle contre le travail dissimulé prévues par le code du travail de la collectivité départementale de Mayotte aux employés de maison, qui s'en trouvaient jusqu'à présent exclus. Les inspecteurs du travail seront sollicités.

Enfin, sous le contrôle du juge, les officiers de police judiciaire seront autorisés à procéder à des visites domiciliaires, à perquisitionner et à saisir des pièces à conviction sur les lieux de travail, même lorsqu'il s'agit de locaux habités. Il faut être allé sur place pour se rendre compte que ces outils juridiques sont nécessaires.

Je précise que l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi, a approuvé une forte augmentation, de cent à mille fois le SMIC horaire en vigueur à Mayotte, du montant des amendes administratives pouvant être infligées par le préfet aux employeurs de travailleurs clandestins, à défaut de poursuites judiciaires. Nous allons travailler à la fois en amont et en aval.

Personne ne l'ignore sur ces travées, nous proposons, après un vif débat, de modifier à Mayotte les règles de reconnaissance de paternité, dans l'esprit de ce qu'a évoqué M. le ministre d'État tout à l'heure.

Afin de lutter contre ces reconnaissances de complaisance accordées moyennant finances, le projet de loi prévoit de mettre à la charge solidaire du père ayant reconnu un enfant les frais de maternité de la femme étrangère en situation irrégulière. Je n'évoquerai pas la désormais célèbre maternité de Mamoudzou, la plus active de France, où ont lieu plus de 8 000 naissances par an. Sachez qu'entre 60 % et 70 % de ces naissances sont le fruit de femmes qui, soit pour des raisons de santé ou de protection personnelle, soit pour des raisons évidemment liées à l'accomplissement de la fin de leur grossesse, soit peut-être avec d'autres intentions, ont souhaité accoucher à Mamoudzou, à Mayotte. Par ailleurs, des filières parallèles se sont développées.

Il est également prévu une réforme de la procédure dite de « dation de nom », qui emporte les mêmes effets que la reconnaissance d'un enfant et qui connaît une augmentation exceptionnelle. Le nombre de dation de nom - cette procédure permet d'entrer dans les dispositifs que chacun connaît - a en effet été multiplié par quatre entre 2000 et 2005.

Le projet de loi renforce par ailleurs les pouvoirs du procureur, qui pourra s'opposer à l'enregistrement de la reconnaissance de paternité ou demander une enquête lorsque des indices sérieux laissent présumer une reconnaissance frauduleuse.

Enfin, est prévu un renforcement des sanctions pénales à l'encontre des tentatives de reconnaissance et des reconnaissances frauduleuses de paternité à Mayotte. Cela n'existait pas. Le texte, si vous le votez, permettra une très sérieuse avancée en la matière ; il est très attendu, sur place, à Mayotte.

Dans un même esprit, l'Assemblée nationale a approuvé un amendement tendant à supprimer la compétence du cadi en matière de mariage. Celui-ci sera désormais - cela peut surprendre ! - célébré à la mairie par l'officier de l'état civil. Elle a également approuvé, dans un souci d'amélioration de la vie quotidienne, des mesures visant à faciliter l'obtention de la possession d'état de Français à Mayotte.

Pour conclure sur les mesures concernant l'outre-mer, il est utile de préciser que l'examen du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration a été l'occasion, à l'Assemblée nationale, d'enrichir le texte du Gouvernement sur plusieurs points.

Tout d'abord, l'outre-mer est concernée par des dispositions qui modifient le droit commun. Je pense en particulier à un amendement adopté en première lecture qui vise à calquer les sanctions contre les reconnaissances frauduleuses d'enfant sur les dispositions concernant les mariages blancs que Nicolas Sarkozy a présentées avec beaucoup de pertinence et force arguments et exemples. Ainsi, le fait de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. C'est l'article 63 du projet de loi. Cet article prendra pleinement effet dans les départements d'outre-mer, où il sera d'une grande utilité.

Concernant le volet spécifiquement ultramarin, sur le modèle des commissions mises en place en Guyane et à la Réunion, le projet de loi prévoit, à la suite d'un amendement parlementaire, la création en Guadeloupe et à la Martinique d'un observatoire chargé d'apprécier l'application de la politique de régulation des flux migratoires et des conditions d'immigration, puis de proposer les mesures d'adaptation.

Enfin, un amendement visant à permettre de relever les empreintes digitales des étrangers non admis sur le territoire de Mayotte a été approuvé par l'Assemblée nationale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a encore quelques mois en métropole, on ne parlait pas ou on parlait peu, en tout cas trop peu, de l'immigration irrégulière outre-mer.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

et que l'on vit sur une île, le pacte républicain et la cohésion sociale y ont plus de signification que partout ailleurs en termes d'équilibre et donc de maîtrise des politiques publiques.

Ce débat sur l'immigration irrégulière en outre-mer, je l'ai souhaité et je l'ai lancé en conscience et en responsabilité. Il a animé vigoureusement la société française et l'opinion publique ultramarine. Je me réjouis que, seulement quelques mois après, nous prenions des mesures législatives qui viendront compléter les actions déjà entreprises avec M. le ministre d'Etat, sous l'autorité de M. le Premier ministre, pour renforcer les moyens humains et matériels de lutte contre l'immigration clandestine.

Il est évident que nous ne pourrons pas lutter efficacement contre l'immigration irrégulière sans réévaluer les outils de coopération avec les pays dont le niveau de développement est inférieur au nôtre. En effet, le différentiel de niveau de vie entre ces pays et le nôtre - de un à cinq, parfois de un à sept - pousse ces populations à venir en France, pays mythique pour elles. Par ailleurs, ces populations sont attirées par des garanties de meilleure protection. Or nous n'avons pas, nous n'avons plus les moyens de les accueillir. Les avons-nous seulement eus un jour là-bas ? Je n'en suis pas certain.

Dans tous les cas, en outre-mer, la question tourne non pas autour d'une immigration choisie - qui est un véritable projet politique - mais autour d'une vraie maîtrise et d'un coup d'arrêt aux flux migratoires, que nous ne pouvons plus tolérer sur ces territoires. Pour cela, nous devons veiller à mieux coordonner nos différents instruments d'intervention. Il s'agit d'un chantier majeur pour les années à venir, qui doit être mené de pair avec une action diplomatique vigoureuse, comme je l'évoquais tout à l'heure.

Si, au sein de la République, la liberté est la règle, il n'y a naturellement pas de liberté sans règle. Ce message s'adresse à toutes celles et à tous ceux qui souhaitent vivre sur notre territoire. C'est un double message, qui allie fermeté et humanité.

C'est à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il appartient d'approuver ou non ces nouvelles règles. Je souhaite bien sûr que vous les approuviez. Elles sont attendues par nos concitoyens ultramarins, qui sont très attentifs aux débats parlementaires, tant à l'Assemblée nationale, lors de l'examen en première lecture du projet de loi, que désormais au Sénat.

Bien évidemment, je serai attentif à toutes vos suggestions, à tous vos amendements. Je sais combien la Haute Assemblée est attentive à l'outre-mer, qui attend beaucoup de votre part.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsqu'en 2003 le Parlement commença à débattre de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, l'immigration était l'une des questions de société sur lesquelles la confiance de nos compatriotes dans l'État s'était le plus effondrée.

Les carences, voire l'inexistence, de notre politique migratoire devenaient un handicap lourd face à l'émergence d'un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des biens et des idées et traversé de mouvements migratoires puissants.

Le Gouvernement a construit sa politique migratoire autour de quatre axes principaux : restaurer le droit d'asile, aider et inciter les étrangers à s'intégrer, lutter contre l'immigration clandestine et harmoniser les politiques européennes d'immigration.

Trois ans plus tard, des progrès significatifs ont été obtenus sur ces quatre fronts. Le propos n'est évidemment pas de conclure que tous les problèmes ont été résolus, que l'immigration clandestine a été endiguée ou que la politique d'intégration des étrangers est pleinement satisfaisante.

Mais un certain nombre de principes, voire d'évidences, ont retrouvé un sens et une réalité qu'ils avaient perdus. Ainsi avait-on oublié que le droit d'asile n'est pas un moyen parmi d'autres de se maintenir illégalement sur le territoire français.

Concernant la lutte contre l'immigration clandestine, le doublement, depuis 2002, du nombre des reconduites à la frontière rappelle que l'éloignement constitue la pierre de touche des politiques de contrôle de l'immigration : sauf à renoncer en fait à tout contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers sur son territoire, l'État doit en effet savoir afficher sa détermination, au besoin par la contrainte mais dans le respect du droit des personnes, à mettre fin au séjour irrégulier.

De la même façon, la création d'une condition d'intégration républicaine dans la société française en vue de la délivrance d'une carte de résident consiste simplement à exiger d'une personne qui souhaite bénéficier d'un droit au séjour durable un gage de son intégration. La carte de résident concrétise la reconnaissance de cette volonté d'intégration.

Cette politique équilibrée et assumée a permis de sortir du débat stéréotypé entre « immigration zéro » et ouverture totale de nos frontières. Les conditions d'un débat de fond, rationnel et dépassionné semblent désormais réunies. C'est dans cet esprit que la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, créée le 27 octobre 2005, a mené ses travaux, avec un souci d'objectivité et pour faire tomber un certain nombre d'idées reçues.

Ce climat favorable est le préalable, dans une seconde étape, au passage d'une politique de maîtrise des flux à une politique de pilotage des flux.

Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration se veut l'instrument de cette nouvelle politique. Modifié par l'Assemblée nationale, il comprend cent seize articles regroupés en sept titres. Deux principaux traits le caractérisent : la continuité et la rupture.

Continuité, tout d'abord, avec la politique qui a été engagée depuis trois ans. Le projet de loi consolide la lutte contre l'immigration irrégulière, en métropole et dans les territoires ultramarins, et mène à son terme la généralisation du contrat d'accueil et d'intégration ainsi que celle de la condition d'intégration pour la délivrance de la carte de résident.

Rupture, ensuite, avec le tabou de l'immigration dite de travail. Depuis 1974, l'immigration de travail a pratiquement cessé dans notre pays et aucun gouvernement n'a remis en cause ce dogme depuis trente ans. Un grand nombre de nos concitoyens assimilent à tort - mais qui peut le leur reprocher tant le message politique est brouillé ? - cette fermeture de nos frontières avec « l'immigration zéro ».

Le projet de loi brise ce tabou et met en place des instruments diversifiés pour attirer les meilleurs talents en France et satisfaire des besoins ciblés de l'économie française en main-d'oeuvre. À côté d'une immigration régulière « au fil de l'eau », de nature familiale essentiellement, notre pays doit pouvoir attirer également des étrangers répondant à des besoins identifiés.

Les travaux économiques démontrent que l'immigration est un moteur de la croissance, qui peut être optimisé en fonction du niveau de qualification des immigrés. En rouvrant l'immigration de travail, il s'agit de réhabiliter une vision positive de l'immigration par rapport à une représentation trop souvent malthusienne.

Une critique fréquente à l'encontre de cette politique d'immigration sélectionnée est qu'elle déposséderait les pays pauvres de leurs richesses humaines.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Votre rapporteur, qui fut également celui de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, sous la présidence de M. Georges Othily, est très sensible à ces remarques. Mais elles semblent exagérées car elles relèvent, en partie, d'une conception datée de l'immigration et du développement économique.

Il y a place, sans aucun doute, pour une immigration mutuellement bénéfique.

Un nouveau défi se pose : passer de la maîtrise des flux migratoires à leur pilotage, en progressant dans la lutte contre l'immigration irrégulière.

Il existe un préalable. La lutte contre l'immigration irrégulière est une condition nécessaire à la mise en place d'une politique migratoire crédible, quelles que soient ses orientations par ailleurs.

À cet égard, la capacité d'un État à éloigner les étrangers en situation irrégulière sur son territoire est primordiale. À défaut, les clandestins sont d'autant plus incités à entrer sur le territoire national, quel que soit le moyen employé, que le risque d'être éloigné est faible.

Sans une politique d'éloignement ferme, l'intérêt de distinguer les étrangers selon qu'ils sont en situation régulière ou situation irrégulière disparaît. Et sans cette distinction, la politique d'intégration des étrangers en situation régulière se construit sur du sable.

Refuser d'éloigner, c'est s'obliger à régulariser ou à jouer le « pourrissement » en maintenant indéfiniment dans la précarité et la clandestinité les étrangers en situation irrégulière.

Tenir ce discours, ce n'est pas signifier son indifférence à de nombreux drames humains. Un clandestin - faut-il le rappeler ? - n'est pas un criminel. C'est même souvent une victime. En effet, l'immigration clandestine est de plus en plus la proie de réseaux criminels.

Lutter contre l'immigration clandestine, cela signifie également lutter contre le travail illégal et la criminalité organisée et protéger des êtres humains contre des traitements contraires à la dignité humaine.

C'est, enfin, dans des situations extrêmes, comme en Guyane, à Mayotte ou en Guadeloupe, une nécessité pour préserver la paix civile et pour écarter le risque d'une déstabilisation sociale.

Depuis trois ans, des progrès ont été accomplis.

La loi du 26 novembre 2003 a offert de nouveaux instruments juridiques pour contrôler la délivrance des visas et les entrées aux frontières, pour lutter contre le travail illégal ou pour éloigner les étrangers en situation irrégulière. La loi du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile a réduit les délais d'examen des dossiers de demande d'asile et étendu la garantie des droits. Des moyens financiers et humains ont accompagné ces réformes. La mobilisation de tous les services est sans précédent.

Les premiers résultats sont positifs, même s'il est encore trop tôt pour porter un jugement définitif. Plusieurs réformes commencent seulement à porter leurs fruits, voire à être mises en oeuvre, telles que le développement - tant attendu - des visas biométriques.

Ces efforts doivent évidemment être amplifiés.

Tout d'abord, des efforts restent à faire pour mieux cerner le phénomène et l'ampleur de l'immigration clandestine.

Ensuite, les actions déjà entreprises ne doivent pas être interrompues. Sans les récapituler toutes, l'exemple de la lutte contre le travail illégal illustre bien l'importance de la continuité dans la mise en oeuvre d'une politique.

De manière générale, l'immigration clandestine outre-mer constitue un défi en soi. La prise de conscience de l'urgence de la situation dans plusieurs de ces territoires est encore récente et ouvre un chantier d'envergure.

L'outre-mer démontre également, à l'extrême, que les réponses à l'immigration irrégulière sont à trouver, à moyen-long terme, du côté de la coopération régionale et de la politique de développement avec les pays source de l'immigration. La commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine s'est spécialement attachée à recenser les moyens efficaces de cette politique, plaçant beaucoup d'espoirs dans le codéveloppement. Je tiens d'ailleurs à saluer la proposition faite aujourd'hui concernant le fameux projet de compte épargne, qui pourrait être utilement débattue et mise en place.

L'immigration régulière « au fil de l'eau » constatée aujourd'hui se caractérise par des flux élevés.

L'immigration familiale est très importante, contrairement à l'immigration dite de travail, qui est beaucoup plus faible.

Cependant, à cette immigration familiale importante s'ajoute une immigration détournée.

Reconnu traditionnellement par le législateur comme le signe incontestable d'une intégration réussie et durable, le mariage entre un Français et un ressortissant étranger permet à ce dernier d'obtenir un titre de séjour et, s'il le souhaite, la nationalité française selon des modalités simplifiées par rapport à la procédure de naturalisation.

