La disposition principale de votre projet, monsieur le Premier ministre, le contrat « nouvelles embauches », ne respecte pas ces équilibres. Il faut rendre plus de liberté à l'entreprise dans la gestion de ses effectifs de salariés, notamment pour les plus petites qui hésitent toujours à embaucher lorsqu'elles ont du travail parce que leurs perspectives sont plutôt à court ou à moyen terme et que la réglementation trop complexe du droit du travail conduit souvent et à refuser d'embaucher et à refuser le travail. Il faut donc fluidifier le marché du travail, mais pas au prix d'une précarisation généralisée des salariés.
Nous devons mener une réforme équilibrée : à l'entreprise, plus de liberté et plus de souplesse dans la gestion de ses effectifs ; à la nation le soin de renforcer à due concurrence la solidarité collective.
Pour cela, tout assouplissement du code du travail en matière de licenciement doit s'accompagner de garanties très sérieuses en matière de revenu de remplacement, d'aide au reclassement, de formation professionnelle et de suivi personnalisé du salarié licencié.
L'accompagnement des chômeurs doit être drastiquement renforcé et adapté à chaque bassin d'emploi.
C'est dans ce sens que nous vous suggérons de travailler en adoptant l'un de nos amendements que nous considérons comme essentiel.
Il faut rendre plus efficaces les services de l'emploi et les restructurer autour de rapprochements coordonnés par les bassins d'emploi de l'ASSEDIC et de l'ANPE. Il faut globaliser les moyens pour répondre aux besoins locaux ; c'est ce que tend à proposer notre second amendement.
Le deuxième axe qui nous semble prioritaire est celui qui consiste à inciter les chômeurs et les bénéficiaires de minima sociaux à se réinsérer sur le marché du travail. Voilà pourquoi, lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, j'avais souhaité que l'on puisse réduire la durée d'ancienneté dans un minima social pour avoir droit à un contrat d'avenir, notamment ; il faut simplifier beaucoup pour que les contrats de ce type puissent remplir tout leur rôle.
Dans le même esprit, nous vous présenterons un amendement visant à combattre les trappes à pauvreté et à inactivité. Aujourd'hui, pour un allocataire du RMI, l'incitation à reprendre un emploi est faible, surtout si l'on prend en compte les droits connexes attachés aux minima sociaux. C'est ce qu'a très bien démontré Valérie Létard dans le rapport qu'elle a rendu public le 18 mai dernier.
Notre amendement proposera donc de lisser le passage d'une situation d'assistanat à une situation de réinsertion dans l'emploi en permettant un double cumul : cumul d'abord entre revenus de l'emploi et droits connexes aux minima sociaux ; cumul ensuite entre revenus de l'emploi et revenus de remplacement.
J'en viens ensuite au troisième axe de nos propositions : je crois que nous ne ferons pas l'économie d'une refonte du mode de financement de la protection sociale. Nous en avons déjà parlé dans cet hémicycle, et nous souhaitons pouvoir en parler de nouveau à l'occasion de l'examen de ce projet de loi d'habilitation.
Le système de cotisations sociales date d'un temps où la France connaissait le plein emploi et où la sécurité sociale ne couvrait pas toute la population. Aujourd'hui, tout est inversé : la sécurité sociale est universelle, mais le travail ne l'est plus. En matière de droits, nous sommes passés en cinquante ans d'une logique assurancielle à une logique de solidarité nationale. Nous devons en tirer les conséquences en matière de financement de ces droits. Les cotisations sociales pèsent sur l'emploi. Elles accroissent le coût du travail. Aussi proposons-nous la création d'une TVA sociale et l'élargissement de la contribution sociale généralisée, la CSG.
En marge de ces trois axes prioritaires, ce projet de loi nous semble perfectible sur plusieurs points.
Premièrement, vous exonérez de versement transport les entreprises franchissant le seuil de dix salariés. C'est une bonne intention, mais l'exonération du versement transport coûtera environ 500 millions d'euros soit aux collectivités organisatrices de transports en commun, soit à l'Etat. Cela ne va pas sans poser certains problèmes à la fois financiers et techniques, d'autant que l'Etat s'est déjà engagé à verser 500 millions d'euros aux collectivités locales pour la décentralisation du RMI. Cette mesure est d'autant moins justifiée que les petites entreprises, les petits commerces par exemple, profitent pleinement des transports en commun. Je défendrai donc un amendement visant à exclure de l'exonération le versement transport.
Deuxièmement, ce projet de loi ouvre à juste titre la fonction publique aux jeunes. Je proposerai, par un amendement, de le faire aussi à l'égard des bénéficiaires du RMI âgés de plus de cinquante-quatre ans, afin qu'ils puissent trouver dans les collectivités locales un emploi pour terminer leur carrière active.
Troisièmement, la mise en place du contrat « nouvelles embauches » est l'occasion d'aborder la question de l'emploi du temps des salariés à temps partiel. Il ne faut pas que le temps partiel soit l'occasion d'imposer aux salariés des horaires attentatoires au droit à la vie privée et familiale qui les obligeraient à engager des dépenses de garde supérieures à leurs revenus. Nous défendrons aussi un amendement en ce sens.
Telles sont, monsieur le Premier ministre, nos propositions concrètes. Nous ne sommes pas des spectateurs qui vous regarderaient agir. Si vous le souhaitez, nous entendons être des acteurs avec le Gouvernement.
Vous l'aurez compris, nous désapprouvons le recours aux ordonnances. Nous regrettons de ne pas vous avoir convaincu de renoncer à cette procédure, alors que nous sommes prêts à examiner les projets de loi que le Gouvernement pourrait nous présenter. Nous sommes suffisamment nombreux pour le faire.