Le président Jean-Jacques Hyest l’a excellemment dit, il s’agit de revaloriser le Parlement non pas pour le plaisir de le revaloriser, mais pour mieux contrôler le Gouvernement, pour améliorer la qualité de la loi et pour renforcer l’efficacité de nos politiques publiques. Or, comme lui-même l’a rappelé, les outils pour atteindre ce grand objectif sont nombreux : discussion en séance publique sur le texte issu de la commission, délais minimaux d’examen des textes, ratification expresse des ordonnances, plus grande maîtrise par le Parlement de son ordre du jour, contrôle des opérations militaires extérieures, principe de sincérité des comptes des administrations publiques, principe cher, à juste titre, à M. Lambert.
Au-delà de la revalorisation du Parlement, ce sont également de nouveaux droits pour les citoyens qui sont instaurés, et je voudrais ici citer l’exception d’inconstitutionnalité, attendue depuis longtemps, comme vous l’avez rappelé à plusieurs reprises. Ce sont aussi l’institution du Défenseur des droits ou encore la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est le projet ambitieux, équilibré et enrichi de vos réflexions que nous vous proposons. Le Parlement en débat depuis deux mois, il y a consacré une centaine d’heures en séance publique. Aujourd’hui, chacun le constate, l’Assemblée nationale puis le Sénat ont apporté des améliorations substantielles au texte initial du Gouvernement.
Je vois dans la qualité des travaux parlementaires, dans la richesse des discussions qui sont les vôtres, une preuve supplémentaire du bien-fondé de notre projet. À cet égard, madame Troendle, monsieur Mercier, je vous remercie d’avoir reconnu que des progrès avaient été accomplis lors de l’examen dans les deux assemblées. Vous avez notamment cité la définition par la loi du statut de l’élu local, ou encore l’inscription dans la Constitution de l’important principe de la garantie des expressions pluralistes. Oui, le Gouvernement s’est montré ouvert au dialogue, et il l’a démontré en acceptant de très nombreux amendements, y compris provenant de l’opposition. §
Cependant, j’invite chacun au bon sens et à la responsabilité. Aller beaucoup plus loin, ce serait ruiner l’équilibre du texte ; aller moins loin, ce serait en ruiner l’ambition. Madame Assassi, il faut en avoir conscience, la surenchère est une posture facile et confortable, mais elle débouche sur une impasse.
Grâce au travail remarquable des deux assemblées, nous sommes arrivés à un compromis, qui, je l’espère et je le crois, satisfait la majorité d’entre vous et est susceptible de recueillir le vote positif du Congrès. Cela ne sera possible que parce que nous avons trouvé les points d’équilibre nécessaires, voire parfois des solutions de compromis. Le compromis n’est pas un chemin honteux, bien au contraire, parce que chacun, Gouvernement, Assemblée nationale et Sénat, a fait un pas vers l’autre : droit pour les assemblées de voter des résolutions ; composition de la commission chargée de donner un avis sur certaines nominations du Président de la République ; langues régionales, sujet cher à M. Grignon.
Nous avons également fait un pas sur les questions du droit de grâce, de la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif, sur les modalités de ratification des traités d’élargissement de l’Union, sur l’encadrement de l’article 49-3 : sur tous ces sujets, nos positions initiales n’étaient pas les mêmes, mais nous avons su, par le dialogue, nous retrouver sur un texte raisonnable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux, en guise de conclusion, et comme le Premier ministre l’a fait devant vous tout à l’heure, souligner avec solennité le caractère exceptionnel du texte qui nous occupe aujourd’hui.
À présent, chacun est invité à bien peser ses responsabilités : ceux qui diront non aux droits nouveaux accordés au Parlement devront motiver leur refus. §; ceux qui le feront au nom du statu quo devront expliquer pourquoi ils ont si peu confiance en leur assemblée ; ceux qui le feront au nom du changement devront préciser la raison pour laquelle ils n’ont pas saisi l’opportunité de faire un pas en direction de leur objectif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la Constitution n’est pas la propriété d’un camp politique : elle appartient à la France.
Pour être adoptée, cette réforme a besoin de réunir une majorité de femmes et d’hommes qui seront capables de se rassembler. Car ainsi le succès pourra être revendiqué par chacun, et la réalisation de cette belle avancée sera l’œuvre de tous, dans le seul intérêt de la nation.
Si le Congrès adopte cette révision, notre vie politique sera profondément rénovée, le Parlement jouera pleinement son rôle, les citoyens auront des droits nouveaux, l’état de droit progressera. Nous aurons franchi une étape majeure dans la modernisation de la vie politique de la France.