Chaque année, environ 270 000 mariages sont célébrés en France, dont 45 000 mariages mixtes, et 45 000 mariages célébrés à l'étranger - la quasi-totalité entre un ressortissant français et un ressortissant étranger - sont transcrits sur les registres de l'état civil français.

En définitive, près d'un mariage sur trois, du moins pour ceux qui sont enregistrés en France, est un mariage mixte et la moitié des titres de séjour est délivrée à des ressortissants étrangers de conjoints français.

S'il importe de ne pas jeter un doute systématique sur ces unions mixtes, celles-ci étant même une preuve forte d'intégration, la hausse très rapide du nombre de mariages mixtes célébrés à l'étranger doit nous alerter sur de possibles mariages de complaisance ou forcés.

Les reconnaissances de paternité fictive constituent une deuxième catégorie de fraudes destinées à permettre l'obtention d'un titre de séjour.

D'autres abus de procédure sont également constatés. Ainsi, l'utilisation de la procédure des « étrangers malades » connaît une véritable explosion. Cela dit, ce point mérite d'être analysé avec une grande prudence.

Il convient donc de réhabiliter une vision positive de l'immigration.

Coincée entre la lutte contre l'immigration clandestine et une gestion purement administrative des flux migratoires, l'immigration légale en France souffre d'une image dégradée. Trop souvent perçue à tort comme une charge, elle est une chance pour notre pays à condition de l'inscrire dans un projet.

Il faut renforcer l'intégration et transmettre les principes de la République française.

Trop longtemps, notre pays s'est refusé à mettre en place une politique d'intégration construite estimant que, d'une part, cela stigmatiserait les étrangers et que, d'autre part, la République française avait su mener cette politique d'intégration par le passé. Or force est de constater que certains vecteurs puissants de l'intégration, comme le travail, ne fonctionnent plus aussi bien.

Depuis 2003, le Gouvernement a engagé ce nouveau chantier en dessinant les contours d'un parcours d'intégration pour les étrangers arrivant en France. Le contrat d'accueil et d'intégration proposé à chaque primo-arrivant admis au séjour en vue d'une installation durable est aujourd'hui pratiquement généralisé à l'ensemble du territoire.

L'aspect symbolique du contrat d'accueil et d'intégration est au moins aussi important que les formations dispensées dans le cadre de ce contrat.

L'immigration, comme je l'ai dit, doit être mutuellement bénéfique.

La France a renoncé, depuis de nombreuses années, à recourir à l'immigration de travail pour satisfaire des besoins de main-d'oeuvre. Depuis 1995, le flux annuel de nouveaux travailleurs permanents ressortissants de pays tiers à l'Union européenne est compris entre 4 000 et 7 000 personnes, à l'exception d'un pic en 2001 avec près de 9 000 personnes. Depuis 2001, leur nombre a tendance à baisser. Toutefois, malgré cette baisse, il faut noter que la part des ouvriers qualifiés augmente aussi bien en valeur absolue qu'en valeur relative.

Ce gel s'explique principalement par la situation du marché de l'emploi, les directions départementales de l'emploi, du travail et de la formation professionnelle opposant quasi automatiquement la situation de l'emploi à toute demande d'introduction d'un travailleur salarié.

Il y a donc place pour une immigration de travail en sus de l'immigration actuelle. Il faut cesser de se priver de cet apport bénéfique de main-d'oeuvre sous le prétexte que les flux migratoires seraient déjà élevés.

Au contraire, l'immigration de travail devrait permettre de revaloriser l'image globale de l'immigration dans notre pays.

Les théories économiques démontrent que l'immigration est a priori un facteur positif pour la croissance, et que l'impact sur le PIB par habitant croît en fonction de la proportion d'actifs parmi les étrangers et de leur niveau de qualification.

La structure actuelle de nos flux migratoires n'est donc pas optimale du fait d'une immigration essentiellement familiale et peu ou pas qualifiée.

De nombreuses personnes entendues par votre rapporteur ont émis des critiques sur le risque d'un pillage des pays pauvres de leurs travailleurs qualifiés, pillage qui saperait les fondements de leur développement économique.

Consciente de ces risques, la commission est toutefois convaincue que, si cette immigration de travail est pilotée de manière raisonnée et modérée, les conditions d'une immigration avantageuse pour tous pourraient être réunies.

En premier lieu, l'époque où l'immigration de travail était une immigration de peuplement est partiellement révolue. Qu'il s'agisse de Polonais ou de ressortissants d'un pays du Maghreb, de plus en plus d'immigrés émigrent temporairement afin de franchir un palier social avant de revenir dans leur pays. L'immigration est à la fois mondiale et mobile, notamment en ce qui concerne les travailleurs qualifiés. Les pays d'origine bénéficieront donc d'un retour d'expérience.

Si ces étrangers proviennent d'un pays lui-même en plein développement, la probabilité qu'ils retournent dans leur pays après quelques années est encore plus forte. Tel est le cas en particulier des ressortissants des nouveaux États membres. Une proportion élevée de nos besoins en main-d'oeuvre moyennement qualifiée devrait pouvoir être satisfaite de cette façon.

Une politique plus volontariste allant dans le sens d'une des recommandations formulées par la commission d'enquête du Sénat est aussi envisageable. Celle-ci prévoit d'inclure dans les accords de développement conclus par la France des clauses destinées à faciliter le retour des travailleurs qualifiés étrangers dans leurs pays d'origine.

En deuxième lieu, il n'est pas exclu que l'immigration de travail qualifié enclenche des dynamiques propres dans les pays d'origine. De la même façon qu'en France l'accueil d'une immigration de travail qualifié revaloriserait la perception de l'immigration en général, l'émigration de travailleurs qualifiés, de chercheurs ou d'étudiants de haut niveau devrait relancer l'attrait des études et des formations qualifiées dans les pays d'origine. Ainsi, des travaux économiques ont montré que le recours massif de la Grande-Bretagne à des infirmières sud-africaines a eu pour effet de susciter un engouement nouveau pour cette profession en Afrique du Sud.

En troisième lieu, une immigration de travail signifie des transferts d'argent vers les pays d'origine d'un montant plus important. Ces transferts pourraient devenir un levier financier important du codéveloppement à condition qu'ils soient orientés vers des investissements.

Enfin, comme le relève la commission des lois de l'Assemblée nationale dans le rapport qu'elle a établi sur ce projet de loi, la critique du pillage des pays pauvres ne prend pas suffisamment en compte le fait que les diplômés de ces pays sont sur le marché mondial des diplômés. Par conséquent, s'ils ne viennent pas travailler en France, ils ne resteront pas pour autant dans leur pays d'origine. Ils partiront vers d'autres pays peut-être moins soucieux des enjeux de codéveloppement.

Au-delà de ces observations d'ordre général, je soulignerai, sans toutefois entrer dans le détail, que le projet de loi vise d'abord à consolider la maîtrise des flux et le processus d'intégration, et met l'accent sur la lutte contre l'immigration irrégulière ouvrant ainsi deux chantiers importants.

En matière de régularisation, l'article 24 du projet de loi vise à supprimer la régularisation automatique des étrangers en situation irrégulière justifiant de dix années de résidence habituelle ininterrompue en France. L'article 24 bis, introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par le Gouvernement, remplace ce mécanisme de régularisation automatique par une procédure d'admission exceptionnelle au séjour.

Concernant les mineurs isolés, l'article 24 du projet de loi tend à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à l'étranger qui a été confié depuis l'âge de seize ans au service social de l'aide à l'enfance, sous réserve qu'il ait suivi une formation sérieuse et qu'il ait fait preuve d'une volonté d'insertion dans la société française.

Le titre III du projet de loi est consacré aux mesures d'éloignement.

Pour simplifier le contentieux administratif en matière de droit des étrangers et rendre plus efficaces les procédures d'éloignement sans porter atteinte aux garanties offertes aux étrangers, les articles 36 et 41 du projet de loi visent à coupler dorénavant les décisions concernant le refus d'un titre de séjour avec une obligation de quitter le territoire français.

L'article 42 du projet de loi, modifié par un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à supprimer la possibilité de prendre des APRF, des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, notifiés par voie postale. Une telle demande a d'ailleurs été fortement exprimée lors des auditions menées par notre commission. Dans ces conditions, seuls les APRF notifiés par voie administrative, c'est-à-dire à la suite d'une interpellation, subsisteraient.

D'autres mesures concourent également à lutter contre l'immigration irrégulière.

Ainsi, la lutte contre le travail illégal est renforcée, en ciblant particulièrement les employeurs. Les articles 13 et 13 bis visent à autoriser l'échange de données entre les différentes administrations chargées de lutter contre le travail illégal. L'article 15 bis tend à autoriser les agents chargés de contrôler le respect de la réglementation du travail à faire appel à des interprètes assermentés à l'occasion de leur contrôle.

En ce qui concerne la situation dramatique de l'outre-mer, sans revenir sur les chiffres que nous connaissons bien et la situation de ces territoires, qui est apparue au grand public depuis peu de temps, le projet de loi comprend plusieurs dispositions spécifiquement applicables aux collectivités ultramarines.

À ce titre, je rappelle que les articles 73 et 74 de la Constitution reconnaissent la spécificité de la législation applicable outre-mer.

Il s'agit tout d'abord de renforcer les dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers outre-mer. Les articles 70, 71, 72 et 78 du projet de loi prévoient ainsi de renforcer les mesures de contrôle et d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, mesures que nous aurons bien sûr l'occasion d'évoquer au cours de la discussion.

Des dispositifs particuliers sont prévus en matière de droit civil et de droit du travail dans la collectivité départementale de Mayotte, afin de tenir compte de la situation tout à fait spécifique de ce territoire et de le préparer également à sa départementalisation.

L'intégration est la condition impérative d'un séjour durable en France. C'est la raison pour laquelle l'article 4 du projet de loi tend à rendre obligatoire le contrat d'accueil et d'intégration, son respect effectif étant pris en compte lors du premier renouvellement du titre de séjour. La commission permettra, sur ce point extrêmement important, d'apporter, par voie d'amendements, des améliorations à ce dispositif.

Cette volonté de s'assurer de l'intégration de l'étranger conduit également à modifier les conditions du regroupement familial.

L'article 30 du projet de loi prévoit ainsi d'allonger à dix-huit mois le délai pour présenter une demande de regroupement familial.

L'article 31 vise à exclure des ressources du demandeur prises en compte pour le regroupement familial divers revenus de transferts limitativement énumérés. Il prévoit également le respect par le demandeur des principes qui régissent la République française.

Cette volonté explique aussi la modification d'un certain nombre de dispositifs permettant l'acquisition de la nationalité française.

La lutte contre les détournements de l'immigration légale constitue bien entendu l'un des grands axes du projet de loi, en particulier à travers la fraude documentaire. L'article 2, puis les articles 27 et 28 visent à combattre le détournement de procédure.

Il s'agit également de mettre en place un traitement plus efficace de la demande d'asile.

L'article 64 du présent projet de loi prévoit de pérenniser la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, compte tenu de l'adoption, le 1er décembre 2005, de la directive 2005/85/CE relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres qui, tout en autorisant la constitution de listes nationales de pays d'origine sûrs, ouvre la possibilité d'une liste communautaire de pays d'origine sûrs.

L'article 65 vise à donner aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, un statut juridique propre.

Par ailleurs, il s'agit de rouvrir - et c'est une rupture - l'immigration de travail, qui est une immigration dynamique et prospective.

L'article 10 du projet de loi prévoit qu'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » peut être octroyée, sans que la situation de l'emploi soit opposable, pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement.

Il faut, bien sûr, attirer les talents : c'est l'intérêt, nous l'avons vu, de notre pays.

Concernant les étudiants, l'article 6 du projet de loi tend à permettre la délivrance d'une carte de séjour « étudiant » d'une durée de quatre ans aux étudiants admis à suivre en France une formation en vue de l'obtention d'un diplôme au moins équivalant au mastère.

S'agissant des étrangers hautement qualifiés ou ayant des compétences particulières, l'article 12 du projet de loi tend à créer un titre de séjour d'un genre nouveau, la carte « compétences et talents ».

En outre, afin de nourrir la dimension partenariale entre la France et le pays d'origine, un amendement adopté à l'Assemblée nationale précise que, lorsque le titulaire de cette carte est ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire, il s'engage à apporter son concours à une action de coopération ou d'investissement économique définie par la France avec le pays dont il a la nationalité.

Le texte vise également à faciliter la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne.

Le projet de loi n'arrive pas nu, puisqu'il a été modifié par des amendements adoptés à l'Assemblée nationale.

Tout d'abord, il s'agit de la création d'une commission nationale des compétences et des talents.

Ensuite, la mise en place d'une commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour constitue un élément tout à fait positif.

Par ailleurs, grâce à l'adoption de plusieurs amendements, l'Assemblée nationale a souhaité mieux protéger les femmes immigrées contre la polygamie, l'excision ou les violences conjugales.

L'accession à la citoyenneté française est valorisée. En adoptant plusieurs articles additionnels - je pense aux articles 59 bis, 60 bis, 60 ter et 60 quater -, l'Assemblée nationale a rendu obligatoire l'organisation d'une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française. Par amendement, la commission des lois du Sénat proposera de généraliser un tel dispositif.

Tel est, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous sommes saisis. Nous aurons à examiner 511 amendements, dont 73 émanent de la commission.

Avant de conclure, je me félicite à nouveau des déclarations relatives aux enfants scolarisés. La procédure annoncée aujourd'hui paraît très positive.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le signe donné en matière de codéveloppement constitue également un élément important.

Telles sont les conditions dans lesquelles ce projet de loi est soumis à notre assemblée, qui pourra à son tour l'améliorer à l'occasion de l'examen des amendements.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. le président de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine que j'ai eu l'honneur de présider a été guidée tout au long de son minutieux travail par le souci constant de rendre compte avec pertinence et objectivité de réalités éprouvant notre humanisme.

Derrière la froideur statistique des chiffres de l'immigration illégale, qu'elle soit clandestine à proprement parler ou irrégulière, se cachent autant de trajectoires individuelles marquées par le déracinement, la misère, l'isolement et, trop souvent, l'exploitation de cette détresse par des réseaux criminels très bien organisés.

À l'instar de ce que relevait la Cour des comptes dans son rapport public particulier consacré à l'accueil des immigrants et à l'intégration des populations issues de l'immigration, le phénomène de l'immigration clandestine revêt un impact social considérable, qui dépasse le seul champ de nos politiques migratoires. La France, qui est traditionnellement une terre d'accueil des étrangers, ne peut plus faire l'économie d'une réflexion globale et systémique sur le processus d'intégration de ces individus venus d'ailleurs pour jouir de notre modèle républicain.

Pour parvenir à une vision globale de ces phénomènes, la commission d'enquête a procédé à cinquante-sept auditions, mais aussi à de nombreux déplacements en France, en outre-mer et à l'étranger, afin de se rendre compte par elle-même des réalités du terrain. Tout naturellement, la réflexion s'est concentrée sur l'adaptation de nos moyens juridiques, administratifs, voire diplomatiques à la nouvelle réalité de l'immigration en France.

