La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République.
Je rappelle que la discussion générale a été close et que deux motions de procédure ont été repoussées.
Nous passons donc à la discussion des articles.
Je rappelle également qu’aux termes de l’article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 13, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également électeurs et éligibles aux élections municipales, dans les conditions fixées par une loi organique, les citoyens étrangers majeurs des deux sexes résidant en France et jouissant de leurs droits civils et politiques. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à l'élection des sénateurs. »
II. Dans la première phrase de l'article 88-3 de la Constitution, le mot : « seuls » est supprimé.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement concerne le droit de vote des étrangers aux élections locales.
En effet, lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi constitutionnelle, voilà quelques semaines, la Haute Assemblée a refusé d’inscrire le droit de vote des étrangers résidents non communautaires dans la Constitution.
J’ai alors eu le sentiment qu’une telle avancée était pourtant possible, dans la mesure où nous avons tous entendu, dans ce même hémicycle, d’éminents collègues de la majorité défendre ce droit de vote des étrangers.
Je pose de nouveau la question : pourquoi des étrangers qui vivent et travaillent en France depuis parfois plusieurs dizaines d’années, qui respectent bien sûr nos lois, qui paient des impôts comme tout le monde, qui contribuent à la richesse de notre pays, n’auraient-ils pas droit, comme tous les autres citoyens français et européens, de se prononcer sur le choix des élus au motif qu’ils ne sont pas français ?
Il n’est que temps d’envoyer un signal à ces étrangers auxquels la France a tourné le dos aussitôt qu’elle n’a plus eu besoin de leurs bras. Il n’est que temps d’avancer sur ce sujet, qui est d’une importance capitale pour toutes ces personnes résidant sur notre territoire.
D'une part, ce ne serait que leur rendre justice, car, je l’ai déjà dit, ces étrangers contribuent à la richesse de notre pays : puisqu’ils sont égaux en devoirs avec les citoyens français, il serait normal qu’ils soient aussi égaux en droits.
D'autre part, ce serait reconnaître ce que nous leur devons, au nom de ce qui est communément appelé le devoir de mémoire.
Chers collègues de la majorité, démontrez-nous que vous êtes capables d’exprimer un vote personnel, autre que celui qui « tombe d’en haut ». Ayez l’audace de reconnaître le droit de vote des étrangers aux élections municipales. Je le répète, ce serait tout simplement rendre justice à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui, depuis de longues années, ont choisi notre pays.
L'amendement n° 93, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des conseils des collectivités territoriales est accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France, dans les conditions déterminées par une loi organique. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
À titre liminaire, puisque c’est le premier amendement que je présente ce soir au nom du groupe socialiste, je voudrais former un vœu.
Nous avons accepté que la commission des lois tienne une caricature de réunion…
M. Bernard Frimat. Monsieur le rapporteur, je le maintiens : il s’agissait d’une caricature de réunion !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Ainsi, l'examen des amendements en commission a été excessivement rapide. Néanmoins, et en dépit du fait que la majorité n’a pas déposé un seul amendement, …
Certes, mon cher collègue, mais vous l’avez fait à titre individuel !
… je souhaite que le débat qui s’ouvre ne soit pas expéditif, même si, je le conçois, il semblera un peu long à ceux qui se cantonneront à un rôle de simple spectateur.
Sur le problème du droit de vote des étrangers aux élections locales, je ferai tout de même remarquer que, pour la première fois peut-être, le Sénat en a discuté, en première lecture, …
… de manière apaisée. Ce simple fait représente un progrès.
Nous présentons donc de nouveau, en deuxième lecture, un amendement portant sur ce thème, en sachant pertinemment que son sort, à l’instar de celui de tous les amendements que nous défendrons, ne fait guère de doute. Cependant, nous tenons à souligner ainsi un certain nombre de points importants à nos yeux.
Lors de la première lecture, nous avons entendu des collègues de la majorité, notamment M. Fauchon, se prononcer clairement en faveur du droit de vote des étrangers aux élections locales.
Par conséquent, les mentalités évoluent, et vous ne pourrez pas éternellement rester bloqués sur la même position et défendre le statu quo en la matière. Le Président de la République a lui-même indiqué qu’il était favorable, à titre personnel, au droit de vote des étrangers. Or les opinions personnelles qu’il a exprimées et qui ont ensuite eu force de loi sont suffisamment nombreuses pour que l’on puisse espérer une évolution positive sur ce point précis !
Cela étant, une révision constitutionnelle est indispensable pour introduire une telle disposition.
Mme Boumediene-Thiery vient de développer un certain nombre d’arguments. D’autres collègues interviendront peut-être en explication de vote pour en exposer d’autres. En tout état de cause, monsieur le président, mon but n’est pas de faire durer cette discussion ; je souhaite simplement lui conférer un rythme décent, conforme à la sagesse que prétend détenir notre assemblée.
À condition de ne pas se répéter de lecture en lecture, car cela devient fastidieux !
Il s’agit pour nous d’un point très important. J’ai dit tout à l’heure que refuser aujourd'hui d’accorder ce droit de vote représentait une occasion gâchée de plus. Parmi les multiples arguments que l’on peut avancer, je rappellerai le succès grandissant des votations citoyennes organisées sur ce thème.
À mes yeux, le droit de vote des étrangers aux élections locales, s’agissant de personnes qui travaillent, qui contribuent à la richesse du pays, qui participent pleinement à notre vie locale, en en étant même parfois des acteurs essentiels, mérite mieux qu’une fin de non-recevoir permanente. Il convient à tout le moins d’ouvrir une perspective satisfaisante.
Monsieur le président, voilà ce que je souhaitais dire, en précisant que je ne présenterai pas l’amendement n° 94 que nous avons déposé sur le même sujet et qui diffère simplement de celui-ci par son rattachement à un autre article de la Constitution. J’espère ne pas trop décevoir l’enthousiasme avec lequel mes collègues ne manquent jamais de m’écouter !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
L'amendement n° 82, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le titre XII de la Constitution, il est inséré un titre XII bis ainsi rédigé :
« TITRE XII BIS
« DU DROIT DE VOTE DES ÉTRANGERS AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES
« Art. ... - Le droit de votre et d'éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Avec cet amendement, je reviens sur une proposition chère aux membres du groupe communiste républicain et citoyen et à nombre de nos collègues, visant à accorder aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales.
M. Nicolas Sarkozy, lors de sa campagne pour l’élection présidentielle, avait fait savoir qu’il était favorable à une telle mesure. Certains collègues de la majorité s’y sont également déclarés favorables. En outre, lors de son audition devant la commission des lois, le 9 juillet dernier, M. Hortefeux a indiqué qu’il n’y était nullement opposé, à titre personnel, sous réserve de réciprocité.
Chiche ! Engageons le débat avec les peuples et les États concernés ! J’avoue que, comme d’autres, je m’interroge sur les motivations du refus qui est opposé à une demande qui me semble pourtant tout à fait légitime.
De quoi la majorité a-t-elle peur ? Est-ce la peur d’adresser un signal fort à toute une partie de nos concitoyens…
… encore écartés de l’exercice d’un droit fondamental, celui de voter, ne serait-ce qu’aux élections locales pour le moment ?
Est-ce la peur d’adresser un signal positif à l’heure où la politique d’immigration de la France et de l’Europe se résume au seul débat sur l’immigration irrégulière ?
Est-ce la peur d’adresser un signal positif à l’heure où le Parlement européen adopte une directive applicable aux majeurs et aux mineurs, tendant à allonger la durée de rétention jusqu’à dix-huit mois, à porter à cinq ans la durée de l’interdiction du territoire et à prévoir le renvoi vers les pays de transit ?
Est-ce la peur d’adresser un signal positif à l’heure où la situation dans les centres de rétention administrative devient ingérable, en raison du durcissement de la législation sur les étrangers et des conséquences que cela entraîne en termes de suroccupation ?
Comme d’autres, j’aimerais obtenir ce soir une réponse claire et précise sur cette question qui me semble essentielle, ne serait-ce que parce qu’il s’agit d’un droit fondamental.
Par cet amendement, nous proposons donc de saisir l’occasion qui nous est donnée, avec la présente réforme constitutionnelle, de mettre fin à une inégalité flagrante entre des citoyens qui vivent ensemble mais n’ont pas les mêmes droits, selon qu’ils sont ou non ressortissants de l’Union européenne.
S’il vous plaît, ne me répondez pas qu’ils n’ont qu’à demander la nationalité française pour pouvoir voter !
Tout d’abord, on ne l’exige pas des étrangers communautaires.
Pour des raisons d’équité, nous proposons donc d’appliquer aux ressortissants extracommunautaires les dispositions qui valent pour les ressortissants communautaires.
Ensuite, on n’acquiert pas si facilement la nationalité française : la procédure est longue et, surtout, l’issue est incertaine.
Par conséquent, mes chers collègues, lorsque nous parlons du droit de vote des étrangers, ne nous répondez pas qu’ils n’ont qu’à devenir français !
Pour toutes ces raisons, nous proposons d’étendre à l'ensemble des ressortissants étrangers le droit accordé aux ressortissants des pays de l'Union européenne.
L'amendement n° 94, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art - Le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des conseils des collectivités territoriales est accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Madame Assassi, puisque vous me demandez de ne pas répéter ce que j’ai dit lors de la première lecture, je ne le ferai pas !
Ce sera même plus simple pour moi ! Vous avez d’ailleurs eu raison de rappeler que cette question a déjà été longuement examinée.
Quoi qu’il en soit, en France, jusqu’à preuve du contraire, le droit de vote est lié à la nationalité, à une exception près, concernant les ressortissants de l’Union européenne.
Vous semblez oublier qu’il existe tout de même une citoyenneté européenne ! En outre, il y a bien entendu réciprocité !
Au demeurant, une telle disposition ne figurait pas dans la rédaction initiale du projet de loi, et ce n’est pas l’objet de la révision constitutionnelle.
Par conséquent, comme en première lecture, et sans reprendre tous les débats que nous avons eus sur ce sujet, j’émets un avis défavorable sur les quatre amendements.
Monsieur Frimat, les travaux de la commission des lois ne relèvent en aucune façon de la caricature.
J’ai émis un avis sur tous les amendements déposés, tandis que vous proposiez, à l’inverse, de recourir à un vote bloqué !
Ce qui serait caricatural, ce serait de reprendre les débats qui ont déjà eu lieu en première lecture dans les deux assemblées sans aboutir à l’insertion de la disposition que vous préconisez.
On peut toujours tout recommencer de zéro, mais il existe tout de même une règle implicite à respecter, selon laquelle il convient, lors d’une nouvelle lecture, de présenter de nouveaux arguments, de nature à faire progresser le débat. Or, en l’espèce, tel n’est pas vraiment le cas !
Par conséquent, je le répète, je suis contraint d’émettre, comme en première lecture, un avis défavorable sur les quatre amendements en discussion commune.
Nous reprenons ici le débat que nous avons eu en première lecture. Ces amendements visent à faire inscrire dans la Constitution le droit de vote et d’éligibilité des étrangers non ressortissants de l'Union européenne aux élections municipales et, plus largement, à toutes les élections locales.
Abordant, lors de la campagne présidentielle, ce sujet extrêmement délicat et controversé, le Président de la République avait déclaré qu’il était important d’obtenir un consensus qui n’existait pas pour l’heure, notamment dans la majorité.
Il convient, en outre, que la réciprocité s’applique, ce qui n’est absolument pas garanti aujourd’hui. Cela étant, d’autres pays européens l’ont demandée et obtenue dans certains cas.
J’ajouterai, madame Assassi, qu’il existe tout de même un lien particulier entre l’électeur et la nation, entre la citoyenneté et la nationalité. Vous n’acceptez pas que l’on vous objecte qu’un étranger désireux de participer aux élections peut demander la nationalité française. Serait-ce faire offense ou injure que de proposer à un étranger qui souhaite participer aux élections de solliciter la nationalité française ?
Je tiens en outre à souligner que la demande d’acquisition de la nationalité française peut souvent être aussi l’occasion de vérifier l’adhésion aux valeurs de la République, s’agissant notamment du principe de laïcité. L’actualité récente vient de le montrer.
Non, madame Assassi, c’est une réalité ! Il est important de rappeler que solliciter la nationalité française est un acte citoyen majeur.
Les orateurs ont eu raison de souligner l’importance du fait de participer à des élections locales, même sans avoir la nationalité française. Cependant, il est tout aussi important de rappeler que l’acquisition de la nationalité manifeste une certaine adhésion aux valeurs de la République. Des dégâts locaux importants peuvent conduire, à terme, à des dégâts nationaux importants.
Le Gouvernement est défavorable aux quatre amendements.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’amendement n° 13.
Ce débat, nous l’avons déjà eu et nous l’aurons encore, c’est vrai. Aujourd’hui, je voudrais, madame la garde des sceaux, en appeler à la cohérence : soit vous vous déclarez favorable à l’octroi du droit de vote aux élections locales pour les étrangers, mais vous ne l’accordez pas faute de consensus ; soit vous argumentez contre, en invoquant par exemple un lien entre nationalité et citoyenneté, l’exigence de réciprocité, la nécessité d’adhérer aux valeurs de la République, etc.
J’attends donc que vous fassiez preuve de cohérence, afin que nous puissions avoir un débat vraiment franc et ouvert. En effet, pour l’heure, votre argumentation est contradictoire : d’une part, vous nous dites que le Président de la République s’est déclaré favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales, ce qui signifie qu’il a tranché personnellement le débat intellectuel sur la réciprocité et sur le lien entre nationalité et citoyenneté ; d’autre part, vous indiquez qu’il renonce à mettre en œuvre une telle disposition faute de consensus.
Or votre problème, c’est l’absence de consensus au sein de l’UMP ! En effet, si l’on additionne ceux qui ont voté au second tour de l’élection présidentielle pour notre candidate, dont le programme comportait l’octroi du droit de vote aux étrangers, et ceux de vos électeurs qui sont favorables à ce droit de vote, on obtient une large majorité, regroupant davantage de citoyens que la conjonction de la fraction la plus droitière de l’UMP et du Front national. Mais vous n’osez pas, sur un tel sujet, aller au bout de la conviction qui est certainement la vôtre, parce que vous préférez maintenir, autour de la question de l’immigration, l’association de deux électorats qui ne devraient normalement rien avoir en commun !
Je dirai, en guise de conclusion, que ce débat sur le lien entre nationalité et citoyenneté a été tranché au fond par l’obtention du droit de vote aux élections locales par les ressortissants communautaires. On peut participer aux élections locales en ayant la nationalité d’un autre pays, sans avoir la nationalité française.
Je sais ce que je dis, monsieur Hyest, il n’y a pas de nationalité européenne ! Moi, je vous parle d’autre chose ! Vous dites qu’il y a une connexion entre nationalité et citoyenneté.
Pourtant, la nationalité espagnole ou italienne, par exemple, se marie en quelque sorte à la citoyenneté française lors des élections locales. Prétendre que c’est la citoyenneté européenne qui ouvre le droit de voter aux élections locales revient à invoquer une espèce de nationalité européenne qui n’existe pas encore !
En tout cas, il suffit de gratter un peu pour faire apparaître votre incohérence.
Alors que nombre de pays démocratiques européens ont avancé sur cette question, alors que l’opinion française a largement évolué sur ce sujet, vous restez recroquevillés sur votre attitude passée d’hostilité et cramponnés à un électorat que vous ne voulez pas perdre, pour des raisons évidentes, quitte à faire de l’immigration un thème éternel de discorde !
Bien des arguments ont déjà été échangés sur le thème qui nous occupe. Je voudrais, pour ma part, revenir sur le lien entre l’inclusion citoyenne et l’inclusion sociale.
Beaucoup d’élus locaux présents dans cet hémicycle pratiquent, à la tête de leur département, de leur région, de leur commune, ce que l’on appelle la coopération décentralisée. Celle-ci trouve très souvent son moteur dans la présence d’une importante communauté de migrants, désireuse de créer des liens entre sa commune d’accueil et son pays d’origine.
J’ai rencontré ainsi des dizaines de migrants qui m’ont fait part de leur désir de s’investir davantage dans la vie locale, dans la vie municipale, tout simplement en exerçant le droit de vote.
Ce refus de leur accorder le droit de vote aux élections locales me paraît si dépourvu d’arguments que l’on ne peut pas ne pas faire le rapport avec le refus de visa, qui, aujourd’hui, n’a plus besoin d’être justifié. La situation est la même !
En ce qui concerne la nécessité supposée d’un consensus, chers collègues, je ferai observer que s’il en fallait nécessairement un pour conduire les réformes, les choses n’évolueraient guère !
En ce qui concerne la réciprocité, croyez-vous que la question de l’inclusion sociale et citoyenne des Français dans les pays étrangers soit de même nature que celle de l’inclusion sociale et citoyenne des migrants chez nous ? La sociologie n’est pas tout à fait la même !
Il s’agit d’une mauvaise ligne de défense, et d’un signal très négatif adressé à une communauté de migrants qui, surtout au lendemain du sommet de l’Union pour la Méditerranée, attend à juste titre tout autre chose de notre part !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la garde des sceaux, vos propos selon lesquels des dégâts locaux entraînent des dégâts nationaux me paraissent pour le moins sibyllins. Peut-être pourrez-vous vous expliquer davantage…
Comme cela a été dit, s’agissant du débat sur le lien entre nationalité et citoyenneté, une rupture est intervenue avec l’avènement de cette construction de l’esprit qu’est la citoyenneté européenne.
Cette rupture a mis brutalement en évidence une contradiction extrême entre la situation d’Européens reconnus comme nos concitoyens et celle de personnes, en général issues de pays de la rive sud de la Méditerranée, qui vivent chez nous depuis très longtemps. J’ai coutume de dire qu’entre mon voisin allemand qui vient d’arriver en France et mon voisin tunisien qui y vit depuis vingt ans, « il n’y a pas photo » en termes de citoyenneté et de participation à la vie de la cité. Qui peut soutenir le contraire ?
Nous sommes un pays d’immigration ancienne, accueillant des populations venant surtout de l’autre rive de la Méditerranée. Certes, nous avons accueilli aussi des Italiens et des Espagnols, mais ils sont devenus, pour la plupart, français depuis longtemps.
Or vous prétendez ignorer cette réalité. Que recouvre la citoyenneté ? Est-ce lié au fait de travailler en France, d’y payer ses impôts ?
