Le partage de l’ordre du jour et la limitation de l’urgence, même rebaptisée « procédure accélérée », sont des avancées plus apparentes que réelles, votre projet prévoyant les moyens nécessaires pour transférer du Parlement au Gouvernement tout le temps d’ordre du jour qu’il souhaite et pour maintenir autant qu’il le désire le recours à l’urgence.
Quant aux droits nouveaux pour l’opposition, qui devaient symboliser la revalorisation du Parlement, ils sont renvoyés ou plutôt relégués, sans aucune garantie, dans le règlement de chaque assemblée ; cela signifie qu’ils dépendront exclusivement du bon plaisir de la majorité. Nous savons au Sénat ce que cela nous réserve.
Même la journée dont l’ordre du jour devait être concédé à l’opposition n’a pas survécu dans son intégralité. C’était sans doute trop pour vous ! Le temps sera partagé avec les groupes minoritaires qui, certes, ne se revendiquent pas de la majorité, mais la soutiennent néanmoins la plupart du temps. La portion congrue que vous réserviez à l’opposition était encore trop importante. Vous l’avez diminuée et, si j’ai bien compris votre sens de l’humour, au nom de « l’amélioration du pluralisme ».
Pour couronner le tout, vous mettez en cause le droit d’amendement, dont les conditions d’exercice seront fixées par le règlement des assemblées. Quelles garanties pour l’opposition ? Aucune ! Rien, dans le projet de révision, ne peut assurer à un parlementaire qu’il conservera, en séance publique, cette liberté d’expression individuelle qui est la caractéristique fondamentale d’un régime démocratique. Là encore, un droit qui devrait être imprescriptible dépendra du bon plaisir de la majorité de chaque assemblée.
Si c’est avec ces différentes mesures que vous pensez entraîner notre adhésion, vous faites fausse route !
De plus, des mesures que vous présentez comme des avancées démocratiques ne sont souvent que des trompe-l’œil. Il en est ainsi du droit de véto négatif accordé pour les nominations relevant du chef de l’État. Réunir une majorité des trois cinquièmes pour s’opposer à une nomination, c’est une illusion, un droit formel sans réalité.