Au terme de ce travail, la commission a formulé quarante-cinq recommandations. Je souhaite insister plus particulièrement sur un point qui a retenu toute notre attention : le manque criant de fiabilité des indicateurs rendant compte de la réalité de l'immigration clandestine. Si, par définition, celle-ci ne peut être officiellement comptabilisée, il n'en reste pas moins vrai que notre outil statistique est inadapté aux faits que le législateur doit réguler.

Les estimations actuelles - 200 000 à 400 000 clandestins - restent trop imprécises pour définir des dispositifs efficaces. De plus, l'outil dont nous disposons est, en l'état, incompatible avec les exigences européennes d'harmonisation. Nos travaux ont donc logiquement abouti à proposer sa réforme profonde, en permettant notamment, sous le contrôle rigoureux de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, une interconnexion des fichiers administratifs comportant des données relatives aux étrangers en situation irrégulière.

La commission d'enquête a longuement insisté, dans ses conclusions, sur la nécessité de renforcer en premier lieu le volet juridique et financier destiné à tarir en amont les flux. Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration constitue une amorce de réponse à cette problématique, qui est également la plus complexe à traiter, car elle met en jeu des moyens très divers : contrôle de l'entrée sur le territoire, lutte contre la fraude, politique d'aide au développement.

La maîtrise de l'accès au territoire français reste la clef de voûte de notre politique migratoire, particulièrement dans nos représentations diplomatiques et consulaires. À cet égard, celle-ci a sans aucun doute largement bénéficié de la modernisation de notre législation au cours des dernières années, notamment en matière de contrôle de la délivrance des visas de court séjour.

Parallèlement, l'européanisation croissante des politiques d'immigration permet une meilleure coopération entre des États ayant à connaître de flux d'immigration presque comparables - je pense à l'Espagne, à l'Italie, au Royaume-Uni ou à l'Allemagne. Dans ce cadre, l'harmonisation du contrôle de l'utilisation des visas, en particulier le visa biométrique, contribuera à l'allégement des procédures, mais aussi à leur plus grande efficacité.

Néanmoins, la crédibilité du contrôle aux frontières induit le renforcement des moyens logistiques alloués à la police aux frontières, laquelle constitue maintenant le chef de file d'une véritable police de l'immigration. Il est impératif que nos forces de l'ordre soient à même de lutter à forces égales avec les réseaux de criminalité organisés qui profitent de la détresse humaine.

La commission d'enquête a souhaité rappeler avec force qu'aucune politique d'immigration ne saurait occulter la coopération avec les pays de provenance des populations. Principe très souvent rappelé, mais trop souvent oublié, l'aide au développement demeure un facteur important de tarissement des flux de personnes. Il s'agit ici de traiter au fond les raisons qui conduisent des milliers de personnes à laisser derrière elles leurs racines : les initiatives de codéveloppement mises en place par le ministère des affaires étrangères doivent être approfondies.

Second volet étudié par la commission d'enquête, le traitement des clandestins présents sur notre sol se décline selon trois axes : la lutte contre la transformation de l'entrée régulière en séjour irrégulier, la lutte contre les pourvoyeurs de moyens permettant le maintien en France et, enfin, les moyens pour mettre fin au séjour illégal.

Sur ce point, nous avons été particulièrement préoccupés par le contrôle du retour des titulaires de visas. Nous avons proposé que soient mis en place des visas en forme de diptyque susceptibles d'assurer un contrôle plus efficace et, à terme, de rendre plus difficile, grâce aux potentialités qu'offrira le système européen d'information sur les visas, le passage du court séjour au séjour irrégulier.

Pour ce qui concerne le droit d'asile, la loi du 10 décembre 2003 avait pour objet de tarir une source importante du séjour irrégulier : les déboutés du droit d'asile. La commission d'enquête a souhaité que l'application de cette réforme concilie la maîtrise des délais de procédure avec le renforcement des garanties accordées aux demandeurs d'asile.

Parallèlement, la lutte contre le travail clandestin et les marchands de sommeil a d'ores et déjà abouti à une mobilisation inédite de l'ensemble des services concernés. La commission d'enquête a cependant souhaité que l'application des sanctions se fît avec une plus grande célérité, afin de concentrer la répression sur les responsables des réseaux.

Monsieur le ministre d'État, l'ensemble de ces considérations ne sauraient faire oublier un phénomène beaucoup plus inquiétant, tant par son ampleur que par son impact ; je veux parler de l'immigration clandestine de masse qui frappe l'outre-mer français, et particulièrement la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte.

Ces collectivités ultramarines sont beaucoup plus exposées en raison de contraintes géographiques et géopolitiques bien sûr, mais aussi de la plus grande perméabilité des frontières ou de la proximité avec des pays sources. L'effort de rattrapage sur les moyens alloués à l'Hexagone doit être non seulement poursuivi, mais encore renforcé.

Les conséquences socioéconomiques de l'immigration illégale de masse sont potentiellement explosives : engorgement des services publics, travail clandestin, installation anarchique des populations, insalubrité, voire violences et graves troubles à l'ordre public. La commission d'enquête a estimé positives les dispositions du présent projet de loi tendant, pour Mayotte, à lutter contre l'obtention frauduleuse de titres de séjour, voire de la nationalité française. Cependant, la Guadeloupe et la Guyane restent les parents pauvres de ce texte.

Monsieur le ministre d'État, je monte aussi à cette tribune pour me faire le porte-parole du mécontentement croissant de la population guyanaise, excédée par les atermoiements des gouvernements successifs face aux conséquences de l'immigration irrégulière massive qui frappe cette région. La rhétorique grandiloquente ne suffit plus ; les actes deviennent urgents, chaque jour un peu plus.

Monsieur le ministre d'État, je viens vous rappeler que vous étiez venu en Guyane décorer de la Légion d'honneur et promouvoir à titre posthume le lieutenant Jean-Richard Robinson, un policier lâchement assassiné en service par des clandestins. Je viens vous rappeler également que deux gendarmes ont été tués par des clandestins. Tout récemment, dans la réserve naturelle des Nouragues, deux gardiens ont été lâchement assassinés par des clandestins. Les chercheurs d'un camp du CNRS tout proche ont repris leur activité il y a deux jours avec des gendarmes, mais l'inquiétude demeure.

Je ne viens surtout pas signifier que tous les immigrés clandestins sont des meurtriers potentiels. Je veux simplement témoigner auprès de vous et de la Haute Assemblée de la grande déception des Guyanaises, des Guyanais et de leurs élus devant le projet de loi que vous nous proposez. En son état actuel, le projet de loi s'appliquerait in extenso à l'ensemble des départements français, y compris ceux de l'outre-mer, en application de l'article 73 de la Constitution.

Le dispositif a minima que vous proposez pour la Guyane n'est pas acceptable. La France hexagonale n'est certainement pas confrontée, comme nous, aux mêmes problématiques, ni à leur caractère comminatoire.

Des clandestins abattent lâchement des membres des forces de l'ordre, les ressources minières sont pillées par des étrangers clandestins, la pression démographique de l'immigration - régulière ou non - met en péril l'équilibre socioéconomique de la Guyane.

La situation devient intolérable. C'est l'ordre public lui-même qui est maintenant en péril.

Posons-nous la question de savoir s'il n'y a pas dysfonctionnement dans les services de l'État : justice, services de police et de gendarmerie, affaires étrangères. L'État en a d'ailleurs bien conscience, puisqu'il a chargé un préfet d'en établir un diagnostic. Aujourd'hui, des citoyens veulent se faire justice eux-mêmes. Des collectifs spontanés se sont déjà formés pour raser des habitations illégales et en expulser les habitants sans titre.

L'intolérance n'a pourtant pas sa place sous ces latitudes équatoriales ou tropicales, pas plus que dans l'océan Indien.

La Guyane se dressera toujours devant tout tribunal de la « bien-pensance » qui l'accuserait d'intolérance et de xénophobie. Car porter une telle accusation serait ignorer comment s'est forgée notre identité : nous sommes tous débiteurs de l'immigration.

L'histoire de notre pays est celle de rencontres : entre des peuples, des cultures, des croyances, des langues, des traditions. Cette terre, originellement habitée par des Amérindiens, a été façonnée par des vagues d'immigration successives.

L'installation, en 1643, des premiers colons français à ce qui allait devenir Cayenne, fut rapidement suivie des premières vagues d'esclaves, qui constituèrent la première immigration de masse. L'institution coloniale et esclavagiste, malgré l'intermède abolitionniste de la Révolution, arracha des milliers d'hommes et de femmes à l'Afrique. Ces derniers furent contraints, sous le fouet du maître, de recréer ici une nouvelle socialisation qui participa à l'éclosion d'une identité guyanaise. Ce mélange de rapports de force et de violence engendra le premier embryon de société pensée sur ces terres équatoriales.

L'histoire nous enseigne aussi que toutes les tentatives institutionnalisées de peuplement par les différents gouvernements se sont soldées par des échecs pour le développement de la Guyane. Déjà en 1763, l'expédition de Kourou conduite par Choiseul s'acheva sur un désastre et la mort de plus de 6 000 des 10 000 colons, tués par les maladies et les fièvres. Le bagne, alimenté par les flots de prisonniers venus de l'Hexagone, contribua lui aussi, à sa façon, aux flux d'immigration vers la Guyane.

Nous n'avons pour autant de leçons à recevoir de personnes, car nous sommes toujours prêts à accueillir les populations en difficulté. L'immigration chinoise, syro-libanaise ou sainte-lucienne a trouvé en Guyane un nouveau lieu d'épanouissement. Après l'éruption de la montagne Pelée en 1902, des milliers de Martiniquais vinrent trouver refuge chez nous. Une ville entière, Montjoly, fut construite pour eux, et ils oeuvrèrent au développement de leur terre d'accueil. Les descendants de ces réfugiés sont toujours parmi nous et se considèrent, je l'espère, comme des Guyanais à part entière.

Dans les années soixante-dix, peu de nations de la Caraïbe souhaitaient accueillir les réfugiés haïtiens fuyant la terreur du régime de Duvalier. La Guyane a été pour eux une terre d'accueil. En 1977, les Mông persécutés par Pol Pot et les Khmers rouges trouvèrent eux aussi, en Guyane, une terre hospitalière et bienveillante ; encore que, à cette époque, la majorité des élus n'avait pas apprécié la méthode employée par le Gouvernement.

La Guyane est ouverte à l'étranger depuis des siècles. Cependant, monsieur le ministre d'État, la philosophie de votre texte n'est pas la nôtre, et nous ne pouvons accepter que le Gouvernement reste sourd à nos légitimes doléances en ne consacrant aucune mesure spécifique à la Guyane. La situation est pourtant pressante : une région comptant de 35 % à 40 % d'étrangers ne peut rester sans rien faire, sauf à marginaliser, à terme, sa population dans son propre pays. Si le débat en France hexagonale se concentre sur la question de l'immigration choisie, notre approche est bien différente.

En 1990, le Premier ministre déclarait : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde. » Mais, ajoutait-il, « elle doit savoir en prendre fidèlement sa part ». La Guyane en a déjà trop pris. Ce n'est pas l'immigration en tant que telle qui rend la situation intolérable, mais ce sont bien ses excès et les problèmes qu'ils engendrent nécessairement.

L'afflux massif de clandestins a provoqué l'extension de bidonvilles autour de Cayenne, alors que cette image devrait appartenir à un temps révolu. François Mitterrand, alors Président de la République, en visite en Guyane, avait même dit que « l'on ne peut pas continuer à tirer des fusées sur fond de bidonvilles ». Le satellite Hélios permet aux îles Canaries, région ultrapériphérique, de repérer les clandestins qui entrent sur leur territoire. Pourquoi le même dispositif ne pourrait-il être utilisé en Guyane, région également ultrapériphérique, mais d'où partent les fusées et les satellites ?

Les problèmes sont connus et clairement délimités. Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale n'est venu que corroborer et mettre à jour des éléments que tous connaissent là-bas. Malheureusement, l'ombre tutélaire du Conseil constitutionnel désarme le bras du législateur. Fausse excuse ! L'étude attentive de la jurisprudence du Conseil montre pourtant que celui-ci n'accorde pas aux étrangers en situation irrégulière un droit d'accès et de séjour en blanc-seing. Mieux, dans une décision de 1993, il a admis le principe que la particularité des flux migratoires combinée à l'éloignement et à l'insularité, ainsi qu'aux contingences spéciales des collectivités d'outre-mer, pouvaient justifier que le législateur prévoie des dispositifs particuliers pour ces dernières. Cette disposition avait été prise pour la Guyane. Pourquoi ne pas poursuivre ?

C'est ainsi, monsieur le ministre d'État, qu'il faut accorder une carte de séjour « vie privée et familiale » aux étrangers vivant en Guyane depuis plus de dix ans, ainsi qu'aux personnes ayant eu une pièce d'identité, un passeport, qui, à la demande de renouvellement, se voient refuser ledit renouvellement.

Depuis 1945, près de soixante-douze lois sur l'immigration ont été votées. Ce chiffre est à lui seul un constat d'impuissance et d'aboulie de l'État. Dans sa célèbre conférence, faite en Sorbonne le 11 mars 1882, intitulée : « Qu'est-ce qu'une nation ? », Ernest Renan soulignait que, comme l'individu, la nation est « l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements ». Elle traduit aussi un « consentement, un désir clairement exprimé de continuer la vie commune ». Mieux encore, « l'existence d'une nation est un plébiscite de tous les jours, comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de vie ».

Or les clandestins d'aujourd'hui n'ont pas choisi la nation. Nul désir pour eux de lier leur existence au cours du fleuve du passé, du présent et du futur commun. Leurs motivations ne relèvent pas d'un désir de construire avec nous la Guyane, ou la France, en contrepartie de l'hospitalité que nous leur donnons. Seul l'appât du gain des prestations sociales les fait se lever chaque jour. La protection sociale guyanaise n'a pas pour vocation de financer l'aide au développement de nos voisins !

Monsieur le ministre d'État, vous conviendrez que je me vois obligé de déposer une série d'amendements...

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

... afin d'améliorer les dispositions relatives à l'outre-mer, et particulièrement en Guyane.

Soyez persuadé que c'est une nécessité pour que notre pays retrouve la sérénité qui faisait de lui un pays béni des dieux.

Monsieur le ministre d'État, soyez assuré de mon soutien, car l'avenir et le développement de la France nous demandent tout à la fois fermeté, vigilance et humanisme.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 103 minutes ;

Groupe socialiste, 67 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 26 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous occupe réforme pour la énième fois l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Ce n'est pas simplement à mes yeux « une réforme de plus » il s'agit là d'un changement radical, profond, de l'approche de l'immigration de notre pays. Et ce n'est pas la régularisation de 720 familles étrangères que vous annoncez, monsieur le ministre d'État, qui va gommer la dureté de votre texte et en modifier la nature profonde.

Ce texte, largement inspiré de la politique prônée par l'Union européenne en la matière, tourne définitivement le dos à nos valeurs les plus sacrées, les plus ancrées dans notre République, et qui ont pour nom : solidarité, fraternité, coopération, respect du « vivre ensemble ».

On s'éloigne ici vraiment de la France terre d'asile, de la France patrie des droits de l'Homme.

Latente dans la loi du 26 novembre 2003, l'orientation du Gouvernement est désormais clairement écrite.

C'est en effet la première fois que l'on désigne officiellement l'immigration légale, c'est-à-dire celle qui est liée à la vie privée et familiale, comme étant une immigration « subie » à laquelle il faudrait substituer une immigration « choisie ».

