Je dirai un mot personnel sur la durée de validité des cartes de séjour. Comme mes compatriotes établis hors de France, j'ai longtemps vécu à l'étranger, en Tunisie, sous le régime de la carte de deux ans. Le passage à la carte de séjour et de travail de dix ans a changé notre vie. C'était une mesure de réciprocité à la suite de la création de la carte de résident par le gouvernement de Pierre Mauroy en 1982. Les démarches pénibles, et parfois humiliantes, au commissariat sont totalement sorties de nos esprits. Nous nous sommes sentis stabilisés et protégés. De ce fait, nous avons mieux accepté de nous adapter à une société qui nous était vraiment étrangère ; nous avons accepté de travailler à rester nous-mêmes tout en nous intégrant.
Je l'affirme : la carte de résident de dix ans en France, comme la carte verte aux Etats-Unis, sont les vrais outils d'intégration, car ils sécurisent l'étranger et rendent possible le lent travail d'adaptation psychologique et affectif qui est le lot du migrant. Cette carte est la condition de l'intégration, non une récompense, comme vous la concevez.
Par ailleurs, vous opposez la migration familiale à la migration de travail, alors que les familles ont vite fait de se transformer en travailleurs.
Comment les nounous africaines de nos blondinets parisiens sont-elles arrivées en France, si ce n'est au titre du regroupement familial ? Et les assistantes de vie, africaines elles aussi, de nos personnes âgées ? Personne ne les a « choisies » ! Elles ont rejoint leur famille, gagnent leur vie et jouent un rôle de plus en plus irremplaçable. Demandez l'avis de leurs employeurs blancs ! Quant à leurs enfants, ils vaincront les handicaps et les discriminations et mêleront leurs forces et leur intelligence à celles de nos enfants.
Un autre point mérite d'être abordé : cette loi est-elle applicable ? Est-elle destinée à être appliquée ? Vu de l'étranger, c'est non !
De nombreux consuls - plus de la moitié d'entre eux, d'après une lettre envoyée récemment au ministère des affaires étrangères - s'inquiètent ouvertement de la capacité de leurs services à faire face à l'alourdissement programmé de leurs missions.
Depuis 1986, la gestion des communautés françaises est devenue secondaire par rapport au contrôle migratoire. Le contrôle de la validité des mariages absorbe, depuis le décret de mars 2005, le temps et l'énergie des agents, au détriment de leurs autres missions. À nombre de visas constant, la généralisation du visa biométrique de court séjour doublera le temps de travail des services.