Intervention de Michel Mercier

Réunion du 15 juillet 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture

Photo de Michel MercierMichel Mercier :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici donc en présence du projet de loi constitutionnelle tel qu’il a été amendé par l’Assemblée nationale. Comme l’a dit notre excellent rapporteur, il nous appartient maintenant de savoir si nous souhaitons continuer le dialogue avec l’Assemblée nationale ou si nous considérons que ce texte peut être soumis en l’état au Parlement réuni en Congrès, afin que celui-ci exerce son pouvoir constituant délégué.

Les positions du Sénat ont été confirmées sur un certain nombre de points. Je m’attacherai, pour ma part, aux dispositions qui vont dans le sens du rééquilibrage des institutions, c’est-à-dire à celles qui confèrent davantage de droits et de pouvoirs au Parlement et, surtout, à celles qui donnent plus de droits aux citoyens ; c’est en effet à cet égard que je me pose les principales questions.

Nous sommes heureux de constater que les députés ont réintroduit, à la demande du Sénat, le droit de résolution. Le Gouvernement a fait adopter un amendement qui, très honnêtement, n’apporte pas grand-chose, les résolutions n’ayant jamais été, dans notre droit constitutionnel, un moyen de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Mais le Parlement est depuis si longtemps muselé dans notre pays que l’on a confondu le droit d’interpellation et le droit de résolution.

Il est normal qu’un Parlement majeur puisse s’exprimer sur tous les thèmes. Le droit de résolution le lui permettra, sans pour autant le conduire à adresser des injonctions au Gouvernement ou à mettre en cause la responsabilité de celui-ci, cette dernière possibilité étant déjà prévue dans la Constitution selon une procédure connue de tous. Cette mise au point nous apparaît essentielle.

Nous sommes également sensibles à la rationalisation de l’article 49-3, même si cela ne correspond pas à la position initiale du Sénat. Il est normal que son utilisation soit réservée aux textes essentiels présentés par la majorité. En revanche, si l’on veut rééquilibrer les institutions s’agissant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, cet article ne doit absolument pas être utilisé comme un moyen de régler les relations entre le Parlement et le Gouvernement.

Nous sommes satisfaits que les droits des groupes parlementaires aient été confirmés dans le projet de loi constitutionnelle. L’inscription, dans la Constitution, de la notion même de groupe parlementaire constitue en effet une avancée importante, d’autant qu’elle est assortie de droits spécifiques pour les groupes qui n’appartiennent pas à la majorité ou qui sont minoritaires.

Nous nous félicitons aussi de la suppression de l’obligation de se déclarer membre de la majorité ou de l’opposition, qui existait dans le texte initial du Gouvernement.

Nous apprécions également, au regard de la situation budgétaire de notre pays, les dispositions relatives à la discipline budgétaire et financière : elles permettront de donner plus de lisibilité et plus de rigueur aux mesures prises en la matière

En revanche, nous regrettons que la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel pour les groupes politiques n’ait pas été acceptée par l’Assemblée nationale. J’avoue ne pas trouver de fondement à la suppression, par les députés, de cette mesure adoptée par le Sénat à l’unanimité en première lecture, sur l’initiative de notre collègue Mme Borvo Cohen-Seat. Si le texte est adopté en l’état, tout le monde, dans ce pays, va pouvoir saisir le Conseil constitutionnel, sauf les groupes parlementaires ! La voie de l’action est toujours préférable à celle de l’exception : ne pas donner tout son champ à la voie de l’action, c’est se priver d’un élément de bon ordre juridique.

Nous sommes toutefois très satisfaits sur deux points.

Tout d’abord, nous nous réjouissons de voir que l’exception d’inconstitutionnalité figure désormais dans notre droit constitutionnel. Le Congrès peut refuser au Parlement le droit de fixer lui-même son ordre du jour ; il peut également lui refuser le droit de discuter sur un texte émanant d’une commission ; il peut encore refuser un rééquilibrage des pouvoirs entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Mais il y a une chose, mes chers collègues, que le Congrès ne peut pas faire, c’est priver les citoyens français du recours en exception d’inconstitutionnalité. C’est ce qui manque dans notre système juridique pour assurer la primauté du droit. Nous sommes le seul pays démocratique où les citoyens ne peuvent pas invoquer l’inconstitutionnalité d’un texte devant une juridiction. Désormais, si cette réforme est votée, les citoyens français seront traités comme tous les autres citoyens des pays démocratiques.

L’unique question que j’ai envie de me poser pour lundi prochain est la suivante : allons-nous priver nos concitoyens de ce droit ? Je réponds non ! Nous attendons depuis si longtemps que chaque Français puisse invoquer l’inconstitutionnalité d’un texte devant le juge, que cette disposition est pour moi, et probablement pour les membres de mon groupe, la mesure essentielle de la réforme constitutionnelle.

Par ailleurs, je souhaite dire un mot du pluralisme et des modifications apportées par l’Assemblée nationale. Je veux notamment expliquer pourquoi l’amendement qui a été adopté à l’article 1er du projet de loi constitutionnelle nous semble important. Il s’agit d’un texte que j’ai moi-même rédigé un soir, un peu tard, sur la vitrine qui expose la loi constitutionnelle de 1958.

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