Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 7 juillet 2005 à 9h30
Mesures d'urgence pour l'emploi — Discussion d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Vous nous demandez aujourd'hui de nous dessaisir de nos droits.

De plus, vous présentez ces mesures d'urgence pour l'emploi à la veille des vacances d'été afin d'éviter la contestation et la mobilisation dans la rue. Vous aviez déjà utilisé cette technique à l'occasion de la réforme des retraites et de celle de la sécurité sociale. Mais, depuis le 29 mai, j'ai encore plus confiance en la capacité de réaction et de résistance du peuple, quelle que soit la période de l'année !

N'aurions-nous pas pu siéger quelques jours de plus ? Le Gouvernement est-il si pressé de nous voir partir en vacances ? Un sujet aussi important que l'emploi, qui constitue un enjeu national, ne justifie-t-il pas que nous sacrifiions nos vacances, alors que la plupart de nos concitoyens n'ont parfois, et même souvent, pas les moyens de partir en vacances ? Sans doute vouliez-vous vous épargnez la longue et pénible procédure que constitue le passage devant le Parlement ? Ecarter tout débat est tellement plus simple !

Quant aux partenaires sociaux, leur avis n'est plus qu'un gadget, puisque les textes des ordonnances sont déjà prêts dans les tiroirs des ministères. Or presque tous les partenaires sociaux sont opposés au démantèlement du droit du travail que vous préparez. Il ne s'agit donc que d'une consultation de façade, pour ne pas dire d'une mascarade !

Bref, le recours aux ordonnances, au prétexte de lutter pour l'emploi, n'est absolument pas justifié. C'est un véritable hold-up démocratique. On ne peut, sur un tel sujet, faire l'économie d'un grand débat parlementaire !

Examinons de plus près ces mesures pour l'emploi. Le nouveau contrat que vous proposez ne vise, en fait, qu'à accroître la flexibilité du travail, et donc la précarité.

Le chômage serait en partie dû, selon vous, à la rigidité du code du travail. Dans le même temps, vous affirmez qu'il serait difficile de licencier. Quel paradoxe !

Permettez-moi de vous rappeler que, sur cent chômeurs, vingt-cinq le sont devenus à la suite d'un licenciement. Vous prétendez que le code du travail pénaliserait les petites entreprises. Or, vous savez bien que ce sont justement elles qui licencient le plus facilement, car leurs contraintes sont moindres. De plus, elles comptent peu de syndicats et de délégués du personnel susceptibles de défendre les droits de leurs salariés.

Le contrat « nouvelles embauches » vise, selon vous, à « surmonter la grande crainte - qu'elle soit ou non justifiée - de beaucoup de petits entrepreneurs d'avoir le cas échéant à gérer un licenciement et en particulier à le justifier devant un juge ».

Mais avions-nous réellement besoin d'un contrat précaire supplémentaire ? Est-il besoin de rappeler que, aujourd'hui, plus de deux millions de Français sont sans emploi et vivent une situation dramatique ?

Notre société a tendance à gérer l'exclusion au lieu de travailler sans relâche à l'éradiquer et à la prévenir. D'ailleurs, « on ne croit plus au vivre ensemble », nous disent les sociologues. Mais comment pourrait-il en être autrement quand 3, 5 millions de nos concitoyens, c'est-à-dire 6 % de la population, survivent au dessous du seuil de pauvreté, quand 4, 7 millions d'entre eux dépendent de la couverture maladie universelle, quand un million de personnes, au moins, perçoivent le revenu minimum d'insertion, quand un chômeur sur deux n'est pas indemnisé, quand un million de Français sont dans l'attente d'un logement social et que trois millions d'entre eux sont mal logés ?

Face à une telle situation, l'Etat devrait commencer par montrer l'exemple en relançant l'emploi dans sa propre maison. Or les mesures que vous proposez s'agissant de la fonction publique sont issues de la proposition de loi du mois de juin dernier que, déjà à l'époque, l'ensemble des syndicats avaient refusée.

Ces propositions de réformes, pourtant tant attendues par la fonction publique, ne sont-elles pas plus de la poudre aux yeux qu'autre chose ? En effet, vous nous proposez de faire disparaître la limite d'âge pour l'accès aux concours de la fonction publique. Or, celle-ci est déjà supprimée dans plusieurs cas et de nombreuses dérogations permettent de la contourner quand elle existe encore ! Reconnaissez donc que cette mesure est plus symbolique que réellement novatrice !

Pour couronner le tout, au moment où vous proposez des mesures visant à relancer l'emploi, vous annoncez la suppression de plus de 5 000 postes dans la fonction publique en 2006, après celle de 7 000 postes en 2005. Ainsi, le Gouvernement ne fait rien pour lutter contre la précarité dans sa propre maison. Bien au contraire, il continue de diminuer les effectifs dans la fonction publique §...

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