En première lecture, nous avions évoqué trois motifs d’irrecevabilité : l’atteinte au principe de séparation des pouvoirs, réalisée par la venue du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès ; l’atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale la plus sévère, concrétisée par l’inscription dans notre Constitution que, « sauf motif d’intérêt général déterminant, la loi ne dispose que pour l’avenir » ; l’impossibilité pour le pouvoir constituant dérivé de subordonner le contenu de dispositions de la Constitution à la décision d’États étrangers ; je fais ici référence à l’article 35 du projet de loi, qui prend en compte l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
S’agissant de l’atteinte portée au principe de non-rétroactivité de la loi pénale, je me suis aperçue que j’avais raison, puisque, finalement, la suppression par le Sénat de l’alinéa de l’article 11 a été maintenue en deuxième lecture par les députés.
Il faut croire que les députés ont quand même perçu que, sous couvert d’apporter davantage de sécurité juridique à notre corpus législatif, cette disposition avait en réalité pour seul objectif de permettre l’adoption de lois pénales qui, hier encore, ne réussissaient pas à franchir la censure constitutionnelle.
Nous avons l’expérience, hélas ! de la loi relative à la rétention de sûreté : vous aviez voulu, madame le garde des sceaux, qu’elle soit rétroactive, ce que le Conseil constitutionnel a censuré.
Les deux autres motifs d’inconstitutionnalité demeurent plus que jamais.
La venue du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès est hautement symbolique de la dérive que connaissent nos institutions depuis l’instauration de la Ve République, et plus particulièrement depuis 1962 et la possibilité d’élire le Président de la République au suffrage universel direct.
Notre République actuelle se caractérise, au motif qu’il fallait mettre un terme à l’instabilité politique de la IVe République – sur laquelle il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire –, par un pouvoir exécutif à la tête hypertrophiée. Or, bien loin d’apporter un remède à cette hypertrophie présidentielle, le présent projet de loi l’aggrave. Le Président de la République serait en effet autorisé à venir s’exprimer devant le Congrès. Cette déclaration « pourra » donner lieu à un débat – ce ne sera donc nullement obligatoire – mais, bien entendu, elle ne fera pas l’objet d’un vote.
Il est d’ailleurs intéressant de constater que vous minimisez cette nouveauté, raison pourtant majeure de la réforme, au dire de notre collègue M. Pasqua. C’est bien simple : vous n’en parlez plus !