Ce changement lexical est loin d'être anodin. Il a pour conséquence directe de s'attaquer aux droits fondamentaux d'un certain nombre de personnes ; je pense notamment au droit au séjour par le mariage ou encore au regroupement familial, pourtant déjà réduit à plusieurs reprises, sans parler de la remise en cause du droit d'asile.

Nous sommes donc amenés à légiférer de nouveau alors que nous ne disposons d'aucun bilan, d'aucune évaluation quant à l'application des deux lois votées en 2003, la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité et la loi relative au droit d'asile.

Mieux ! Nous légiférons alors même que les décrets relatifs aux lois précédentes n'ont pas tous été pris !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner du fait que l'on ne dispose pas non plus d'une étude d'impact relative aux nouvelles dispositions prévues dans votre texte. C'est également la première fois qu'un gouvernement propose deux réformes sur le même sujet au cours d'une même législature, alors qu'il n'y a pas eu d'alternance politique. Oui, monsieur le ministre d'État, l'immigration n'est pas un sujet tabou. Mais quel est ce besoin qui vous anime pour en parler à deux reprises en deux ans et demi à peine ?

Pour ma part, j'y vois un rapport avec un certain calendrier politique. En réalité, cette deuxième réforme de la législature concernant l'immigration est présentée par un « ministre candidat » à l'élection présidentielle de 2007...

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

qui n'hésite pas à stigmatiser l'étranger, à en faire le bouc émissaire des maux de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Même Ségolène lui donne raison !

En ce moment, je l'aime bien, moi, Ségolène !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Oui, une grande majorité de nos concitoyens a des craintes face au chômage, face à la montée de la délinquance et des dérives communautaristes. Mais, au lieu de surfer sur ces craintes, comme vous le faites, monsieur le ministre d'État, il serait plus utile de montrer l'influence des idées et des mouvements xénophobes qui a conduit cette partie de la population de notre pays à faire porter sur la seule immigration la responsabilité des souffrances qui sont les siennes.

Or, loin de vous engager dans cette voie, vous tenez un discours qui vous permet tout à la fois d'occulter les véritables questions sociales de notre pays, de faire passer la politique ultralibérale du Gouvernement avec toutes les régressions sociales et antidémocratiques qui vont avec, et de flatter un électorat qui est habituellement sensible aux thèses défendues par l'extrême droite en vue de vous faire élire en 2007 à la tête du pays.

Monsieur le ministre d'État, comme l'écrit si bien Joseph Conrad, l'auteur du célèbre roman Au coeur des ténèbres, « les ambitions sont légitimes excepté celles qui s'élèvent sur les misères ou les crédulités de l'Humanité ».

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Avec votre loi, vous adoptez une attitude à la fois irresponsable et dangereuse, car - et vous le savez - les électeurs préfèrent en général toujours l'original à la pâle copie !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

J'ai l'habitude, mon cher collègue !

Votre projet de loi est donc très dangereux, pour les étrangers d'abord, mais aussi, au-delà, pour tous les salariés, pour tous les citoyens, pour l'ensemble de la société. Il constitue un tel recul historique s'agissant des droits des étrangers que plus de six cents organisations et associations se sont mobilisées pour le combattre et obtenir son retrait.

Il faut dire la vérité aux Français. Au nom de cette immigration « choisie », vous vous attaquez en réalité, monsieur le ministre d'État, à des droits et à des libertés qui ont une valeur constitutionnelle, et qu'il est utile de rappeler. Je veux parler du respect de la vie privée, du droit à mener une vie familiale, de la dignité, du droit d'asile, de l'intérêt supérieur de l'enfant. Vous vous attaquez de la sorte à toute une série d'engagements que notre pays a pris sur les plans tant national qu'international. Et c'est peu de dire que votre projet de loi est entaché d'inconstitutionnalité, un point que ne manquera pas de développer ma collègue Nicole Borvo lorsqu'elle défendra la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité !

Par ailleurs, votre projet de loi est également un non-sens. D'un côté, vous allez empêcher des personnes ayant vocation à vivre en France de s'y installer durablement, vous allez refouler du territoire des personnes qui sont là depuis très longtemps et, de l'autre, vous allez « choisir » des catégories de personnes triées sur le volet.

Quant à l'efficacité du dispositif proposé, permettez-moi d'avoir de sérieux doutes. En effet, faire croire à l'ensemble de nos concitoyens que votre texte permettra de stopper l'immigration n'est que mensonge, et vous le savez pertinemment, monsieur le ministre d'État. Cela fait vingt-cinq ans que la France n'est plus un pays d'immigration massive. Mais, plutôt que de regarder loin devant, vous avez les yeux rivés sur le rétroviseur et vous déformez le réel en confondant volontairement la situation d'aujourd'hui et les conséquences du passé.

Ce faisant, vous occupez le terrain politique pour mieux faire oublier les échecs de ce gouvernement, qu'il s'agisse des revers électoraux qu'il a subis depuis 2002, du rejet de la Constitution européenne dont on vient de fêter le premier anniversaire, du retrait du CPE, le fameux contrat première embauche, sans oublier l'affaire Clearstream, qui discrédite un peu plus son action.

Loin d'être d'une quelconque efficacité, votre projet de loi va surtout créer de nouveaux cas de sans-papiers et des situations administratives inextricables comme à l'époque des lois Pasqua où les situations de personnes ni expulsables ni régularisables, les fameux « ni-ni », se sont multipliées.

D'un point de vue économique, les mesures proposées vont surtout se révéler très efficaces pour le patronat, lequel va pouvoir faire librement et unilatéralement - avec bien évidemment votre accord - son marché à l'étranger en fonction des besoins de l'économie libérale, qui est uniquement préoccupée par la baisse des coûts du travail ; il pourra de même disposer d'une main-d'oeuvre idéale, à savoir sans droits, à bas salaire, donc précarisée et corvéable à merci, facile à encadrer et à surveiller, et niveler par le bas les conditions de travail de l'ensemble des salariés, étrangers comme nationaux.

Toutefois, on oublie souvent de dire que, selon un rapport des Nations unies paru en 2002, le fait de stopper net l'immigration reviendrait à imposer aux salariés de travailler jusqu'à soixante-dix-sept ans dans un certain nombre de pays européens. De la même façon, on omet de rappeler la contribution des étrangers actifs - et déclarés - à notre système de retraite.

Le débat sur l'immigration n'est qu'un des aspects des effets du libéralisme dans la mesure où il fait le lien entre le démantèlement des droits économiques et sociaux dans notre pays et la situation des étrangers en France. Chaque étape du processus de privatisation et de déréglementation de l'économie, chaque atteinte portée aux droits sociaux aura été accompagnée d'un renforcement de la défiance à l'égard des populations immigrées.

Cette approche économique, utilitariste et opportuniste, de l'étranger ne peut que conduire à l'échec. De même qu'une lecture univoque de la libre circulation des personnes dans la logique de la mondialisation ne peut que conduire à des crises et des conflits.

Je ne peux que déplorer le fait que notre pays continue d'avoir, comme dans les années soixante, une politique d'immigration reposant sur les besoins de son économie, au lieu d'ouvrir de nouvelles perspectives en matière de coopération internationale où le respect des droits et des libertés fondamentales constituerait le préalable à toute législation relative aux flux migratoires.

Je ne peux que regretter que notre pays continue comme dans les années soixante de mener une politique d'immigration fondée sur les seuls besoins de son économie. C'est une vision qui reproduit les mécanismes de la domination de l'exploitation et de la mise en concurrence des travailleurs, nationaux et immigrés, au profit exclusif du capitalisme. Cette acceptation de la « libre circulation des travailleurs », loin de favoriser le développement des hommes, revient en réalité à piller les pays du Sud de leurs matières premières et, maintenant, de leur matière grise, à savoir la part de leur population la plus active, la plus dynamique, réduisant dès lors quasiment à néant leurs possibilités de développement sur place.

Après la précarité économique, votre texte organise la précarité généralisée du droit au séjour pour les migrants et leur famille. En rendant optionnelle la délivrance de la carte de résident, en faisant disparaître la possibilité de régulariser des étrangers présents en France depuis plus de dix ans, en allongeant systématiquement tous les délais requis pour obtenir un titre à raison du mariage, d'une naissance, du regroupement familial, en augmentant les possibilités de retrait d'un titre de séjour, en exigeant un visa « long séjour » pour les conjoints de Français, en durcissant les conditions de ressources et de logement pour ce qui concerne le regroupement familial, vous allez non seulement précariser un grand nombre de personnes, mais aussi, et surtout, en plonger une bonne partie dans l'irrégularité et l'insécurité administrative, économique et sociale.

Avec de telles mesures, les marchands de sommeil, les réseaux mafieux et autres employeurs de main-d'oeuvre en situation irrégulière, ont de beaux jours devant eux !

Votre texte est un tissu d'idées reçues, qui veut conforter la figure de l'étranger indésirable, représentant une menace. Cessons de laisser croire que la France est à l'aube d'une invasion et que l'Europe serait un continent agressé, qui doit défendre ses frontières. Pour vous et vos amis, l'étranger est toujours suspecté d'être un délinquant du droit du séjour ou du droit au travail, d'être fraudeur lorsqu'il se marie ou reconnaît un enfant, lorsqu'il se rend dans sa famille ou qu'il la fait venir en France. Vous faites ainsi peser une suspicion généralisée sur tous les mariages mixtes, les reconnaissances de paternité et le regroupement familial. Demain, il ne fera pas bon tomber amoureux d'un étranger, ni avoir des enfants avec lui. Heureusement, monsieur le ministre d'État, que, vous comme moi, sommes nés il y quelques décennies de cela ! Vous vous rendez compte, nous aurions pu ne pas exister...

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Avec votre loi, ceux qui obtiendront des papiers devront faire preuve d'une exemplarité à toute épreuve dans leur couple puisque le titre de séjour leur sera retiré si les époux se séparent pendant les quatre années qui suivent le mariage. Or, lorsque l'on sait que, dans notre pays, deux tiers des couples, en moyenne, se séparent au terme de trois ans de vie commune, cela ferait presque sourire si le sujet n'était pas aussi grave !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le regroupement familial tel qu'il est régi par votre texte va surtout précariser les femmes dans la mesure où environ 80 % des personnes qui rejoignent leur conjoint sont les épouses.

Par ailleurs, il faut noter que, en matière de politique de l'immigration, le Gouvernement se défausse complètement sur les maires, qu'il s'agisse des attestations d'accueil, du contrôle de la validité des mariages et des reconnaissances de paternité, des conditions de logement et de ressources nécessaires pour bénéficier du regroupement familial, de la vérification de la bonne intégration des personnes à la société française, de l'organisation d'une cérémonie d'accueil en mairie, et je ne suis pas exhaustive.

Comment les élus trouveront-ils le temps d'assumer toutes ces nouvelles prérogatives ? Au détriment de quelles autres missions les assumeront-ils ? L'égalité de traitement des citoyens sera-t-elle assurée d'une commune à une autre ? A-t-on tout simplement demandé aux maires leur avis ? Si l'on y ajoute les mesures contenues dans un autre projet de loi, que vous connaissez bien, mes chers collègues, à savoir celui sur la prévention de la délinquance des mineurs, qui fera du maire le « shérif local », il me semble que cela fait beaucoup de charges supplémentaires pour les collectivités locales, et ce sans aucune compensation.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les enfants ne sont pas épargnés par votre politique d'immigration dévastatrice, ils en sont même les premières victimes. Comment peut-on étudier lorsque ses parents sont menacés d'expulsion et que l'on est donc soi-même menacé ?

Nombreux sont celles et ceux qui s'élèvent contre vos choix politiques en la matière. C'est d'ailleurs grâce à l'énorme mobilisation lancée notamment par le Réseau éducation sans frontières, RESF, que vous faites aujourd'hui preuve, monsieur le ministre d'État, de mansuétude à l'égard de 720 familles étrangères composées de parents d'enfants nés en France. Nous prenons acte de vos déclarations. Cependant, elles ne peuvent suffire quand on sait que plus de 10 000 enfants vivront toujours sous la menace d'une expulsion du territoire.

Je veux ici saluer l'action de ce réseau qui vous a fait prendre conscience de la dureté de votre texte. En proposant l'organisation de parrainages, RESF a décidé de placer tous ces enfants sous la protection d'élus et de citoyens. Ce faisant, cette association a fait le choix de l'accueil et de la solidarité, de la lutte commune pour une société plus juste, riche de ses diversités.

Depuis la semaine dernière, je suis la co-marraine d'une jeune étudiante sans papiers menacée d'expulsion à la fin de son année scolaire. Je le dis avec force - même si c'est politiquement incorrect -, je préfère avoir quelques problèmes avec la justice plutôt que d'en avoir avec ma conscience !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je protégerai donc cette jeune fille comme toutes celles et ceux qui ont cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Avec mon groupe, nous avons d'ailleurs déposé un amendement, qui vaut mieux qu'une simple circulaire, visant à garantir le droit à l'éducation scolaire des enfants étrangers au- delà du 30 juin 2006.

Votre projet précarise également les garanties procédurales en matière de droit des étrangers, avec la création d'une nouvelle mesure d'éloignement du territoire, l'obligation de quitter le territoire français. Les décisions concernant le refus de séjour et celles concernant l'éloignement se trouvent ici regroupées, ce qui ne permettra plus de prendre en compte la situation des personnes en fonction de leur droit au séjour, de leur souhait de repartir volontairement et des conséquences découlant d'un retour forcé au regard de leurs droits fondamentaux.

Cette réforme de l'éloignement institue une procédure de recours contentieux spécifique avec pour seul objectif la réduction du délai de recours. Les possibilités de contester les décisions de l'administration devant les tribunaux vont se trouver restreintes, laissant aux préfectures toute latitude pour appliquer leur pouvoir discrétionnaire, source d'arbitraire.

Loin de désengorger les tribunaux administratifs, saisis de recours contentieux à la fois contre les décisions de refus de séjour et contre les mesures de reconduite, le système proposé se révèle être en réalité d'une grande complexité. Il va de surcroît contribuer à généraliser le recours au juge unique en matière de droit des étrangers.

Les étrangers sont déjà considérés comme des citoyens de seconde zone, et vous en faites à présent des justiciables de seconde zone, ce qui est inadmissible !

Quant à l'outre-mer, on assiste à la mise en place d'un véritable régime dérogatoire au droit commun, comme s'il s'agissait d'une terre d'exception. La situation si compliquée soit-elle outre-mer ne peut, à mon sens, justifier l'instauration d'un régime d'exception : recours non suspensif en matière de reconduite à la frontière étendu à l'ensemble de la Guadeloupe, visite sommaire des véhicules, élargissement des possibilités des contrôles d'identité.

De plus, le droit d'asile n'est pas épargné par votre réforme. Déjà, malmené par la loi du 10 décembre 2003 de M. Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, le droit d'asile l'est encore un peu plus avec votre texte, monsieur le ministre d'État. On voit bien là que - quelles que soient les querelles intestines, les batailles de pouvoir au sein de la majorité de l'UMP à la veille de l'élection présidentielle -, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

... vous êtes tous unis quand il s'agit d'appliquer la politique ultralibérale qui se fait contre les personnes.

