Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 15 juillet 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture, amendements 18 1990

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Par conséquent, je suis fermement opposée à ce que, demain, la discussion en séance publique porte sur le texte tel qu’élaboré en commission, et non plus sur le texte tel que déposé par le Gouvernement.

Cette disposition ne constitue pas une avancée démocratique. Bien au contraire, elle tend même à renforcer le bipartisme et le fait majoritaire, puisque les petits groupes pèsent peu en commission par rapport aux groupes importants qui peuvent assurer une présence importante et constante dans ces réunions. Le pluralisme ne sera donc plus garanti.

De plus, la transparence du débat parlementaire sera quant à elle mise en cause, puisque les débats en commission ne sont pas publics : point de journalistes, point de citoyens à l’écoute. C’est la porte grande ouverte au lobbying, à l’instar de ce qui se passe dans les commissions au Parlement européen.

Enfin, c’est une atteinte au droit d’amendement, car le fait majoritaire sera de mise dès la commission. Cette attaque en règle contre le droit d’amendement ne s’arrête pas là ! On la retrouve également à l’article 18 du projet de loi constitutionnelle qui dispose : « Ce droit s’exerce en séance ou en commission ». Une telle rédaction vous permet de contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnelle qui date de 1990 et qui garantit à chaque parlementaire le droit d’amender un texte en séance publique.

Pour être claire, vous voulez ériger la procédure simplifiée qui s’applique actuellement, notamment aux conventions internationales, en règle générale applicable à tous les textes, supprimant de fait le droit d’amendement des parlementaires en séance publique.

L’article 19, que les députés ont souhaité rétablir en deuxième lecture, constitue, lui aussi, une remise en cause du droit d’amendement des parlementaires. En effet, en inscrivant directement dans la Constitution les conditions de recevabilité des amendements en première lecture, cette disposition va au-delà de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui exige actuellement que les amendements ne soient « pas dépourvus de tout lien » avec l’objet du texte.

Le droit d’amendement est par ailleurs également malmené avec l’instauration d’un véritable « 49-3 parlementaire ». En effet, il est prévu – cela a été détaillé par le Comité Balladur et confirmé par le Gouvernement et sa majorité parlementaire – que la conférence des présidents, donc la majorité soumise au chef de l’État, fixera une durée maximale pour les débats comprenant et la discussion générale et l’examen des articles.

Ce dispositif va agir comme un couperet sur le mode de l’article 49-3 tel que nous le connaissons : dès que la durée globale du débat qui aura été décidée par la conférence des présidents aura été atteinte, la discussion s’arrêtera, et ce quel que soit l’état d’avancement de l’examen des articles, donc des amendements. Cela revient, de fait, à limiter l’exercice par les parlementaires de leur droit d’amendement.

En deuxième lieu, comment pouvez-vous dire que votre réforme va rehausser les droits du Parlement alors que les nouvelles modalités de fixation de l’ordre du jour prévoient de placer la conférence des présidents à la botte du pouvoir exécutif ? Là encore, il s’agit de réduire la séance publique réservée au travail législatif, toujours dans l’optique de favoriser le travail en commission.

Alors que faire la loi constitue la prérogative essentielle des parlementaires, on assiste aujourd’hui, avec votre projet de loi, à la mise à mort de ce principe qui existe depuis la Révolution française. Votre texte prévoit ainsi que quinze jours seraient dédiés à l’examen des projets de loi et à des débats thématiques. Une semaine serait consacrée au contrôle. L’opposition disposerait d’une journée de séance par mois pour s’exprimer.

Nous considérons, pour notre part, que le Parlement doit être complètement maître de son ordre du jour et qu’il doit pouvoir décider du nombre de séances qu’il souhaite consacrer au travail législatif.

En dernier lieu, comment pouvez-vous prétendre que les droits du Parlement vont être renforcés alors que l’usage du 49-3, contrairement à ce que vous prétendez, ne sera pas limité ?

Votre texte, en inscrivant dans la Constitution que le 49-3 ne sera jamais utilisé plus de trois fois dans l’année, n’a rien d’innovant ni de révolutionnaire : il ne fait qu’entériner ce qui se passe déjà dans la pratique, c’est-à-dire une fois pour le projet de loi de finances, une fois pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale et une fois sur un autre texte. Le 49-3 est donc toujours là !

Les critiques que je viens de formuler ne sont bien évidemment pas exhaustives ; elles ont pour objet de démontrer que ce que vous prétendez être des avancées ne le sont pas, en réalité.

Il y aurait bien d’autres choses à dire sur ce texte, mais le temps me manque. En tout état de cause, ce qui est sûr, c’est que les conséquences de cette réforme seront catastrophiques à bien des égards : bipartisme renforcé, démocratie bafouée, hyper présidentialisation du régime...

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