Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de faire quelques observations liminaires sur les conditions d’examen en deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Nous sommes donc à moins d’une semaine du Congrès. Cette situation conduit par conséquent le Sénat à devoir adopter conforme les dispositions résultant des discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, privant ainsi le Parlement d’une troisième lecture. Celle-ci n’aurait pourtant pas été un luxe compte tenu, d’une part, de l’importance de la présente réforme et, d’autre part, des divergences apparues au cours des débats, non seulement entre l’Assemblée nationale et le Sénat, mais également entre parlementaires au sein même de l’UMP.
C’est là une bien curieuse conception du renforcement des droits du Parlement, d’autant que nous avons déjà eu affaire à un examen marathon de ce texte dont la discussion va s’achever en pleine session extraordinaire. Marathon qui continue avec cette deuxième lecture que vous voulez rapide. J’en veux pour preuve les deux petites heures qui seront consacrées aujourd’hui à la discussion générale.
J’ai donc du mal à percevoir un début de renforcement des droits du Parlement. C’est en tout état de cause ce que je vais tenter de démontrer. Mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat abordera, quant à elle, les autres aspects du présent texte en défendant tout à l’heure la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Ce projet de loi constitutionnelle que vous essayez de vendre à tout prix comme tendant à restaurer les droits du Parlement et à brider l’exécutif va précisément dans le sens inverse, c’est-à-dire vers une présidentialisation, voire une hyperprésidentialisation de notre régime. En l’occurrence, c’est peu de dire qu’il y a véritablement tromperie sur la marchandise.
Le chef de l’État, votre gouvernement, accompagnés par des parlementaires de l’UMP, n’hésitent pas à communiquer sur le sujet pour convaincre des bienfaits de leur réforme.
Ensemble, vous n’hésitez pas non plus, afin d’atteindre les trois cinquièmes des voix au Congrès – ce qui n’est pas encore totalement acquis –, à manier la carotte et le bâton à l’égard tant de la majorité parlementaire que de l’opposition, menaçant ceux qui s’apprêteraient à voter contre la réforme au Congrès d’un redécoupage électoral défavorable et récompensant ceux qui voteront pour en les exonérant d’un tel redécoupage.
De son côté, M. Accoyer, pour que la réforme soit votée au Congrès, n’hésite pas à faire miroiter aux groupes minoritaires et d’opposition l’octroi de droits spécifiques comme la possibilité d’obtenir la création de commissions d’enquête parlementaire et de missions d’information, d’un temps de parole égal entre majorité et opposition lors des questions au Gouvernement, de postes de présidents et de rapporteurs des commissions et même de moyens proportionnellement plus importants.
Il va sans dire que les élus de mon groupe rejettent ces gesticulations, qui ne prennent pas le chemin de ce que certains appellent un « compromis historique », mais qui illustrent plutôt une certaine fébrilité dans les rangs de la majorité à quelques jours du Congrès.
Pour en venir au texte, je ferai ici trois observations principales.
En premier lieu, comment pouvez-vous affirmer que votre texte restaure les droits du Parlement, alors qu’il prévoit précisément de réduire le droit d’amendement ainsi que la séance publique ? Car derrière la valorisation du travail en commission que vous mettez en exergue dans votre texte se cache une réalité moins avouable !
Loin de moi l’idée de nier l’importance du travail en commission, qui permet – j’en suis consciente – à la fois de préparer la séance publique et d’approfondir les sujets abordés.
Permettez-moi toutefois d’y mettre un bémol. Je considère en effet que le travail en commission ne doit pas se substituer à la séance publique, laquelle doit rester le lieu naturel du débat d’idées, du débat politique, dans la plus grande transparence.