Votre texte crée ici sciemment une confusion entre l'exercice d'un droit inaliénable, celui du droit d'asile régi par la convention de Genève pour des personnes en danger fuyant leur pays, et la question de l'immigration. La loi de 2003 a introduit la notion de « pays d'origine sûr » à laquelle nous sommes opposés, je le rappelle, puisqu'elle constitue une restriction supplémentaire au droit d'asile.

Une liste nationale des pays d'origine sûrs a été établie par l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans l'attente d'une liste européenne. Mais, comme vous vous êtes aperçus que la liste européenne allait être moins étendue que la liste établie par l'OFPRA, vous vous êtes précipités pour modifier une fois de plus la législation, afin de prévoir la coexistence de ces deux listes !

Quant à l'allocation temporaire d'attente créée par la loi de finances pour 2006 dans le but de restreindre les droits des demandeurs d'asile - texte qui n'est pas encore entré en application, faute de décrets -, vous proposez déjà d'augmenter les cas d'exclusion de son bénéfice.

Mais la remise en cause du droit d'asile ne serait pas complète si l'on ne s'attaquait pas au statut des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, qui ne devront accueillir dorénavant que les personnes admises au séjour au titre de l'asile ou dont une demande d'asile est en cours d'examen auprès de l'OFPRA, ou de la Commission des recours des réfugiés, la CRR.

La mission d'insertion, qui est la mission première des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, n'est pas évoquée dans le texte.

À cet égard, la circulaire du 21 février 2006 concoctée par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur pour faciliter notamment les conditions d'interpellation d'étrangers dans un centre d'hébergement et à sa proximité, me fait craindre que la seule solution proposée aux déboutés du droit d'asile soit une reconduite à la frontière.

Votre projet impose aux associations et aux organismes qui assurent aujourd'hui l'hébergement des demandeurs d'asile un contrôle étroit du public accueilli - pas de réfugiés, pas de déboutés - et prévoit de sanctionner lourdement les organismes gestionnaires récalcitrants.

J'en viens à présent à l'intégration, car on l'aurait presque oublié, le présent projet de loi concerne aussi l'intégration.

Alors parlons de l'intégration à la sauce UMP !

Notion floue par excellence - quelle différence doit-on faire entre insertion, intégration, respect des principes de la République ? -, source d'arbitraire - les maires et les préfets n'auront-ils pas une grande liberté pour récompenser ceux qui méritent ou non des papiers ? -, cette indéfinissable condition d'intégration se trouve généralisée dans ce texte.

Le contrat d'accueil et d'intégration, qui devient obligatoire, n'est en réalité qu'un contrat de mise sous surveillance, un contrat de suspicion et de précarisation accrue.

En réalité, l'intégration ne vous sert qu'à constituer une condition supplémentaire, donc un obstacle, à la régularisation de nombre de situations administratives. Alors que depuis 1984 - année de création de la carte de résident de dix ans - l'accès à un titre de séjour de longue durée était un instrument légal d'intégration de dizaines de milliers de migrants, on assiste, depuis le vote de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, à un retournement majeur dans la conception de l'intégration, retournement amplifié aujourd'hui par votre réforme.

Dorénavant, la délivrance d'un titre de séjour devient la « récompense » de l'intégration. Or l'intégration suppose que la législation sur les séjours soit un minimum stable afin de permettre aux individus de s'ancrer véritablement dans le pays d'accueil en les préservant des aléas et de la précarité.

En outre, l'intégration ne va-t-elle pas au-delà de l'apprentissage de la langue du pays d'accueil et du rappel des valeurs de la société française ? Ne résulte-t-elle pas d'une politique volontaire en matière économique, culturelle et sociale, permettant à chacun de trouver sa place au sein de la communauté nationale ? Ne suppose-t-elle pas, enfin, l'octroi, par exemple, du droit de vote aux étrangers, que les élus communistes réclament en vain depuis des années ? Ne suppose-t-elle pas la régularisation de celles et de ceux que l'on appelle les « sans-papiers », à l'instar de ce qui s'est passé en Espagne et, plus récemment, en Italie ?

Que vous le vouliez ou non, on ne change pas les trajectoires migratoires à coup d'articles de loi. D'autres choix sont possibles et nécessaires. Il n'y a aucune fatalité en l'espèce.

Plutôt que de s'attacher à fermer les frontières aux peuples du Sud, pourquoi ne pas s'atteler à la mise en place de vraies coopérations qui s'attaqueraient, au Nord comme au Sud, à l'Ouest comme à l'Est, à la primauté des marchés financiers sur le développement et l'emploi et qui iraient à l'encontre de la guerre économique et à la mise en concurrence des hommes et des peuples qui en découlent ?

Il faut permettre aux pays d'émigration d'avoir les moyens de se développer pour conserver dans leur région d'origine les populations pour lesquelles émigrer est un choix par défaut, un choix forcé ou un non-choix.

Oui, l'homme a des milliers de raisons de ne pas migrer, de rester dans son pays. Le plus souvent, il ne quitte pas les siens par plaisir ; le plus souvent, il fuit la guerre, la dictature, la misère et la faim.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sarkozy, ministre d'État

Parfois les communistes, aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le plus souvent aussi, il choisit le pays où il a les meilleures chances de réussir et non de devenir le meilleur délinquant. Il va là où la société est la plus fluide, la plus attentive aux capacités de chacun. Si c'est la France, pour ma part, j'en suis fière, monsieur Braye !

Si nous avons vraiment la préoccupation de ces peuples, alors annulons la dette des pays en voie de développement, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

...développons les coopérations, échangeons, plutôt que de choisir unilatéralement, instaurons une taxe sur les transactions financières, consacrons 1 % de notre PIB à des actions de coopération.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

C'est facile de faire des cadeaux avec l'argent des autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Finissons-en avec une autre idée reçue : les immigrés venant de régions pauvres transfèrent souvent vers leurs familles restées au pays des sommes supérieures à l'aide au développement attribuée par les États comme la France. L'Office des migrations internationales, l'OMI, évalue ainsi à plus de 200 milliards de dollars l'argent rapatrié chaque année par les immigrés dans leur pays natal. Vous avouerez que ce n'est pas rien !

J'en arrive à la fin de mon propos.

Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Bien évidemment, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre le présent projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Ils le font - n'en déplaise à certains - en faisant preuve d'une grande responsabilité. Il ne s'agit pas seulement ici de faire acte de résistance : notre vote est un acte républicain car il réaffirme les valeurs de notre République : la liberté, l'égalité, la fraternité, auxquelles j'ajoute la solidarité.

M. Dominique Braye rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Et que nous soit épargné le coup du bon sens populaire qui, dans la bouche de celles et de ceux qui défendent ce texte, a surtout le goût du populisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce texte, profondément inhumain, pervers et dangereux, s'inscrit naturellement dans le projet de société ultralibéral de la droite et de son gouvernement. Ce texte est une véritable entreprise de démolition du statut des étrangers, doublée d'un renforcement du contrôle et de la surveillance des populations étrangères, surveillance guidée par l'obsession sécuritaire.

Ce texte est un laboratoire d'attaques qui vont toucher l'ensemble des nationaux, puisque tous vivent sur le même sol, se côtoient, travaillent ensemble, vont à l'école ensemble.

Nous ne pouvons laisser faire. Tout au long du débat, nous démontrerons la nocivité de ce texte non seulement pour les étrangers, mais, au-delà, pour l'ensemble du peuple de France.

Nous avons évidemment déposé des amendements de suppression. Néanmoins, nous ferons quelques propositions pour essayer d'améliorer ce qui pourrait l'être. Mais je réaffirme avec force notre condamnation de ce texte dont, monsieur le ministre de l'intérieur, vous êtes peut-être l'auteur, mais qui est la propriété de tout le Gouvernement et, bientôt, de toute la droite parlementaire.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, c'est banal, cela a été dit à de nombreuses reprises, mais je le répète d'emblée : votre projet revient sur un vrai sujet.

Les migrations sont en effet toujours vécues de manière dramatique par ceux qui y sont acculés, tant il est vrai que l'on ne quitte jamais de gaieté de coeur ses proches et ses racines. Elles suscitent souvent des passions dans les pays d'accueil, dont les habitants, généralement guère à l'aise avec cette question, préfèrent fuir le débat et font trop vite de l'immigré un bouc émissaire tout trouvé pour nombre de leurs maux : insécurité, chômage, difficultés à trouver un emploi, une place en crèche, poids des impôts, par exemple.

Quel maire n'a jamais entendu de telles réactions ? Et qui, cependant, parmi nous, ne mesure les risques de dérapage et, en même temps, sa responsabilité lorsqu'il entend réclamer que soit donnée la « priorité aux nationaux » ou préconiser le repli sur soi ou le protectionnisme ?

Ce sujet est extraordinairement sensible aux yeux de nos compatriotes et pour notre société.

C'est un vrai sujet pour la famille humaine, qui ne peut voir indifféremment deux cents millions des siens emportés par ces déracinements - monsieur le ministre d'État, j'arrondis le chiffre de cent soixante-dix que vous nous avez donné tout à l'heure.

C'est un vrai sujet aussi pour les fragiles équilibres de notre monde, remis en cause par des inégalités de développement qui se creusent sans cesse, par la multiplication qui s'ensuit de guerres ouvertes ou de conflits plus obscurs mais non moins épouvantables.

C'est un vrai sujet enfin pour notre pays, que nous aimerions voir toujours à la hauteur de sa réputation de terre d'accueil, même si, dans le même temps, la pression n'a jamais été aussi forte, alors que les difficultés des temps limitent nos moyens.

À une vraie question, il faut une ou de vraies réponses.

Monsieur le ministre d'État, des réponses, vous nous en proposez. C'est même le deuxième texte que nous examinons sur le sujet, et de manière tellement rapprochée que toutes les mesures d'application du premier ne sont pas encore publiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

M. Denis Badré. Celui-ci pourra-t-il entrer en vigueur d'ici à un an ? Si, grâce à nos amendements, qui sont excellents

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Au demeurant, la sensibilité et la complexité du sujet devraient plutôt nous pousser à prendre le temps - s'agissant notamment des textes d'application - de procéder aux réflexions nécessaires et à nous entourer de toutes les précautions voulues. Nous pensons vraiment qu'en ce domaine où s'exacerbent déjà de profondes passions, il serait sage de nous mettre au moins à l'abri de celles que font naître les temps électoraux. Donner le temps à la réflexion permettrait d'ailleurs d'approfondir certains aspects d'une politique qui ne peut qu'être très largement interministérielle pour être équilibrée et comprise par tous, même si vous la coordonnez, monsieur le ministre d'État.

Nous regrettons enfin que vous n'apportiez pas davantage de réponses à la question incontournable des clandestins, déjà largement évoquée par notre rapporteur, François-Noël Buffet.

Élus locaux, nous en avons tous rencontré, de ces clandestins. Et nous savons qu'il n'est pas facile de briser le cercle vicieux selon lequel il faut des papiers pour prétendre à un emploi ou à un logement - mais pas à une place à l'école -, et il faut un emploi et un logement pour espérer des papiers ! Tout cela est une incitation au travail au noir, au logement informel, inavouable. Bref, c'est l'impasse.

À cet égard, un maître mot doit nous guider : déconcentration. Si les principes généraux doivent évidemment être nationaux, on ne juge bien que de près. Et c'est possible de le faire.

Je veux ici rendre hommage à l'engagement humain et responsable des préfets saisis de tels dossiers. Monsieur le ministre d'État, vous en connaissez beaucoup plus que moi au plan national, bien sûr, mais vous connaissez notamment ceux qui se sont succédé dans notre département aussi bien que moi, et vous savez quelle attitude responsable et humaine ils ont sur ce type de sujet. Tel est le cas de tous ceux que nous avons rencontrés au cours des dernières années. Responsabilisez-les et faites leur confiance ! Je pense qu'ils feront du bon travail, notamment avec les élus locaux.

Mes collègues Muguette Dini et Adrien Giraud interviendront tout à l'heure pour vous alerter sur un certain nombre de points très précis ; je ne m'arrête donc qu'un instant pour vous livrer quelques observations.

Malgré son titre, votre projet de loi traite beaucoup plus d'immigration que d'intégration ; c'est sans doute dommage. Comment gérer les problèmes que posent les regroupements familiaux sans sacrifier le droit à vivre en famille ? Est-il possible de combattre les usages abusifs du droit d'asile sans remettre celui-ci en cause ? Surtout, est-il encore justifié de développer une politique nationale d'immigration pour un État membre d'une Union européenne qui a effacé ses frontières intérieures ?

Quelles que soient les difficultés que vit l'Union, je n'imagine pas un instant que l'on puisse revenir sur cette réalité. Il faut donc la prendre en compte et s'inscrire dans ce contexte.

Je me place donc maintenant dans ce contexte européen.

La stratégie de Lisbonne souligne à juste titre la nécessité de développer notre effort de recherche si nous voulons pouvoir continuer à rivaliser avec nos concurrents les plus en avance. Ce faisant - puisque cette politique ne peut que porter ses fruits -, nous resterons dans la course parmi les pays les plus en avance, mais, avec eux, nous distancerons toujours davantage ceux qui sont en retard. Le fossé se creusera de plus en plus entre les pays en avance et ceux qui sont en mal de développement.

Il est donc non moins impératif de coupler avec une politique scientifique européenne résolue une politique de coopération et de développement non moins résolue, cohérente, complète, visant au développement des pays les plus pauvres. Georges Othily ne disait pas autre chose à l'instant.

Nous progresserons alors sur deux des sujets qui sont au coeur des préoccupations de nos compatriotes, à savoir l'immigration et les délocalisations. Ces deux sujets ne peuvent être dissociés l'un de l'autre. J'y reviendrai lorsque je traiterai tout à l'heure des flux d'immigration choisie.

Lorsque je parlais d'interministérialité, à l'instant, c'est en particulier à cette dimension du développement que je pensais. C'est en intervenant ainsi, à la source des difficultés, que nous pourrons vraiment justifier une politique d'immigration et d'intégration, lui donner du sens et l'équilibrer. Et, comme toute politique d'immigration, une politique efficace de développement ne peut plus être qu'européenne.

L'Européen convaincu que je suis redit ici qu'il verrait d'ailleurs dans l'annonce et dans la mise en oeuvre d'une telle politique au niveau européen une très belle occasion de faire redémarrer l'Europe. Cela conduirait en effet les États à relativiser les enjeux de leurs débats actuels pour se retrouver enfin autour d'un objectif d'intérêt commun évident, au moins aussi important aujourd'hui que l'était la paix en 1950. Les jeunes pourraient trouver là une occasion de relever le vrai défi opposé à leur génération. La construction européenne, enfin, renouerait avec son idéal.

J'ajoute que je serais vraiment heureux que ce soit la France qui en fasse la proposition. Tournant le dos à l'arrogance qui a pu lui être reprochée, comme à un quelconque sentiment de culpabilité, elle reprendrait alors naturellement, sur un vrai sujet de fond, sa place d'ouvreur au service de ses partenaires et de l'Union.

Il est clair qu'il ne peut s'agir simplement de relever la part de PIB consacrée à l'aide au développement, mais qu'il faut fonder une politique digne de ce nom sur une prise de conscience globale. Il faut avoir à l'esprit, d'une part, que les guerres sont toujours plus chèrement payées par les pays pauvres, d'autre part, que lorsque nos pays développés cèdent à la facilité des déficits publics, ils préemptent les disponibilités financières internationales et en privent ceux qui en auraient le plus besoin, enfin, qu'en limitant l'accès à nos marchés, nous poussons les plus pauvres à sacrifier protection sociale et environnement.

