Intervention de Dominique de Villepin

Réunion du 7 juillet 2005 à 9h30
Mesures d'urgence pour l'emploi — Discussion d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

Dominique de Villepin, Premier ministre :

Votre dévouement, votre compétence et votre sens de l'intérêt général sont des atouts précieux pour notre démocratie.

Hier, nous avons connu une grande déception avec l'échec de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2012. Plus que jamais, notre pays doit se rassembler et faire vivre l'esprit de solidarité et de dépassement qui se trouvait au coeur de notre candidature.

Je suis venu vous demander votre soutien dans la bataille pour l'emploi, qui est la priorité absolue de mon gouvernement. Je suis venu vous demander d'examiner en conscience un projet de loi qui, j'en suis convaincu, nous permettra de marquer des points contre le chômage et de retrouver le chemin de la confiance.

Vous êtes mieux placés que quiconque pour le savoir : dans toutes les régions de France, dans toutes les villes et dans tous les quartiers, l'emploi est aujourd'hui une préoccupation majeure de nos concitoyens. Il y a urgence à réagir avec force, avec pragmatisme, avec la volonté de toujours faire mieux et davantage.

C'est pour cette raison qu'en accord avec le Président de la République j'ai fait le choix des ordonnances.

Nous ne pouvons plus accepter que, depuis plus de vingt ans, le chômage reste à un taux aussi élevé dans notre pays. Nous ne pouvons plus accepter qu'un jeune sur cinq ne trouve pas d'emploi. Nous ne pouvons plus accepter que des hommes et des femmes compétents et expérimentés soient exclus du marché du travail simplement parce qu'ils ont plus de cinquante ans. C'est une injustice qui fragilise notre pacte social. C'est un mal qui mine la confiance de nos concitoyens dans l'action politique.

Contre le chômage, nous n'avons pas tout essayé. Notre pays a tous les atouts pour retrouver une croissance dynamique. Nous avons les infrastructures, les compétences, les talents. Pourquoi n'aurions-nous pas les emplois ? Nous devons faire preuve d'audace en nous inspirant des solutions mises en oeuvre avec succès dans d'autres pays, mais aussi en inventant des réponses nouvelles. Le temps n'est plus à l'immobilisme. Aujourd'hui, chacun doit prendre ses responsabilités.

Les solutions que je vous propose sont des solutions équilibrées, qui prennent en compte l'intérêt de tous : entreprises, demandeurs d'emploi et salariés. Je suis profondément attaché à la voie française, qui allie dynamisme économique et solidarité. Mais, aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins. Si nous voulons sauver notre modèle social, nous devons l'adapter.

Cette action, je veux la mener dans un esprit de dialogue et de concertation.

Concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux que j'ai reçus pour écouter leurs propositions. Le ministre de l'emploi et le ministre délégué au travail sont en contact permanent avec eux.

Dialogue avec le Parlement, comme en témoigne notre débat d'aujourd'hui. Mais le dialogue n'a de sens que s'il est constructif et s'il permet de répondre mieux encore aux attentes des Français. C'est pourquoi j'en appelle à l'esprit de responsabilité de chacun, pour que ce débat soit entièrement guidé par l'intérêt général.

Dans la bataille pour l'emploi, j'ai besoin de votre soutien. Le projet de loi que je soumets aujourd'hui à votre examen vise à habiliter mon gouvernement à prendre six ordonnances.

Elles auront pour objet de mettre en oeuvre des mesures pragmatiques, efficaces et concrètes, qui permettront de débloquer des emplois là où c'est possible : dans les secteurs en pénurie de main-d'oeuvre et dans les très petites entreprises qui aujourd'hui hésitent à embaucher.

Sur les 2, 5 millions d'entreprises recensées en France, on compte 2, 3 millions de très petites entreprises. Pour ces dernières, recruter, c'est s'engager dans des procédures administratives complexes et coûteuses. C'est aussi prendre une décision lourde de conséquences en dépit de la faible visibilité qui est la leur. C'est, enfin, risquer de ne pouvoir revenir en arrière en cas de difficultés imprévues. Nous devons les aider à surmonter ces obstacles.