Vous invoquez la tradition, allez jusqu’au bout ! Nous sommes issus de la Révolution de 1789 : à cette époque prévalait une autre conception de la citoyenneté et de la nationalité, puisqu’étaient citoyens français ceux qui voulaient l’être. Voilà qui est, à mes yeux, vraiment progressiste ! Il y a des étrangers qui veulent voter parce qu’ils se sentent citoyens de ce pays, en tout cas à l’échelon local. Par parenthèse, j’ajouterai que la citoyenneté locale pourrait se distinguer de la nationalité ! Vos arguments sont faibles !
Pour moi, aspirer à accéder à la citoyenneté et participer à la vie de la cité où l’on habite depuis longtemps n’est pas sans rapport avec le droit du sol.
Vous le savez aussi bien que moi, si certains ne demandent pas la nationalité française, c’est très souvent en raison de considérations particulières, ne serait-ce que l’attachement à sa nationalité d’origine. Combien d’entre nous garderaient la nationalité française s’ils vivaient à l’étranger ? En outre, bien des pays ne reconnaissent pas la double nationalité !
Tous les arguments que l’on oppose au droit de vote des étrangers aux élections locales sont spécieux et ne tiennent pas au regard de la situation d’autres pays européens qui ont accordé un tel droit.
Par ailleurs, on invoque la réciprocité : faisons le premier geste, et on verra ce qu’il adviendra !
S’agissant enfin du consensus, c’est probablement surtout à l’UMP qu’un problème se pose ! En effet, les Français sont aujourd’hui majoritairement favorables au vote des étrangers non communautaires aux élections locales. L’opinion de la majorité des Français ne vous suffit donc pas ? La réalité, c’est que vous privilégiez délibérément la minorité de Français qui n’est pas favorable au vote des étrangers !
Je voudrais revenir sur le problème des naturalisations, qui a donné lieu tout à l’heure à un échange entre Mme Assassi et Mme le garde des sceaux.
Je comprends parfaitement l’argument de Mme Assassi selon lequel une personne peut très bien habiter en France et ne pas souhaiter prendre la nationalité française. Je comprends également tout à fait l’argument de Mme le garde des sceaux lorsqu’elle dit que la demande de naturalisation marque un attachement particulier à notre pays et aux valeurs de la République.
Cela étant, madame la ministre, il faudrait que les conditions de naturalisation soient considérablement assouplies.
Je suis actuellement les dossiers de deux ressortissants russes très diplômés, qui n’ont pu obtenir jusqu’à présent que des contrats aidés et ne peuvent même pas déposer de demande de naturalisation.
On a commencé par leur demander de renouveler leur passeport, ce qui n’est pas facile quand on a fui son pays chassé par l’antisémitisme. Ils y sont parvenus !
Ensuite, on leur a demandé de produire leur acte de naissance. Ils ont fini par l’obtenir. Et voici qu’on leur demande maintenant les actes de naissance de leurs parents ! Ils ont celui de leur mère, mais pas celui de leur père, parce qu’il est né dans une région qui a été dévastée par la guerre.
Aujourd'hui, ces personnes qui veulent devenir françaises se trouvent dans l’impossibilité de le faire.
Le Gouvernement doit donc assouplir considérablement les règles en vigueur en matière de naturalisation.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
… dès lors qu’il a souligné combien il était difficile d’acquérir la nationalité française, même pour ceux qui remplissent toutes les conditions. Nous l’en félicitons !
Mes chers collègues, vous l’aurez remarqué, notre débat est bien curieux : au fur et à mesure des interventions, les arguments en faveur du vote des étrangers se font de plus en plus nombreux. Charles Josselin a donné un nouvel éclairage à ce problème, et chaque orateur apporte des éléments supplémentaires.
Pour ma part, je tiens à apporter ma contribution.
Nous débattons aujourd'hui afin, paraît-il, d’améliorer les conditions d’exercice de la démocratie et les modalités du travail du Parlement en général et du Sénat en particulier.
Or, comment fonctionne notre assemblée ? Lors des réunions de commission, en principe, seuls les sénateurs qui sont malades ou en mission peuvent déléguer leur droit de vote. Pourtant, tous les membres de la majorité sont munis, systématiquement, de pouvoirs.
J’ai protesté à de nombreuses reprises contre cette généralisation des pouvoirs, qui est interdite par notre propre règlement.
D'ailleurs, toujours aux termes du règlement du Sénat, ceux qui, sans justification, n’assistent pas aux réunions de leur commission devraient voir leur indemnité de fonction réduite, mais cette disposition n’est pas appliquée, ce qui signifie que le Sénat, ou du moins sa majorité, s’assoit sur son règlement !
Si donc les absents ont tort en commission, il n’en va pas de même en séance publique :…
… où, contrairement à l’adage, les absents ont toujours raison puisque, grâce aux scrutins publics, ils votent avec la majorité !
Ce serait pourtant le moment de le faire.
L’opinion publique est d'accord pour que nous accordions le droit de vote aux étrangers qui se trouvent en France depuis un certain temps.
Ils n’ont qu’à demander la nationalité française, nous dit-on. Mais, outre que M. Lecerf a souligné que c’était très difficile, ces étrangers peuvent fort bien vouloir conserver leur citoyenneté d’origine.
Nous avons connu des Espagnols ou des Italiens – du moins jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, qui leur a accordé le droit de vote aux élections locales – qui voulaient conserver leur nationalité, alors même qu’ils vivaient en France, …
… ce qui était en effet tout à fait normal.
Bien des arguments ont été développés, et on pourrait en avancer d’autres encore. En résumé, chers collègues de la majorité, vous faites preuve pour la plupart – osons le mot – d’une certaine hypocrisie !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
L’opinion publique retiendra que nous avons eu raison de ne pas voter cette révision constitutionnelle et que vous avez eu tort de vous opposer à une disposition qui relevait du simple bon sens !
Nous avons déjà eu en première lecture un débat extrêmement intéressant et de grande qualité sur ces questions ô combien sensibles et importantes. Je ne crois pas qu’il soit opportun de le reprendre aujourd'hui avec des arguments presque identiques, surtout si c’est pour que chacun critique la position de l’autre.
Vous le savez, sur cette question cruciale, les sensibilités individuelles divergent et ne sont homogènes nulle part dans cette assemblée.
M. Christian Cointat. Je voudrais réagir aux propos de notre collègue Charles Josselin, qui visiblement ne connaît pas bien les Français établis hors de France.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
C’est ce qui ressortait de votre intervention, mon cher collègue, et c’est ce qui me pousse à prendre la parole !
Vous donnez à entendre, tout au moins, car tel n’est peut-être pas le fond de votre pensée, que les Français qui vivent à l’étranger sont des gens aisés.
Or, je regrette de devoir le préciser, un grand nombre de nos compatriotes expatriés sont de condition modeste !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Ce sont pour moitié des binationaux ! Pour eux, le problème ne se pose pas.
Qu’ils vivent dans des pays riches ou dans des pays pauvres, nos compatriotes expatriés ne comprendraient pas que nous accordions le droit de vote aux ressortissants étrangers si eux ne bénéficient pas, là où ils se trouvent, de la même prérogative.
M. Christian Cointat. Je ne suis pas opposé à l’extension de la citoyenneté, mais cette notion ne peut être séparée de celle de réciprocité. Tels sont les termes du problème.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Chers collègues de l’opposition, si vous voulez faire aboutir ce dossier, si vous souhaitez qu’un jour la citoyenneté européenne soit élargie, vous devez examiner les problèmes tels qu’ils se posent réellement et ne pas vous contenter de lancer de grandes idées, en soutenant, par exemple, que les Français de l’étranger sont des riches – c’est ce que vous avez affirmé, monsieur Josselin ! – et ne peuvent être comparés aux étrangers présents en France. Non, encore une fois, beaucoup de nos concitoyens établis hors de France vivent exactement dans la même situation que certains étrangers présents sur notre territoire…
… et doivent donc être traités de la même façon !
C’est tout ce que je demande !
Dès lors que l’on reconnaît la réalité des faits, on peut comparer les situations, discuter, progresser et trouver des solutions qui répondent aux attentes de tous. Mais telle n’est pas l’attitude que vous avez choisie : vous ne tenez pas compte de la réalité ; vous vous cachez derrière un dogme au lieu de chercher à faire progresser le droit en vous appuyant sur des faits concrets tirés de la vie de tous les jours. C’est dramatique !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Chers collègues de la majorité, je vous rappelle que le lien entre citoyenneté et nationalité n’existe pas dans la vie quotidienne.
J’en veux pour preuve que les dotations versées aux collectivités territoriales, comme la DGE, la dotation globale d’équipement, ou la DGF, la dotation globale de fonctionnement, sont déterminées en fonction du nombre des habitants et non de leur nationalité.
Il en est de même pour le nombre d’élus. À titre d’exemple, une ville de 100 000 habitants, dont 70 000 sont Français, désigne 53 conseillers municipaux, alors que, si seuls les habitants possédant la nationalité française étaient pris en compte, elle n’en élirait que 43, soit dix de moins !
Si le nombre des élus et les montants des dotations budgétaires sont fixés en fonction du nombre des habitants et non de la nationalité de ces derniers, pourquoi les étrangers sont-ils exclus de la citoyenneté ? Il s'agit d’une question de justice : pour être cohérent, il faudrait réduire le nombre des élus et les dotations de ces collectivités.
Vous souhaitez donc que les étrangers ne bénéficient plus des services publics ?
Quant à l’argument de la réciprocité, que vous brandissez sans cesse, j’aimerais savoir, madame le garde des sceaux, si le Gouvernement a déjà interrogé les États étrangers sur ce point. Si ceux-ci ont refusé d’accorder le droit de vote à nos ressortissants, nous en débattrons, mais si la question n’a jamais été posée, comment pouvez-vous continuer à utiliser cet argument ?
Nos débats en première lecture ont été approfondis et ils ont permis de trancher cette question ; nous pouvons certes les recommencer en deuxième lecture, mais telle n’est pas la tradition.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne vous ai pas interrompu, quand bien même vos propos m’ont parfois fait sursauter.
J’en suis fort aise et j’espère qu’ils continueront à vous faire cet effet !
Madame Boumediene-Thiery, toute population suscite des charges, et il est normal que celles-ci soient couvertes par des recettes. Je vous signale qu’un grand nombre des habitants de nos collectivités ne sont pas citoyens et bénéficient néanmoins des dotations de l’État. Votre argument n’est donc pas recevable.
Dois-je vous rappeler que les enfants jusqu’à dix-huit ans font partie de la population ?
Français ou étrangers, personne ne se pose la question : ils font partie de la population et entraînent des charges pour la collectivité, ne serait-ce que pour la cantine, par exemple. Il est donc normal que les dotations soient réparties en fonction du nombre d’habitants.
Et que le nombre des élus soit calculé par rapport à la population totale, cela ne vous gêne pas ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vous suggère de déposer une proposition de loi sur le sujet. Il sera intéressant de voir qui la votera !
Souriressur les travées de l’UMP.
Le Président de la République a été élu sur des engagements de campagne clairs.
Le droit de vote des étrangers n’en faisait pas partie.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous êtes sénateur depuis très, très longtemps.
Vous auriez pu peser de tout votre poids et faire entendre votre forte voix pour que le droit de vote des étrangers, qui semble vous être si cher, soit adopté à l’époque.
Le projet était sur le bureau du Sénat et la droite l’a bloqué ! Et le Sénat est toujours de droite !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pas du tout, monsieur Assouline ! Ne reprenez pas l’antienne d’un Sénat à droite qui bloque toute réforme. Si cela ne s’est pas fait avant, c’est tout simplement parce que la gauche n’a jamais mis le projet sur la table, contrairement aux engagements qu’elle avait pris !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Mes chers collègues, je vous en prie, laisser s’exprimer Mme le garde des sceaux !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Et vous êtes vous-mêmes à l’origine de ces amalgames entre immigration et citoyenneté qui nous ont conduits au communautarisme.
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Car telle a été votre politique vis-à-vis de l’immigration quand vous étiez au pouvoir, à tel point que vous ne parliez plus du droit de vote des étrangers, et ce sont les extrêmes qui s’en sont emparés, ce qui explique qu’il soit devenu un sujet tabou.
Nous souhaitons, nous, développer une politique d’intégration très claire, centrée sur le contrat d’accueil et d’intégration, que les femmes signent, …
… ce qui signifie qu’elles sont parties prenantes et qu’elles sont engagées dans la démarche, à la différence de ce qui se passait depuis des années.
Je vous rappelle que l’actualité récente nous a offert l’exemple d’une personne demandant la nationalité française et reconnaissant elle-même n’avoir jamais bénéficié des droits les plus élémentaires !
On ne peut accorder la citoyenneté française à quelqu'un qui se trouve dans cette situation ou qui ne connaît pas les principes de la République.
Pour notre part, nous facilitons l’intégration, ce que vous n’avez jamais fait, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, à travers le contrat d’accueil et d’intégration, l’apprentissage de la langue, la formation et l’éducation aux principes et aux valeurs de la République.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur Todeschini, parler de la laïcité et des valeurs de la République, ce n’est pas faire de la provocation !
Ce sujet est beaucoup trop sensible et important pour que nous nous livrions à la polémique.
D'ailleurs, pendant des années vous avez polémiqué et multiplié les provocations autour de ce problème, sans vous préoccuper de le résoudre, avec pour résultat ce communautarisme dont on mesure aujourd'hui les effets et les dégâts.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur Lecerf, vous avez raison de souligner qu’il est parfois difficile d’obtenir la nationalité française.
Pourquoi ? Parce qu’il faut vérifier les pièces fournies lors de la demande, que ce soit les actes de naissances ou les actes de mariage, ne serait-ce qu’en raison de l’existence de véritables filières organisées pour frauder.
Cela étant, depuis quelques années, nous avons facilité l’attribution de la nationalité française. Les délais d’instruction sont aujourd’hui de dix-huit mois.
Et les critères d’attribution sont extrêmement clairs.
Nous avons même réduit parfois à un an la durée de résidence sur le territoire, quand les conditions d’intégration sont avérées.
Ce peut être plus compliqué et plus difficile quand les conditions d’intégration ne sont pas objectivement réunies.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, 80 000 personnes ont acquis la nationalité française en 2006. Le nombre d’acquisitions de la nationalité a augmenté grâce à la politique d’intégration que nous menons et avec les résultats que nous connaissons.
Favoriser l’apprentissage de la langue, des principes et des valeurs de la République, telle est notre manière de former le plus grand nombre à la citoyenneté, sans exclusion et sans tabou !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.
Je mets aux voix l'amendement n° 93.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 138 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 13.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 4 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le second alinéa, les mots : « au dernier alinéa de l'article 3 » sont remplacés par les mots : « au second alinéa de l'article 1er » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »
Ne m’étant pas cru de condition suffisante pour m’exprimer dans la discussion générale, j’ai préféré le faire sur l’article 1er pour m’expliquer sur les différents amendements que j’ai déposés et que je défendrai tout au long de la soirée avec plus ou moins de zèle selon la qualité des réponses qui me seront faites.
Monsieur le président-rapporteur, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt les réponses qui m’ont été apportées en première lecture. Au mieux, j’y ai trouvé de l’ironie, souvent de la condescendance et parfois du mépris. Cela ne venait pas seulement de vous, le Gouvernement en rajoutait de temps en temps.
Je ne me plains de rien. Au contraire, cela me permet de m’expliquer devant vous ce soir et, encore une fois, je le ferai sans esprit de rancune ni de rancœur, je crois l’avoir prouvé dans d’autres occasions. Mais je veux pouvoir m’exprimer !
D’abord, parce que nous sommes engagés dans une réforme de la Constitution dont, après tout, je ne suis pas sûr qu’elle était indispensable. Le fait de pouvoir le dire me soulage.
D’abord, sommes-nous d’accord sur le rôle de la Constitution ? Pour moi, la Constitution détermine la forme de gouvernement d’un pays. Cependant, cela ne doit pas seulement se limiter à l’organisation de la Nation comprise comme l’ensemble des personnes vivantes, il faut voir au-delà et comprendre aussi les relations entre les vivants et les générations qui suivront, y compris dans le domaine financier.
Or j’ai eu le sentiment, en écoutant les avis qui ont été données sur mes différents amendements, qu’il était quasi indécent d’oser proposer de parler de finances dans la Constitution, ce monument si précieux, si sacré qu’il est tenu fermé à nos humbles calculs d’épiciers et ne saurait s’ouvrir que pour l’art des juristes ! J’ai d’ailleurs beaucoup de respect pour eux, mais, pour que les juristes vivent, il faut tout de même que la Nation puisse produire des fruits, et que les fruits du travail de la Nation puissent être prélevés et qu’ensuite ils puissent être dépensés !
Voilà pourquoi, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, parler de finances publiques dans la Constitution n’est pas incongru du tout !
Le préambule de la Constitution de 1958 lui-même ne le rappelle-t-il pas, en se référant à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?Vous connaissez tous son article XIV, et pour cause, dans un pays qui prélève autant…Il convient de le rappeler maintenant : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. ».
On me répond que mes amendements sont sympathiques, mais qu’ils trouveraient mieux leur place dans un autre texte, notamment organique… Qu’à cela ne tienne, je défendrai des amendements qui renvoient à la loi organique pour l’application des dispositions de principe que je propose.
Madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la démocratie est en péril non pas seulement quand les représentants se comportent mal, mais aussi lorsque les représentants ont les yeux rivés sur l’immédiat et qu’ils sont aveugles au moyen terme et, surtout, au long terme.
Je veux parler ce soir au nom de ceux qui viennent de naître et qui n’ont pas à ce jour le droit de vote. Je veux parler, en cet instant, au nom de ceux qui vont naître, dont les intérêts doivent être préservés et dont les conditions de vie dépendent directement des décisions que nous prenons en leur nom, parfois en les oubliant !
Il faut que leur parole soit entendue ! Finalement, là encore, la solidarité entre les générations vous est rappelée en permanence. Ne lit-on pas, dans le préambule de la Constitution de 1946, lui aussi repris par le préambule de la Constitution de 1958, que la Nation « assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ? Et cela va bien au-delà des seuls votants !
Si je continue de lire ce préambule, je vois, dans le même ordre d’idée, que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant […], la sécurité matérielle », qu’elle proclame « la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales. ». Vous voyez bien que figurent déjà dans notre texte constitutionnel ces conditions matérielles sur lesquelles vous semblez hésiter.