Je pourrais allonger cette liste en montrant que nombre de nos politiques aggravent la situation et en évoquant le manque d'eau potable, les carences en termes d'éducation, de santé, de protection sociale, de démocratie ou de liberté, ou encore la lutte contre la corruption. Mais vous auriez peut-être le sentiment que je m'éloigne du sujet. En réalité, c'est bien de cela qu'il nous faut débattre maintenant. C'est cela que nous aurions aimé trouver dans votre texte.

Pris par l'urgence, vous êtes allés directement au traitement des conséquences. Même s'il est électoral, et peut-être justement parce qu'il est électoral, le temps n'était-il pas venu d'aller au fond de la question ?

Je ferai une petite remarque en passant : « choisir » ses immigrés va à l'encontre de tout ce que je viens de dire. Ceux dont les compétences nous intéressent sont en général les mêmes dont leurs pays d'origine ont le plus grand besoin. Entendons donc ce que les dirigeants africains vous ont dit la semaine dernière, message que vous avez d'ailleurs repris dans votre intervention, monsieur le ministre d'État. Cela ne devrait pas être trop difficile : leur discours ne ressemble-t-il pas en effet, à s'y méprendre, à celui que nous tenons nous-mêmes pour déplorer la « fuite de nos cerveaux » vers des pays plus attractifs que le nôtre ?

Tout est relatif en ce bas monde. Nous éprouvons donc une certaine difficulté à nous situer. Puisse ce texte nous y aider.

Pour ce qui nous concerne, au-delà d'une politique d'immigration qui est, selon vos propres termes, la solution, il nous faut surtout une politique générale, rendant notre pays attractif pour les meilleurs, d'où qu'ils viennent. Nous aurons gagné lorsque les meilleurs jeunes Français partis aux États-Unis faire un post-doctorat, choisiront de revenir en France à l'issue de leur séjour, au lieu de céder aux sirènes locales. Nous aurons gagné lorsque, comme vous le disiez tout à l'heure, les jeunes Indiens choisiront d'emblée de s'arrêter en France ou en Europe plutôt que d'aller directement à Boston.

Je mise beaucoup, pour y parvenir, sur les relations bilatérales renforcées qu'il convient d'établir avec les pays d'origine des migrants. Vous y avez insisté tout à l'heure, mais j'y reviens. Ces relations sont indispensables si nous voulons pouvoir parler vraiment un jour d'immigration « choisie » par les uns et par les autres, par les migrants et par les pays d'accueils, et non pas par nous seuls.

Pour conclure, je dirai simplement que, s'il est évidemment nécessaire de clarifier les règles et d'instaurer de la rigueur dans notre façon de gérer l'immigration, il nous faut nous méfier d'approches au premier degré qui donneraient, dans l'instant, l'illusion d'un progrès.

Cette rigueur dans les procédures et dans leur application est indispensable si nous voulons réconcilier les Français avec la tradition d'accueil de leur pays. Simplement, n'oublions jamais que tout ce qui précarise les hommes défait la société, et que tout ce qui précarise les peuples met le monde en danger.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Si votre ambition, monsieur le ministre de l'intérieur, était d'éviter le consensus entre la majorité actuelle et l'opposition, je vous donne acte que vous avez parfaitement atteint votre objectif.

Mes collègues socialistes et moi-même exprimerons donc, tout au long de nos débats, les raisons de notre désaccord.

Pour la seconde fois au cours de cette législature, vous nous présentez un texte réformant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers et le droit d'asile. Pourquoi cette obsession à vouloir faire du statut des étrangers un débat central de la vie politique ? N'y aurait-il pas mieux à faire pour le Gouvernement dans le contexte économique et social particulièrement complexe que connaît la France ?

L'accueil fait à votre projet de loi devrait, monsieur le ministre d'État, vous inviter à la prudence et à la réflexion. Votre projet n'est approuvé ni par les Églises ni par les organisations qui ont mis au coeur de leur travail, l'accueil et l'intégration des étrangers et des demandeurs d'asile. Votre périple africain récent a permis de mesurer le rejet dont il est l'objet.

Le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme nous apprend que, si l'on peut constater une diminution des actes racistes et antisémites - qui ne s'en réjouit pas ici ? -, en revanche, on constate « une augmentation inquiétante du pourcentage des personnes qui s'avouent racistes, une radicalisation des opinions hostiles aux étrangers, et un essoufflement dans la mobilisation contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie ».

Cette banalisation du sentiment xénophobe est inquiétante. La France a malheureusement toujours connu des courants de pensées et des mouvements qui ont fait de l'étranger le bouc émissaire des difficultés de notre pays. Tout ce qui vient renforcer cette contre-vérité doit être combattu. Je crains, monsieur le ministre, que votre texte, en prétendant briser les tabous, ne participe au contraire à la montée du sentiment xénophobe par une démarche qui, de fait, présume que le demandeur d'asile ou le candidat à l'immigration est un fraudeur qu'il faut démasquer et réprimer.

Votre projet de loi s'affiche comme une rupture et prétend incarner une vision nouvelle de l'immigration. Celle-ci se caractériserait par le rapprochement entre immigration et intégration, la substitution d'une immigration choisie à une immigration subie. Elle s'illustrerait par le contrat d'accueil et d'intégration et la création de la carte « compétences et talents ».

Accueil, intégration, compétences, talents, sont des termes positifs, utiles pour la communication, mais ils n'expriment pas, à nos yeux, la réalité de votre projet de loi.

Votre conception de l'intégration commence là où celle-ci peut servir les mesures de contrôle de l'immigration. Les manquements éventuels à ce contrat constitueront autant d'opportunités pour précariser les détenteurs de titre de séjour. Je remarque d'ailleurs que pas un seul titre, pas un seul chapitre n'est consacré plus particulièrement à l'intégration. Même en matière d'asile, il n'est plus fait mention du rôle moteur d'intégration que peuvent jouer les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA.

Vous avez fait de la formule « immigration choisie », par opposition à « immigration subie », le slogan publicitaire habile de votre projet. Qui, en effet, préfère subir plutôt que choisir ? Dépassons, si vous me le permettez, ce simplisme.

Doit-on comprendre que tous les étrangers qui sont arrivés sur notre territoire antérieurement à votre projet de loi étaient des « immigrés subis » ? Si nous dressions la liste de tous ces « immigrés subis », qui, pour certains d'entre eux, sont devenus français, et de leurs descendants, nous y trouverions des noms parmi les plus illustres de celles et ceux qui ont fait et font encore la gloire et la réputation de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le jury du dernier festival de Cannes a décerné le prix d'interprétation masculine aux acteurs du film Indigènes, du cinéaste français Rachid Bouchareb. Ce film retrace l'épopée de la libération de la France par l'armée d'Afrique et met l'accent sur une page de notre histoire trop vite oubliée. Ces « indigènes » répondraient-ils aux critères de la carte « compétences et talents » ou feraient-ils partie de l'« immigration subie » ?

Mardi prochain, quand l'équipe de France de football disputera son premier match du Mondial, l'amateur de football que vous êtes, monsieur le ministre d'État, s'interrogera-t-il pour savoir combien, parmi eux, sont descendants d'immigrés subis ? §Les trois plus grands joueurs de l'histoire du football français ne sont-ils pas Raymond Kopa, d'origine polonaise, Michel Platini, d'origine italienne, et Zinédine Zidane, d'origine algérienne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Si votre projet avait existé, leurs pères auraient-ils bénéficié de la carte « compétences et talents » ? Sans doute pas

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Votre carte « compétences et talents » nous apparaît comme un artifice pour doter votre projet d'une image d'ouverture ; elle risque de ne servir que d'alibi à un pillage de matière grise.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Loin de cette golden card de l'immigration, votre projet se caractérise essentiellement, pour nous, par un durcissement de la législation actuelle. Nous sommes là pour parler clairement, et vous voyez que je me livre à cet exercice.

Or nous pensons que réduire la politique d'immigration aux seuls durcissements législatifs, à la mise en cause permanente des étrangers et au recul de leurs droits fondamentaux ne constitue pas, en soi, la solution au problème de l'immigration clandestine. Sous couvert de lutte contre cette immigration-là, votre projet de loi dégrade la situation des étrangers en situation régulière. Cette déstabilisation de la vie quotidienne peut aussi atteindre nos compatriotes qui, de par leur ascendance, sont susceptibles d'être identifiés comme étrangers et, au premier rang d'entre eux, nos compatriotes originaires de l'outre-mer.

L'essence même de votre projet de loi est de rendre plus difficiles l'entrée et le séjour des étrangers et des demandeurs d'asile. Le leitmotiv de votre projet, qui confine à l'obsession, est d'augmenter les formalités, d'allonger les délais et de réduire les droits.

En matière de délais, je salue votre systématisme. Chaque fois qu'il existe une condition de délai pour bénéficier d'une mesure favorable, vous l'allongez. Dans le même temps, chaque fois que l'étranger en situation régulière bénéficie d'un droit, vous précarisez sa situation en allongeant le délai qui en permet l'octroi. Ainsi, il faudra dix-huit mois au lieu de douze pour engager la procédure du regroupement familial, quatre ans de vie commune au lieu de deux pour solliciter l'accès à la nationalité française par mariage.

L'obligation d'obtenir un visa de long séjour comme condition préalable au séjour achèvera de bloquer le système, car nos consulats seront, par manque de moyens, dans l'impossibilité de les délivrer dans des délais normaux.

La manière dont vous rendez aléatoire le regroupement familial démontre clairement que c'est cette immigration-là qui est, pour vous, subie et que vous voulez tarir. La France peut, en conséquence, se préparer à collectionner les condamnations pour infraction à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Loin d'améliorer l'existant, votre texte nous apparaît contre-productif. Il va inévitablement créer de nouvelles catégories de personnes qui, contraintes à l'irrégularité, ne seront ni régularisables ni expulsables. À cette précarisation de l'immigration régulière, vous ajoutez une rigueur accrue vis-à-vis des étrangers en situation irrégulière.

L'immigration clandestine concerne avant tout l'outre-mer. Cette situation exige un traitement spécifique qui, tout en respectant les droits fondamentaux, comprenne des mesures adaptées à l'ampleur du phénomène. Celles-ci auraient dû faire l'objet d'un projet de loi autonome déconnecté du contexte migratoire de la métropole. La situation de l'outre-mer, sur laquelle nous déposerons peu d'amendements, ne peut en effet servir de prétexte pour restreindre sur tout le territoire les droits des étrangers.

Vous avez fait des statistiques de l'exécution des reconduites à la frontière l'alpha et l'oméga de votre politique de lutte contre l'immigration clandestine. Chaque préfet a des objectifs à respecter et son pouvoir de régularisation individuelle est sous votre contrôle strict.

Votre texte vise donc logiquement à accélérer le rythme de la politique d'éloignement, même au prix d'une réduction des possibilités de recours vis-à-vis des décisions de l'administration. Il nous paraît indispensable que l'étranger à qui l'on oppose un refus de titre de séjour ou qui est débouté du droit d'asile puisse, avant d'être l'objet d'une reconduite à la frontière, faire valoir tous ses droits de recours, y compris celui de contester, devant le juge, le pays vers lequel l'administration veut le renvoyer.

Il est également indispensable que le juge du contentieux des étrangers puisse remplir sa mission dans les conditions de collégialité qui assurent à la fois l'indépendance et la qualité de la justice rendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Nous nous opposons à ce qu'une justice d'abattage rendue par des magistrats honoraires devienne le lot commun réservé au contentieux des étrangers.

La suppression de la mesure permettant de régulariser les étrangers qui apporteraient la preuve qu'ils vivaient en France depuis dix ans nous semble particulièrement choquante. Vous la présentez comme le refus de donner une prime à l'illégalité et comme la volonté d'empêcher un « appel d'air ».

Vos arguments sont faibles. Le nombre de régularisation de ce type se situe aux alentours de 3 000 par an ; c'est peu pour un appel d'air ! De plus, faire jouer la prescription au bout de dix ans n'est pas une mesure exorbitante si on la compare aux durées de prescription de notre droit pénal.

La presse se fait régulièrement l'écho de la situation dramatique de jeunes, scolarisés quelquefois depuis plusieurs années, confrontés subitement à une menace d'expulsion. Quand un tel cas survient, vous le savez, il est ressenti par les camarades de classe du jeune étranger, par leurs parents, par leurs professeurs, comme une injustice et une agression insupportables.

Votre initiative visant à recommander aux préfets de surseoir aux expulsions jusqu'à la fin de l'année scolaire va dans le bon sens, nous le reconnaissons, bien qu'elle soit insuffisante. Mais où est la cohérence dans le fait d'expulser des jeunes en pleine période de formation pour les renvoyer dans un pays que la plupart d'entre eux ne connaissent plus, et où ils n'ont aucun repère ? La République est-elle menacée par leur présence en France ? Ne peut-on permettre à l'école de la République de développer des compétences et des talents dont la France sera la première à bénéficier ? Monsieur le ministre d'État, il faut mettre un terme à la chasse à l'enfant ; elle déshonore notre pays.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

À cet égard, les propos que vous avez tenus devant nous cet après-midi ouvrent peut-être une perspective. Une circulaire fondée sur la clémence est une piste intéressante, mais trop aléatoire et discrétionnaire à nos yeux. C'est une question qui doit échapper au risque d'arbitraire, pour être réglée par la loi. Nous ferons des propositions sur ce point.

Dans le même mouvement, ne pensez-vous pas que la France se grandirait si elle interdisait la présence de mineurs, voire de bébés, dans les centres de rétention ? Il s'agit tout simplement d'humanité, du respect des droits fondamentaux de la personne.

Monsieur le ministre d'État, en dépit des efforts louables du rapporteur, votre projet de loi ne peut que rencontrer notre opposition résolue. Il m'incombait de vous en faire part.

Dans cette enceinte, nous savons tous, et vous mieux que personne, que votre texte ne vise pas à régler la question de l'immigration. Même s'il est adopté au bénéfice de la procédure d'urgence, il ne pourra pas produire ses effets avant la fin de la législature. Mais cela est secondaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Le candidat que vous êtes souhaite un texte d'affichage en vue de la campagne électorale présidentielle.

Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Ce projet de loi constitue pour nous une raison supplémentaire et fondamentale de vous empêcher d'assumer, un jour, les fonctions de chef de l'État.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par évoquer la confiance retrouvée des Français.

Je m'explique : en 2003, alors que j'étais le rapporteur de la commission des lois sur votre premier texte relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, j'ouvrais mon propos en rappelant que, lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre d'État, vous aviez dressé le constat suivant : « L'immigration est l'une des questions de société à propos de laquelle la confiance de nos compatriotes dans l'État s'est le plus effondrée ».

Ce constat, je l'avais fait mien, considérant qu'il était la conséquence du renoncement de notre pays, depuis plusieurs années, à définir une politique migratoire.

Que de chemin parcouru en moins de trois ans ! Évidemment, personne ne croit que tout est réglé et que les problèmes sont derrière nous.

En revanche, nos concitoyens ont acquis la certitude suivante : lorsque les politiques entendent se donner les moyens de prendre à bras-le-corps les problèmes qui se posent, sans idées préconçues et avec une volonté indéfectible, les solutions ne sont jamais loin.