Ces mesures proposent des solutions à ceux qui sont le plus souvent touchés par le chômage et par la précarité : les jeunes d'abord, en particulier les moins qualifiés, qui ont aujourd'hui le choix entre le chômage ou les emplois précaires ; les seniors, trop souvent écartés du marché du travail en dépit de leur expérience et de leur efficacité.

La première ordonnance met en place le contrat « nouvelles embauches ». Il s'agit d'un vrai contrat, avec une vraie rémunération, de vraies perspectives et de vraies garanties. C'est un contrat à durée indéterminée, qui ouvre au salarié un accès durable à l'entreprise et à l'ensemble des droits individuels et collectifs.

Ce contrat offre plus de souplesse à l'employeur, grâce à une période initiale de deux ans destinée à consolider l'emploi : au cours de cette période, les procédures de rupture seront simplifiées. En contrepartie, le salarié bénéficiera de plusieurs garanties.

Il aura droit à un préavis dès le deuxième mois de travail. Ce préavis sera de deux semaines au cours des six premiers mois, et augmentera ensuite en fonction de l'ancienneté.

L'indemnité de rupture sera également calculée en fonction de l'ancienneté. A cette indemnité pourra s'ajouter une contribution de reclassement. Par ailleurs, les salariés qui n'auraient pas cotisé suffisamment longtemps pour bénéficier d'une couverture chômage auront droit à une allocation forfaitaire financée par l'Etat.

Enfin, le salarié bénéficiera d'un accompagnement renforcé, pris en charge par le service public de l'emploi. Si les partenaires sociaux le souhaitent, ils pourront bénéficier de la convention de reclassement personnalisé. En attendant, le Gouvernement se dotera de moyens pour leur permettre de retrouver plus facilement un emploi.

Le contrat « nouvelles embauches » fera l'objet d'une évaluation conduite en liaison avec les partenaires sociaux. Mais, afin de débloquer dès maintenant le plus d'emplois possibles, le contrat « nouvelles embauches » sera disponible à la rentrée dans toutes les entreprises jusqu'à vingt salariés.

La deuxième ordonnance crée le chèque emploi pour les entreprises les plus petites. Tout à la fois déclaration unique d'embauche, contrat de travail, déclaration de données sociales et fiche de paie, il permettra de simplifier les formalités administratives pour les employeurs qui pourront ainsi se consacrer pleinement au développement de leur entreprise.

A travers la troisième ordonnance, l'Etat pourra prendre à sa charge les surcoûts financiers liés au franchissement du seuil de dix salariés, et ce pour les dix salariés suivants.

Cette ordonnance prévoit également un crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes de moins de vingt-six ans qui choisissent de reprendre un emploi dans l'un des secteurs en pénurie de main-d'oeuvre. Cette prime leur sera versée après six mois de travail. Afin que cette mesure soit pleinement efficace, j'ai souhaité qu'elle puisse s'appliquer à tous les jeunes qui ont commencé leur activité dès aujourd'hui.

Une prime sera également versée aux chômeurs de longue durée bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi stable.

La quatrième ordonnance vise à faciliter l'accès à l'emploi des plus jeunes, en permettant aux employeurs de ne plus inclure les jeunes de moins de vingt-six ans dans le décompte des seuils de dix et de cinquante salariés pour les obligations sociales et financières des entreprises.

La cinquième ordonnance créera en métropole un dispositif d'insertion sur le modèle du service militaire adapté. Mis en place par le ministère de la défense dans les départements d'outre-mer, ce dispositif a fait la preuve de son succès. II offrira une formation aux jeunes sans diplôme ni qualification. Un premier centre sera ouvert dès le mois de septembre.

La sixième ordonnance concerne les règles de recrutement dans l'ensemble de la fonction publique. En supprimant le principe de la limite d'âge, l'Etat donnera l'exemple dans la lutte contre le chômage des seniors.

Cette ordonnance prévoit également une formation en alternance rémunérée, qui permettra à des jeunes d'intégrer la fonction publique après un examen professionnel en tant que fonctionnaires titulaires. Ce nouveau mode de recrutement s'adressera aux jeunes de seize à vingt-cinq ans sortis du système éducatif sans diplôme ou qui rencontrent des difficultés d'insertion professionnelle.