Les choix que nous avons faits, notamment en intégrant la Charte de l’environnement dans le préambule de la Constitution, sont de nature absolument équivalente. Et que dit la Charte de l’environnement, sinon que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins » ?
Voilà, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, de quelle inspiration procèdent les différents amendements que je défendrai !
L'amendement n° 95, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du 2° de cet article :
« La loi garantit, la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation dans le respect du pluralisme, ainsi que des droits aux partis et groupements politiques qui ne participent pas de la majorité dans chacune des assemblées parlementaires. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
L’amendement n °95 concerne l’article 1er dont Michel Mercier a tenté cet après-midi de nous expliquer toute l’importance.
J’aimerais rappeler tout le chemin parcouru. Nous ne sommes pas dans la redondance puisque cet article a évolué et que le Sénat s’apprête à le voter dans une version différente de celle qu’il avait adoptée en première lecture.
J’aimerais vous relire l’article 1er tel qu’il figurait dans le texte initial du Gouvernement :
« Des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. »
Voilà d’où nous partons. Donc, si je comprends à peu près le français, nous partons des droits de l’opposition. Et, chemin faisant, par inflexions successives, nous quittons les droits de l’opposition et nous passons à une garantie du pluralisme, ou au « respect du pluralisme ». Il s’agit de l’expression que Jean-Jacques Hyest a ajoutée, il me contredira si ma mémoire est défaillante.
Puis, nous sommes passés du respect du pluralisme à la « garantie des expressions pluralistes des opinions », ce qui n’est jamais que ce que l’on trouve dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Là-dessus, donc, rien de nouveau !
Enfin, nous en sommes arrivés à l’adjectif « équitable », dont Michel Mercier nous a dit l’importance, ajout sur lequel, à ma connaissance, il n’y a pas eu l’ombre d’un débat à l’Assemblée nationale.
Ce que nous souhaitons, je vous l’ai déjà dit, ce n’est pas que l’opposition ait un statut. Les statuts, c’est bon pour mettre dans les réserves ! Nous souhaitons simplement que des droits soient reconnus aux parlementaires d’opposition. Telle était d’ailleurs bien l’ambition qui avait animé le comité Balladur, dont je cite un extrait du rapport : « les droits nouveaux reconnus au Parlement ne produiront tous leurs effets sur l'équilibre des institutions que si l'opposition dispose de garanties renforcées ».
Mais nous avons bien vu que, chemin faisant, votre démarche avait évolué et que telle n’était pas la fraction que vous entendiez privilégier, au sens allemand du terme « fraction », qui signifie « parti ». Mais la fraction que vous privilégiiez en l’occurrence, était plutôt la fraction – au sens bien français du terme, cette fois – des trois cinquièmes !
Nous avons eu le sentiment que, pour satisfaire cette fraction, il fallait reléguer les droits de l’opposition, les renvoyer dans une espèce de sous-produit du règlement intérieur de chaque assemblée, mais surtout, ne plus les affirmer dans la Constitution.
Au sein de la Haute Assemblée, nous sommes sans doute nombreux à avoir étudié à l’université les travaux de Raymond Carré de Malberg sur la Stufentheorie, ou théorie de la formation du droit par degrés. Certes, cela ne nous rajeunit pas forcément.
Sourires
Mais, s’il existe une hiérarchie des normes, il n’est pas indifférent que les droits de l’opposition soient mentionnés dans la Constitution ou qu’ils figurent seulement dans les règlements des assemblées, surtout quand on connaît les conditions respectives d’élaboration de la loi fondamentale et de ces règlements.
En clair, nous sommes partis du sommet de la hiérarchie des normes pour arriver…
… peut-être pas au sous-sol, mais au moins à l’entresol !
Pour autant, il n’est jamais trop tard pour bien faire. À cet égard, je précise que nous ne sommes pas opposés à l’attribution de droits aux groupes parlementaires, même s’ils sont qualifiés de « minoritaires ». Simplement, à mon sens, cet adjectif, s’il correspond à une réalité arithmétique, ne permet pas d’obtenir une définition politique suffisamment précise.
Cet amendement vise donc à opter pour une rédaction finalement assez proche de celle que le Gouvernement avait initialement proposée pour cet article. Mais je crains que celui-ci n’ait depuis changé d’avis et que ses positions actuelles ne correspondent plus ni à ses intentions premières ni aux conclusions du comité présidé par M. Édouard Balladur.
Tout d’abord, j’observe que l’amendement de notre collègue est largement satisfait.
Ensuite, je suis un peu surpris par l’argumentation des auteurs de cet amendement. Selon eux, dès lors que l’on a adopté un dispositif, il n’est absolument plus envisageable de le faire évoluer.
De mon point de vue, c’est justement le dialogue entre les deux assemblées et les débats entre leurs membres qui permettent de progresser.
Ainsi, certains ne voulaient pas d’une mention des groupes parlementaires dans la Constitution. Il n’a pas été aisé de faire accepter une telle reconnaissance, notamment à l’Assemblée nationale. Idem pour l’expression du pluralisme. Mais le texte a tout de même fini par évoluer.
En outre, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, j’avais estimé qu’il était indispensable de garantir constitutionnellement le respect du pluralisme des partis et groupements politiques. Certes, cela n’a pas abouti tout de suite, notamment parce qu’une telle disposition a soulevé d’autres débats, mais au moins avions-nous clairement exprimé notre volonté. D’ailleurs, monsieur Frimat, à l’époque, vous n’étiez pas opposé à cette mesure.
In fine, nous sommes parvenus à une rédaction qui nous paraît parfaitement correspondre à nos souhaits.
Au demeurant, nous ne pouvons pas dissocier l’article 1er du présent projet de révision constitutionnelle de l’article 24, aux termes duquel le « règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein ». En l’occurrence, sont concernés non seulement les groupes parlementaires de l’opposition, mais également les groupes qui ne se reconnaissent ni dans la majorité ni dans l’opposition.
Car le fondement du parlementarisme, ce sont tout de même les groupes parlementaires.
Auparavant, dans la Constitution, on ne s’interrogeait pas sur l’appartenance d’un groupe à la majorité ou à l’opposition. Seuls les groupes en tant que tels étaient reconnus.
Bien entendu ! Simplement, respecter l’opposition, c’est d’abord respecter les groupes parlementaires.
Or, je vous le rappelle, le projet de révision constitutionnelle vise à leur attribuer un certain nombre de droits, qu’ils se situent dans l’opposition, dans la majorité ou qu’ils ne se reconnaissent – c’est bien leur droit – ni dans l’une ni dans l’autre.
Certains souhaiteraient sans doute – c’est une opinion respectable, mais il faudrait alors en tirer toutes les conséquences – que notre système politique évolue vers le bipartisme. Après tout, ce modèle existe dans nombre de grandes démocraties sans que cela choque quiconque.
Mais, compte tenu des caractéristiques de notre système politique, et je pense que nous devons les respecter, il faut garantir des droits spécifiques aux groupes parlementaires.
Les travaux du Sénat, puis ceux de l’Assemblée nationale, ont permis d’atteindre cet objectif.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, qui nous semble par ailleurs satisfait.
Comme M. le rapporteur vient de le souligner, la rédaction de l’article 1er a évolué au cours des deux lectures du projet de révision constitutionnelle. Dès lors, l’amendement n° 95 est satisfait par cet article.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je n’ai peut-être pas le talent ni de M. le rapporteur ni de Mme le garde des sceaux, …
… mais j’estime tout de même être le mieux placé pour savoir si mon amendement est satisfait !
Si c’était le cas, je le reconnaîtrais, mais, à mes yeux, cet amendement n’est nullement satisfait.
En effet, je souhaite que les droits de l’opposition soient garantis au sommet de la hiérarchie des normes, c'est-à-dire dans la Constitution. Vous serez au moins d'accord avec moi pour admettre que le sommet la hiérarchie des normes, c’est la Constitution…
Selon vous, monsieur le rapporteur, mon amendement serait « satisfait » au seul prétexte qu’il est prévu de reconnaître le droit des groupes parlementaires dans le règlement de chaque assemblée, c'est-à-dire à l’un des échelons les plus bas de la hiérarchie des normes !
Mes chers collègues, ou les mots ont un sens, ou ils n’en ont pas. S’ils ont bien un sens, dites simplement que nous n’avons pas la même opinion – cela, nul ne le conteste –, mais faites-moi au moins le plaisir de considérer que j’ai tout de même parfois une lueur de compréhension et que je suis capable de savoir si mon amendement est satisfait ou non !
Et, en tout état de cause, n’essayez pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
La volonté affichée par M. le rapporteur de reconnaître les groupes parlementaires est contredite par les faits.
Comme vous le savez, mes chers collègues, il n’y a pas d’amour ; il n’y a que des preuves d’amour.
Sourires
Dans ces conditions, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je rejoins mon collègue Bernard Frimat : ne nous faites pas prendre des vessies pour des lanternes ! En réalité, vous ne voulez tout simplement pas reconnaître les droits de l’opposition.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 35, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les médias concourent, par leur pluralisme, à la libre information des citoyens. La loi garantit leur indépendance aussi bien vis-à-vis de l'État que des intérêts économiques de leurs actionnaires. Elle les protège des conflits d'intérêt et interdit les concentrations excessives. »
La parole est à M. Ivan Renar.
Selon nous, il est nécessaire de compléter cet article 1er, relatif au pluralisme des opinions dans notre pays, par un alinéa concernant l’indépendance et la liberté des médias.
En effet, dans la société actuelle, les médias écrits et audiovisuels, et l’information au sens large, sont des éléments fondamentaux dans la formation des convictions et des jugements que nos concitoyens portent sur les événements et la réalité. Ils forgent souvent ce qu’on appelle « l’opinion publique ». En ce sens, ils constituent un réel pouvoir, voire un contre-pouvoir, par rapport au pouvoir en place, quel qu’il soit.
Mais, pour qu’ils puissent jouer leur rôle premier d’information – ce n’est d’ailleurs pas contradictoire avec l’affirmation de convictions par la presse d’opinion –, encore faut-il que leur indépendance soit garantie.
À cet égard, les mauvais exemples récents abondent. Ils vont de la troublante proximité du chef de l’État avec certains grands groupes de presse jusqu’à son intervention directe pour critiquer les programmes du service public de la télévision, en passant par sa décision d’amputer ses ressources publicitaires, ce qui a pour premier résultat de profiter aux concurrents privés.
Compte tenu de ces conditions qui sont malsaines pour la démocratie, il n’est pas inutile de préciser, parmi les grands principes républicains définis à l’article 1er de la Constitution, que la loi garantit l’indépendance des médias. Nous affirmons même très concrètement que celle-ci doit être totale vis-à-vis non seulement de l’État, mais également des entreprises et de leurs actionnaires.
En son temps, Jacques Prévert déclarait déjà : « Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie. »
Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement.
En première lecture, le Sénat a adopté un amendement tendant à inscrire à l’article 34 de la Constitution que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».
À mon sens, c’est largement suffisant, d’autant plus que l’Assemblée nationale a ajouté à l’article 1er du projet de révision constitutionnelle une disposition aux termes de laquelle la « loi garantit les expressions pluralistes des opinions ».
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement partage l’analyse de la commission et émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
L'amendement n° 96, présenté par MM. Frimat, Assouline, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art - Les moyens de communication, écrite, audiovisuelle, radiophonique et numérique concourent, par leur pluralisme, à la libre expression et la libre communication des pensées et des opinions. La loi garantit leur indépendance et met en place les règles limitant les concentrations, assurant la transparence des entreprises de communication et les relations entre les propriétaires de ces entreprises et l'État. »
La parole est à M. David Assouline.
Cet amendement vise à inscrire dans la Constitution les principes devant guider le législateur pour assurer le maintien du pluralisme dans les médias.
En première lecture, le Gouvernement s’est opposé à l’adoption d’un amendement similaire en se référant à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, selon lui, garantirait suffisamment l’indépendance des médias et le maintien du pluralisme.
Certes, le Conseil constitutionnel s’est prononcé plusieurs fois sur cette question. Le 11 octobre 1984, il a consacré « le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale » comme « objectif de valeur constitutionnelle ». Puis, dans sa décision du 18 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication, il a étendu cette exigence aux services de télévision et de radio, estimant que le respect du pluralisme de l’expression des différents courants politiques et socioculturels sur les supports de communication audiovisuelle constituait l’« une des conditions de la démocratie ».
À présent, madame le garde des sceaux, vous ajoutez un nouvel argument – vous l’aviez déjà fait lors de la discussion générale – pour rejeter une telle proposition. L’amendement que je défendais tendant à affirmer le principe général d’indépendance, de pluralisme et de liberté des médias a été adopté par le Sénat en première lecture et cette disposition figure toujours dans le texte que nous examinons en deuxième lecture.
Or ce n’est pas par hasard que vous vous opposez à l’amendement que je propose. Le dispositif qu’il vise à instituer est la concrétisation du principe que je viens de rappeler.
En effet, depuis l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 et les décisions du Conseil constitutionnel que j’ai mentionnées, le secteur des médias a profondément évolué.
Depuis vingt ans, l’évolution des technologies a permis la multiplication des supports et des modes d’accès à l’information. Elle a donc conduit à une diffusion largement accrue, démultipliée et en temps réel, des informations et des contenus les plus divers. Et là, le pluralisme et l’indépendance sont des réponses à des questions très concrètes.
Les nombreuses modifications de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication ont successivement revu à la baisse le régime anti-concentration applicable aux services de télévision et de radio et à leurs actionnaires.
Je rappellerai la dernière en date. Elle a été effectuée au détour d’un amendement déposé par un ancien conseiller du Président de la République, notre collègue député Frédéric Lefebvre, sur le projet de loi de modernisation de l’économie.
Cette disposition va permettre à certains opérateurs de chaînes diffusées en télévision numérique terrestre, ou TNT, tels Bolloré, avec Direct 8, ou le groupe M6, avec W9, de rester sous le seuil d’audience de 2, 5 % et de continuer de détenir à 100 % les parts de leur société, ou encore à Bouygues d’acquérir 100 % du capital de TMC.
La plupart de ces chaînes étaient sur le point d’atteindre le seuil fatidique de 2, 5 % ou l’avaient même dépassé. Sans cet amendement providentiel, leurs dirigeants auraient dû se contenter de 49 % des « parts du gâteau » !
Par ailleurs, la multiplication des acteurs de l’audiovisuel et de la presse dont l’une des sources essentielles de revenus a pour origine la commande publique – je pense, entre autres, à Bouygues, à Lagardère, à Bolloré ou à Dassault – est une modification structurelle qui met en cause l’indépendance et le pluralisme des médias. C’est pourquoi cet amendement vise à lutter contre une telle concentration et à empêcher que l’on puisse à la fois vivre de la commande publique et détenir des médias importants.
Dans la mesure où je me suis déjà exprimé sur le sujet à l’occasion de la discussion générale, je passe rapidement sur les rapports entre le pouvoir politique et les propriétaires des grands groupes de presse français, mais je note tout de même une évolution assez forte.
Les projets nourris par le chef de l’État pour mieux contrôler le service public de l’audiovisuel – je pense tout particulièrement à la nomination annoncée du président de France Télévisions en conseil des ministres – signifient une mise sous contrôle politique de la télévision publique.
Par conséquent, je me réjouis que, malgré votre opposition, madame le garde des sceaux – en première lecture, vous aviez émis un avis négatif sur cet amendement –, « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias » soient garantis dans la Constitution, et ce sur l’initiative du groupe socialiste du Sénat.
Cependant, dans le contexte actuel, il convient d’aller jusqu’au bout et d’accepter cet amendement socialiste qui permet de donner un contenu concret à ce principe général.
L’article 11 du projet de loi a déjà réglé cette question d’une façon qui nous paraît largement suffisante. Le reste n’a pas sa place dans la Constitution !
La commission émet donc un avis défavorable, comme en première lecture. Je rappelle que nous nous sommes longuement exprimés sur tous ces amendements en première lecture.
Si l’on veut faire acte de modernisation, c’est vraiment le moment ! Comment, en effet, déconnecter le problème des médias, de l’expression, de celui de la démocratie ? C’est absolument impossible ! Si nous voulons être résolument modernes – j’ai compris que c’était le but de la manœuvre –, il faut le montrer.
La lutte contre les concentrations était déjà l’un des objectifs que s’était fixés le Conseil national de la Résistance lorsque le pays serait libéré. Le résultat a bien été atteint, mais, progressivement, les concentrations se reforment.
Le moment est venu, sans reprendre toute la démonstration, de porter le fer dans la plaie. Les déclarations de principe, comme on dit chez nous, cela ne mange pas de pain. En revanche, limiter les concentrations, établir la transparence des relations entre les différents partenaires, actionnaires et médias, voilà qui a du sens !
Si l’on a vraiment pour objectif de rendre plus vivante notre démocratie, on ne peut pas ne pas s’interroger sur cette question. Peut-être notre proposition vous déplaît-elle aujourd’hui parce que vous voulez absolument obtenir un vote conforme et participer lundi au Congrès réuni à Versailles, …
…mais on ne pourra pas éternellement faire l’impasse sur cette question !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, tout cela me donne un sentiment de déjà vu.
Nous aussi ! sur les travées de l ’ UMP.
Sourires
comme le disait Mme le garde des sceaux ; sans doute était-elle au berceau lorsque j’ai été élu, d’abord à l’Assemblée nationale, puis, longtemps après, au Sénat.
À la Libération, on vient d’y faire allusion, le sentiment était le même. La loi du 11 mai 1946 sur la dévolution des biens de presse visait déjà à éviter que des puissances d’argent ne détiennent des moyens de communication tels qu’ils puissent convaincre les lecteurs par le seul mérite de l’argent.
En 1981, Georges Fillioud avait fait adopter une loi pour éviter précisément les concentrations. On y est revenu !
Notre amendement est ainsi rédigé : « Les moyens de communication, écrite, audiovisuelle, radiophonique et numérique concourent, par leur pluralisme, à la libre expression et à la libre communication des pensées et des opinions. » Mais cela ne doit pas être le pot de terre contre le pot de fer ! Nous avons donc ajouté : « La loi garantit leur indépendance et met en place les règles limitant les concentrations, assurant la transparence des entreprises de communication et les relations entre les propriétaires de ces entreprises et l’État. »
Nous en sommes revenus, aujourd’hui, à la situation que nous connaissions. Notre collègue Serge Dassault ou encore M. Bouygues sont actionnaires de chaînes de télévision ou de titres de presse. Bref, ceux qui ont de l’argent détiennent les moyens de communication. C’est donc un problème récurrent qui n’est toujours pas résolu.
