L’argent public est une denrée suffisamment rare et précieuse, comme l’a rappelé il y a un instant notre collègue Alain Lambert, pour que le Parlement - expression de la souveraineté populaire - en suive au plus près l'utilisation.
Quand il s'agit de se poser la question de l'efficacité des dépenses publiques, force est de constater que, pour l'heure, l'investigation n'est pas menée à son terme.
En ce qui concerne les crédits des missions et programmes budgétaires, il n’y a pas de problème. Nous avons tout le loisir, lors de la préparation des lois de finances, de procéder à la vérification de l'engagement des crédits publics, tout en devant constater, bien souvent - ce n'est pas pour nous surprendre, nous qui étions opposés à la LOLF -, que les indicateurs de performance choisis sont, sinon inadaptés, souvent très imparfaits.
Pour autant, la dépense publique recouvre aussi des champs peu explorés, et parmi eux, ceux de la dépense fiscale et de la dépense dédiée. Par exemple, alors que la mission « Travail et emploi » mobilise 13 milliards d'euros de crédits, plus de 30 milliards d’euros sont dépensés, dans une structure dédiée et moyennant affectation de recettes fiscales, pour alléger les cotisations sociales des entreprises.
Tandis que certains glosent sur les chômeurs qui profiteraient scandaleusement de leurs allocations, des milliards tombent chaque année dans les caisses des entreprises, pour un résultat somme toute improbable. Un simple fait pourrait motiver le Parlement à s'interroger là-dessus : on a fait des exonérations de cotisations sociales le véhicule de la politique d'aide aux entreprises face à la mondialisation de l’économie et à la concurrence déloyale des pays à bas coût de main-d'œuvre. Le résultat en est que ce sont les entreprises les moins exposées à la concurrence internationale - les géants de la distribution, par exemple - qui profitent le plus du dispositif d'allégement en vigueur, alors même qu’elles ne sont parfois pas les dernières à jouer de la mondialisation.
Ces entreprises creusent notre déficit extérieur, prennent leur part dans les suppressions d'emploi chez leurs fournisseurs et, par-dessus le marché, touchent le produit des exonérations de cotisations sociales !
Cet exemple - nous pourrions en trouver d'autres - montre nettement la nécessité de procéder à un contrôle parlementaire de l'utilisation de l'argent public. Ce qui est vrai pour les exonérations de cotisations sociales - rapprochez les 30 milliards d’euros en question du déficit budgétaire - l'est aussi pour les allégements de taxe professionnelle, ceux de l'impôt sur les sociétés, et j'en passe.
Un contrôle parlementaire effectif de l'utilisation des fonds publics par les entreprises se fonderait sur des principes simples. Combien cela coûte-t-il ? Combien d'emplois en échange de l'engagement des crédits publics ? Quel développement de l'activité ? En clair, le jeu en vaut-il la chandelle, ou faut-il procéder à une réaffectation de l'argent public, si tant est qu'il soit gaspillé ?
C'est sur le fondement de ces principes que nous vous demandons d'adopter cet amendement n°42.