Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait la suppression des grâces collectives, comme cela vient d’être dit, les grâces individuelles étant soumises à l’avis préalable d’une commission dont la composition était renvoyée à une loi ultérieure.
En supprimant l’article 6, la majorité de notre assemblée, qui paraît avoir changé d’avis, revenait à la rédaction de l’article 17 de la Constitution.
L’Assemblée nationale a réintroduit la grâce individuelle, mais elle refuse la commission. Nous sommes, quant à nous, assez favorables dans le principe à l’abandon des grâces collectives, pouvoir personnel du Président de la République et moyen détourné de désengorger les prisons.
D’ailleurs, la suppression brutale de cette tradition en juillet 2007 a mis en évidence la situation de nos prisons pléthoriques, qui perdure en 2008, puisque les mêmes causes produisent les mêmes effets et que la loi pénitentiaire est comme l’Arlésienne : on en parle beaucoup, mais on ne la voit pas !
Par cet amendement, nous voulons donc encadrer le pouvoir conféré au Président de la République de prononcer une grâce, en l’occurrence individuelle. Il ne pourrait le faire qu’après avoir pris l’avis des bureaux du Sénat, de l’Assemblée nationale et du CSM.
Vous nous avez reproché, monsieur le rapporteur, madame le garde des sceaux, la lourdeur de cette procédure. Nous entendons cet argument. Toutefois, le droit de grâce ne peut évidemment être qu’un ultime recours. C’est précisément pour éviter toute dérive que nous voulons l’encadrer avec l’intervention d’une commission dont la composition doit, à l’évidence, être prévue d’avance et garantir sa nature juridique.
Je vous rappelle que le CSM était consulté sur les recours en grâce des condamnés à mort, donc bien avant la révision constitutionnelle de 1993. On n’en est plus là, fort heureusement. La suppression de la peine de mort n’a pas empêché le comité Balladur de proposer que le Président de la République soit assisté d’une commission et il me paraît logique de prévoir la consultation du CSM puisqu’il s’agit, sur le fond, de revenir sur une peine fixée par décision de justice.
J’ajoute que notre rapporteur, en première lecture, avait insisté sur le fait que l’avis d’une commission « permettra d’éclairer sa décision » - celle du Président de la République - de façon plus collégiale que ne le fait aujourd’hui un chef du bureau des grâces de la Chancellerie ». Aujourd’hui, tout cela est devenu inutile, ce qui est assez regrettable.
Concernant les grâces collectives, il me semble que vous pourriez être plus pertinents sur le sujet si l’on ne se trouvait pas effectivement dans l’obligation de désengorger les prisons. Cette mesure totalement arbitraire a quand même le mérite d’empêcher que les prisons n’explosent !