Notre amendement tend à séparer, enfin, les puissances d’argent des moyens de communication.
M. André Trillard. Il n’y a pas que les puissances dites « d’argent » qui se concentrent dans la presse : dans certains départements, ou dans certaines régions, le même titre couvre l’ensemble de la presse quotidienne, des journaux hebdomadaires d’arrondissements et des télévisions !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Sourires
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
... - Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Les services de radio et de télévision doivent respecter, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et le Gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant aux groupes parlementaires de l'opposition pour un tiers du temps.
« Par exception aux dispositions qui précèdent, lorsque le Président de la République et le Gouvernement sont issus de majorités politiques d'orientations différentes, les interventions du Président de la République sont décomptées avec celles des personnalités appartenant à l'opposition parlementaire. »
La parole est à M. Ivan Renar.
L’un des objectifs affichés de ce projet de loi est de rééquilibrer les institutions et de renforcer les pouvoirs du Parlement ; on l’a vu dans la discussion générale cet après-midi.
Il est à cet égard significatif que nous ayons beaucoup discuté de la prise de parole du Président de la République devant les assemblées.
Cette nouvelle disposition n’est pas que de l’ordre du symbole. Dans une société médiatique comme la nôtre, on ne peut ignorer que le problème posé n’est pas simplement celui de l’équilibre des institutions, mais aussi celui de la manière dont sera répercutée cette prise de parole par les médias audiovisuels.
Toutes les grandes démocraties ont adopté des dispositifs tendant à garantir le pluralisme des opinions. Chez nous, on applique la règle dite « des trois tiers », qui n’a rien, il faut le souligner, d’une disposition de valeur constitutionnelle.
Jusqu’ici, dans un certain consensus, le Président de la République était tenu à l’écart de ce décompte. Pourtant, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, on peut légitimement considérer que la façon dont il transforme la fonction présidentielle, la façon dont il s’expose, dont il sature l’espace médiatique rendent cette disposition inadaptée.
Nous considérons également que cette omniprésence médiatique compromet gravement le pluralisme. Face à cette situation anormale, nous réclamons l’égalité audiovisuelle, car c’est l’une des conditions d’une véritable démocratie.
Pour changer la règle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel se retranche derrière la demande d’une disposition législative pour comptabiliser le temps de parole du Président de la République. Eh bien, nous y sommes !
Nous pensons effectivement qu’il serait sain pour la démocratie, et pour répondre à une évolution bien particulière des pratiques institutionnelles, que le temps de parole du Président de la République soit décompté avec celui des personnalités de la même sensibilité politique.
C’est l’objet de cet amendement, que je vous demande de bien vouloir adopter.
L'amendement n° 97, présenté par MM. Frimat, Assouline, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art - Afin d'assurer l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, les services de radio et de télévision doivent respecter, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et le Gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant à l'opposition parlementaire, pour un tiers du temps.
« Par exception aux dispositions qui précèdent, lorsque le Président de la République et le Gouvernement sont issus de majorités politiques d'orientations différentes, les interventions du Président de la République sont décomptées avec celles des personnalités appartenant à l'opposition parlementaire. »
La parole est à M. David Assouline.
Nous avons déjà présenté, en première lecture, nos arguments en faveur de l’introduction dans la Constitution de la règle dite « des trois tiers », mise en œuvre par le CSA pour garantir le pluralisme dans les médias audiovisuels.
Nous souhaitons en effet intégrer dans ces trois tiers le temps de parole du Président de la République. Je note que cette idée commence à faire son chemin, car même le chef de l’État, principal intéressé, a laissé entendre qu’il ferait prochainement un geste dans ce sens.
Nous souhaitons néanmoins constitutionnaliser ce dispositif, afin de garantir un réel équilibre des prises de parole sur les chaînes de télévision et les radios entre les membres de l’exécutif, ceux de la majorité parlementaire et ceux de l’opposition, par la comptabilisation du temps d’expression du Président de la République avec celui du Gouvernement et, en cas de cohabitation, avec celui de l’opposition parlementaire.
Mais quelle curieuse manière de considérer le Parlement que l’on dit vouloir revaloriser ! Cela fait plusieurs semaines que nous débattons sur cette question de la comptabilisation du temps de parole du Président de la République. Le groupe UMP et le Gouvernement ont avancé de multiples arguties pour soutenir mordicus que ce n’était pas possible.
En principe, ce sont les parlementaires qui élaborent la loi constitutionnelle. Eh bien, on nous dit que, peut-être, dans les jours qui viennent, le Président va faire un geste !
Ainsi donc, c’est le Président de la République qui peut nous octroyer une liberté supplémentaire, et pas le débat parlementaire ! Cela en dit long, très long sur la façon dont on considère la revalorisation du Parlement et son travail à travers ce débat constitutionnel…
Le dispositif s’inspire directement de la régulation élaborée par le CSA qui, dans sa mission légale de garant du respect de l’expression pluraliste au sein des médias audiovisuels, a, depuis 1989, repris et adapté en principe de référence la « règle des trois tiers » héritée d’une ancienne directive du conseil d’administration de l’ORTF du 12 novembre 1969. Cette directive posait le principe d’un équilibre de « la présentation des points de vue », sur les deux chaînes de l’ORTF, entre les représentants des pouvoirs publics, ceux qui les approuvent et ceux qui les critiquent. C’était très clair !
Cependant, le CSA, dans un souci de respect du rôle d’arbitre dévolu au Président de la République par la Constitution, le plaçant au-dessus des partis politiques, a toujours refusé de comptabiliser le temps de parole du chef de l’État avec celui du Gouvernement.
Saisi de cette question lors de la campagne liée au référendum sur la ratification du traité constitutionnel européen, le Conseil d’État, dans une décision du 13 mai 2005, a confirmé la position du CSA, estimant que « en raison de sa place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l’État dans l’organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le Président de la République ne s’exprime pas au nom d’un parti ou d’un groupement politique ». Il a considéré que l’instance de régulation avait ainsi « exclu à bon droit » les interventions du chef de l’État du décompte des présentations des positions des partis et groupements politiques dans les programmes audiovisuels.
La réflexion dans laquelle le CSA s’est engagé pour aménager cette règle, depuis le mois de juillet 2006, n’a toujours pas abouti.
Nous saisissons donc l’occasion de cette révision pour faire évoluer cette situation qui n’est plus tenable sous le règne de la « République sarkozyste », marquée par l’agitation médiatique permanente du chef de l’État.
En effet, le décompte du temps de parole du Président de la République dans les médias est devenu une question urgente à régler, et ce pour plusieurs raisons. Le Président s’est même donné une possibilité supplémentaire de grand show quand il viendra s’exprimer à Versailles !
Les institutions de la Ve République connaissent aujourd’hui une présidentialisation accentuée. Cette tendance est encore renforcée par la réforme constitutionnelle dont nous débattons. Le Président de la République ne pourra plus désormais être considéré comme l’arbitre au-dessus des partis politiques, rôle que lui avait initialement conféré la Constitution de 1958.
Parallèlement, on assiste à une hypermédiatisation du chef de l’État sur tous les médias - pas une heure sans que celui-ci apparaisse sur une antenne !
Enfin, je l’ai déjà rappelé, le Président de la République nourrit des rapports ambigus avec les patrons des principaux médias.
Bien entendu, les prises de parole du Président lorsqu’il représente la Nation, lors de commémorations qui n’appellent aucun esprit partisan, ne doivent pas être décomptées par le CSA.
Je conclus, monsieur le président.
En revanche, pour ce qui nous intéresse, c'est-à-dire le décompte du temps respectivement attribué à l’action gouvernementale, à l’action engagée de la majorité et à l’opposition, il est temps d’intégrer le temps de parole du Président de la République. Ce serait une avancée démocratique !
Votre dépassement de temps de parole sera accordé au Président de la République !
Je n’entrerai pas dans ce débat. Je rappelle que les modalités de décompte des interventions des autorités politiques n’ont pas leur place dans la Constitution.
Mais enfin, chers collègues, à quoi va ressembler la loi fondamentale si l’on vous suit ?
C’est la loi qui fixerait éventuellement de telles règles.
Je donne donc un avis défavorable sur ces deux amendements, par ailleurs quasi identiques.
Monsieur le président, nous entendons exactement les mêmes propos que lors de la première lecture !
Très bien ! Nous progressons !
Apparemment, M. Assouline n’a pas supporté hier de voir autant le Président de la République sur les écrans de télévision.
Je rappelle que nous étions le 14 juillet, jour où le Président de la République est appelé à présider un certain nombre de cérémonies, lesquelles sont couvertes par tous les médias nationaux et internationaux.
De plus, en raison de la présence de nombreux chefs d’État, ce dont nous nous réjouissons, …
… dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, il s’agissait de manifestations de grande ampleur.
C’est le cœur du débat, puisque c’est ce que vous reprochez au chef de l’État !
Permettez-moi, de manière plus générale, de m’élever contre ces critiques permanentes adressées au Président de la République et qui sont quelquefois excessives.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La fonction présidentielle mérite d’être traitée avec plus de dignité !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.
J’aimerais également que chacun respecte l’institution et cesse de tenir des propos déplacés à l’égard de la fonction présidentielle.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Évitez d’abord de parler d’agitation, monsieur Assouline, surtout que vous connaissez beaucoup mieux le sujet que le Président de la République !
Applaudissements sur les travées de l’UMP - Protestations sur les travées du groupe socialiste.
M. David Assouline. Si parler d’agitation est déplacé, comment faut-il qualifier les propos à teneur psychiatrique visant une candidate à l’élection présidentielle ?
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je vous le répète, le terme « agitation » n’est pas approprié lorsque l’on évoque la fonction présidentielle.
Par ailleurs, si l’initiative de la révision de la Constitution appartient bien aux membres du Parlement, elle appartient également au Président de la République, conformément aux dispositions de l’article 89 de la Constitution. Vous pourriez donc respecter ses initiatives en la matière.
S’agissant du décompte du temps d’intervention du Président de la République, la formule que vous proposez n’est pas bonne. Je m’associe pleinement aux arguments de M. le rapporteur : un tel dispositif n’a effectivement pas sa place dans la Constitution.
Le Président de la République n’occupe pas la même place que les membres du Gouvernement ou les autres acteurs de la vie publique. C’est son droit le plus élémentaire de s’exprimer ou de prendre des initiatives dans le cadre de la Constitution.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements, dont nous avons déjà longuement débattu en première lecture.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
M. Christian Poncelet remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.
L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.
« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin. » ;
3° Dans le dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».
L'amendement n° 37, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :
un cinquième
par les mots :
un dixième
et les mots :
un dixième des
par les mots :
un million d'
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
En présentant cet amendement, nous sommes motivés par le souci de respecter la parole du peuple, qui est, elle aussi, digne de respect !
Nous considérons qu’à partir du moment où le peuple a clairement signifié son refus d’un projet de loi par référendum, il n’est pas acceptable qu’un nouveau projet de loi contenant des dispositions similaires au précédent puisse être adopté par voie parlementaire.
Le parallélisme des formes et le respect de « l’expression directe de la souveraineté nationale » exigent donc d’encadrer le pouvoir législatif du Parlement sur les sujets ayant précédemment fait l’objet d’une consultation populaire.
Il convient surtout de garder à l’esprit que, ce qui fonde la légitimité de la démocratie parlementaire, c’est l’élection par le peuple au suffrage universel : les citoyens délèguent, certes, leur souveraineté à leurs représentants, mais pas tous leurs pouvoirs. Dès lors, il est parfaitement injustifiable d’opposer la légitimité parlementaire à la légitimité populaire, la première n’existant que par délégation de la seconde.
Notre amendement vise à tenir compte du cas spécifique des traités internationaux. Afin d’éviter un contournement de la disposition constitutionnelle envisagée, il tend à prévoir l’organisation obligatoire d’un référendum pour autoriser la ratification d’un traité contenant des dispositions qui figuraient déjà dans un précédent traité rejeté par référendum.
Vous l’aurez compris, c’était précisément le cas du traité de Lisbonne, qui aurait dû faire l’objet d’un référendum.
Notre amendement vise donc à compléter notre Constitution. Il entend ainsi éviter un nouveau déni de démocratie qui n’honorerait pas les représentants du peuple.
En outre, vouloir se soustraire à l’expression du peuple par le biais de l’expression du Parlement ne renforce en rien le rôle de ce dernier. Au contraire, cela revient à renforcer le fossé existant entre une expression populaire, d’un côté, et ses institutions et ses représentants, de l’autre.
Ma chère collègue, j’ai eu l’impression que votre argumentation, mais peut-être n’ai-je pas été assez attentif, portait largement sur l’amendement n° 39.
Quoi qu’il en soit, je vais donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 37, même si je pense que vous avez défendu en même temps un autre amendement.
L’amendement n° 37 avait déjà été déposé en première lecture. Il vise à abaisser les seuils nécessaires pour soutenir une initiative référendaire en prévoyant que le Président de la République devrait soumettre la proposition de loi au référendum dans un délai d’un mois à compter de son dépôt.
Comme en première lecture, la commission a émis un avis défavorable sur ce dispositif, qui nous éloigne de l’équilibre trouvé par les deux assemblées en matière de seuils et qui n’est pas réaliste en termes de délai.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 38, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du 2° de cet article :
« Les modalités de sa présentation sont déterminées par une loi organique.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Aux termes du cinquième alinéa de l’article 3 bis, le Conseil constitutionnel contrôle le respect des modalités de l’initiative référendaire. Cela n’a pas de lien direct avec les seuils, monsieur le rapporteur !
Ainsi, ce qui est exigé dans le projet de loi constitutionnelle amendé par notre assemblée en première lecture, c’est un contrôle de constitutionnalité a priori, puisque celui-ci porte sur la régularité de l’opération dès la phase de recueil des signatures, comme l’a d’ailleurs confirmé Mme le garde des sceaux.
Une loi organique fixera les modalités de ce contrôle effectué par le Conseil constitutionnel. Cela permettra, a ajouté Mme le garde des sceaux, d’éviter toute dérive démagogique.
Je vous rappelle tout de même que, quand des valeurs fondamentales sont remises en cause, quand le populisme gagne du terrain, la responsabilité en incombe bien souvent aux représentants du peuple, au Gouvernement ainsi qu’aux candidats aux élections qui ne le combattent pas, voire qui le portent. Et c’est le contenu de la bataille idéologique qui est en jeu !
Quand un gouvernement et une majorité parlementaire tentent, par exemple, d’opposer les Français et les immigrés dans les différents volets de leur politique, tentent d’opposer ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas, d’opposer ceux qui ont un statut public et ceux qui ont un statut privé, alors, oui, on peut parler de populisme. D’ailleurs, c’est là que sont les risques.
Contrairement à ce qu’a affirmé le Premier ministre, à savoir que la majorité a gagné la bataille idéologique, il y a dans le peuple beaucoup plus de résistance sur le plan des luttes et sur le plan des idées.
Ajouter une nouvelle restriction à l’initiative populaire et donc au débat au sein du peuple n’a pas non plus d’objet. C’est pourquoi notre amendement reprend des modalités de cette initiative.
Nous ne partageons pas les craintes du groupe CRC sur le contrôle de constitutionnalité des initiatives référendaires, qui paraît au contraire une garantie essentielle pour encadrer la procédure d’initiative parlementaire et populaire et assurer sa crédibilité.
La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 39, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
4° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le référendum a conclu au rejet d'un projet de loi, tout nouveau projet de loi contenant des dispositions analogues ou autorisant la ratification d'un traité contenant des dispositions similaires à celles du traité ayant fait l'objet de la consultation, doit être soumis au référendum. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 3 bis est adopté.
L'article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 40, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« L'ensemble des emplois pourvus par le Président de la République est soumis à avis conforme d'une commission constituée des membres des deux assemblées du Parlement à la proportionnelle des groupes parlementaires, tels que mentionnés à l'article 51-1. Ces nominations doivent être approuvées à la majorité des trois cinquièmes. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Nous redéposons cet amendement à l’occasion de la seconde lecture, car il touche à un point essentiel de la révision constitutionnelle : le renforcement au Parlement du fait majoritaire au seul service de la majorité présidentielle.
Vous parlez de renforcement des droits du Parlement. Or il s’agit d’un renforcement du fait majoritaire. Cet article 4 est à lui seul porteur de ce tour de passe-passe que vous voulez nous faire accepter.
On voit bien que le Président de la République renforce sa mainmise sur les institutions par l’intermédiaire de la majorité présidentielle, qui lui doit tout, notamment depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier, qui soumet les élections législatives au scrutin présidentiel.
Quant à la majorité sénatoriale, elle cédera toujours, tant qu’elle conservera son mode de scrutin, qui lui permet de garder la majorité.
S’agissant des nominations de personnalités, depuis les travaux du comité Balladur, nous assistons également à un véritable tour de passe-passe.
D’une majorité devant approuver les nominations, c’est-à-dire avec l’accord de l’opposition, nous sommes parvenus à une majorité des trois cinquièmes pouvant refuser des nominations, c’est-à-dire, cette fois-ci, avec l’accord de la majorité.
D’un accord du Parlement en amont, nous sommes passés à un droit de veto, un de plus, accordé à la majorité. C’est donc de son accord ou de son refus que dépendra le rejet d’une nomination. On voit bien la signification de cette inversion…
La polémique, pleinement justifiée, autour de l’annonce de la nomination, dans le futur, du Président de France Télévisions par le Président de la République, est particulièrement significative à cet égard.
Où sont les garde-fous ? Où est le contrôle démocratique ? Que devient la transparence pourtant si chère sinon au Président du moins au candidat Sarkozy ?
Instaurer, comme le prévoit l’article 4, un veto aux mains de la seule majorité présidentielle pour contrecarrer une nomination du Président de la République montre bien que nous sommes – j’espère me tromper – à la veille d’un basculement institutionnel. C’est la raison pour laquelle nous défendons cet amendement.
L'amendement n° 98, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
avis public
rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :
d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes parlementaires. Cette commission statue à la majorité des trois cinquièmes. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Leurre, trompe-l’œil, faux-semblant, décidément ce texte nous permet d’enrichir constamment notre vocabulaire !