Cela pourrait vous sembler une lapalissade, et pourtant nos concitoyens avaient fini par s'habituer au fait que leurs élus adoptent la posture du défaitisme pour justifier leur renoncement.

Aujourd'hui, si les Français retrouvent confiance, même s'ils ont conscience du chemin qui reste à parcourir, c'est un peu grâce à votre ténacité, monsieur le ministre d'État. Et ce n'est pas rien, parce notre action a retrouvé un cap, qui a été suivi d'effets.

Un nouvel état d'esprit s'est instauré.

Grâce aux bases qui ont été jetées, non seulement nos concitoyens ont retrouvé confiance dans l'action publique, mais aussi les législateurs que nous sommes peuvent aborder ce sujet de l'immigration de manière plus sereine.

En effet, depuis plus de vingt ans, la France a été privée d'un débat de fond, rationnel et dépassionné, sur l'immigration.

La réplique a été tenue trop longtemps par les démagogues des deux extrêmes, les uns appelant à l'immigration zéro, irréaliste et en aucun cas souhaitable pour la France, qui s'est toujours enrichie et oxygénée grâce aux apports des autres cultures, les autres déclinant un discours angélique, laissant croire que notre pays pourrait supporter les flux migratoires sans contrôle, malgré le chômage structurel qu'il connaît.

Depuis 2002, l'action pragmatique du Gouvernement a démontré qu'il était possible de sortir de ce débat schizophrène et de mener une politique volontariste et décomplexée : une immigration choisie par un contrôle rigoureux des entrées étant le pendant légitime des mesures tendant à une intégration réussie.

Je reviens sur les lois de 2003.

Se voulant pragmatique pour répondre à l'émergence d'un monde à la fois de plus en plus ouvert et en pleine explosion démographique, la politique migratoire menée par le Gouvernement depuis 2002 a reposé sur quatre piliers.

Le premier visait à se doter d'instruments nouveaux pour lutter avec efficacité contre l'immigration clandestine, préalable à toute réhabilitation d'une doctrine de l'immigration en France.

Ainsi, la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a prévu la répression pénale de la traite des êtres humains ; le rétablissement de l'encadrement du certificat d'hébergement, supprimé en 1998, donnant ainsi aux maires la possibilité de participer à ce contrôle ; le renforcement des mesures contre les mariages blancs ; la constitution en délit l'organisation et la participation à une telle union ; la création d'un fichier d'empreintes digitales des demandeurs de visa ; l'allongement de la durée maximale de rétention de douze à trente-deux jours.

Dans la continuité, le deuxième pilier de notre politique migratoire consistait à redonner un sens à la notion d'asile. Le droit d'asile est l'un des plus beaux principes de notre République, l'un de ceux qui honorent le plus notre nation et qui participent à notre aura sur la scène internationale.

Mais devait-on accepter qu'il soit dévoyé, sous prétexte qu'il aurait été tabou d'aborder le sujet ? Devait-on accepter de voir l'expression « droit d'asile », désignant un droit fondamental, rimer dans l'esprit de nos concitoyens avec celle de « procédure de maintien illégal sur notre territoire », tant elle a été détournée de son noble objet ?

Pour éviter que la France ne rompe un jour avec sa tradition, il fallait aménager ce droit. Nous l'avons fait dans le cadre de la loi du 10 décembre 2003 relative au droit d'asile, en prenant toute une série de mesures : le remplacement de l'asile territorial, institué en 1998, par un régime de protection subsidiaire d'un an renouvelable ; l'introduction de nouveaux critères d'évaluation des demandes d'asile, comme les notions de pays d'origine sûr et d'asile interne ; l'unification des procédures d'asile en faisant de l'OFPRA l'unique organisme de traitement des demandes ; la rationalisation des procédures d'examen des demandes afin de limiter à moins de six mois leur traitement.

L'action du Gouvernement s'est également concrétisée par des actes forts ne nécessitant pas de recourir à la loi.

Le troisième pilier a donc consisté à mener des politiques, européenne et bilatérales, afin d'harmoniser nos procédures et de définir des filières d'immigration sûres.

Ces dispositifs produisent leur effet puisque, pour reprendre l'exemple de l'aéroport de Roissy, le nombre de placements effectués a diminué de 33 % entre 2003 et 2004. Plus généralement, le nombre de reconduites effectives à la frontière a augmenté de 40 % en 2004 par rapport à 2003 et doublé depuis 2002.

C'est parce que le Gouvernement a fait le choix de la plus grande fermeté à l'encontre de ceux qui entendaient abuser de la générosité de la France que, parallèlement, nous avons pu conduire une politique d'ouverture et d'intégration.

Le quatrième pilier de cette politique vise justement l'accompagnement des primo-arrivants afin de favoriser leur intégration.

À ce titre, la création du contrat d'accueil et d'intégration fait ses preuves en guidant ces immigrés dans un parcours les menant à la délivrance d'un titre de séjour de longue durée.

Cette intégration républicaine se fait au mérite. Il n'y a rien de choquant à cela, bien au contraire. Cette politique est juste, car elle favorise ceux qui font des efforts pour réussir leur installation durable en France.

Après ce rappel historique, venons-en au présent projet de loi.

En effet, nous sommes réunis aujourd'hui non pas pour nous adresser des félicitations, mais parce que, si les choses vont mieux, nous ne sommes encore qu'au début du chemin à parcourir.

Cent fois sur le métier remettons notre ouvrage ! Les nouvelles mesures engendrent d'autres fraudes. Entre les gendarmes et les voleurs, la course-poursuite ne s'arrête jamais.

Par exemple, alors que la lutte contre les mariages blancs commence à faire sentir ses effets, de nouveaux détournements apparaissent, concernant notamment les cas de reconnaissance de paternité. À Mayotte, leur nombre a quintuplé !

On assiste également à une explosion des demandes de titres de séjour fondés sur la procédure d'étranger malade : elles ont été multipliées par vingt-huit en six ans !

Ce nouveau texte confirme donc, en l'amplifiant, la politique qui est menée depuis 2002. Son titre même conjugue Immigration et Intégration. La corde est raide et l'équilibre, précaire. Mais ce n'est qu'en conjuguant fermeté avec justice que nous réconcilierons nos concitoyens avec l'immigration.

Encore faut-il éviter de transformer ces deux idées fortes en idées faibles.

C'est tout l'enjeu du présent texte que de porter deux idées fortes : poursuivre notre lutte contre l'immigration irrégulière en colmatant les failles de notre dispositif et accentuer le processus d'intégration des immigrés réguliers.

Il s'agit de concilier fermeté et justice.

Ce texte est un bon projet, parce qu'il satisfait à cette double exigence. Il apporte des réponses fermes, rapides et efficaces, pour consolider la maîtrise des flux, et il demeure juste et humain, pour répondre aux exigences auxquelles nous sommes confrontés.

Ferme, oui, ce texte l'est, parce que le bon sens commande qu'un pays connaissant un taux de chômage aussi élevé et une telle pénurie de logements sociaux doit pouvoir contrôler ses flux migratoires par une politique d'objectifs quantitatifs prévisionnels.

Ferme également, parce que l'immigration familiale en tant que source principale d'immigration ne doit pas exonérer ses bénéficiaires du respect de certaines règles. Ce sont donc ceux qui s'intégreront le mieux, par la maîtrise de notre langue, le respect de nos lois et de nos valeurs, qui pourront faire venir leur famille.

Le parent s'installant sur notre sol et sollicitant le regroupement familial doit faire l'effort d'ouvrir la voie à sa famille. Par sa propre intégration, il favorisera celle de ses enfants.

Dans les faits, la demande de regroupement familial dans le délai de dix-huit mois sera conditionnée par le renouvellement préalable du titre de séjour du demandeur, lui-même obtenu par la preuve des efforts d'intégration que ce dernier aura accomplis.

Ferme, ce texte l'est aussi parce qu'il n'y a aucune raison pour que le mariage d'un étranger en situation illégale avec un Français implique ipso facto l'attribution du droit au séjour.

Ferme encore, parce que la délivrance au conjoint de la carte de résident de dix ans sera soumise à des conditions d'intégration et interviendra au bout de dix ans. En quoi est-il choquant de considérer que le mariage n'exonère pas du respect de certaines règles d'intégration ?

Si l'on souhaite devenir résident, il faut accepter les règles du lieu où l'on se rend.

Ferme, ce texte l'est surtout parce qu'il n'y a aucune raison de maintenir le principe, aberrant, selon lequel un étranger ayant réussi à se maintenir de façon irrégulière en France pendant dix ans gagnerait, en sorte de récompense, le droit à une régularisation automatique. Non seulement cette disposition entretenait l'incitation à la fraude, mais elle donnait également une prime à la clandestinité.

Mais ce texte est également juste : il fait le pari du mérite, en considérant qu'il convient de ne pas traiter les étrangers de manière uniforme.

Il est juste, car il encourage les bonnes pratiques en favorisant le maintien sur notre territoire de ceux qui jouent le jeu de l'intégration.

Il est juste et humain, parce que le préfet dans le département pourra régler, au cas par cas, les situations humanitaires les plus terribles en octroyant un titre de séjour.

Il est juste et humain, parce qu'il protège mieux les femmes immigrées contre la polygamie

Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

...mais aussi contre l'excision ou les violences conjugales qui, sur notre sol, sont intolérables.

Sur mon initiative, et avec votre accord, monsieur le ministre d'État, la loi de 2003 avait déjà prévu de donner la possibilité au préfet de décider de ne pas retirer à un conjoint de Français ou d'étranger sa carte de séjour temporaire si la rupture de la vie commune était imputable à des violences.

Dans le même esprit, le présent projet de loi tend à renforcer également la protection de ceux qui, avant tout victimes de réseaux criminels, sont entrés en France et ont permis la mise en cause de proxénètes ou de marchands de sommeil en portant plainte contre eux.

Ce principe, que j'ai porté initialement en tant que rapporteur du projet de loi pour la sécurité intérieure, est aujourd'hui étendu afin que les personnes concernées, essentiellement des femmes, bénéficient d'une carte de droit commun leur permettant de s'engager dans une nouvelle vie sur notre territoire, qui les accueillera.

Ce texte est juste, parce que les immigrés qui travaillent sont favorisés par rapport à ceux qui vivent des prestations sociales. En effet, il n'y a rien de scandaleux à considérer qu'une immigration doit être principalement conditionnée par le travail. Comment prétendre réconcilier les Français avec l'immigration, si cette dernière est principalement assimilée à la course aux revenus de l'assistance ?

Plus les étrangers présents sur notre sol travailleront, plus ils seront qualifiés, plus nos compatriotes pourront considérer alors l'immigration comme un vecteur d'enrichissement réciproque, de partage bénéfique.

Il s'agit d'aller vers une immigration choisie et désirée, et je veux insister sur ce point.

Ce texte est juste, parce que, pour la première fois depuis le début de la crise économique de 1973 et donc depuis l'apparition d'un chômage structurel dans notre pays, nos frontières sont rouvertes pour une immigration du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En n'opposant plus la situation de l'emploi à l'introduction de main-d'oeuvre étrangère, nous donnons à notre pays la chance d'avoir une immigration diversifiée.

Tel est le principal enjeu de l'ensemble de notre politique migratoire.

La fermeté que nous appelons de nos voeux n'est pas un repli sur soi. Elle était le préalable à une politique d'immigration choisie et acceptée par nos concitoyens.

Mes chers collègues, c'est parce que nous avons fait la preuve que nous ne tolérerions aucun laxisme en matière d'immigration irrégulière que nous pouvons à présent passer à une nouvelle phase : celle d'une immigration encouragée par les pouvoirs publics, avec l'assentiment de nos compatriotes - chose qui aurait été encore impossible voilà seulement quatre ans -, pourvu qu'elle soit source d'échanges et pleine de promesses pour le développement respectif de nos pays.

Mes collègues insisteront plus spécifiquement sur les différents aspects de ce très dense projet de loi, notamment les sénateurs d'outre-mer, qui apporteront à notre débat l'éclairage de leur expérience quotidienne des situations les plus dramatiques qui existent dans leurs collectivités. Je ne déflorerai donc pas le sujet.

Monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre délégué, parce que ce texte répond avec pragmatisme à la problématique de l'immigration et de l'intégration et parce qu'il entend apporter des réponses qui jetteront dans les années à venir les bases d'une nouvelle immigration fondée sur le choix d'une communauté de destin, notre groupe votera ce texte tel qu'il sera enrichi par nos travaux, plus particulièrement par les pertinentes propositions de notre excellent rapporteur, François-Noël Buffet, qui reprennent un certain nombre des recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pelletier

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la France, depuis toujours, est une terre d'accueil. Elle doit le rester, et je vous remercie, monsieur le ministre d'État, de l'avoir rappelé au début de votre propos.

Mais les temps ont changé !

La liberté de circulation des personnes, inscrite dans l'Acte unique européen de 1986, s'est effritée devant la réalité brutale d'exodes massifs porteurs de violence, de xénophobie, de racisme et de désespoir.

Les pays du Nord craignent aujourd'hui que l'accélération du rythme auquel la mondialisation déploie ses diasporas ne bouleverse leurs équilibres déjà fragilisés par les défis du xxie siècle.

Parmi ces défis, l'immigration et l'intégration sont indissociables, tant elles se donnent mutuellement sens. Dans un avenir déjà proche, elles seront l'un des sujets fondamentaux et omniprésents du débat public.

Angélisme et naïveté ont trop longtemps prévalu. Les législations successives en matière de politique de l'immigration ne suffisent plus. La rencontre des temps et des géographies a grossi les nombres et accéléré les rythmes. L'immigration n'est plus une richesse, elle produit dans nos villes des colères et des peurs qui nous enjoignent de penser autrement nos politiques.

Le temps est venu d'élaborer une politique de l'immigration qui en finisse avec le clivage immigration-intégration, dans une législation à la fois soucieuse de la tradition humaniste d'accueil inscrite dans notre Constitution et suffisamment forte pour s'opposer à toute tentative de violation de nos lois et de nos valeurs, dans une législation qui soit entre devoir moral et observance républicaine !

Je souhaite que nous débattions de ce projet de loi par-delà les convenances et les faux-semblants, parce que les migrations internationales et la maîtrise des flux seront dans ce siècle le point de rupture ou le point d'harmonie entre les peuples.

L'échec des politiques de l'immigration constaté ces dernières années et les désordres coûteux qui en ont découlé ne sont pas seulement le fruit de l'immigration elle-même : ils sont davantage le résultat de la manière dont nous l'avons traitée.

Mon propos n'est pas ici de dénigrer le projet de loi : il est d'en souligner le bien-fondé, mais aussi les risques, étant acquis, ainsi que l'affirmait déjà en 1990 Michel Rocard, dont j'étais alors le ministre de la coopération et du développement, que la France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais qu'elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. Cette citation reste à mes yeux très pertinente.

La France doit-elle « choisir » ses immigrés ? Pour beaucoup d'entre nous, monsieur le ministre d'État, là est la pierre sur laquelle achoppe ce nouveau texte. Le terme me paraît mal choisi : on aurait parlé d'« immigration organisée », ce serait mieux passé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Pelletier

Comment expliquer en effet à un adolescent d'Afrique qui risque sa vie sur les barricades de Ceuta que la France lui refuse « ce droit de vivre dignement » auquel il aspire, parce qu'il n'a pas les qualifications ou les compétences requises ?

