… j’ai appris à parler cette langue. C’est au travers de son usage que j’ai pu appréhender l’histoire, la culture et la richesse de cette région dont je suis devenu sénateur par la suite. Je fais référence d’abord à l’histoire, parce qu’on ne peut comprendre la culture et la richesse de cette région que si l’on connaît bien son histoire.
L’alsacien est issu de langues anciennes : l’alémanique et le francique. Malheureusement, la pratique du dialecte diminue d’année en année. Actuellement, un adulte sur quatre parle encore le dialecte, mais les enfants le pratiquent de moins en moins, ce qui fait que, progressivement, l’alsacien devient la langue des anciens.
Nous faisons bien des efforts pour augmenter son usage dès le plus jeune âge, mais il nous fallait un texte fondateur pour aller plus loin.
C’est la raison pour laquelle je me réjouis de la disposition sur l’appartenance des langues régionales au patrimoine de la France introduite au titre XII de la Constitution relatif aux collectivités territoriales.
En effet, au-delà des ouvertures culturelles évidentes que ce texte permet, cela devrait, dans notre cas particulier, nous inciter à mettre définitivement en place les moyens permettant à nos jeunes d’être bilingues français-allemand dès l’école primaire. Je dis « français-allemand », car je suis bien évidemment persuadé que, dans notre cas, c’est au travers de l’allemand qu’il faut aborder la question pour avoir une chance de sauver notre dialecte.
D'ailleurs, à partir de diverses expériences en primaire, on a pu constater que nos jeunes sont devenus facilement trilingues au collège. Dans un monde en pleine globalisation des échanges et des cultures, il est certain que l’on sera plus performant en comprenant l’autre plutôt qu’en l’ignorant.
D’une façon plus générale, à partir des langues régionales, il faut habituer nos enfants à ces gymnastiques de l’esprit qui leur permettront, j’en suis persuadé, d’aborder plus vite d’autres langues.
Vous voyez donc, mes chers collègues, que l’on est bien loin de porter atteinte à la place que le français occupe dans la sphère publique depuis 1539 avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts, tout comme on est bien loin d’éclipser en région la langue de Molière, source inépuisable de créativité et de richesse culturelle.
Notre assemblée, qui représente les territoires, ne peut que se réjouir de l’adoption par l’Assemblée nationale de cet amendement.
Enfin, cette solution de compromis permet d’éviter, j’en conviens, que les langues régionales ne soient mentionnées dans notre Constitution avant le français, qui reste à sa juste place. Elle permet aussi que soient prises en compte notre richesse et notre diversité, que nous devons considérer comme des atouts et non comme des handicaps pour nos enfants : ils pourront ainsi mieux évoluer sur leur futur terrain de jeu économique et culturel, qui sera pour le moins européen, voire mondial ou planétaire.