Comme vient de le rappeler Mme Borvo Cohen-Seat, les propositions du comité Balladur contenaient l’idée très intéressante que ces nominations devraient être faites après avis des trois cinquièmes d’une instance représentative du Parlement.
Cette idée simple avait pour conséquence évidente la nécessité de recueillir l’assentiment à la fois de représentants de la majorité et de l’opposition. Comme on a pu le constater récemment lorsque la commission des lois a donné un avis sur la nomination du contrôleur général des lieux de privation de liberté, c’est un système qui fonctionne.
Nous reprenons donc cette proposition novatrice dans notre amendement n° 98. Au reste, je ne vois pas comment on peut être en désaccord avec ce dispositif, même si je sais que la pseudo-commission mixte paritaire UMP-UMP a inversé les choses en décidant qu’il ne pourrait y avoir qu’un veto négatif.
Chacun l’aura compris, cela suppose que l’avis de la majorité et de l’opposition n’est plus requis de la même manière et que la majorité garde les prérogatives qui sont aujourd'hui les siennes.
Pour revenir au Président de la République dont il était question tout à l’heure, quand il nous annonce qu’il désignera le président de France Télévisions et que la publicité disparaîtra des chaînes publiques, ou quand il s’exprime sur la qualité des chaînes publiques, il est clair que nous sommes dans un système assez monocratique. Cela renforce naturellement le poids de nos amendements, qui visent à contrebalancer cette hyper-présidentialisation.
Comme il me reste peut-être encore une minute, …
… j’en profite pour dire que je regrette que l’on ait reproché à l’un de nos collègues de critiquer les propos du Président de la République.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ressentons tous du respect pour le Président de la République, d’abord pour l’homme et ensuite pour la fonction.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je rappelle, tout de même, qu’il y a eu des critiques à l’encontre d’anciens Présidents de la République ; je pense, par exemple, à François Mitterrand.
Monsieur le président, un ancien président du Sénat a parlé de forfaiture. Cela ne l’a pas empêché de rester président du Sénat.
Un autre sénateur a parlé de coup d’État permanent. Cela ne l’a pas empêché de devenir Président de la République !
Je demande tout simplement que le respect soit respecté, si vous me passez cette formule tautologique, c'est-à-dire que l’on ne pousse pas des cris d’orfraie parce que nous usons du droit qui est le nôtre de nous exprimer sur les propos de l’ensemble de nos concitoyens, y compris du Président de la République !
L'amendement n° 9, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :
au moins trois cinquièmes
par les mots :
la majorité simple
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement concerne le droit de veto contre les nominations du Président de la République.
La mise en place d’un contrôle parlementaire sur les nominations doit permettre une véritable prise en compte de l’opposition. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du présent projet de révision constitutionnelle.
Or exiger que la commission compétente émette un avis négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour pouvoir refuser une nomination souhaitée par le Président de la République revient à museler l’opposition.
Dans les faits, celle-ci n’aura aucun pouvoir pour peser sur les nominations. En réalité, le droit de veto ainsi créé est inapplicable.
L’idéal aurait été d’imposer le principe d’un vote positif à la majorité des trois cinquièmes.
À défaut, il aurait au moins fallu fixer un vote négatif à la majorité, voire à la minorité de blocage des deux cinquièmes des suffrages exprimés. C’est d’ailleurs ce que j’ai proposé au travers d’un autre amendement.
En l’état, une telle disposition ne servira à rien. En réalité, le contrôle exercé sera une chimère, car il sera tout simplement impossible d’obtenir une majorité des trois cinquièmes pour s’opposer à une nomination.
De deux choses l’une : soit on introduit des dispositions cosmétiques, qui n’ont pas beaucoup d’effet, soit on prend réellement en compte les droits de l’opposition.
C’est la raison pour laquelle je souhaite la suppression des mots « des trois cinquièmes» au profit d’un système de veto à la majorité simple.
La commission est défavorable à ces trois amendements, mais pour des raisons tout aussi diverses que les amendements eux-mêmes.
Nous sommes opposés à la mise en place d’un avis conforme. Instaurer une commission unique spécialisée risquerait d’entraîner une très forte politisation des nominations.
Une approbation à la majorité des trois cinquièmes risquerait de rendre très difficiles les nominations et de paralyser les institutions concernées, ce qu’a bien compris Mme Boumediene-Thiery comme en témoigne son amendement, même si j’y suis défavorable.
Un avis négatif, même consultatif, aura certainement un effet dissuasif. Ce n’est pas la peine de préciser « à la majorité ». Cependant, vous avez réfléchi sur ce sujet mieux que certains de vos collègues, madame Boumediene-Thiery !
Quant à l’amendement n° 98, il est heureux que l’on se rende compte aujourd'hui sur les travées du groupe socialiste que l’article 4 « donne moins de poids aux sénateurs qu’une commission mixte paritaire puisque ces derniers sont moins nombreux que les députés ». C’est bien ce que nous avions remarqué !
Comme les députés voulaient maintenir la réunion de deux commissions, nous avons fini par nous dire qu’il valait mieux que chaque assemblée donne son avis. Nous avons d’ailleurs une expérience en la matière avec le contrôleur général des lieux de privation de liberté.
C’est un bon exemple, et j’espère qu’il sera suivi de beaucoup d’autres.
C’était un avis positif et le Sénat a été unanime.
Mais l’avis négatif, de toute façon, rendra très difficile la nomination d’une personnalité. C’est là, j’en suis sûr, que réside le vrai pouvoir du Parlement.
La commission est donc défavorable, comme en première lecture, à ces trois amendements.
Nous souhaitons encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République – il s’agit tout de même d’une avancée réelle –, mais nous ne souhaitons pas le transférer au Parlement, au risque de déséquilibrer la Constitution de la Ve République.
Or, quelle que soit la solution ici proposée - majorité simple ou une approbation par les commissions parlementaires –, cela revient à transférer au Parlement le pouvoir de nomination du Président de la République, ce que nous ne souhaitons pas.
Encore une fois, nous souhaitons encadrer, mais non transférer !
Soumettre l’ensemble des nominations aux avis de la commission n’a pas de sens, notamment pour les emplois de l’administration – je pense aux directeurs des administrations centrales, aux préfets, aux recteurs.
C’est un lien entre l’administration et l’exécutif, et nous ne souhaitons pas soumettre ces nominations aux avis des commissions.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 40.
Je veux prolonger les propos de M. Sueur et faire une mise au point.
En première lecture, certains ont déjà essayé de faire pression sur les orateurs de l’opposition à propos de la même question. Ce n’est donc pas un fait isolé.
Si l’on ne peut pas parler d’ « agitation médiatique » dans cet hémicycle au sujet du Président de la République …
Mme la ministre nous a repris sur ce point !
Pourtant, on se tait, voire on participe, quand, quotidiennement, depuis une dizaine de jours, le Premier ministre, plusieurs ministres en exercice, le porte-parole de l’UMP, n’hésitent pas, pour caractériser une responsable de l’opposition, candidate à la présidentielle, de parler de poubelle, d’égout, invoquant une cellule d’aide psychologique, disant qu’elle a perdu la tête. Il y a donc bien deux poids, deux mesures !
Pour notre part, nous continuerons à ne jamais verser dans ce type d’insultes. Nous nous en tiendrons à des caractérisations politiques claires et parfois dures, sans jamais tomber dans l’injure !
Je suis véritablement honteux de la position de la commission des lois et du Gouvernement.
L’idée était intéressante de requérir, pour certaines nominations, un avis conforme d’une majorité qualifiée du Parlement, peu importe selon quelle modalité, qu’il s’agisse d’une commission mixte paritaire ou non.
Le principe était le suivant : le Parlement donne son accord à la majorité des trois cinquièmes.
Voilà que le Gouvernement a retourné la mesure et affirme qu’il faut une majorité dans le sens contraire. Cela n’est véritablement pas acceptable. C’est se moquer du monde !
J’insiste pour dire que nous avons honte de voir le Gouvernement faire cette proposition et les commissions du Parlement l’accepter. Il faut véritablement que nous arrivions à convaincre l’opinion publique que c’est se moquer du monde. Nous ne sommes plus dans une démocratie si l’on peut faire de telles propositions !
En commission, nous avions demandé un vote sur l’amendement n° 98. Il a été rejeté à dix-neuf voix contre seize !
Comment, non ? Je l’ai noté et j’ai le document sous les yeux, avec cette différence que, comme d’habitude, les membres de la majorité présidentielle de la commission disposaient chacun d’un pouvoir, alors que nous, nous n’en avions pas !
À la vérité, notre amendement aurait dû être adopté en commission.
Quoi qu’il en soit, nous continuons à soutenir l’idée que la commission doit statuer à la majorité des trois cinquièmes s’agissant des nominations dont il est question.
Chers collègues de la majorité sénatoriale et des groupes qui n’appartiennent pas à la majorité, mais qui votent comme elle, vous allez accepter que le Président de la République puisse nommer qui il voudra, à condition que 40 % de sa majorité le soutiennent.
C’est ce que cela signifie, 40 % des voix !
Vous allez également accepter que, finalement, dans cette affaire, le Sénat ait un rôle subalterne. Vu que nous sommes moins nombreux que les députés, cette façon de comptabiliser les voix fera que nous pèserons moins.
Avec 40 % des voix, le Président de la République pourra faire ce que bon lui semblera : pour une modernisation, c’est une sacrée modernisation !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
L'article 17 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 17. - Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 99, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
Cet amendement concerne l’article 17 de la Constitution et le droit de grâce. Il avait été adopté en première lecture par notre assemblée. Je ne fais donc que reprendre la position qui avait été celle du Sénat, laquelle n’était d’ailleurs pas initialement la position du groupe socialiste !
Je rappelle que cet amendement avait été adopté contre l’avis de la commission des lois et contre celui du Gouvernement, et que nous nous étions ralliés à l’argumentation et au libellé de M. Nicolas Alfonsi.
Sur le problème du droit de grâce, et sans refaire la discussion, je ferai simplement quelques remarques.
Que l’actuel président de la République n’utilise pas le droit de grâce collective, on ne saurait le lui reprocher. Le droit de grâce est par définition exorbitant, c’est un privilège dont nous connaissons l’histoire et qui est aujourd’hui entre les mains du chef de l’État. Celui-ci peut donc en faire l’usage qu’il souhaite et accorder des grâces individuelles comme des grâces collectives.
L’argument présenté nous semblait ô combien judicieux : en quoi est-ce moderniser les institutions que de priver les successeurs de l’actuel Président de la République - même si cela doit vous bouleverser ou vous décevoir, je pense en effet qu’il aura des successeurs - du droit de grâce collective ou d’obliger à une nouvelle révision de la Constitution pour le rétablir ? Vouloir conditionner le sort de ses successeurs, n’est-ce pas là l’expression d’une attitude très dominante, pour dire le moins ?
Or comment être certains que nous n’aurons pas besoin, ultérieurement, dans d’autres circonstances, de recourir à ce droit de grâce collective ? Qu’est-ce qui nous garantit aujourd’hui que, pour l’unité de la Nation, ce ne sera pas à un moment nécessaire ?
Et je ne parle par là, madame le garde des sceaux, de la politique carcérale.
Je laisse ce problème de côté et je me contente de reprendre l’argumentation à laquelle nous étions nombreux à avoir souscrit à l’issue de notre débat, puisque cet amendement avait été adopté à une très large majorité.
Je souhaite donc que, sur ce point, le Sénat revienne à la position qui était initialement la sienne. Je n’ai en effet trouvé aucun argument qui puisse me convaincre de revenir aux seules grâces individuelles et donc de priver les Présidents de la République futurs d’une possibilité qu’il peut être utile de préserver dans l’intérêt de tous.
L'amendement n° 41, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 17 de la Constitution par les mots et une phrase ainsi rédigée :
après avis des bureaux du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Conseil supérieur de la magistrature. Sa décision est contresignée par le Premier ministre et le garde des sceaux.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait la suppression des grâces collectives, comme cela vient d’être dit, les grâces individuelles étant soumises à l’avis préalable d’une commission dont la composition était renvoyée à une loi ultérieure.
En supprimant l’article 6, la majorité de notre assemblée, qui paraît avoir changé d’avis, revenait à la rédaction de l’article 17 de la Constitution.
L’Assemblée nationale a réintroduit la grâce individuelle, mais elle refuse la commission. Nous sommes, quant à nous, assez favorables dans le principe à l’abandon des grâces collectives, pouvoir personnel du Président de la République et moyen détourné de désengorger les prisons.
D’ailleurs, la suppression brutale de cette tradition en juillet 2007 a mis en évidence la situation de nos prisons pléthoriques, qui perdure en 2008, puisque les mêmes causes produisent les mêmes effets et que la loi pénitentiaire est comme l’Arlésienne : on en parle beaucoup, mais on ne la voit pas !
Par cet amendement, nous voulons donc encadrer le pouvoir conféré au Président de la République de prononcer une grâce, en l’occurrence individuelle. Il ne pourrait le faire qu’après avoir pris l’avis des bureaux du Sénat, de l’Assemblée nationale et du CSM.
Vous nous avez reproché, monsieur le rapporteur, madame le garde des sceaux, la lourdeur de cette procédure. Nous entendons cet argument. Toutefois, le droit de grâce ne peut évidemment être qu’un ultime recours. C’est précisément pour éviter toute dérive que nous voulons l’encadrer avec l’intervention d’une commission dont la composition doit, à l’évidence, être prévue d’avance et garantir sa nature juridique.
Je vous rappelle que le CSM était consulté sur les recours en grâce des condamnés à mort, donc bien avant la révision constitutionnelle de 1993. On n’en est plus là, fort heureusement. La suppression de la peine de mort n’a pas empêché le comité Balladur de proposer que le Président de la République soit assisté d’une commission et il me paraît logique de prévoir la consultation du CSM puisqu’il s’agit, sur le fond, de revenir sur une peine fixée par décision de justice.
J’ajoute que notre rapporteur, en première lecture, avait insisté sur le fait que l’avis d’une commission « permettra d’éclairer sa décision » - celle du Président de la République - de façon plus collégiale que ne le fait aujourd’hui un chef du bureau des grâces de la Chancellerie ». Aujourd’hui, tout cela est devenu inutile, ce qui est assez regrettable.
Concernant les grâces collectives, il me semble que vous pourriez être plus pertinents sur le sujet si l’on ne se trouvait pas effectivement dans l’obligation de désengorger les prisons. Cette mesure totalement arbitraire a quand même le mérite d’empêcher que les prisons n’explosent !
Tout d’abord, il faut quand même rappeler que la commission de lois, en première lecture, avait proposé la suppression des grâces collectives.
Ensuite, il est vrai que le Sénat a décidé de laisser en l’état le dispositif des grâces, tant individuelles que collectives. Mais le débat a continué, ce qui est bien normal. Nous avions souhaité la suppression des grâces collectives, l’Assemblée nationale l’a fait.
Dans le texte qu’elle nous a transmis, seules demeurent les grâces individuelles, qui paraissent à tous indispensables. Personne ne veut supprimer les grâces individuelles, on le sait très bien. Dans certains cas, le Président de la République peut, comme l’y autorise sa fonction, accorder le pardon pour diverses raisons.
En revanche, il n’est pas apparu indispensable de faire figurer dans la Constitution la commission envisagée. Rien n’interdira d’ailleurs de créer une commission ad hoc, mais peut-être n’est-il pas nécessaire de tout inscrire dans la Constitution, comme on a trop tendance à le faire. Nos collègues de l’opposition proposent d’ailleurs régulièrement d’y faire figurer des dispositions qui n’ont pas lieu d’y être.
Le Gouvernement avait prévu de supprimer les grâces collectives et d’instituer une commission. À la suite du débat qui a eu lieu au Sénat puis à l’Assemblée nationale, les grâces collectives ont été supprimées et la commission ne figure plus dans la Constitution.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 99.
Tout d’abord, s’agissant des grâces collectives, je souligne que l’on peut en avoir besoin. Je rappellerai le combat de Victor Hugo pour obtenir la grâce des condamnés, après la Commune. Ce qui s’est passé hier peut se reproduire demain.
On peut d’autant plus avoir besoin de grâces collectives que les prisons sont, comme vous le savez, surchargées. De temps en temps, une grâce collective peut contribuer à rendre la vie dans les prisons plus supportable.
Quant au droit de grâce individuelle, nous savons tous qu’il peut être absolument nécessaire, quel que soit le Président de la République. Cela peut permettre de régler des problèmes particuliers. En tant qu’avocat j’ai fréquemment demandé et obtenu des mesures de grâce qui permettaient, par exemple, que ne soit pas renvoyée dans son pays d’origine une personne qui avait passé presque toute sa vie en France, et qui, ainsi, a pu continuer à y vivre.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 41.
Il arrive que nous ne soyons pas d’accord avec nos amis du groupe CRC ; c’est le cas en ce qui concerne cet amendement. Nous ne le voterons donc pas.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
L'amendement n° 100, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement portant article additionnel vise à interdire le cumul de la fonction ministérielle avec tout mandat électif.
Dans la proposition n° 18 du comité Balladur, il est écrit : « rien ne justifie […] qu’un ministre ne se consacre pas exclusivement à sa tâche ».
Dans sa lettre de mission au Premier ministre, le chef de l’État se dit favorable à cette proposition, qui vise à interdire le « cumul d’une fonction ministérielle avec tout mandat électif, à tout le moins avec tout mandat exécutif. »
Plus récemment, Mme le garde des sceaux a déclaré : « Le Gouvernement n’est pas favorable à l’interdiction pure et simple. Distinguer selon la taille des communes ne lui paraît pas plus pertinent. Les maires des petites communes sont très sollicités : ils ne peuvent s’appuyer, comme les maires des grandes villes, sur une administration ».
Conclusion ? On ne fait rien et l’on se retranche derrière le choix des électeurs !
Jacques Chirac, qui fut pourtant un grand artiste en matière de cumul – il a, je crois, cumulé tout ce qu’il était possible de cumuler -…
M. Chirac est un ancien Président de la République ; M. Hollande, lui, est député, et il cumule !
Les fautes des uns ne justifient pas celles des autres !
Jacques Chirac avait imposé, après sa réélection, en 2002, la même règle que Lionel Jospin à ses ministres en leur demandant de se défaire de leurs mandats exécutifs locaux : quatorze membres du Gouvernement sur vingt-neuf avaient dû obtempérer.
