Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 15 juillet 2008 à 16h00
Modernisation des institutions de la ve république — Exception d'irrecevabilité

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

… selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique.

Pour les parlementaires, le droit d’amendement est fondamental ! Alors que le Sénat avait quelque peu tenté de minimiser l’atteinte portée à ce droit en ne faisant plus référence aux limites fixées dans les règlements et en laissant libres les assemblées d’en fixer les conditions d’exercice, sans faire référence à une loi organique, l’Assemblée nationale a cru bon de revenir sur cette « liberté ». En effet, elle a réintégré la notion de « limites », ainsi que le renvoi à une loi organique destinée à fixer le cadre commun aux deux assemblées du droit d’amendement.

L’Assemblée nationale a également rétabli la disposition prévue à l’article 19 : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. »

Vous vous inspirez évidemment de la jurisprudence constitutionnelle. Pourtant, je vous rappelle la précision apportée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 mars 2006 : « Considérant […] que le droit d'amendement, qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement, doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées ; qu'il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ; ».

La rédaction retenue par les députés au cours de la deuxième lecture apparaît moins favorable que la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cette nuance n’a d’ailleurs pas échappé à M. le rapporteur, qui en fait état dans son rapport. Mais cela ne l’empêche pas de proposer un vote conforme de notre assemblée.

En tout état de cause, il s’agit de la constitutionnalisation d’une limite aux droits des parlementaires, laquelle n’est pas recevable.

Il en va de même de la constitutionnalisation par l’article 11 de ce qui relève des politiques publiques soumises au Parlement, à savoir l’équilibre des comptes. Cette disposition ne fait qu’accentuer le « corsetage » des décisions du Parlement.

L’équilibre budgétaire relève des choix de politique économique et sociale que le Gouvernement soumet périodiquement au Parlement. Il ne peut être gravé dans le marbre, comme on voulait le faire dans le traité constitutionnel européen, que notre peuple a refusé.

C’est pourquoi, s’agissant de cette révision constitutionnelle, il nous paraît impossible de parler, à l’instar de M. Hyest dans son rapport, de « formules équilibrées pour conforter les droits du Parlement ».

Ce texte opère une confusion des pouvoirs sans précédent et remet en cause le pouvoir constituant dérivé sur la question du traité de Lisbonne. Dans ces conditions, il ne renforce pas les droits du Parlement. C’est un véritable miroir aux alouettes sur lequel vous avez fondé toute votre propagande depuis des mois.

Mais nous ne sommes pas dupes ! Il serait regrettable que le Parlement se mette à violer la séparation des pouvoirs. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter la présente motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

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