Vous le voyez, ces mesures s'efforcent de répondre de manière concrète et efficace aux obstacles que rencontrent les employeurs mais aussi les demandeurs d'emploi.

Afin de marquer l'engagement du Gouvernement, j'ai décidé de mettre à disposition des jeunes 100 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi, en particulier dans le secteur de l'éducation, dans les maisons de retraite et dans les hôpitaux. Je compte aussi sur la mobilisation des contrats d'avenir, pour lesquels vous venez d'adopter des mesures de simplification indispensables.

Mon plan pour l'emploi s'appuie sur une mobilisation sans précédent de l'Agence nationale pour l'emploi.

L'ANPE a déjà reçu 4 000 des 57 000 jeunes qui sont au chômage depuis plus d'un an, pour leur proposer un emploi, une formation ou un contrat aidé.

Elle renforcera ses liens avec l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l'UNEDIC, afin de parvenir à un meilleur accompagnement des demandeurs d'emploi.

Je lui demanderai tout à l'heure, à l'occasion d'une rencontre avec ses cadres, de mettre sur pied dans les meilleurs délais une équipe nationale chargée de répondre aux difficultés de recrutement auxquelles il n'est pas possible d'apporter de solution dans chacune des agences locales, et qui viendra les appuyer. II faut faire en sorte qu'un grand groupe national qui cherche à recruter plusieurs centaines d'employés dans toute la France puisse avoir un interlocuteur capable de répondre rapidement à ses besoins.

Ce plan pour l'emploi est la première étape pour retrouver le chemin d'une croissance dynamique et retisser le fil de la confiance avec les Français.

Nous avons des atouts remarquables : la position géographique de notre pays, la qualité de notre main-d'oeuvre, notre réseau d'infrastructures, notre tradition industrielle. Mais, au-delà de la baisse du dollar et de la hausse du pétrole, notre économie a aussi des faiblesses à surmonter. Notre industrie reste trop concentrée sur des secteurs traditionnels ; nos entreprises n'ont pas su tirer suffisamment parti de l'émergence de nouvelles zones de forte croissance économique.

Pour faire face à ce défi, nous devons renforcer notre maîtrise de l'innovation et entrer de plain-pied dans l'économie de la connaissance. Qu'il s'agisse des nanotechnologies, des biotechnologies ou des sciences de l'information, nous devons nous donner les moyens d'être à la pointe des secteurs stratégiques de demain. Tous les acteurs de la recherche, qu'elle soit publique ou privée, doivent unir leurs efforts. L'Etat donne l'exemple à travers le doublement de la dotation de l'Agence pour l'innovation industrielle et la création de l'Agence nationale pour la recherche.

Relever ce défi économique suppose aussi de parvenir à une meilleure mise en réseau de tous les acteurs de l'innovation.

Les pôles de compétitivité décidés la semaine prochaine permettront aux laboratoires, aux universités, aux petites et moyennes entreprises, de mieux travailler ensemble. Cette nouvelle organisation devra s'appuyer sur les collectivités locales afin d'apporter leur dynamique aux bassins d'emplois et aux régions.

Je veux également lancer de grands projets d'infrastructure afin d'améliorer l'attractivité de notre territoire et la compétitivité de notre outil industriel.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez devant vous un gouvernement de service public qui, depuis plus d'un mois, est à l'écoute des Français, un gouvernement qui est au travail pour répondre à leurs attentes, un gouvernement qui cherche des solutions concrètes et pragmatiques pour améliorer leur vie quotidienne.

Comme d'autres en Europe, notre pays traverse une période difficile. Je suis convaincu qu'il a tous les atouts pour en sortir rapidement et pour renouer avec l'emploi et la croissance.

Mais, pour rétablir la confiance dans notre pays, nous devons nous rassembler autour d'objectifs simples : le service des Français et la défense de l'intérêt général. C'est pourquoi je suis venu vous demander aujourd'hui, en conscience, votre soutien.

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