Revenu au Gouvernement en 2005, Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs refusé d’abandonner la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine. Sa propre pratique ne l’y incitant guère, devenu Président de la République, il ne demandera pas à ses nouveaux ministres de renoncer à leurs mandats locaux. Une fois élu, l’un de ses premiers actes politiques a été d’encourager les ministres à conserver leurs fonctions exécutives locales : en mars 2008, vingt et un ministres se sont présentés, dont onze comme têtes de liste, donc fortement engagés dans la bataille électorale.
L'amendement proposé interdit donc le cumul des fonctions de ministre avec toute fonction élective. Inscrire dans la Constitution cette interdiction est non seulement une évidence mais même une urgence, compte tenu des responsabilités qui pèsent sur les élus locaux du fait du développement croissant de la décentralisation.
Aujourd'hui, l'incompatibilité qui interdit le cumul des fonctions de ministre avec le mandat de député et de sénateur devrait être élargie à tous les mandats électifs. Les responsabilités exercées au niveau local sont en effet devenues, par leur poids, tout à fait comparables à celles des mandats parlementaires.
Comme l'a souligné Robert Badinter : « Quand on est ministre de la République, ce qui est un grand honneur, les citoyens considèrent avec raison que l'on doit tout son temps au Gouvernement de la France et que l'on ne peut se consacrer, en même temps, à telle ou telle fraction du territoire national. »
Cette interdiction vaudrait d'autant plus que le présent projet de loi réclamera – cela fait partie des objectifs affichés - une présence accrue des ministres au Parlement, lesquels ministres seront donc beaucoup plus souvent avec nous pour répondre à nos questions !
Cette question a déjà été évoquée en première lecture, avec un avis défavorable que nous maintenons.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 24. - Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques.
« Il comprend l'Assemblée nationale et le Sénat.
« Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct.
« Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
« Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. »
Je souhaiterais préciser un certain nombre de points concernant le dernier alinéa du présent article, relatif à l’élection des députés représentant les Français établis hors de France. Je le ferai notamment à la lumière du débat qui est intervenu à l’Assemblée nationale le 8 juillet dernier.
Lors de la première lecture du présent projet de loi constitutionnelle, j’avais défendu, avec mes collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France, la création d’une telle représentation parce qu’elle est conforme à notre conception d’une citoyenneté pleine et entière de nos compatriotes qui sont seulement éloignés physiquement de la terre métropolitaine et qui ne sont aujourd’hui représentés qu’au Sénat.
Notre idéal est d’évoluer vers une représentation complète et ne se satisfait pas de ce qu’il faut bien appeler une « demi-citoyenneté ».
C’est une avancée importante qui est attendue par des centaines de milliers de Français de l’étranger, une reconnaissance de leur participation complète à la vie de la nation. Cette idée est portée depuis longtemps par les principaux partis politiques, par les candidats à la dernière élection présidentielle et par l’Assemblée des Français de l’étranger, et a d’ailleurs reçu un accueil favorable de notre Haute Assemblée.
Cependant, il s’est trouvé à l’Assemblée nationale un groupe de députés, de la majorité mais aussi - vous comprendrez combien cela me blesse - de l’opposition, assez ignorants de la réalité de l’expatriation pour défendre la suppression de cette représentation.
Je voudrais ici répondre à certains de leurs arguments erronés, faibles, et parfois même méprisants.
Si, je maintiens, méprisants !
Tout d’abord, affirmer que les Français expatriés sont inscrits sur les listes électorales des communes de métropole et peuvent donc voter aux élections législatives, c’est ignorer qu’une grande partie d’entre eux ne peuvent participer à l’élection des députés en France métropolitaine soit parce qu’ils ne sont pas inscrits, soit parce qu’ils ne trouvent pas de mandataire. En effet, beaucoup de nos compatriotes se sentent moins concernés par les scrutins locaux et ne s’inscrivent plus dans leur commune d’origine ou ne renouvellent plus leur inscription. Quant aux deux cent mille Français de l’étranger qui sont inscrits sur les listes communales, ils ont souvent de grandes difficultés matérielles pour voter par procuration.
Les députés sont censés représenter la Nation tout entière, et il n’y a aucune raison d’en exclure une partie - 2, 5 millions de Français vivant à l’étranger - en déléguant leur représentation aux députés de Corrèze, de Gironde, de l’Isère, du Nord, du Val-de-Marne, pour ne citer que les départements des principaux adversaires de cette disposition.
Une fois élus par les Français établis hors de France, ces nouveaux parlementaires représenteront non pas une fraction spécifique de la population française, mais bien l’ensemble de la Nation, comme c’est le cas pour les députés de France métropolitaine. Refuser une représentation parlementaire à ces compatriotes a quelque chose de méprisant. Cela rappelle les positions colonialistes de certains qui refusaient la citoyenneté à ceux que l’on appelait alors « les indigènes ».
L’absence de représentation à l’Assemblée nationale est un handicap très sérieux pour nous : non seulement personne n’y relaie nos problèmes, nos difficultés, nos propositions, mais, en outre, peu nombreux sont les députés qui s’en préoccupent, et rares sont ceux qui soutiennent nos idées et nos propositions. En règle générale, ils ne les comprennent même pas !
Nous avons de multiples exemples de décisions fâcheuses comme la suppression de notre droit de vote aux élections européennes. Il est donc urgent pour nous d’avoir une représentation à l’Assemblée nationale.
Mais le diable est dans les détails, comme disent les Allemands, en l’occurrence, dans les modalités.
Les craintes viennent du fait que ces sièges de député seront pris sur les cinq cent soixante-dix-sept que vous voulez inscrire dans le marbre de la Constitution. Cela sent la manœuvre et rend suspect le reste de l’opération. C’est ce qui explique nos craintes légitimes, non pas tant sur le principe que sur les modalités de mise en œuvre.
L'amendement n° 42, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
et contrôle l'utilisation des fonds publics par les entreprises privées
La parole est à M. Robert Bret.
L’argent public est une denrée suffisamment rare et précieuse, comme l’a rappelé il y a un instant notre collègue Alain Lambert, pour que le Parlement - expression de la souveraineté populaire - en suive au plus près l'utilisation.
Quand il s'agit de se poser la question de l'efficacité des dépenses publiques, force est de constater que, pour l'heure, l'investigation n'est pas menée à son terme.
En ce qui concerne les crédits des missions et programmes budgétaires, il n’y a pas de problème. Nous avons tout le loisir, lors de la préparation des lois de finances, de procéder à la vérification de l'engagement des crédits publics, tout en devant constater, bien souvent - ce n'est pas pour nous surprendre, nous qui étions opposés à la LOLF -, que les indicateurs de performance choisis sont, sinon inadaptés, souvent très imparfaits.
Pour autant, la dépense publique recouvre aussi des champs peu explorés, et parmi eux, ceux de la dépense fiscale et de la dépense dédiée. Par exemple, alors que la mission « Travail et emploi » mobilise 13 milliards d'euros de crédits, plus de 30 milliards d’euros sont dépensés, dans une structure dédiée et moyennant affectation de recettes fiscales, pour alléger les cotisations sociales des entreprises.
Tandis que certains glosent sur les chômeurs qui profiteraient scandaleusement de leurs allocations, des milliards tombent chaque année dans les caisses des entreprises, pour un résultat somme toute improbable. Un simple fait pourrait motiver le Parlement à s'interroger là-dessus : on a fait des exonérations de cotisations sociales le véhicule de la politique d'aide aux entreprises face à la mondialisation de l’économie et à la concurrence déloyale des pays à bas coût de main-d'œuvre. Le résultat en est que ce sont les entreprises les moins exposées à la concurrence internationale - les géants de la distribution, par exemple - qui profitent le plus du dispositif d'allégement en vigueur, alors même qu’elles ne sont parfois pas les dernières à jouer de la mondialisation.
Ces entreprises creusent notre déficit extérieur, prennent leur part dans les suppressions d'emploi chez leurs fournisseurs et, par-dessus le marché, touchent le produit des exonérations de cotisations sociales !
Cet exemple - nous pourrions en trouver d'autres - montre nettement la nécessité de procéder à un contrôle parlementaire de l'utilisation de l'argent public. Ce qui est vrai pour les exonérations de cotisations sociales - rapprochez les 30 milliards d’euros en question du déficit budgétaire - l'est aussi pour les allégements de taxe professionnelle, ceux de l'impôt sur les sociétés, et j'en passe.
Un contrôle parlementaire effectif de l'utilisation des fonds publics par les entreprises se fonderait sur des principes simples. Combien cela coûte-t-il ? Combien d'emplois en échange de l'engagement des crédits publics ? Quel développement de l'activité ? En clair, le jeu en vaut-il la chandelle, ou faut-il procéder à une réaffectation de l'argent public, si tant est qu'il soit gaspillé ?
C'est sur le fondement de ces principes que nous vous demandons d'adopter cet amendement n°42.
Le Parlement, aidé par la Cour des comptes, peut déjà en pratique opérer un tel contrôle qui est l’un des aspects de l’évaluation des politiques publiques.
Avis défavorable !
De fait, monsieur Robert Bret, si l’article 24 est voté, vous aurez satisfaction sans qu’il soit besoin d’intégrer dans la Constitution une disposition qui n’y a pas sa place.
Avis défavorable !
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 43, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :
, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept,
II. - Dans le quatrième alinéa du même article, supprimer les mots :
, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit,
La parole est à M. Robert Bret.
Loin d’être arithmétique, l'effectif de chaque assemblée est une question politique. Elle l'est d'autant plus que le Gouvernement prépare, dans le plus grand secret, sans aucun souci de transparence, des réformes des modes de scrutin, pour les élections régionales en particulier, mais on sait qu’une réflexion est aussi en cours pour les législatives.
Ces réformes des modes de scrutin s'accompagneraient, bien entendu, d'un redécoupage des circonscriptions électorales, qui pourraient faire l’objet de marchandages à l’occasion de cette révision constitutionnelle.
M. Sarkozy est donc en train de faire du « sur-mesure » pour tenter de reconquérir le terrain perdu au niveau local et assurer sa domination sur l'Assemblée nationale. Il est pour le moins étonnant, du point de vue purement intellectuel et logique, de préconiser de renforcer les droits du Parlement en en limitant l'effectif ad vitam aeternam. Pourquoi ne pas lui laisser la possibilité d'ajuster ses propres effectifs au fil de l'histoire et des évènements sans avoir à modifier la Constitution à chaque fois ?
Le cas de l'Assemblée nationale est plus préoccupant, puisque l'effectif en sera limité au moment même où sont créés des sièges de député représentant les Français de l'étranger - le sujet a été abordé précédemment. Il faudra donc redécouper les circonscriptions en supprimant des sièges reposant sur une réalité territoriale.
Qui a pu ignorer que des premières pressions ont eu lieu à l'occasion de cette révision pour obtenir des votes positifs en mettant un redécoupage favorable ou non dans la balance ? Cette disposition fort démagogique ne répond à aucune exigence démocratique ou politique Elle favorise les manœuvres dans le cadre des redécoupages à venir.
Nous proposons donc de supprimer l'inscription de la limitation des effectifs des assemblées dans la Constitution.
L'amendement n° 101, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :
, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept,
L'amendement n° 102, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :
, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit,
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter ces deux amendements.
Les deux amendements sont d’inspiration totalement identique à celui que vient de présenter Robert Bret pour le groupe CRC. Nous avons déjà eu ce débat ; je souhaite donc simplement rappeler notre hostilité au principe d’une inscription dans la Constitution des effectifs respectifs des deux assemblées.
Il ne nous semble pas judicieux de constitutionnaliser le nombre de députés et de sénateurs, parce que, là encore, c’est rendre à l’avenir toute évolution particulièrement lourde. Si les évolutions démographiques, positives ou négatives, devaient nous amener à revoir cet élément, nous serions obligés de faire une révision constitutionnelle, ce qui est excessivement complexe.
Surtout, ces chiffres de cinq cent soixante-dix-sept et de trois cent quarante-huit n’ont aucune justification si ce n’est de consacrer les effectifs existant aujourd’hui, au moment où le Sénat a fait son « auto-réforme », dont il se glorifie. Quelle aurait été son attitude s’il n’avait pas pu ajuster le nombre de ses sièges en fonction de la démographie, comme il l’a fait à l’époque ?
Enfin, je voudrais revenir sur l’intervention de Richard Yung, qui dépasse l’approche des seuls représentants des Français établis hors de France.
À partir du moment où l’on bloque à cinq cent soixante-dix-sept le nombre des députés tout en introduisant un nombre aujourd’hui indéterminé de députés représentant les Français de l’étranger, alors que le Conseil constitutionnel a déjà fait valoir, à juste titre, que les circonscriptions n’ont pas été redécoupées depuis longtemps, que les inégalités démographiques sont trop fortes et qu’il faut donc tendre vers plus de justice et d’égalité, tant que faire se peut, dans la délimitation des circonscriptions, on voit bien que l’ensemble de ces éléments va peser, en termes de représentation, sur les circonscriptions urbaines. Nous savons tous ce que cela signifie politiquement…
Il nous semble donc que le problème des députés représentant les Français de l’étranger est posé dans de mauvaises conditions par le Gouvernement quand il veut les intégrer aux cinq cent soixante-dix-sept existants. Ce n’est pas ainsi que l’on crée le climat de sérénité nécessaire, ce qui condamne le redécoupage projeté à s’effectuer dans la suspicion et l’opacité la plus totales.
Nous retrouvons le même débat qu’en première lecture : ces amendements tendent à revenir sur l’instauration d’un nombre maximal de parlementaires et sur l’inscription de ce nombre dans la Constitution.
J’avais expliqué longuement pourquoi je trouvais, au contraire, que ce plafond était vertueux et avait le mérite de rendre plus difficile l’ajustement à la hausse de ce nombre. Il s’agit d’un plafond, c'est-à-dire que l’on peut toujours réduire le nombre de parlementaires !
Je n’ai pas changé d’avis, pas plus que l’Assemblée nationale. Cette mesure répond, j’en suis sûr, aux attentes de l’opinion, qui ne comprend pas forcément la nécessité d’autant de sièges de parlementaires. D’ailleurs, si l’on compare notre situation avec celle de beaucoup d’autres pays, nous nous situons dans la fourchette haute. Cet effectif doit largement suffire pour assumer les fonctions.
La commission a donc rendu un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. Bret comme M. Frimat savent bien que l’inscription dans la Constitution du nombre maximal de députés et de sénateurs n’était pas prévue par le texte initial du Gouvernement.
Un vrai débat s’est déroulé à l’Assemblée nationale : celle-ci a souhaité fixer un nombre maximal de députés, sans se prononcer sur le nombre de sénateurs. Le Sénat a établi lui-même, par la suite, le nombre maximal de ses membres à trois cent quarante-huit.
En vérité, comme vient de le dire M. le rapporteur, la fixation d’un nombre maximal de parlementaire a été retenue dans une quinzaine de pays tout à fait comparables au nôtre, sans que l’on puisse dire que le Parlement n’y est pas respecté !
M. Frimat a abordé un élément qui ne figure pas dans le texte du projet de loi, en évoquant le problème du redécoupage des circonscriptions législatives. Je vous rappelle que nous ne le faisons pas selon notre bon vouloir mais parce que le Conseil constitutionnel nous l’impose, puisque le découpage actuel remonte à 1986, donc à vingt-deux ans !
À l’époque, notre pays comptait à peu près cinquante-huit millions d’habitants, donc chaque circonscription représentait en moyenne 100 000 habitants. La population étant passée à soixante-quatre millions, cette moyenne devrait s’établir autour de 111 000 habitants.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Naturellement, une commission indépendante sera associée à ce découpage
Riressur les travées du groupe CRC,
L’avis du Gouvernement est donc défavorable
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l’amendement n° 43.
Je faisais observer à M. le secrétaire d’État que Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui n’élisaient pas de députés auparavant, en éliront désormais parce que la majorité actuelle l’a voulu !
Saint-Pierre-et-Miquelon ne compte que 5 000 habitants et élit un député depuis longtemps !
Dieu merci, nous discutons pour rien, puisque cette révision ne sera pas adoptée à Versailles…
Mais il faut bien admettre qu’inscrire dans la Constitution le nombre maximal de députés et de sénateurs présente des avantages et des inconvénients.
L’avantage, c’est qu’il s’agit d’un maximum. Or nous avons déjà trop de parlementaires, c’est évident. Oui, mes chers collègues, nous avons trop de députés et trop de sénateurs. Si l’on ne retenait que ceux qui travaillent, cela suffirait sans doute !
Sourires
Cela étant, si l’on inscrit ces chiffres dans la Constitution, on risque de ne pas pouvoir réduire les effectifs. Or, je viens de le dire, cette réduction est nécessaire.
Jusqu’où aller ? Aux États-Unis, par exemple, il y a cent sénateurs, pas un de plus…
Vous me direz que c’est un État fédéral, ce qui n’est pas le cas de la France !
Il est donc inutile d’évoquer dans la Constitution le nombre maximal de députés ou de sénateurs, d’autant plus que, vous le dites vous-même, monsieur le secrétaire d’État, si on augmente le nombre de sièges d’une catégorie, il faudra le diminuer pour d’autres ! Cela ne paraît pas souhaitable. Nous avons connu des précédents en matière de découpage électoral : notre collègue Pasqua était passé maître en la matière et nous ne doutons pas que vous ayez les mêmes qualités dans ce domaine, c’est-à-dire les mêmes défauts !
Sourires
Dans ces conditions, nous pensons qu’il n’y a pas lieu de mentionner ces chiffres dans la Constitution.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 12, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 24 de la Constitution par deux phrases ainsi rédigées :
Un dixième d’entre eux au moins sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle intégrale, dans les conditions prévues par une loi organique. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
L’injection d’une dose de proportionnelle aux élections législatives renvoie à la représentation pluraliste des opinions.
L’article 1er que nous avons voté est, de ce point de vue, insuffisant : M. Mercier tenait d’ailleurs une pépite entre ses mains, car c’est par son intermédiaire qu’aurait pu trouver place dans notre Constitution le principe d’une représentation proportionnelle des courants et partis politiques dans nos assemblées. Les tractations qu’il a menées auraient dû déboucher sur la reconnaissance au moins du principe, puisque le Gouvernement s’évertue à nous dire que le mode de scrutin ne relève pas de la Constitution.
