Intervention de David Assouline

Réunion du 15 juillet 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Obligera-t-elle les parlementaires de l’UMP à veiller à ne pas devenir les simples relais des lobbies proches de l’Élysée à l’occasion des débats parlementaires, comme on l’a vu, lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, avec l’amendement « Lefebvre » relevant à 8 % le seuil d’audience de 2, 5 % permettant de détenir plus de 49 % du capital d’une chaîne de télévision hertzienne terrestre, ce qui permettra, par exemple, au groupe Bouygues de mettre la main sur le capital de Télévision Monte-Carlo, dont l’audience s’élève aujourd’hui à plus de 4 % ? Non !

Garantira-t-elle aux journalistes leur liberté d’enquêter et d’écrire quand un scandaleux amendement sénatorial à la loi de modernisation de l’économie remet en cause leurs droits d’auteurs et qu’un projet de loi en cours de discussion, défendu par Mme Dati, fait de même du principe, jusque-là absolu, du secret de leurs sources ? Non !

Empêchera-t-elle le Président de la République de confondre le service public de l’audiovisuel avec une télévision d’État dont il nommerait les dirigeants et de décider, seul, de remettre en cause le financement de France Télévisions pour assurer aux télévisions privées la captation de la totalité du marché publicitaire ? Non !

Obligera-t-elle le Conseil supérieur de l’audiovisuel à décompter du temps de parole du Gouvernement sur les antennes de radio et de télévision celui du Président de la République, devenu animateur de réunions de la majorité dont il est le véritable chef ? Non !

Autrement dit, mes chers collègues, ce projet de révision n’est qu’un faux-semblant : son entrée en vigueur ne fera qu’élargir le fossé entre les Français et leurs institutions, qu’alimenter la défiance de nos concitoyens envers les responsables politiques, puisque, sous couvert de modernisation des institutions, le texte va accroître la présidentialisation monocratique et l’emprise du fait majoritaire sur notre vie démocratique.

J’appelle donc solennellement le Sénat à revoir la copie qui nous revient de l’Assemblée nationale, notamment en inscrivant dans notre Constitution des dispositions rendant immédiatement opérants les principes de liberté, d’indépendance et de pluralisme des médias, comme nous le proposons avec les amendements que nous défendrons.

Pour terminer, je voudrais citer Victor Hugo à l'Assemblée nationale en 1848, intervenant précisément dans un débat sur la Constitution : « Messieurs, la liberté de la presse est la garantie de la liberté des assemblées.

« Les minorités trouvent dans la presse libre l’appui qui leur est souvent refusé dans les délibérations intérieures. Pour prouver ce que j’avance, les raisonnements abondent, les faits abondent également. […]

« Ne souffrez pas les empiétements du pouvoir ; ne laissez pas se faire autour de vous cette espèce de calme faux qui n’est pas le calme, que vous prenez pour l’ordre et qui n’est pas l’ordre ; faites attention à cette vérité que Cromwell n’ignorait pas, et que Bonaparte savait aussi : le silence autour des assemblées, c’est bientôt le silence dans les assemblées. »

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