Il serait vain et dangereux d'envisager la liberté comme le privilège de quelques-uns.

Bien sûr, talents et compétences sont les bienvenus. Un pays a tout à gagner à accueillir des scientifiques, des sportifs, des artistes, qui tissent entre les peuples un lien social de qualité et contribuent en même temps au rayonnement de notre pays et de notre langue. Gardons-nous cependant de trop d'élitisme. Il y a aussi dans les rues de Ceuta, et d'ailleurs, des jeunes dont l'intelligence et le courage valent bien des diplômes. Faudrait-il que les diktats économiques nous conduisent à mettre sur le marché des hommes et des femmes labellisés « bons » ou « mauvais » émigrés ?

Le principe d'une loi est non pas de diviser, mais de réunir, et le prix de la diversité fait la richesse de nos sociétés. En outre, tout en privant les pays du Sud des talents et des compétences dont ils ont un besoin bien plus important que le nôtre, nous n'empêcherions pas pour autant les gamins de Ceuta et d'ailleurs de tenter leur chance, encore, encore et toujours.

En conséquence, je proposerai dans un amendement que la carte « compétences et talents », accompagnée d'un engagement de retour, ne puisse bénéficier que d'un seul renouvellement.

L'exil n'est pas un choix ! Le droit à la vie et à la liberté, ce principe premier qu'énonce l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, nous enjoint de ne pas nous abriter derrière un arsenal uniquement répressif qui ne se justifierait qu'à partir de données quantitatives et occulterait les raisons profondes de l'émigration. Le partage des richesses contient aujourd'hui le devoir d'hospitalité.

À partir du même constat, et considérant que la suppression de la disposition qui permet la régularisation d'un étranger en situation irrégulière depuis plus de dix ans ne fera pas baisser significativement les chiffres - il semble que, actuellement, 3 000 personnes environ bénéficient chaque année de cette procédure -, je souhaite que les critères à partir desquels la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour rendra son avis soient vraiment explicites, souples et évolutifs.

Devant cette aventure humaine, l'Europe et les pays tiers doivent nous accompagner. Comment imaginer une politique de l'immigration qui ne soit pas européenne ? Étant donné que l'écart entre Nord et Sud continuera d'alimenter la pression migratoire, il serait sage que les nations de l'Europe se retrouvent dans une stratégie migratoire commune pour conduire une action qui, à terme, pourrait revivifier une Europe à la recherche d'un nouveau souffle et revisiter par la même occasion la grande idée européenne en inscrivant cette action dans le respect des droits humains fondamentaux.

Pour ce qui est de l'aide au développement, nous connaissons suffisamment la perméabilité des frontières autant que la vanité des contrôles pour constater que le lien réel entre immigration et aide au développement n'autorise plus à agir sur la première sans tenir compte de la seconde. Face à l'immigration, le codéveloppement est vraiment la priorité des priorités !

Nous ne pourrons sans doute pas tarir l'immigration à la source, mais nous pouvons permettre à des populations parmi les plus défavorisées - pour lesquelles, je le répète, l'exil n'est pas un choix - de continuer à vivre chez elles dans des conditions normales. Cela suppose bien sûr une politique d'aide au développement énergique autant qu'une politique diplomatique ferme.

Nous savons de quoi ces populations ont besoin : d'une école, d'un hôpital, d'une démocratie, d'un État de droit ! C'est là ce que beaucoup d'entre elles n'ont pas. Cela favoriserait le dialogue entre le Nord et le Sud, alors que celui-ci est aujourd'hui abusé par des marchands de rêves, qui font payer aux plus démunis, parfois de leur vie, ce qui pour eux signifie un avenir : des papiers, un emploi, une famille. Nous pourrions alors construire avec eux une politique de l'immigration dans une gestion commune, sur la base d'intérêts et d'avantages réciproques.

À ce propos, je vous félicite, monsieur le ministre d'État, d'avoir commencé à discuter sur le terrain avec les responsables africains : c'est la seule façon de faire avancer le dossier.

Ce projet de loi doit être du reste l'occasion d'élaborer des dispositifs innovants en matière d'aide au développement en faveur des pays du Sud. Ainsi, l'amendement que je défendrai visera à permettre le renforcement de la contribution que les étrangers exerçant une activité professionnelle en France peuvent apporter au développement de leurs pays.

Je ne peux pas, monsieur le ministre d'État, passer en revue toutes les mesures envisagées.

Le dossier de l'immigration doit échapper aux partis et aux ambitions. Rassemblons-nous, comme le souhaitent les Français. Sans doute devrait-il en être ainsi de nos projets, débattus au mépris des conjectures, votés et amendés dans la raison et par l'expérience : gardons-nous, pour séduire, d'inspirer de la crainte ou de faux espoirs à ceux que nous vantons.

Ce texte, légitime, est perfectible, donc amendable. Dans l'union, je souhaite, monsieur le ministre d'État, que vous accueilliez avec bienveillance nos amendements.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi nous invite à légiférer sur deux sujets complémentaires : l'immigration et l'intégration.

Pour la première fois, un gouvernement prend en compte la nécessité de lier ces deux notions et voit - enfin ! - dans l'intégration un « objectif prioritaire d'une immigration réussie ».

Des événements récents, mais aussi de plus anciens, montrent que, ces dernières décennies, nous n'avons pas pris la mesure de l'importance d'une vraie politique d'intégration, considérant que tout étranger arrivant en France devait s'y sentir automatiquement chez lui. Cela n'a pas été le cas, et il est désormais de notre devoir de permettre à tout étranger arrivant en France de s'insérer dans notre société sans être victime de stigmatisation, de rejet, ou de discriminations.

Le projet de loi a pour ambition de lutter contre l'immigration dite « subie ». Pourtant, les chiffres annoncés nous montrent clairement que la majeure partie des personnes qui rejoignent notre territoire le font dans le cadre de la vie privée et familiale. Les dispositions phare de ce texte ne concernent donc qu'une part infime des étrangers qui, chaque année, entrent en France régulièrement. Au mieux, ou au pire, selon l'angle d'approche, elles ne repousseront les regroupements familiaux que de six mois ou d'un an, sans faire baisser de façon significative le nombre annuel d'immigrés.

Au contraire, la déstabilisation des liens familiaux que va engendrer ce projet de loi nous inquiète. En modifiant les règles actuelles, il risque en effet de faire augmenter considérablement le nombre des sans-papiers et d'accroître ainsi la précarité que connaît une partie des étrangers vivant sur notre sol.

Faute de temps pour balayer l'ensemble du projet de loi, je me contenterai d'évoquer trois points qui me tiennent à coeur : le contrat d'accueil et d'intégration ; la protection des femmes étrangères ; la carte de séjour « compétences et talents ».

Si j'apprécie à sa juste valeur la création du contrat d'accueil et d'intégration, je pense qu'il ne va pas encore assez loin, en particulier dans l'accompagnement et le suivi des primo-arrivants, bien après la signature du contrat.

C'est pourquoi il me paraît indispensable d'enrichir ce texte par des mesures qui pourraient favoriser l'action des associations. On sait que celles-ci sont déjà des relais efficaces pour répondre aux difficultés quotidiennes que rencontrent les étrangers qui arrivent sur notre territoire. On pourrait faire mieux en passant avec elles des conventions ou des contrats d'objectifs leur permettant d'aller plus loin encore dans l'aide à l'intégration. Cela impliquerait, bien sûr, un accroissement des moyens que nous nous devons de leur fournir.

Ce « contrat d'accueil et d'intégration » que vous nous proposez d'adopter, monsieur le ministre d'État, est l'occasion d'affirmer notre attachement au respect des valeurs de notre République. À ce titre, il me paraît particulièrement important que les femmes étrangères en soient signataires afin qu'elles puissent prendre conscience que, dans notre pays, hommes et femmes sont égaux et bénéficient des mêmes droits.

Ce contrat permet ainsi d'affirmer que, si nous respectons les coutumes et les traditions des immigrés venus de pays où les cultures sont différentes, nous ne pouvons tolérer que ces dernières, pratiquées en France, puissent porter atteinte à la liberté, à l'intégrité et à la dignité des femmes telles que les conçoit notre République.

J'ai bien noté, monsieur le ministre d'État, que, devant l'Assemblée nationale, vous avez fermement marqué votre intention d'être particulièrement sévère à l'égard des hommes qui seraient tentés d'empêcher que leurs épouses, leurs soeurs ou leurs filles bénéficient de ce contrat.

L'aide à la promotion et à l'émancipation des femmes est d'autant plus importante que c'est par elles que passe essentiellement l'éducation des enfants.

Leur permettre l'accès à la langue, à la connaissance de leurs droits, à la lecture et à l'écriture du français, c'est aussi leur donner une ouverture sur le monde, sur leur pays d'accueil, et leur permettre de mieux préparer leurs enfants à s'y sentir à l'aise.

Il est évident que, là encore, les associations joueront un rôle primordial.

Ces femmes étrangères doivent aussi être protégées.

Des amendements votés par les députés vont dans ce sens. Nos collègues ont ainsi prévu la protection des femmes contre les conséquences de la polygamie, en privant de l'immunité familiale les hommes faisant venir illégalement une co-épouse, et en permettant le versement des prestations familiales par l'intermédiaire d'un « tuteur aux prestations familiales » ; la protection des femmes victimes de proxénétisme ; la protection des femmes contre les violences conjugales, en consacrant le principe du non-retrait du titre de séjour à la victime, en cas de rupture de la vie commune pour violence.

Nous devons aller encore plus loin et imposer à l'autorité administrative de procéder au renouvellement de ce titre, car nous ne pouvons ignorer le risque majeur que court une femme renvoyée au pays, après rupture du lien conjugal, et qui peut être considérée là-bas comme ayant « déshonoré » sa famille.

La France ne peut prendre le risque d'être complice d'éventuelles sanctions et il convient d'assurer la protection de ces femmes, victimes de violences, en leur permettant de se maintenir sur le territoire français.

Toutes ces mesures de protection vont dans le bon sens. Il n'en est pas de même de la carte de séjour « compétences et talents ».

Cette disposition du projet de loi nous paraît particulièrement inquiétante et la carte de séjour « compétences et talents » telle que vous la présentez suscite beaucoup d'interrogations.

Sur quels critères exacts sera-t-elle délivrée ? Qui sera en mesure d'approuver les compétences et les talents ? Qui sera en mesure de décider que ces compétences et ces talents sont plus dignes d'intérêt et de confiance chez telle ou telle personne ?

Comment allez-vous expliquer aux pays d'origine qu'on facilite l'expatriation de leurs meilleurs éléments ? Le président du Sénégal a d'ailleurs manifesté son inquiétude en rappelant ce que coûtait à son pays la scolarité d'un jeune et d'un étudiant.

Comment peut-on enfin être certain qu'après trois ou six ans l'étranger talentueux et compétent, qui aura acquis une expérience supplémentaire en France, ne la quittera pas pour un autre pays accueillant, le Canada, les États-Unis ou l'Australie, par exemple ?

Au nom du groupe UC-UDF, j'ai déposé deux amendements de suppression, le premier visant l'article 1er, le second, l'article 12. Ces articles introduisent une disposition sur laquelle nous ne pourrons vous suivre si votre projet de loi est maintenu en l'état.

Faute de temps, je ne développerai pas les autres points tout aussi importants et qui nous posent problème.

Il s'agit de l'atteinte portée au respect de la vie privée et familiale, à travers l'obligation faite au conjoint de présenter un visa de long séjour, ou du durcissement des conditions du regroupement familial.

Il s'agit également - c'est un point plus important encore - de l'abrogation de la possibilité de délivrer un titre de séjour aux étrangers prouvant leur présence en France depuis au moins dix ans.

Cette disposition va enfoncer dans la précarité perpétuelle des étrangers qui ne repartiront probablement jamais dans leur pays.

La solution d'une commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour ne nous semble pas satisfaisante.

Nous souhaiterions que soient préservées les dispositions actuelles, qui permettent une reconnaissance automatique des attaches personnelles, nouées par un étranger ayant résidé plus de dix ans dans notre pays et vivant une intégration de fait.

En effet, on voit mal comment une commission nationale serait en mesure d'examiner des dossiers individuels.

Si la compétence d'une commission devait toutefois être maintenue, il nous semblerait plus pertinent de confier cette mission aux commissions départementales, plus à même d'examiner les situations particulières d'étrangers justifiant d'une ancienneté de séjour sur le territoire, d'attaches familiales ou de situations humanitaires ou exceptionnelles.

Nous avons donc déposé des amendements qui ont pour objectif de réduire la distance entre la prise de décision et les situations de terrain.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre d'État, si plusieurs dispositions de ce projet de loi vont dans un sens qui nous convient, nous ne sommes pas favorables à tous ses aspects.

Nous regrettons, en particulier, qu'il ne prenne pas suffisamment en compte une nécessaire approche globale des rapports Nord-Sud et l'aide au développement des pays d'où partent les émigrés qui arrivent sur notre territoire.

Ce n'est qu'au travers de cette coopération, qui devrait d'ailleurs se faire à l'échelle européenne, que les étrangers pourront aussi choisir et non subir l'expatriation.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, pour la bonne organisation de nos travaux, je souhaiterais vous soumettre dès maintenant, pour que chacun puisse s'organiser, plusieurs demandes que la commission des lois a évoquées ce matin, lors de sa réunion consacrée à l'examen des amendements extérieurs.

Premièrement, nous souhaiterions réserver l'examen de l'article 1er après l'examen de l'article 12, car il tire les conséquences des autres articles.

Deuxièmement, nous souhaiterions réserver l'examen des articles 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 22 jusqu'après l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 32 ; il s'agit en effet de la transposition de directives et il paraît préférable d'avoir d'abord le débat de principe.

Troisièmement, enfin, aux articles 7 et 24 sont regroupés en discussion commune respectivement vingt-cinq et trente-neuf amendements ; c'est une pratique à laquelle nous sommes habitués mais qui a pu surprendre certain membre de votre gouvernement, monsieur le ministre d'État.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En commission, les auteurs des amendements portant sur l'ensemble de chacun des deux articles, qui ont entraîné cette mise en discussion commune, ont admis que nos débats seraient mieux structurés si nous examinions tout d'abord séparément ces amendements-là. Cela nous permettrait ensuite des discussions communes réduites plus intelligibles sur chaque partie des articles 7 et 24.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En application de l'article 44, alinéa 6, du règlement, le président de la commission des lois demande donc la réserve, d'une part, de l'article 1er jusqu'après l'article 12, d'autre part, des articles 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 et des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 22 jusqu'après les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 32.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission des lois ?

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La réserve est ordonnée.

En outre, le président de la commission des lois a demandé l'examen séparé, d'une part, de l'amendement n° 287 de Mme Eliane Assassi, tendant à la rédaction globale de l'article 7, d'autre part, des amendements identiques n° 169 et 348, respectivement de M. Bernard Frimat et de Mme Eliane Assassi, tendant à la suppression de l'article 24.

Il s'agit d'éviter la mise en discussion commune « automatique » de vingt-cinq amendements sur l'article 7 et de trente-neuf amendements sur l'article 24, et de clarifier ainsi nos débats.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Annie Jarraud-Mordrelle membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par André Labarrère, décédé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.