L’espoir d’inscrire, de manière indirecte, la proportionnelle dans la Constitution nous amène donc à redéposer cet amendement.
Aujourd’hui, le mécanisme du scrutin majoritaire a pour effet pervers de ne pas garantir l’égalité du suffrage. Il empêche l’expression du pluralisme, dans la mesure où il favorise l’émergence des plus grands partis au détriment des plus petits.
La justice électorale devrait nous guider vers une meilleure représentation des opinions que seul le scrutin proportionnel permet d’atteindre réellement.
Il est donc urgent de donner à certaines forces politiques une meilleure représentation à l’Assemblée nationale et de mettre un terme à un système qui, jusqu’à présent, conforte de manière inique le bipartisme et empêche la diversité de faire son entrée au Palais-Bourbon.
Vous qui, jusqu’à aujourd’hui, avez pris plaisir à invoquer les exemples étrangers, je vous rappelle que l’adoption de cet amendement nous permettrait de nous aligner sur de nombreux pays européens qui ont déjà adopté une telle formule.
L’amendement n° 103, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 24 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Un dixième d’entre eux sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Il existe au moins deux raisons d’instiller un peu de proportionnelle dans le mode d’élection des députés.
J’ai eu l’occasion d’exposer tout à l’heure la première de ces raisons. Une des explications du blocage de notre Constitution, c’est que, faite pour fonctionner avec des majorités faibles, elle fonctionne avec des majorités en béton ! Comme vous le savez, ce qui était une majorité parlementaire est désormais une majorité présidentielle. L’instillation d’une part de proportionnelle fournirait l’occasion de desserrer l’étau, de séparer légèrement majorité parlementaire et majorité présidentielle, ce qui permettrait à notre Constitution de fonctionner et de respirer un peu mieux.
La deuxième raison, vous la connaissez : il s’agit d’assurer une meilleure adéquation entre la représentation de l’opinion et la représentation parlementaire. C’était d’ailleurs l’avis du comité Vedel qui, en son temps, avait proposé que, outre les députés élus au scrutin majoritaire à deux tours, un dixième d’entre eux soient élus à la représentation proportionnelle. Tel est d’ailleurs l’objet de notre amendement.
On nous dit que ces dispositions n’ont pas à figurer dans la Constitution car elles l’alourdiraient inutilement. Encore une fois, prévoir dans la Constitution que le mode d’élection doive permettre de refléter l’opinion publique ne me paraît pas particulièrement inutile. Pas plus inutile, en tout cas, que d’y faire figurer le nombre maximal de députés ou de sénateurs, pas plus inutile non plus que les magnifiques articles de la Charte de l’environnement.
Rires sur les travées du groupe CRC.
À titre de rappel, permettez-moi de vous en lire deux. Selon l’article 6 : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ». Avec cela, débrouillez-vous pour rédiger des lois !
Selon l’article 9 : « La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement. » Si vous cherchez des dispositions bizarres et inutiles dans la Constitution, vous les avez trouvées !
En revanche, il nous semblerait tout à fait sain et utile de prévoir dans la Constitution que notre mode de représentation reflète le mieux possible la diversité des opinions des Français.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, vous faites les questions et les réponses, et cela m’évitera de trop longs commentaires !
Sourires
Premièrement, les modes de scrutin n’ont en effet pas à figurer dans la Constitution. Cela n’a jamais été le cas. Autrement, les réformes opérées à certaines époques n’auraient pas été possibles, je vous le rappelle.
Deuxièmement, la tradition républicaine veut qu’une assemblée ne s’occupe pas du mode d’élection de l’autre.
De fait, en 1958, un vrai débat a eu lieu lors de la rédaction de la Constitution. Fallait-il, oui ou non, y inscrire le mode de scrutin ? La décision a été prise de ne pas l’inscrire et a fait l’objet d’un accord global entre les représentants de la mouvance de gauche, illustrée par Guy Mollet, et l’entourage du général de Gaulle.
Depuis cinquante ans, on ne peut pas dire que ce choix ait eu des conséquences dommageables, puisqu’il a au contraire permis notamment, pendant le premier septennat de François Mitterrand, au gouvernement de gauche d’instaurer la représentation proportionnelle sans avoir à réviser la Constitution.
Chacun peut le comprendre, inscrire le mode de scrutin dans la Constitution, par exemple en y intégrant une disposition prévoyant que 10 % des députés seraient élus à la représentation proportionnelle, obligerait un gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, à réviser la Constitution s’il souhaite modifier le mode de scrutin.
Or, une modification de la Constitution est un acte extrêmement lourd – la révision actuelle en est l’exemple –, qui prend beaucoup de temps. C’est pourquoi votre proposition ne correspond ni aux souhaits des constituants de 1958 ni à ceux des différents gouvernements qui se sont succédé, quelle que soit leur couleur politique.
Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous faire observer que, en 1958, les constituants n’avaient pas non plus décidé que le Président de la République serait élu au suffrage universel.
Votre argument me paraît donc un peu faible, tout comme celui sur la facilité qu’apporte le fait de ne pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. Mais alors, pourquoi inscrire dans cette dernière le nombre de députés et de sénateurs ?
M. le secrétaire d’État nous dit qu’il ne faut pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. Les Anglais, eux, n’ont pas de Constitution, et tout se passe pourtant comme s’ils en avaient une qui prévoyait à tout jamais, comme mode de scrutin, le scrutin majoritaire à un tour. Le résultat, c’est que, de temps en temps, les travaillistes sont majoritaires alors qu’ils ont moins de voix que les conservateurs, ou l’inverse. C’est peut-être déjà un avantage.
Pour moi, une pincée de proportionnelle, cela ne suffit pas. Je souhaiterais une proportionnelle intégrale…
Selon lui, la proportionnelle a des inconvénients lorsque l’assemblée ainsi élue peut renverser le Gouvernement, ce qui n’est pas le cas pour le Sénat. Pourquoi donc ne pas élire ce dernier à la proportionnelle intégrale ?
On lui rétorquait que l’opinion publique ne comprendrait pas qu’on accorde le dernier mot dans la procédure parlementaire à l’Assemblée nationale qui ne serait pas élue à la proportionnelle intégrale. Il répondait que cette dernière serait obligée de tenir compte de la position adoptée par le Sénat.
Même si je sais que la Constitution ne sera pas révisée sur ce point cette fois-ci tant il y a déjà de choses nombreuses et confuses, je tenais à rappeler cette idée d’Olivier Duhamel, qui me paraît bonne et intéressante.
Sourires ironiques sur les travées de l ’ UMP.
Étant à titre personnel favorable à la proportionnelle, et donc très minoritaire au sein de l’UMP, j’ai eu pendant un moment la tentation de voter ces amendements, d’autant plus qu’un rapide calcul me prouvait que mon vote n’aurait en tout état de cause rien changé.
Mais, monsieur Dreyfus-Schmidt, les explications que vous avez apportées m’ont finalement convaincu du contraire, et ce pour la raison suivante. Vous proposez que 10 % des députés soient élus à la représentation proportionnelle, mais vous n’évoquez pas la façon dont seront élus les autres membres de l’Assemblée nationale, ce qui est pourtant très important. Pour ma part, et dans la lignée de Raymond Marcellin ou d’Édouard Balladur, je suis favorable au scrutin majoritaire à un tour, compensé par une dose de proportionnelle.
Mais si nous ouvrons véritablement le débat sur ce sujet, nous devrons alors le traiter dans son intégralité. Or tel n’est pas l’objet de cette réforme de la Constitution. Il me paraît donc raisonnable de suivre M. le secrétaire d’État, et de ne pas aborder cette question aujourd'hui.
Je partage les vues exprimées par mes collègues qui ont défendu ces amendements. J’ai entendu M. le secrétaire d’État nous dire qu’il avait été décidé en 1958 de ne pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution. Certes, mais puisque nous révisons la Constitution, nous pouvons très bien décider du contraire !
Il y a bien un problème que vous ne voulez pas du tout aborder : la simple mention du fait que le Sénat représente les collectivités territoriales « en tenant compte de la population » vous hérissait à tel point que vous vous êtes empressés de supprimer cet ajout !
Or, l’adoption d’une telle disposition revenait non pas à inscrire le mode de scrutin dans la Constitution, mais tout simplement à prévoir qu’une assemblée est représentative de ceux qui l’élisent, ce qui paraît tout à fait normal dans une démocratie. Il en est de même pour l'Assemblée nationale, sujet que vous ne voulez pas non plus aborder.
Pendant la campagne présidentielle, plusieurs candidats, dont le Président de la République, s’étaient engagés à introduire une dose de proportionnelle à l'Assemblée nationale. Le comité Balladur avait lui aussi suggéré cette proposition et formulé le souhait que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction de leur population ».
Je ne comprends donc pas le blocage à cet égard, alors que les propos que j’ai repris des uns et des autres datent non pas de 1958, mais de la dernière campagne présidentielle !
Même si vous ne voulez pas inscrire le mode de scrutin dans la Constitution, vous pourriez envoyer un signe montrant que vous n’êtes pas fermés sur le sujet : vous pourriez, en vue de rétablir l’égalité du suffrage, instaurer une dose de proportionnelle dans le mode d’élection de l'Assemblée nationale, ainsi d’ailleurs que dans celui du Sénat.
Vos propos sur l’impossibilité d’inscrire le mode de scrutin dans la Constitution ne servent qu’à une chose, à cacher le fait que vous ne voulez surtout pas, en réalité, que l’on modifie dans un sens un peu plus démocratique les modes de scrutin des deux assemblées ; en effet, ils sont bien évidemment favorables à la majorité actuelle !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 44 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 104 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :
en fonction de leur population
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 14.
La question de l’élection des sénateurs et de la représentativité du Sénat a été traitée ici même, lors de la première lecture, avec une provocation et une condescendance qui m’ont un peu choquée.
Le président de la commission des lois, avouant lui-même avoir poussé le bouchon un peu trop loin, a consenti à revenir sur sa position.
Résultat : le statu quo ante.
Je le répète, le manque de volonté politique et le souci de préserver certains privilèges qui sont aux mains de la droite française depuis une cinquantaine d’années nous ont conduits à une situation devenue intolérable.
Le Sénat doit représenter la population de la manière la plus fidèle. Elle doit être non pas « la chambre des territoires pauvres en démographie », mais, au contraire, le reflet exact de cette démographie, dans un souci de justice électorale.
La question reste intacte : comment expliquer que 60 % des Français vivent dans des communes administrées par la gauche et que cela ne se reflète pas au niveau du Sénat ?
Nous nous serions contentés de la proposition initiale du projet de loi ; mais, depuis, le texte a fait du chemin et subi des coupes. Ces dernières ont complètement dénaturé l’idée de départ, qui, je le rappelle, était présente dans les préconisations du rapport Balladur.
L’amendement n° 14 a donc pour objet d’inscrire dans la Constitution que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction de leur population ».
Tant que le Sénat sera élu selon les mêmes règles, il demeurera un verrou dans l’adoption de toute grande réforme. Si vos intentions de révision étaient sincères, vous ne pourriez qu’accepter les amendements visant à modifier le mode d’élection des sénateurs, car ils vont dans le sens d’un déverrouillage de nos institutions.
Cet article 9 est important, car c’est de sa rédaction que dépend le positionnement du Sénat face à cette révision constitutionnelle.
En première lecture, la majorité sénatoriale a multiplié les gestes de mauvaise humeur à l’égard du Gouvernement en adoptant – on peut même dire en acceptant ! – quatre-vingt-dix amendements. Un point était déterminant : le mode de scrutin sénatorial.
Dans ce contexte, la décision prise par la majorité de la commission des lois d’accepter une adoption conforme du projet de loi constitutionnelle pourrait paraître surprenante si l’on ne connaissait pas l’objectif supérieur : conserver à droite le Sénat, écarter tout risque de basculement à gauche, même si des régions, des départements et nombre de communes sont majoritairement, voire très majoritairement, acquis à l’opposition.
Est-il acceptable qu’une chambre du Parlement disposant de pouvoirs étendus, quasiment égaux à ceux que détient la chambre élue au suffrage universel direct, et même complètement égaux en matière constitutionnelle ou organique, soit désignée par un collège de moins de 150 000 grands électeurs ?
La désignation de sénateurs à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin par respectivement dix et dix-neuf grands électeurs souligne de manière caricaturale ce scandale démocratique. Puisque tout se justifie au Sénat, vous avez été capables d’expliquer qu’un parlementaire pouvait être élu par dix ou dix-neuf grands électeurs !
Le Gouvernement, dans son projet initial, s’était déjà éloigné de la proposition du comité Balladur en inscrivant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population », et non plus « en fonction de la population ».
Cette première manœuvre de recul a abouti à la capitulation finale face à une majorité sénatoriale qui ne veut pas renoncer à son privilège exorbitant du droit commun démocratique.
Autrement dit, cet article 9 est la clé du succès ou de l’insuccès de la révision, ou tout du moins du vote conforme.
Cela doit être su, cela doit être dit : M. Sarkozy renforce les droits du Parlement en maintenant le Sénat dans un autre temps, seule chambre d’Europe à être élue par aussi peu de monde tout en disposant d’autant de pouvoirs.
Notre amendement est donc politiquement important. Son contenu ne fait que reprendre une proposition du comité Balladur : « [Le Sénat] assure la représentation des collectivités territoriales de la République en fonction de leur population. »
Le consensus fait des progrès dans cette assemblée : le groupe CRC, les Verts et le groupe socialiste arrivent à présenter un amendement identique !
M. Bernard Frimat. La majorité doit être relativement satisfaite, puisque j’ai cru comprendre que vous étiez à la recherche du consensus !
Rires et exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Cet après-midi, lors de la discussion générale, j’ai eu l’occasion de montrer que le Gouvernement avait reculé sur la question du mode d’élection du Sénat : une première fois par rapport à la proposition du comité Balladur, mais la formulation plus souple qu’il avait présentée – « en tenant compte de leur population » – était recevable ; une seconde fois pour se soumettre aux injonctions des sénateurs et de la majorité UMP du Sénat. Cela ne nous semble pas acceptable : la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui est ainsi implicitement constitutionnalisée, verrouille le collège électoral du Sénat.
J’ai bien entendu notre excellent collègue Michel Mercier nous annoncer le dépôt d’une future proposition de loi à l’automne.
Nous aurons l’occasion de vérifier si ce que déclarent les constitutionnalistes est vrai ou faux. En effet, Mme Levade – j’en prends à témoin M. Jean-René Lecerf – nous disait, en tant que membre du comité Balladur, combien il était nécessaire, à ses yeux, de faire sauter les verrous.
C’est pourtant précisément ce que vous vous refusez à faire. Mais on comprend pourquoi…
Ainsi, vous préservez les privilèges, vous maintenez les blocages, vous conservez vos pouvoirs en matière de révision : tout est bien !
Dormez braves gens, le Sénat veille sur vous ! Rien ne changera, tous les blocages et tous les verrous sont là ! Votez comme bon vous semble pour élire les collectivités locales. Peu importe, car, même si cela ne figure pas noir sur blanc dans la Constitution, le Sénat restera à droite !
Voilà qui nous semble suffisamment grave et caractérisé pour que nous demandions sur ces amendements identiques un vote par scrutin public. Chaque groupe pourra ainsi se déterminer en toute conscience, en toute sérénité et en toute clarté !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Nous avons déjà tant débattu de ces questions ! L’avis de la commission est naturellement défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 14, 44 et 104.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 139 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 105, présenté par M. Yung et Mme Cerisier-ben Guiga, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par une phrase rédigée :
Les députés représentant les Français établis hors de France sont élus au scrutin proportionnel de liste à un tour dans le cadre de deux circonscriptions comprenant le même nombre de sièges.
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement fait suite aux considérations que j’ai exposées tout à l’heure sur l’article. Il vise à préciser que l’élection des députés représentant les Français établis hors de France se ferait, d’une part, à la proportionnelle, et, d’autre part, selon un découpage en deux grandes circonscriptions.
Lors des différentes discussions que nous avons eues sur ce sujet, M. le secrétaire d’État nous a laissé entendre qu’il serait favorable au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, c’est-à-dire au scrutin qui prévaut en France métropolitaine.
Ce choix nous éloignerait, bien sûr, du scrutin à la proportionnelle, que nous appelons de nos vœux. Il y a pourtant là la possibilité de voir douze sièges pourvus à la proportionnelle. Certes, nous n’en sommes pas encore à 10 %, taux que j’ai entendu évoquer au cours des discussions, mais c’est un début ! Nous regrettons donc, bien sûr, que vous ne saisissiez pas cette occasion.
Par ailleurs, le scrutin uninominal à deux tours n’est pas applicable à l’étranger pour la raison qu’il est impossible, même sur un plan strictement matériel, de l’organiser dans beaucoup de pays. En effet, d’un dimanche au suivant, le délai est trop court, compte tenu du temps d’acheminement du matériel électoral par une poste qui fonctionne mal, sans compter tous les autres obstacles qui peuvent s’opposer au bon déroulement du scrutin.
Par conséquent, votre proposition de retenir ce système ne nous semble tout simplement pas raisonnable : cela ne fonctionnera pas. Vous avez donc sans doute un plan B en réserve, mais nous ne le connaissons pas.
Cet amendement est un texte d’appel en vue de lancer le débat sur la question, même si je connais d’avance l’argument que vous m’opposerez : vous allez en effet me répondre que les modes de scrutin et les techniques de découpage des circonscriptions ne relèvent pas de la Constitution. Ma collègue Mme Monique Cerisier-ben Guiga et moi-même avons tout de même souhaité engager le débat, espérant obtenir ainsi un éclaircissement sur le mode de scrutin, de la part de M. le secrétaire d’État.
M. Yung connaît la réponse, qu’il a d’ailleurs devancée : la détermination du mode de scrutin ne relève pas de la Constitution.
Par ailleurs, il s’agit ici du mode d’élection des députés. Nous ne nous en occupons pas, souhaitant que nos collègues de l’Assemblée nationale fassent de même à notre égard !
Sourires
Le principe de l’élection de députés représentant les Français établis hors de France a été posé. Le Président de la République en a exprimé le souhait, de même que les délégués à l’Assemblée des Français de l’étranger et les sénateurs représentant les Français établis hors de France, dont vous êtes, monsieur Yung. Il convient maintenant de laisser aux députés le soin de préciser les choses. Mais, en tout état de cause, ce n’est pas au stade de la révision constitutionnelle qu’il faut le faire. La commission émet donc un avis défavorable.
M. Yung a été beaucoup plus précis que moi dans sa présentation. Je n’ai jamais dit, pour ma part, que le mode de scrutin pour les députés des Français de l’étranger serait un scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
J’ai toujours indiqué qu’il s’agirait probablement du scrutin majoritaire, mais il convient naturellement de renvoyer cette question à une loi organique qui, pour le moment, n’est pas encore prête.
Nous allons étudier le sujet en fonction de ce qui se pratique sur le territoire métropolitain, d’abord pour le nombre précis de sièges à pourvoir – on a parlé de dix ou douze sièges, et cela devrait être de cet ordre-là – et ensuite pour le mode de scrutin que nous retiendrons.
Par conséquent, monsieur Yung, je ne peux guère aller plus loin aujourd’hui dans mes explications. Dès que j’en saurai plus, vous en serez informé.
Toutefois, sur l’amendement n° 105, le mode de scrutin ne relevant pas de la Constitution, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Non, je le retire, monsieur le président, même si je ne suis guère rassuré par les propos de M. le secrétaire d’État !
L'amendement n° 105 est retiré.
L'amendement n° 10, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mandat de membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat est incompatible avec l'exercice de tout mandat de maire dans une commune de plus de 20 000 habitants, de fonction de président de conseil général ou de conseil régional ainsi que de toute fonction exécutive locale. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature en ce qui concerne l'Assemblée nationale, et à compter du second renouvellement partiel suivant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° du de modernisation des institutions de la Ve République en ce qui concerne le Sénat. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement nous donne l’occasion de revenir sur la question du cumul des mandats, que nous persistons à considérer comme un grand mal français, nuisant gravement à la bonne marche de notre démocratie.
Je ne répéterai pas les arguments expliquant la nécessité de poser une règle stricte de limitation du cumul des mandats.
Certains parlementaires siégeant dans cet hémicycle sont titulaires de plusieurs mandats.
En limitant strictement le cumul des mandats, nous distinguerons nettement entre les fonctions exécutives locales et la fonction législative. Ce faisant, nous renforcerons les pouvoirs du Parlement, pour lequel le cumul constitue une gangrène ou un souffle au cœur qu’il faut soigner.
Cessons d’abord d’être hypocrites : si les parlementaires souhaitent continuer à cumuler les mandats, ils doivent exercer pleinement ces derniers, sans quoi, avec l’absentéisme que nous constatons tous, ils donneront à nos concitoyens l’impression qu’ils ne cumulent qu’une seule chose, les indemnités.
J’estime, pour ma part, que l’on ne peut être à la fois le maire d’une grande ville et un parlementaire impliqué, sauf à posséder des dons surnaturels !
Sourires
C’est la raison pour laquelle, puisque nous est donnée l’occasion de moderniser notre Constitution, il convient à mon avis de mettre fin au cumul des mandats, ou, au moins, de le limiter de façon que cessent les abus constatés aujourd’hui.
Nous pourrions, par exemple, limiter le cumul à un mandat national législatif et un seul mandat local non exécutif, ce qui serait déjà bien suffisant. Ce serait aussi une manière de démocratiser nos assemblées et de rendre à notre fonction de législateurs toute la dignité qu’elle mérite.
On rouvre très souvent le débat sur cette question, alors que des décisions, qui nous ont paru équilibrées, ont déjà été prises quant à la limitation du cumul des mandats et des fonctions.
Il n’y a pas lieu de revenir aujourd’hui sur ce débat ; la commission est défavorable à cet amendement.
Même avis défavorable : le débat sur le cumul a déjà eu lieu longuement !
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 46, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mode de scrutin proportionnel assure une juste représentation du peuple. »
La parole est à M. Robert Bret.
Avec cet amendement, nous voulons revenir sur la question essentielle des modes de scrutin.
J’insisterai une nouvelle fois sur l’un des éléments qui contribuent fortement au divorce entre, d’une part, les citoyens et, d’autre part, leurs institutions, leurs élus. Il y a, nous l’avons dit, une crise de la représentation politique. Nos concitoyens ne se sentent pas bien représentés, et pour cause : la moyenne d’âge est de soixante ans, la proportion de femmes de 18 %. Le taux d’ouvriers n’est que de 1 %, tandis que les professions libérales et les hauts fonctionnaires sont surreprésentés, et la diversité d’origine absente.
Accroître la participation des citoyens à l’exercice de leur souveraineté implique la démocratisation de leur représentation à tous les niveaux. Or, nous le savons tous, seule la proportionnelle permet d’assurer une juste représentation du corps électoral.
On nous objecte souvent l’impossibilité à gouverner qui en résulterait, ce qui revient à faire perdurer l’idée – irrecevable à nos yeux, car incompatible avec toute conception respectueuse de la souveraineté populaire – que le peuple serait incapable de faire des choix électoraux conformes à ses intérêts, autrement dit à l’intérêt général.
Sur ce point, le débat sur la révision constitutionnelle révèle, depuis le début, votre méfiance à l’égard du peuple. Ce que nous avons entendu à propos de l’article 3 bis est à cet égard emblématique.
Nous voyons bien aussi, pourtant, que la déformation systématique de la représentation populaire brouille le sens même de l’acte électoral en rompant le lien démocratique entre vote et représentation.
Et les crises antérieures ont été causées non par la proportionnelle, mais par l’inadéquation d’un système politique, les choix opérés par les élites contre la volonté du peuple et les promesses non tenues.
Selon le principe de souveraineté, seul le peuple est à même de dénouer une éventuelle crise politique. Toute tentation de contourner cette exigence, même au nom de l’efficacité, conduit à des dérives dangereuses.
Nous nous prononçons donc pour l’instauration adaptée à toutes les élections d’un mode de scrutin rigoureusement proportionnel assurant, par le biais de l’égalité des voix, l’égalité des citoyens.
Alliée à la parité, à la limitation du cumul et du renouvellement des mandats, à un véritable statut de l’élu, la proportionnelle permettrait enfin au Parlement d’être représentatif de la population.
Ce sont là autant de dispositions qui garantiraient qu’aucune fraction du peuple ne se sente mise à l’écart de la vie publique.
Si nous voulons véritablement faire entrer dans les faits l’article 3 de la Constitution, il est urgent d’effectuer des avancées dans ce sens.
Le projet de loi constitutionnelle dont nous débattons non seulement ne prend pas ce chemin, mais il accentue encore le bipartisme. Renvoyer une nouvelle fois à l’examen d’autres projets de loi l’étude des modes de scrutin n’a pas d’objet, monsieur le secrétaire d'État, alors que vous aviez envisagé d’inscrire dans la Constitution qu’une loi organique fixerait le nombre maximum de ministres, et que le projet de loi constitutionnelle mentionne le nombre de députés et de sénateurs qui ne peut être excédé.
Aussi, nous vous proposons d’adopter cet amendement, qui, vous l’aurez compris, n’est pas un amendement d’appel.
L'amendement n° 47, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les modes de scrutin pour l'élection du Parlement respectent la diversité politique de la Nation. Ils garantissent le pluralisme et l'équité de sa représentation parlementaire. »
La parole est à M. Robert Bret.
Il s’agit d’un amendement de repli.
À défaut de l’instauration d’une proportionnelle intégrale pour l’élection des membres du Parlement comme pour les autres échelons électifs, nous vous proposons d’inscrire dans la Constitution le principe de modes de scrutin respectant la diversité politique de la nation et garantissant le pluralisme et l’équité de sa représentation parlementaire.
Nos collègues du groupe de l’Union centriste-UDF devraient logiquement voter cet amendement, qui a été soutenu par le Nouveau Centre, à l’Assemblée nationale, jusqu’à la deuxième lecture, donc avec conviction, monsieur Mercier.
Le renforcement du rôle du Parlement, dont on nous affirme qu’il est l’un des objets principaux du projet de loi constitutionnelle, ne saurait en effet avoir lieu sans que la représentativité soit améliorée. Comme le soulignaient nos collègues députés du Nouveau Centre dans l’exposé des motifs de leur amendement, « la prise en compte de la diversité des opinions et des territoires au sein du Parlement de la République doit être élevée au rang de valeur constitutionnelle, afin de permettre au plus grand nombre de citoyens de se sentir représentés là où les décisions sont prises en leur nom ».
Mes chers collègues, nous partageons avec les membres du Nouveau Centre l’idée que l’introduction d’une part de proportionnelle à chaque échelon électif ne saurait être un obstacle pour constituer des majorités stables. En revanche, elle serait un moyen de permettre à toutes les opinions de s’exprimer au cours des débats parlementaires, même si c’est de façon bien insuffisante de notre point de vue ; mais elle constituerait quand même une avancée.
Ainsi que nous l’avons affirmé à plusieurs reprises, il est urgent de rechercher une meilleure représentation des citoyens pour commencer à combler, comme je l’ai rappelé voilà un instant, le fossé qui s’est creusé au fil des années entre ces derniers et les institutions, leurs élus, fossé qui a encore été mis en évidence par l’abstention massive lors des dernières élections municipales et cantonales.
S’agissant de l’amendement n° 46, nos collègues du groupe CRC, comme lors de la première lecture, montrent leur passion pour la proportionnelle ; mais ce sujet n’a pas sa place dans la Constitution.
Quant à l’amendement n° 47, une disposition similaire n’a pas été proposée en première lecture. Nos collègues du groupe CRC adoptent là une démarche un peu nouvelle en s’inspirant du Nouveau Centre, à l’Assemblée nationale. Monsieur Mercier, je vous rends attentif à cette évolution !
Monsieur Bret, vous savez naturellement que le Gouvernement n’est pas favorable à l’introduction de la proportionnelle à l’Assemblée nationale. Depuis 1958, le mode de scrutin n’a jamais été inscrit dans la Constitution. Par conséquent, pourquoi vouloir aujourd'hui y faire figurer la proportionnelle, qu’elle soit totale ou qu’elle porte, comme tout à l’heure, sur 10 % du nombre de députés ?
Quant à l’amendement n° 47, je reconnais l’esprit subtil des membres du groupe CRC, qui vont puiser aux meilleures sources de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
L'amendement n° 7, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 24 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Nul ne peut être élu plus de trois fois à un mandat parlementaire. Cette disposition est applicable aux parlementaires élus à compter de la quatorzième législature en ce qui concerne l'Assemblée nationale, et à compter du second renouvellement partiel suivant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° du de modernisation des institutions de la Vème République en ce qui concerne le Sénat. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Cet amendement vise à instaurer une limitation dans le temps du nombre de mandats parlementaires.
Nous sommes convaincus qu’il s’agit, avec la limitation du cumul de fonctions électives, de la manière la plus adéquate de permettre une meilleure représentation de la société dans nos institutions. En effet, le cumul des mandats dans le temps est aussi un frein au renouvellement parlementaire. Il suscite, comme le cumul dans l’espace, l’antiparlementarisme.
Mes chers collègues, l’accomplissement de trois mandats de sénateur représentent aujourd'hui dix-huit ans de présence sur ces travées. Ne croyez-vous pas que c’est suffisant et qu’il faut laisser la place à de plus jeunes ?
D’ailleurs, nos concitoyens pensent que le fait de « s’accrocher » au pouvoir et à son mandat n’est pas très sain. Ils considèrent parfois que, ce faisant, on « s’accroche » aussi à certains privilèges, ce qui discrédite la vie politique.
Il est temps de permettre un renouvellement du personnel politique, sinon, nos assemblées ne seront jamais réellement représentatives.
Mon vœu est donc simple : des assemblées rajeunies diversifiées, féminisées, à l’image de la société française.
Laissons un peu de liberté aux électeurs et aux candidats ! Limiter le nombre de mandats parlementaires à trois revient à imposer un certain nombre de choses aux électeurs.
Dans cet hémicycle comme dans celui de l’Assemblée nationale, nombre de parlementaires ayant effectué trois mandats n’ont pas démérité.
Je ne me sens pas particulièrement visé par cet amendement, bien que je siège sur ces travées « depuis très très longtemps », comme l’a fait remarquer Mme le garde des sceaux. En effet, l’amendement n° 7 est ainsi rédigé que la mesure ne s’appliquerait à mon cas personnel qu’à une date très éloignée. Par conséquent, je ne parle pas pour moi.
Je me rappelle que, en 1970, Alain Savary, premier secrétaire du Nouveau parti socialiste, avait interrogé les militants sur le programme dudit parti. La question avait été posée de savoir s’il fallait limiter dans le temps les mandats, quels qu’ils soient. La réponse, tout à fait libre, fut négative. Cette réponse me paraît s’imposer. En effet, en démocratie, c’est le suffrage universel qui compte, et il ne peut être réduit. C’est la qui a raison.
Par conséquent, les membres du groupe socialiste voteront contre cet amendement.
Même si ce sujet important ne relève pas de la Constitution, nous devrons y réfléchir tôt ou tard.
On ne veut pas toucher à la limite d’âge, car cela reviendrait à porter atteinte aux personnes âgées, en contradiction avec la Constitution.
Si l’on refuse d’intervenir en matière de cumul des mandats, un élu pourra exercer jusqu’à cinquante mandats si le peuple en décide ainsi ! Il faut donc faire attention, car il y a là un problème. Si le nombre de mandats du Président de la République est limité, pourquoi ne pas faire de même pour d’autres fonctions électives ? Il nous faudra donc continuer à réfléchir à ce sujet, car nos concitoyens trouvent que nous manquons parfois un peu de courage, ce qui est dommage.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, après les mots : « conditions d'éligibilité, », sont insérés les mots : « notamment la limite d'âge à partir de laquelle un parlementaire ne peut plus se présenter à une élection, ».
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
L’âge limite pour l’élection parlementaire est une question non pas de mérite, mais de nouvel élan démocratique.
J’avais déjà présenté en première lecture cet amendement, qui avait été qualifié par certains de nos collègues de « démagogique ». D’autres, en revanche, sont venus me dire discrètement, après la séance, que je n’avais pas tort, qu’il fallait y réfléchir, mais qu’un tabou était encore attaché à ce sujet.
Cet amendement a un objet très simple : couplé avec le non-cumul des mandats dans le temps, il aurait pour effet de donner plus de places aux jeunes dans les hémicycles de nos assemblées.
Dans la plupart des secteurs d’activité, un principe simple prévaut, celui de la mise à la retraite. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les parlementaires ?
Selon les statistiques, quatre-vingt-huit parlementaires sont aujourd’hui âgés de plus de soixante-dix ans et une vingtaine ont plus de quatre-vingts ans, voire plus de quatre-vingt-dix ans. Pour la plupart, ces parlementaires sont élus depuis plus de vingt, trente ou quarante ans. Certains sont même élus depuis près de cinquante ans ! Il en est d’ailleurs qui ont été élus toute leur vie durant !Ils n’ont donc jamais connu la vie professionnelle et ne savent pas ce que c’est que d’aller travailler. C’est une réalité !
La longévité politique, si elle a des vertus positives, ce dont je ne doute pas, n’en demeure pas moins un frein évident au renouvellement des assemblées et au rajeunissement de ces dernières.
Il n’est pas question ici de discriminer les personnes les plus âgées.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Il existe un âge minimum, fixé à trente ans, pour se présenter aux élections sénatoriales. Pourquoi ne pas fixer un âge maximum, un âge plafond ?
Sourires
Il s’agit simplement de poser le principe selon lequel, à partir d’un certain âge, qui pourrait être fixé par une loi organique, une personne ne peut pas se présenter ou se représenter à une élection nationale. Cela ne concerne pas, bien sûr, les élections locales !
Notre souhait est simplement de rajeunir, de féminiser et de métisser nos assemblées. Ce sont les trois maîtres mots de la modernisation de nos institutions.
Il est également défavorable.
Le sens de certains propos de Mme Boumediene-Thiery m’échappe. Elle préconise, en effet, l’instauration d’une limite d’âge pour les mandats nationaux de député ou de sénateur, mais pas pour les mandats locaux. Le maire d’une ville d’un million d’habitants pourrait donc exercer ses fonctions à n’importe quel âge, tandis qu’un député ne pourrait pas participer au travail législatif au-delà d’un certain âge !
Il fut un temps où tous les partis politiques, y compris le mien, avaient fixé des limites d’âge. Or ces mêmes partis ne les ont jamais respectées !
Je répondrai à Mme Boumediene-Thiery par ces vers de Corneille :
« Pensez-y, belle Marquise :
« Quoiqu’un grison fasse effroi,
« Il vaut bien qu’on le courtise,
« Quand il est fait comme moi. »
Sourires
L’amendement n’est pas adopté.
J’ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 464, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 465, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Bruno Retailleau une proposition de loi organique visant à faire évoluer les sanctions consécutives à une erreur matérielle dans la gestion des comptes de campagne lors des élections législatives.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 466, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. Bruno Retailleau une proposition de loi organique visant à permettre le retour à l’équilibre budgétaire.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 467, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprises de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs (refonte).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3904 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision du Conseil modifiant la décision 2000/265/CE du Conseil du 27 mars 2000 établissant un règlement financier régissant les aspects budgétaires de la gestion par le secrétaire général adjoint du Conseil des contrats conclus par celui-ci, en tant que représentant de certains États membres, concernant l’installation et le fonctionnement de l’infrastructure de communication pour l’environnement Schengen, dénommée « SISNET ».
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3905 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Livre vert : migration et mobilité : enjeux et opportunités pour les systèmes éducatifs européens.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3906 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3/2008 du Conseil relatif à des actions d’information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur et dans les pays tiers.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3907 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil instituant une action spécifique temporaire destinée à encourager la restructuration des flottes de pêche de l’Union européenne touchées par la crise économique.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3908 et distribué.
J’ai reçu de M. Alain Gournac un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (n° 448, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n°470 et distribué.
J’ai reçu de MM. Jean François-Poncet et Claude Belot un rapport d’information fait au nom de la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire sur le nouvel espace rural français.
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 468 et distribué.
J’ai reçu de M. Philippe Dallier un rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l’Établissement public d’aménagement de la défense (EPAD).
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 469 et distribué.
J’ai reçu de M. Alain Vasselle un rapport d’information fait au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales sur le système de santé aux Pays-Bas.
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 471 et distribué.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 16 juillet 2008 :
À dix heures :
1. Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat d’orientation budgétaire.
À quinze heures et le soir :
2. Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 459, 2007-2008), adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République.
Rapport (n° 463, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 16 juillet 2008, à une heure.